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No Éditions Gérard de Villiers, 2012
978-2-360-53283-4
CHAPITRE PREMIER
Zenad Henniye avait arrêté sa Hyundai blanche juste après la sortie de Maaraboun, petit village situé entre la frontière syrienne et Baalbeck, et s’était garé sur un bas-côté caillouteux. Elle regarda sa montre Gucci : quatre heures et demie. Son amant était en retard.
Ce qui, ici, ne voulait pas dire grand-chose. Hussein Al Fahrahidi arrivait de Damas et il pouvait avoir été retardé pour des tas de raisons.
D’abord, parce qu’il s’agissait d’un voyage clandestin, ce qui expliquait qu’il n’entre pas au Liban par la route principale Damas-Beyrouth, mais par cette petite route beaucoup plus au nord de la plaine de la Bekaa, coupée par un poste frontière peu utilisé. Certes, Hussein appartenait au Moukhabarat Al Ascariya(1) syrien, ce qui lui donnait pas mal de liberté, mais, en Syrie, en ce moment, tout le monde était très nerveux.
Damas était devenue une ville morte, déserte dès la nuit tombée, et à la sécurité entamée. Des bandes d’hommes cagoulés volaient les voitures ou attaquaient les gens, sans qu’on sache s’il s’agissait de moukhabarats(2) ou de simples voyous.
Une guerre civile sournoise secouait la Syrie. Menée par des opposants au clan El Assad, les Alaouites qui gouvernaient la Syrie depuis quarante ans, appuyée par les Frères Musulmans syriens et des éléments d’Al Qaida, armés et financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite.
Évidemment, les membres du clan El Assad guettaient les traîtres potentiels, prêts à frapper impitoyablement.
Zenad Henniyé savait que son amant de cœur, Hussein Al Fahrahidi, faisait partie des gens assez puissants pour aider un coup d’État qui se débarrasserait de Bachar El Assad pour mettre à sa place un leader moins voyant, choisi dans le sérail, afin de conserver le pouvoir aux Alaouites et à leurs alliés, Chrétiens, Kurdes, Druzes et même Sunnites.
La Libanaise coupa le moteur de la Hyundai et alluma une cigarette, guettant la route déserte.
Il y avait très peu de circulation sur cette route de montagne, à part les frontaliers. En effet, cet itinéraire représentait un énorme détour par rapport à la route normale, car il fallait remonter au nord jusqu’à Baalbeck, et ensuite redescendre vers le sud, en direction de Zahlé, pour retrouver la route de Beyrouth.
Le paysage était grandiose : des montagnes pelées aux sommets enneigés, sans la moindre vie, sauf quelques arbustes, pas de villages… À pied, on pouvait facilement passer en Syrie en escaladant la montagne dominant la Bekaa.
Le pouls de Zenad Henniyé accéléra : un véhicule arrivait en face. Hélas, ce n’était qu’une vieille Golf en plaques libanaises conduite par un barbu enturbanné.
Pour tuer le temps, la jeune femme appela sa meilleure copine, Farah Nassar, une bijoutière à qui elle racontait tout de sa vie intime.
Répondeur.
La jeune femme inclina alors le rétroviseur et se regarda dedans, avant de redessiner soigneusement sa bouche. Elle avait souligné de noir ses sourcils, entouré ses yeux de bleu et maintenant donnait une touche finale à sa bouche pulpeuse.
Avec ses seins magnifiques et non refaits – une exception au Liban – c’est ce que préférait son amant. Dès qu’il venait la voir à Beyrouth, en temps normal, c’était chargé à mort de Viagra. Ce qui lui permettait de rendre un hommage immédiat et parfois brutal à Zenad.
Rien ne plaisait plus à la jeune femme que de le découvrir excité comme un verrat, prêt à la transpercer.
Elle n’en revenait pas de sa chance. De très petite taille, les hommes ne se retournaient pas sur son passage. Pourtant, elle répondait exactement aux canons de beauté d’Hussein Al Fahrahidi : potelée, avec des fesses cambrées et fermes et surtout cette poitrine qu’il pouvait maltraiter sans risquer de l’abîmer.
