Соколов Владимир Дмитриевич -- составитель : другие произведения.

Монтескьё. "Персидские письма"

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Краткая коллекция текстов на французском языке

Ch. Montesquieu/Ш. Монтескье

Lettres persanes/Персидские письма

Rien n'a plu davantage, dans les Lettres persanes, que d'y trouver, sans y penser, une espèce de roman. On en voit le commencement, le progrès, la fin: les divers personnages sont placés dans une chaîne qui les lie. A mesure qu'ils font un plus long séjour en Europe, les moeurs de cette partie du monde prennent dans leur tête un air moins merveilleux et moins bizarre, et ils sont plus ou moins frappés de ce bizarre et de ce merveilleux, suivant la différence de leurs caractères. D'un autre côté, le désordre croît dans le sérail d'Asie à proportion de la longueur de l'absence d'Usbek, c'est-à-dire à mesure que la fureur augmente, et que l'amour diminue.

D'ailleurs, ces sortes de romans réussissent ordinairement, parce que l'on rend compte soi-même de sa situation actuelle; ce qui fait plus sentir les passions que tous les récits qu'on en pourrait faire. Et c'est une des causes du succès de quelques ouvrages charmants qui ont paru depuis les Lettres persanes .

Enfin, dans les romans ordinaires, les digressions ne peuvent être permises que lorsqu'elles forment elles-mêmes un nouveau roman. On n'y saurait mêler de raisonnements, parce qu'aucuns des personnages n'y ayant été assemblés pour raisonner, cela choquerait le dessein et la nature de l'ouvrage. Mais dans la forme de lettres, où les acteurs ne sont pas choisis, et où les sujets qu'on traite ne sont dépendants d'aucun dessein ou d'aucun plan déjà formé, l'auteur s'est donné l'avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique et de la morale à un roman, et de lier le tout par une chaîne secrète et, en quelque façon, inconnue.

Les Lettres persanes eurent d'abord un débit si prodigieux que les libraires mirent tout en usage pour en avoir des suites. Ils allaient tirer par la manche tous ceux qu'ils rencontraient: "Monsieur, disaient-ils, je vous prie, faites-moi des Lettres persanes ."

Mais ce que je viens de dire suffit pour faire voir qu'elles ne sont susceptibles d'aucune suite, encore moins d'aucun mélange avec des lettres écrites d'une autre main, quelque ingénieuses qu'elles puissent être.

Il y a quelques traits que bien des gens ont trouvés trop hardis; mais ils sont priés de faire attention à la nature de cet ouvrage. Les Persans qui devaient y jouer un si grand rôle se trouvaient tout à coup transplantés en Europe, c'est-à-dire dans un autre univers. Il y avait un temps où il fallait nécessairement les représenter pleins d'ignorance et de préjugés: on n'était attentif qu'à faire voir la génération et le progrès de leurs idées. Leurs premières pensées devaient être singulières: il semblait qu'on n'avait rien à faire qu'à leur donner l'espèce de singularité qui peut compatir avec de l'esprit; on n'avait à peindre que le sentiment qu'ils avaient eu à chaque chose qui leur avait paru extraordinaire. Bien loin qu'on pensât à intéresser quelque principe de notre religion, on ne se soupçonnait pas même d'imprudence. Ces traits se trouvent toujours liés avec le sentiment de surprise et d'étonnement, et point avec l'idée d'examen, et encore moins avec celle de critique. En parlant de notre religion, ces Persans ne devaient pas paraître plus instruits que lorsqu'ils parlaient de nos coutumes et de nos usages; et, s'ils trouvent quelquefois nos dogmes singuliers, cette singularité est toujours marquée au coin de la parfaite ignorance des liaisons qu'il y a entre ces dogmes et nos autres vérités.

