« Je le trouve, je le perds. « Et je le cherche toujours.
(Chanson française du XVème siècle)
CHAPITRE PREMIER
Sophie Berlet n’arrivait pas à se décider. Elle en avait follement envie, de ce manteau qu’elle venait d’essayer ; un joli manteau de printemps, bleu marine, classique et simple, en fin lainage... Mais il coûtait cher, trop cher pour une modeste dactylo qui gagnait tout juste le salaire minimum.
- Je vais en parler à mes parents, dit-elle à la vendeuse. Pouvez-vous me le réserver pendant deux ou trois jours ?
- Oui, bien volontiers, mais si vous n’êtes pas venue d’ici samedi prochain, je serai obligée de le remettre en vente. Remarquez, je ne crois pas que vous trouverez un vêtement qui vous aille mieux que ce manteau..
- Oui, je le sais. En fait, c’est une question de prix.
- On en a toujours pour son argent.
- Je reviendrai.
La jeune fille sortit de la boutique, se mit à marcher le long du boulevard de Grenelle, pensive, soucieuse.
Elle se trouvait à une trentaine de mètres de la rue Frémicourt quand elle s’arrêta net, écarquilla les yeux. Un motard en blouson de cuir noir, coiffé d’un énorme casque noir qui lui cachait toute la tête, venait de stopper le long du trottoir, tendait le bras droit à l’horizontale et tirait un coup de feu. Une scène comme on en voit presque tous les jours à la télévision ! Il y eut une deuxième détonation, puis une troisième. Les gens qui arpentaient le boulevard poussèrent des cris, se sauvèrent, épouvantés.
Sans réfléchir, Sophie continua à marcher. Le motard démarra sèchement et fila en direction du boulevard Garibaldi. Un homme gisait au sol, immobile, perdant son sang en abondance. Sophie eut l’impression qu’elle allait vomir. Un gardien de la paix s’amena au pas de course. Il demanda à Sophie :
- Vous étiez avec lui ?
- Moi ? Mais non. Je sors de chez Modechic.
- Entrez dans ce restaurant, là, demandez qu’on appelle le SAMU.
Sophie obtempéra. Le gardien de la paix se pencha sur l’homme qui venait d’être agressé. Il n’était pas mort mais il s’en fallait de peu. Il avait la poitrine trouée, la bouche déformée par un rictus de souffrance, les yeux fermés. Il haleta péniblement :
- La... la fille... Mor... Morentini...
Le gardien de la paix se pencha davantage et mit son oreille à quelques centimètres de la bouche du blessé. Celui-ci, dans un ultime effort, articula d’une voix qui n’était pour ainsi dire plus audible :
- Mor... Mor... Morentini...
Il se tut et sa tête retomba sur son épaule.
L’ambulance du SAMU, sirène hurlante, slalomait déjà entre les voitures. Quand elle s’arrêta, deux infirmiers jaillirent du véhicule, foncèrent vers le blessé. Véloces, précis, les ambulanciers placèrent le blessé sur une civière.
Le gardien de la paix demanda au conducteur de l’ambulance :
- Où le conduisez-vous ?
- A Boucicaut. On vous attend là-bas. Au service de réanimation.
- Bon, j’arrive.
Mais avant de quitter les lieux, le gardien de la paix s’approcha de Sophie qui assistait à la scène d’un air abasourdi.
- Venez avec moi. J’ai besoin de vous pour mon rapport.
Sans même attendre la réponse de la jeune fille, le policier la poussa vers un taxi qui venait de ralentir.
- Hôpital Boucicaut ! jeta le flic au chauffeur.
Ce n’est qu’en entrant à l’hôpital en compagnie du gardien de la paix que Sophie se demanda ce qu’elle faisait là. Elle avait la sensation qu’elle était le jouet des événements et que ceux-ci l’entraînaient, à son corps défendant, dans une histoire qui ne la concernait pas. Devinant ses pensées, le policier grommela sur un ton paternel et rassurant :
- Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas bien long. Je n’ai que vous comme témoin, vous comprenez...