Pour leurs retrouvailles, Zenad Henniyé avait mis une robe en soie boutonnée devant, qui la moulait parfaitement et des bas accrochés par un porte-jarretelles noir. Un must pour l’officier syrien. C’est lui qui avait initié la jeune femme à cet accessoire ; il regardait beaucoup de films X où toutes les participantes portaient cet attirail. Comme elle ne le voyait pas tous les jours, cela ne la gênait pas de se déguiser pour lui.
Et même, ça l’excitait…
Cinq heures.
Bientôt, la nuit commencerait à tomber.
Zenad se demanda si Hussein Al Fahrahidi n’avait pas eu un contretemps. Bien entendu, ils ne pouvaient pas se téléphoner. Tout le monde écoutait tout le monde et son amant avait un poste officiel.
La jeune femme se donna encore une demi-heure, avant de reprendre la route de Beyrouth, mit la radio et ferma les yeux, rêvant à leur future soirée. Elle n’ignorait pas que Hussein Al Fahrahidi ne venait pas à Beyrouth que pour ses charmes, mais que ses obligations le faisaient multiplier ses voyages dans la capitale libanaise. Ce dont elle profitait. Ce jour-là, un « ami » avait rendez-vous chez elle avec le Syrien. Une discussion à laquelle elle ne prendrait sûrement pas part.
L’homme qui avait annoncé sa venue n’avait donné au téléphone qu’un prénom, John, qui était sûrement un pseudo. Il parlait bien l’arabe avec un léger accent étranger. Peut-être américain. Durant son court séjour Hussein Al Fahrahidi ne sortirait pas de chez elle.
Personne ne devait savoir qu’il se trouvait à Beyrouth. Heureusement, Zenad Henniyé habitait dans le quartier de Raouché, un immeuble moderne avec un parking souterrain, ce qui lui permettait de gagner son appartement sans rencontrer personne.
De nouveau, elle se raidit : une voiture arrivait de la frontière syrienne.
Un véhicule sombre allant doucement.
Il ralentit encore et Zenad aperçut la plaque syrienne. Cette fois, son pouls s’envola.
La voiture sombre ralentit encore et s’arrêta sur le bas-côté de la route, face à la sienne.
Zenad Henniyé ouvrit sa portière et descendit. Une brise fraîche rabattit aussitôt la soie de sa robe sur ses jambes, faisant ressortir les serpents du porte-jarretelles.
La portière droite de l’autre véhicule s’ouvrit et il en jaillit un homme de haute taille, corpulent, le visage barré d’une grosse moustache noire.
Il avait un sac de cuir à la main et s’avança rapidement vers la Hyundai de Zenad Henniyé.
À peine avait-il parcouru trois mètres que la voiture qui l’avait amené fit demi-tour, repartant vers la Syrie.
Le nouveau venu étreignit longuement la jeune femme, ravie de retrouver son impressionnante masse musculeuse.
— Habibi(3) ! roucoula-t-elle, j’ai cru que tu ne viendrais pas…
— Ça a été difficile, avoua le Syrien, j’ai failli ne pas venir. Tout va bien, on ne t’a pas suivie ?
Elle ne s’était pas posé la question.
— Non, je ne crois pas, dit-elle. Pourquoi ?
— Pour rien.
Soudain, il posa son sac et la prit dans ses bras. Parcourant son corps de ses grandes mains. L’une d’elles s’arrêta sur la cuisse dodue de la jeune femme, sentant le serpent de la jarretelle sous ses doigts.
Il s’enflamma instantanément, collant Zenad à lui.
Celle-ci ne mit pas longtemps à comprendre qu’il était aussi « chargé » que les autres fois. Quelque chose de dur s’épanouissait au bas de son ventre, à la vitesse d’une explosion nucléaire. Ils titubaient sur le bas de la route, balayés par le vent. D’un geste vif, le Syrien attrapa la robe de soie imprimée, et la remonta sur les cuisses de Zenad, découvrant les bas et le porte-jarretelles.
Il poussa aussitôt un grognement excité et empoigna le sexe de la jeune femme à travers la culotte noire.
— Attends, habibi, gémit Zenad, tout le monde peut nous voir. Viens dans la voiture !
Elle aimait bien le faire jouir dans sa bouche, au fond d’une voiture. C’est comme ça qu’ils s’étaient connus.