On fait cette justification par amour pour ces grandes vérités, indépendamment du respect pour le genre humain, que l'on n'a certainement pas voulu frapper par l'endroit le plus tendre. On prie donc le lecteur de ne pas cesser un moment de regarder les traits dont je parle comme des effets de la surprise de gens qui devaient en avoir, ou comme des paradoxes faits par des hommes qui n'étaient pas même en état d'en faire. Il est prié de faire attention que tout l'agrément consistait dans le contraste éternel entre les choses réelles et la manière singulière, naive ou bizarre, dont elles étaient aperçues. Certainement la nature et le dessein des Lettres persanes sont si à découvert quelles ne tromperont jamais que ceux qui voudront se tromper eux-mêmes.

Introduction/ПРЕДИСЛОВИЕ

France Русский
Je ne fais point ici d'épître dédicatoire, et je ne demande point de protection pour ce livre: on le lira, s'il est bon; et, s'il est mauvais, je ne me soucie pas qu'on le lise. Я не предпосылаю этой книге посвящения и не прошу для нее покровительства: если она хороша, ее будут читать, а если плоха, то мне мало дела до того, что у нее не найдется читателей.
J'ai détaché ces premières lettres pour essayer le goût du public; j'en ai un grand nombre d'autres dans mon portefeuille, que je pourrai lui donner dans la suite. Я отобрал эти письма, чтобы испытать вкус публики: у меня в портфеле есть много и других, которые я мог бы предложить ей впоследствии.
Mais c'est à condition que je ne serai pas connu car si l'on vient à savoir mon nom, dès ce moment je me tais. Je connais une femme qui marche assez bien, mais qui boite dès qu'on la regarde. C'est assez des défauts de l'ouvrage sans que je présente encore à la critique ceux de ma personne. Si l'on savait qui je suis, on dirait: "Son livre jure avec son caractère; il devrait employer son temps à quelque chose de mieux; cela n'est pas digne d'un homme grave." Les critiques ne manquent jamais ces sortes de réflexions, parce qu'on les peut faire sans essayer beaucoup son esprit. Однако я это сделаю только при условии, что останусь неизвестным, а с той минуты, как мое имя откроется, я умолкну. Мне знакома одна женщина, которая отличается довольно твердой походкой, но хромает, как только на нее посмотрят. У самого произведения достаточно изъянов; зачем же предоставлять критике еще и недостатки собственной моей особы? Если узнают, кто я, станут говорить: "Книга не соответствует его характеру; ему следовало бы употреблять время на что-нибудь лучшее; это недостойно серьезного человека". Критики никогда не упускают случая высказать подобные соображения, потому что их можно высказывать, не напрягая ума.
Les Persans qui écrivent ici étaient logés avec moi nous passions notre vie ensemble. Comme ils me regardaient comme un homme d'un autre monde, ils ne me cachaient rien. En effet, des gens transplantés de si loin ne pouvaient plus avoir de secrets. Ils me communiquaient la plupart de leurs lettres; je les copiai. J'en surpris même quelques-unes dont ils se seraient bien gardés de me faire confidence, tant elles étaient mortifiantes pour la vanité et la jalousie persane. Персияне, которыми написаны эти письма, жили в одном со мной доме; мы вместе проводили время. Они считали меня человеком другого мира и поэтому ничего от меня не скрывали. Действительно, люди, занесенные из такого далека, не могли уже иметь тайн. Они сообщали мне большую часть своих писем; я их списывал. Мне попалось даже несколько таких, с которыми персияне остереглись бы познакомить меня: до такой степени эти письма убийственны для персидского тщеславия и ревности.