Dans le couloir qui conduisait au service de réanimation, ils croisèrent les deux ambulanciers du SAMU.
- Ne vous fatiguez pas, ricana l’un des deux hommes en blouse blanche. Il est mort. Il a pris les trois balles dans le cœur. Le toubib vous attend.
Allongé sur une table d’opération, recouvert d’un drap blanc qui ne laissait voir que sa face, le défunt arborait à présent une expression moins torturée, presque paisible. Il paraissait âgé d’une trentaine d’années, cheveux bruns, des traits réguliers. Un beau type, sans aucun doute. Le teint bronzé, pas encore rendu livide par l’arrêt de la vie.
Le jeune médecin questionna le gardien de la paix tout en le poussant hors de la salle ainsi que Sophie :
- Qui est-ce ?
- C’est la question que j’allais vous poser, dit le flic.
- Vous ne lui avez pas pris ses papiers ?
- Non, naturellement. Je n’ai touché à rien.
- Pas la moindre pièce d’identité, révéla le docteur. De l’argent et un automatique, absolument rien d’autre. Avez-vous vu l’assassin ?
- Non, fit le policier, bourru. Je suis arrivé après le coup.
Il se tourna vers Sophie.
- Et vous ?
- Oui, je l’ai vu de loin. Et de dos. C’était un homme en moto, avec un énorme casque noir.
- Jeune, vieux ?
- Je n’en sais rien, je n’ai pas pu me rendre compte. D’après sa silhouette, je croirais plutôt que c’était un jeune. Une espèce de loubard de banlieue, avec un blouson de cuir noir.
Le médecin intervint pour interroger Sophie :
- La victime est votre ami ?
- Pas du tout ! Je n’ai jamais vu cet homme ! protesta la jeune fille. C’est l’agent qui m’a embarquée dans ce taxi.
Le gardien de la paix confirma :
- C’est mon témoin. Elle a assisté à la scène.
- Je vois, opina le docteur. Qu’est-ce qu’on fait de votre client ? Il ne peut pas rester dans cette salle.
- Il faut que j’aille dare-dare au commissariat. La brigade criminelle va sûrement prendre l’affaire en main. En attendant, mettez le corps au frigo.
Effectivement, la brigade criminelle prit l’affaire en main. Le mort fut transféré à l’Institut Médico-légal où le médecin légiste pratiqua l’autopsie. Ensuite, l’identité judiciaire procéda aux opérations habituelles : photographies, examen des vêtements, etc. La Justice mit en route ses rouages compliqués, une énorme machine aussi lente que lourde.
Un jeune juge d’instruction - un Breton qui venait d’être nommé à Paris - fut chargé du dossier. Ce magistrat, Job Ledurec, âgé de trente ans, était un grand type maigre et sec, impassible, doté d’un sens de l’humour très inattendu.
- Ce n’est pas banal, constata-t-il, flegmatique. Si je veux retrouver l’assassin, il faudra d’abord que je sache qui est la victime. Pas le moindre indice pour identifier ce cadavre.
- Nous avons en tout cas une piste, fit remarquer l’inspecteur de la brigade criminelle. Avant de mourir, la victime a formulé un nom, celui de la fille Morentini. Le gardien de la paix est formel sur ce point. L’ennui, c’est que Morentini a trois filles.
Le juge prononça sur un ton tranquille :
- Je vous demande pardon, inspecteur, mais je débarque de ma province : qui est-ce, Morentini ?
- Un diplomate. Il a représenté la France en Afrique et en Amérique latine. Actuellement, il siège à l’UNESCO.
- Vous disiez tout à l’heure que l’inconnu qui a été tué au boulevard de Grenelle était peut-être un terroriste ? Je ne vois pas le rapport avec la fille d’un diplomate français.
- Moi non plus, avoua l’inspecteur, mais l’expérience démontre qu’un individu qui se promène sans la moindre pièce d’identité, avec un automatique chargé et un joli paquet de billets de banque, est neuf fois sur dix un terroriste sur le sentier de la guerre.
- Elle n’est pas banale non plus, votre hypothèse, observa le juge. Le terroriste est un homme qui tue, non ? Dans le cas présent, c’est lui qui s’est fait tuer. Ce n’est pas normal.