Au lieu de lui obéir, Hussein Al Fahrahidi la poussa contre le capot de la Hyundai. Coincée contre la carrosserie, Zenad sentit ses grandes mains s’emparer de ses seins et la renverser en arrière, le dos sur la tôle encore tiède du capot.
— Tu es fou ! protesta-t-elle. On est au bord de la route.
— Il n’y a personne et le poste frontière ferme à cinq heures, répliqua le Syrien.
Donc, personne ne viendrait…
En plus, la nuit tombait…
Zenad Henniyé entendit le crissement léger d’un zip et se dit que son amant allait la violer. Elle glissa une main entre leurs deux corps et tomba sur un sexe dur comme du béton, chaud-bouillant. Instantanément, son ventre fut inondé.
Aussi, elle ne protesta pas quand les doigts de son amant écartèrent l’élastique de sa culotte. Pourtant, un reste de pudeur l’empêchait de se livrer ainsi à lui, en plein air.
— Attends, proposa-t-elle, je vais te sucer ! On baisera à Beyrouth.
— On va baiser ici, et maintenant ! gronda le Syrien. J’ai toujours rêvé de le faire sur un capot de voiture.
Depuis son arrivée, aucun véhicule n’était passé sur la route. Zenad Henniyé se sentit faiblir. Ce gros membre brûlant qu’elle tenait à pleine main, lui faisait perdre la tête. Elle essaya pourtant une dernière tentative.
— Viens à l’intérieur de la voiture ! supplia-t-elle, je me mettrai sur toi.
Elle adorait s’installer à califourchon sur ses cuisses musclées et s’empaler jusqu’au fond de son ventre.
Hussein Al Fahrahidi ne répondit même pas. Il était en train de tirer sur la culotte pour la faire descendre sur ses cuisses.
Soudain, il poussa un grognement furieux.
— Idiote ! Tu t’es encore trompée !
Zenad Henniyé avait mis sa culotte sous son porte-jarretelles, ce qui interdisait de l’enlever, sauf à se débarrasser des bas, ce dont le Syrien ne voulait à aucun prix.
— Excuse-moi, gémit Zenad. Viens dans la voiture.
Hussein Al Fahrahidi comprit qu’il ne lui restait qu’une solution. Il attrapa de nouveau l’élastique de la culotte et l’écarta. Puis, de la main gauche, il colla son sexe à celui de Zenad. Celle-ci eut un rire nerveux.
— Arrête, tu ne vas pas y arriver !
Au même moment, elle sentit ses muqueuses s’écarter sous la poussée de la tige de chair roide et brûlante qui s’enfonça d’un coup dans son ventre. Ce qui la fit fondre d’un coup. Ses bras se refermèrent autour du cou de taureau de son amant et elle replia les jambes pour s’ouvrir encore plus.
Centimètre par centimètre, le gros membre d’Hussein forçait son sexe étroit.
Zenad gémit de plaisir.
C’était encore meilleur que d’habitude ! Elle imaginait dans sa tête ce gros mandrin se frayant un chemin en elle et cela l’excitait encore plus.
Elle ne pensait plus aux voitures qui pouvaient passer. D’ailleurs, il n’y en avait plus.
Hussein Al Fahrahidi cessa de bouger, abuté tout au fond, couché sur sa maîtresse.
Ensuite, il se remit à bouger et Zenad sentit ses muqueuses s’assouplir jusqu’à ce qu’il coulisse en elle sans effort avec des grognements de plaisir.
Au fond, elle se dit qu’il avait eu une très bonne idée ! Ce n’était pas dans une rue de Beyrouth qu’ils auraient pu faire ça.
Soudain, Hussein donna un coup de reins si violent que la tête de Zenad heurta le pare-brise. Elle sentit un liquide chaud l’inonder et poussa un cri de souris, gémissant :
— Ya, habibi ! Ya, habibi !
Sa jouissance s’était déclenchée spontanément, la laissant molle comme une poupée.
Avec une lenteur exaspérante, le Syrien retira son membre toujours raidi et Zenad eut l’impression qu’il mesurait des kilomètres…
Il s’écarta un peu et Zenad se redressa au moment où Hussein rentrait son sexe dans son pantalon, toujours aussi flamboyant.