Je ne fais donc que l'office de traducteur: toute ma peine a été de mettre l'ouvrage à nos moeurs. J'ai soulagé le lecteur du langage asiatique autant que je l'ai pu, et l'ai sauvé d'une infinité d'expressions sublimes, qui l'auraient ennuyé jusque dans les nues. Я исполняю, следовательно, только обязанности переводчика: все мои старания были направлены на то, чтобы приспособить это произведение к нашим нравам. Я по возможности облегчил читателям азиатский язык и избавил их от бесчисленных высокопарных выражений, которые до крайности наскучили бы им.
Mais ce n'est pas tout ce que j'ai fait pour lui. J'ai retranché les longs compliments, dont les Orientaux ne sont pas moins prodigues que nous, et j'ai passé un nombre infini de ces minuties qui ont tant de peine à soutenir le grand jour, et qui doivent toujours mourir entre deux amis. Но это еще не все, что я для них сделал. Я сократил пространные приветствия, на которые восточные люди тороваты не меньше нашего, и опустил бесконечное число мелочей, которым так трудно выдержать дневной свет и которым всегда следует оставаться личным делом двух друзей.
Si la plupart de ceux qui nous ont donné des recueils de lettres avaient fait de même, ils auraient vu leurs ouvrages s'évanouir. Если бы большинство тех, кто опубликовал собрания своих писем, поступило так же, то люди эти увидели бы, что от их произведения не осталось ничего.
Il y a une chose qui m'a souvent étonné: c'est de voir ces Persans quelquefois aussi instruits que moi-même des moeurs et des manières de la nation, jusqu'à en connaître les plus fines circonstances, et à remarquer des choses qui, je suis sûr, ont échappé à bien des Allemands qui ont voyagé en France. J'attribue cela au long séjour qu'ils y ont fait: sans compter qu'il est plus facile à un Asiatique de s'instruire des moeurs des Français dans un an, qu'il ne l'est à un Français de s'instruire des moeurs des Asiatiques dans quatre, parce que les uns se livrent autant que les autres se communiquent peu. Меня очень удивляло то обстоятельство, что эти персияне иной раз бывали осведомлены не меньше меня в нравах и обычаях нашего народа, вплоть до самых тонких обстоятельств, они подмечали такие вещи, которые - я уверен - ускользнули от многих немцев, путешествовавших по Франции. Я приписываю это их долгому пребыванию у нас, не считая уж того, что азиату легче в один год усвоить нравы французов, чем французу в четыре года усвоить нравы азиатов, ибо одни настолько же откровенны, насколько другие замкнуты.
L'usage a permis à tout traducteur, et même au plus barbare commentateur, d'orner la tête de sa version, ou de sa glose, du panégyrique de l'original, et d'en relever l'utilité, le mérite et l'excellence. Je ne l'ai point fait: on en devinera facilement les raisons. Une des meilleures est que ce serait une chose très ennuyeuse, placée dans un lieu déjà très ennuyeux de lui-même, je veux dire une Préface. Обычай позволяет всякому переводчику и даже самому варварскому комментатору украшать начало своего перевода или толкования панегириком оригиналу: отметить его полезность, достоинства и превосходные качества. Я этого не сделал: о причинах легко догадаться. А самая уважительная из них та, что это было бы чем-то весьма скучным, помещенным в месте, уже самом по себе очень скучном: я хочу сказать - в предисловии.