- En effet, admit le policier. Il s’agit peut-être d’une bavure. J’espère que les enquêtes nous permettront de tirer cette histoire au clair.
- Cette drôle d’histoire, précisa le juge. Pour mon premier dossier parisien, je ne suis pas gâté. J’aurais préféré un bon crime pur et simple.
- Nous nous verrons lundi matin, n’est-ce pas ? La réunion aura lieu à la D.S.T. A onze heures.
C’est le commissaire principal Tourain qui présida la réunion. Robuste, affichant une expression assez sévère, Tourain était un flic de la vieille école mais un flic d’élite. Il avait rassemblé dans une des salles du second étage une demi-douzaine de fonctionnaires de police, tous spécialisés. Le juge Ledurec était là aussi, bien entendu. Tourain fit des présentations à la fois brèves et abruptes.
- Le capitaine Dounaud, de la nouvelle brigade anti-terroriste ; l’inspecteur Sirdan, de la P.J. ; l’inspecteur Gisson, des Renseignements Généraux ; l’agent Pierre Daron, gardien de la paix dans le 15e arrondissement ; Francis Coplan, de la D.G.S.E. J’espère que chacun de vous a pris connaissance de la note qui accompagnait la convocation. Pour entamer notre conférence, et respecter l’ordre chronologique de l’affaire, je commencerai par poser deux questions à notre collègue Daron.
Il s’adressa au gardien de la paix.
- Quand vous avez recueilli l’ultime confidence du moribond, vous n’avez eu aucun doute ? Vous êtes sûr que le moribond a bien prononcé le nom de Morentini ?
- C’est une certitude. Je vous signale en passant que ce nom m’est familier. Il y a trois ans, j’ai assumé la fonction de gardien de sécurité au domicile de Morentini. A cette époque-là, le diplomate habitait au 150 bis du boulevard de Grenelle, au troisième étage, et comme il avait reçu plusieurs lettres de menace, il bénéficiait de la protection de la police. Il a changé de domicile voici environ dix-huit mois et j’ignore s’il reçoit encore des lettres de menace.
- Pourquoi ces menaces ?
- Morentini a publié dans les journaux une série d’articles où il dénonçait les manœuvres de certains pays qui ont réussi à faire de l’UNESCO un instrument politique destiné à détruire les positions de l’Occident.
- Ceci confirmerait d’une manière indirecte la présence d’un terroriste au boulevard de Grenelle, mais le fait que Morentini est allé habiter à Puteaux démolit notre hypothèse.
- Oui et non, dit Daron. Morentini a conservé son appartement du boulevard de Grenelle et il l’a mis à la disposition de sa jeune maîtresse. On peut donc imaginer que le terroriste était au courant de la chose, si vous voyez ce que je veux dire ?
- Tout cela sera évidemment examiné en détail, promit Tourain. J’en viens à ma deuxième question : elle concerne votre témoin, votre unique témoin, la demoiselle Sophie Berlet.
CHAPITRE II
Tourain jeta un bref coup d’œil sur la note de travail qu’il avait préparée, lut :
- Sophie Berlet, 21 ans, domiciliée rue Rouelle, dans le 15ème, dactylo chez Barbelot, entrepreneur.
Levant les yeux, il regarda le gardien de la paix et lui dit :
- Selon votre rapport, vous semblez avoir la conviction que cette fille est sincère et qu’elle se trouvait là vraiment par hasard. Sur quoi fondez-vous cette conviction ? C’est un point très important pour la suite des opérations, j’espère que vous vous en rendez compte ? Si cette fille vous a menti, si elle connaissait la victime, si elle a sciemment donné un faux témoignage, nous allons partir sur une fausse piste et nos enquêtes ne nous conduiront nulle part.