— Yallah(4) ! lança-t-il. On en a pour trois heures ! Tu sais que j’ai rendez-vous.
Il ouvrit la portière de la Hyundai et se laissa tomber à l’intérieur.
Zenad Henniyé se sentait toute chose ; cela lui faisait une drôle d’impression de ne pas avoir à remettre sa culotte après avoir fait l’amour. Son ventre était encore brûlant.
Elle rabattit sa robe et se glissa au volant.
Mécaniquement, elle mit en route, effectua un demi-tour et prit la route de Baalbeck. Même après Maaraaboun, il n’y avait pratiquement pas de circulation.
Hussein Al Fahrahidi ouvrit son sac et en sortit un court pistolet-mitrailleur Scorpio, y fixa un chargeur et le posa sur le plancher.
— Tu as peur de quelqu’un ? demanda Zenad, intriguée.
— Non, fit le Syrien, je suis prudent.
La route s’allongeait, rectiligne. En contrebas, on apercevait les lumières de Baalbeck.
Bientôt, commenceraient les lacets descendant jusqu’au gros bourg de la vallée de la Bekaa. Ils couperaient à gauche avant d’y arriver.
Des phares apparurent derrière eux. Une voiture venant probablement de Maaraboun. Elle allait plus vite qu’eux et les rattrapa facilement, donnant un coup de phares pour annoncer qu’elle allait doubler. Hussein Al Fahrahidi se retourna et sursauta.
— Ne les laisse pas passer ! lança-t-il.
C’était trop tard, Zenad s’était déjà rangée sur la droite, sans méfiance.
Elle tourna légèrement la tête lorsque l’autre véhicule arriva à sa hauteur. Son cœur cessa de battre. La glace avant de l’autre voiture était baissée pour laisser passer le canon d’une Kalachnikov.
Les deux voitures roulaient à la même hauteur. Hussein Al Fahrahidi poussa une exclamation et se pencha pour ramasser son Scorpio.
Déjà, les détonations claquaient. Une longue rafale qui balaya les deux sièges avant. Zenad vit les éclairs blancs des coups de feu, ressentit un violent choc à la tête et perdit connaissance. Son amant, lui, avait déjà reçu plusieurs projectiles, dont un qui lui avait traversé le cou et un autre en pleine tête.
L’autre voiture accéléra tandis que la Hyundai de Zenad Henniyé zigzaguait sur la route avant de verser dans le bas-côté et de se renverser.
Deux hommes sortirent en courant de la vieille Peugeot qui venait de stopper et coururent vers la Hyundai renversée dans le fossé.
Le véhicule n’avait pas pris feu mais aucun des deux passagers ne donnait signe de vie.
Par acquit de conscience, un des deux hommes braqua sa Kalach sur les corps inertes et lâcha une longue rafale, avant de s’éloigner vers la Peugeot.
La voiture s’engagea presque aussitôt dans les lacets menant à Baalbeck. La nuit était complètement tombée et on distinguait à peine la voiture sur le bas-côté.
CHAPITRE II
Une brusque rafale de vent fit trembler le Blackhawk dont les roues effleuraient déjà le tarmac de l’aéroport de Limassol. Du coup, l’hélico se laissa tomber avec une certaine brutalité et Malko rebondit sur son siège de toile. La traversée depuis Beyrouth avait duré à peine vingt minutes et le temps était aussi mauvais qu’au Liban. Un mécanicien fit glisser une des portes latérales de l’hélico, disposant une courte passerelle pour que les deux passagers du vol puissent mettre pied à terre. Mitt Rawley, le chef de Station de la CIA à Beyrouth, sauta lourdement à terre. Avec ses cheveux blancs rejetés en arrière, sa haute silhouette empâtée et ses bajoues, il ressemblait à un patricien égaré dans un monde qui n’était pas le sien. C’était pourtant un remarquable spécialiste du Liban qu’il connaissait comme sa poche. Arabisant et amateur de femmes, il avait eu de nombreuses liaisons dans le pays, ce qu’il appelait ses « capteurs ».
Jadis, il avait été très bel homme et il en restait quelque chose.
En trois pas, il se fut engouffré dans la Chevrolet noire qui attendait à côté du Blackhawk.