- Non, cette fille est une brave gosse et je suis convaincu qu’elle a dit la vérité. Comme elle habite dans le quartier, je l’ai ramenée chez elle pour rassurer ses parents. Le père est ouvrier à l’artillerie navale, un honnête homme. Remarquez, j’ai quand même vérifié les déclarations de la gosse ; je suis allé voir la patronne de cette boutique Modechic ; une des deux vendeuses m’a confirmé, d’après ma description de Sophie Berlet, que cette dernière n’avait pas inventé cette histoire de manteau et elle m’a même montré le vêtement mis en réserve.
- Bon, acquiesça Tourain, nous pouvons donc prendre ce témoignage comme une base de départ valable ?
- J’en suis persuadé, opina l’agent de police.
Tourain se tourna alors vers Gisson, l’inspecteur des Renseignements Généraux, un costaud du genre placide.
- Parlez-nous de Morentini, Gisson. J’ai parcouru le papier que vous m’avez fait parvenir et j’ai l’impression que vous avez pas mal de choses à nous raconter.
- En effet, dit l’inspecteur. J’ai fait extraire le dossier Morentini des archives et je vous garantis que ce dossier n’est pas mince. Morentini n’est pas un diplomate de tout repos ! Il a commencé à faire parler de lui alors qu’il était encore étudiant. A cette époque-là, il militait pour la gauche. Au moment de la guerre d’Algérie, il a viré de bord et j’ai bien l’impression qu’il se situe actuellement à droite. Le combat qu’il mène depuis dix ans contre les idées communistes lui procure des haines et des attaques qui empêcheraient un homme normal de dormir, mais ce n’est pas le cas. Morentini est un battant, un bagarreur. Quand on lit ses écrits, on se demande s’il ne se prend pas pour un Croisé des temps modernes ! L’Occident, les valeurs de la civilisation blanche, vous voyez le genre. Mais sa famille n’est pas moins agitée que lui. Ses trois filles, sa femme, sa maîtresse, toutes ont le même esprit combatif, la même passion pour les idées, le même goût pour la lutte. J’ajoute que ces gens sont très riches : l’arrière-grand-père de Morentini, un ancien gouverneur d’une province italienne, était propriétaire d’une douzaine de bourgades des environs de Florence. Lucien Morentini, l’homme qui nous intéresse, a hérité de la presque totalité des biens de son arrière-grand-père. C’est vous dire s’il est à l’abri du besoin !
- Nous n’allons pas éplucher la vie de Morentini pour le moment, coupa Tourain. Si monsieur le juge Ledurec le désire, il recevra des photocopies de l’essentiel du dossier Morentini. Ce qui doit être décidé ici, ce matin, c’est un accord sur la marche à suivre en ce qui concerne les enquêtes sur le terrain. J’ai convoqué notre collègue Francis Coplan pour une double raison ; premièrement, parce que son expérience nous sera précieuse ; il a traité, au cours de ces dernières années, de nombreuses affaires de terrorisme qu’il a menées à bien. Sa notoriété, en la matière, est bien connue de vous tous. Deuxièmement, parce qu’il appartient à la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, ce qui nous épargnera la délivrance de commissions rogatoires et nous fera gagner du temps. Car je vous signale en passant que les enquêtes dépasseront forcément le cadre de l’hexagone. L’aînée des filles Morentini, Sylvie, habite à Bruxelles ; elle a épousé un diplomate belge, le comte Bauwens. La plus jeune des filles, célibataire, passe six mois de l’année en Italie. C’est un peu la fofolle de la famille, elle se prénomme Catherine. De plus, la femme de Morentini, depuis qu’elle vit séparée de son mari, s’est installée à Genève. Comme vous le constatez, les investigations constituent une tâche complexe. J’ajouterai, pour votre gouverne, que je me suis permis de consulter, avant notre réunion, vos hiérarchies respectives. Elles sont d’accord sur la décision que chacun de vous estimera devoir prendre. En conclusion, je vous suggère de confier la direction générale des enquêtes à Francis Coplan. A vous de jouer maintenant.
Tout le monde se tourna vers le juge Ledurec qui détenait, selon la loi, la priorité. Ledurec n’hésita pas une seconde.
- Je me rallie à votre décision, monsieur le commissaire-principal. Je suis un débutant, vous le savez. j’aurai donc besoin de votre aide à tous. Je ne demanderai qu’une chose : que l’on me tienne au courant
Le capitaine Dounaud prononça en souriant :
- Je serai très fier de travailler sous la direction de mon ami Coplan. C’est mon modèle, non seulement sur le plan professionnel mais aussi sur le plan humain. Je n’ai rien à ajouter à cela.
Le représentant de la P.J. et celui des R.G. donnèrent également leur accord. Ils connaissaient Coplan de longue date et ils lui faisaient confiance.
Tourain, visiblement satisfait, déclara en s’adressant à Coplan :
- Eh bien, voilà, vous faites l’unanimité, ce qui n’est pas fréquent dans la police, soit dit en passant.
Coplan eut un léger sourire et répondit :
- Je remercie le juge Ledurec et mes camarades. Je suis touché de votre confiance à tous et je vous promets de faire de mon mieux. Si j’étais modeste, je dirais que je suis flatté de jouer le rôle de chef de file dans cette affaire ; mais je ne suis pas modeste, tout le monde le sait. Entre nous, la mission que vous me confiez me plaît : rechercher un tueur et rechercher sa victime, c’est une entreprise passionnante. Je voudrais vous poser une question, commissaire. Nous sommes lundi et l’agression de cet inconnu s’est produite samedi dernier, ce qui fait presque deux jours. La presse a-t-elle parlé de l’affaire ?
- Non, dit Tourain. En accord avec le capitaine Dounaud et M. le juge Ledurec, nous avons ordonné le black-out total au sujet de ce meurtre. Les médias n’ont pas été informés.
- Excellente initiative, commenta Coplan.
Le gardien de la paix, Pierre Daron, signala :
- Un journaliste qui faisait la tournée des chiens écrasés est passé au commissariat, mais mon patron l’a prié de ne pas mentionner ce fait divers sous le prétexte qu’il s’agissait d’une histoire de mari trompé, qu’il n’y avait qu’un blessé léger, que personne n’avait déposé plainte.
- Bien joué, murmura Coplan. Je vous demande un délai de deux ou trois jours avant de me mettre en campagne. Je vais me plonger dans le dossier de la famille Morentini, étudier le rapport du médecin légiste, attendre la réponse de nos collègues étrangers qui vont être consultés. Chacun de vous sera tenu au courant de mon activité par le truchement du commissaire Tourain.
Quand la réunion se termina, le juge Ledurec prit Coplan à part et lui proposa d’aller boire un verre dans un bistrot du voisinage. Coplan accepta l’invitation.
- Comme vous le savez sans doute, commença Ledurec lorsqu’ils furent attablés devant un Martini, je suis doublement un bleu, non seulement sur le plan professionnel mais aussi sur le plan parisien. Je suis breton et mes parents ne sont pas très modernes ; étant fils unique, j’ai vécu en couveuse. Bref, je ne connais pas grand-chose de la vie. En outre, je suis célibataire. Je ne comprends toujours pas pour quel motif on m’a confié ce dossier. Je suppose qu’il s’agit d’un test et que mon patron me jugera sur la façon dont je me débrouillerai. En un mot, je compte sur vous pour m’aider, me conseiller. J’aimerais bien ne pas être ridicule.
Ledurec parlait posément, calmement, et Coplan se sentit d’emblée en sympathie avec ce garçon.
- Vous pouvez compter sur moi, monsieur le juge.
- Merci. J’espère que notre collaboration sera fructueuse et que je pourrai me compter parmi vos amis quand cette affaire sera terminée. Je ne suis ni très bavard ni très expansif, je le déplore parfois, mais je suis loyal.
- Je souhaite que vous le restiez le plus longtemps possible, mais je vous conseille de vous tenir sur vos gardes ; les avocats sont des gens retors. S’ils devinent vos faiblesses, ils les exploiteront. C’est leur métier, bien sûr. En revanche, essayez de ne pas avoir trop vite la grosse tête. Les pouvoirs dont vous disposez sont exorbitants, ne tombez pas dans le piège des abus.
- Nous pourrions peut-être dîner ensemble, un de ces prochains soirs ? J’en serais heureux, et honoré.