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Lettre première. Usbek à son ami Rustan, à Ispahan/Узбек к своему другу Рустану в Испагань

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Nous n'avons séjourné qu'un jour à Com. Lorsque nous eûmes fait nos dévotions sur le tombeau de la vierge qui a mis au monde douze prophètes, nous nous remîmes en chemin, et hier, vingt-cinquième jour de notre départ d'Ispahan, nous arrivâmes à Tauris. Мы пробыли в Коме{211} только один день. Помолившись у гробницы девы{211}, давшей миру двенадцать пророков, мы вновь пустились в путь и вчера, на двадцать пятый день после нашего отъезда из Испагани, прибыли в Тавриз{211}.
Rica et moi sommes peut-être les premiers parmi les Persans que l'envie de savoir ait fait sortir de leur pays, et qui aient renoncé aux douceurs d'une vie tranquille pour aller chercher laborieusement la sagesse. Мы с Рикой, пожалуй, первые из персиян, которые любознательности ради покинули отечество и, предавшись прилежным поискам мудрости, отказались от радостей безмятежной жизни.
Nous sommes nés dans un royaume florissant; mais nous n'avons pas cru que ses bornes fussent celles de nos connaissances, et que la lumière orientale dût seule nous éclairer. Мы родились в цветущем царстве, но мы не верили, что его пределы в то же время пределы наших знаний и что свет Востока один только и должен нам светить.
Mande-moi ce que l'on dit de notre voyage; ne me flatte point: je ne compte pas sur un grand nombre d'approbateurs. Adresse ta lettre à Erzeron, où je séjournerai quelque temps. Сообщи мне, что говорят о нашем путешествии; не льсти мне: я и не рассчитываю на общее одобрение. Посылай письма в Эрзерум{211}, где я пробуду некоторое время.
Adieu, mon cher Rustan; sois assuré qu'en quelque lieu du monde où je sois tu as un ami fidèle. Прощай, любезный Рустан; будь уверен, что, в каком бы уголке света я ни очутился, я останусь твоим верным другом.
De Tauris, le 15 de la lune de Saphar 1711. Из Тавриза, месяца Сафара{211} 15-го дня, 1711 года

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Lettre II. Usbek au premier eunuque noir, à son sérail d'Hispahan/Узбек к главному черному евнуху в свой сераль в Испагани

France Русский
Tu es le gardien fidèle des plus belles femmes de Perse; je t'ai confié ce que j'avais dans le monde de plus cher; tu tiens en tes mains les clefs de ces portes fatales qui ne s'ouvrent que pour moi. Tandis que tu veilles sur ce dépôt précieux de mon coeur, il se repose et jouit d'une sécurité entière. Tu fais la garde dans le silence de la nuit, comme dans le tumulte du jour; tes soins infatigables soutiennent la vertu lorsqu'elle chancelle. Si les femmes que tu gardes voulaient sortir de leur devoir, tu leur en ferais perdre l'espérance. Tu es le fléau du vice et la colonne de la fidélité. Ты верный страж прекраснейших женщин Персии; тебе я доверил то, что у меня есть самого дорогого на свете; в твоих руках ключи от заветных дверей, которые отворяются только для меня. В то время как ты стережешь это бесконечно любезное моему сердцу сокровище, оно покоится и наслаждается полной безопасностью. Ты охраняешь его в ночной тиши и в дневной сутолоке; твои неустанные заботы поддерживают добродетель, когда она колеблется. Если бы женщины, которых ты стережешь, вздумали нарушить свои обязанности, ты бы отнял у них всякую надежду на это; ты бич порока и столп верности.
Tu leur commandes, et leur obéis; tu exécutes aveuglément toutes leurs volontés et leur fais exécuter de même les lois du sérail. Tu trouves de la gloire à leur rendre les services les plus vils; tu te soumets avec respect et avec crainte à leurs ordres légitimes; tu les sers comme l'esclave de leurs esclaves. Mais, par un retour d'empire, tu commandes en maître comme moi-même, quand tu crains le relâchement des lois de la pudeur et de la modestie. Ты повелеваешь ими и им повинуешься; ты слепо исполняешь все их желания и столь же беспрекословно подчиняешь их самих законам сераля. Ты гордишься возможностью оказывать им самые унизительные услуги; ты с почтением и страхом подчиняешься их законным распоряжениям; ты служишь им, как раб их рабов. Но когда возникают опасения, что могут пошатнуться законы стыда и скромности, власть возвращается к тебе и ты повелеваешь ими, словно я сам.
Souviens-toi toujours du néant d'où je t'ai fait sortir, lorsque tu étais le dernier de mes esclaves, pour te mettre en cette place et te confier les délices de mon coeur: tiens-toi dans un profond abaissement auprès de celles qui partagent mon amour; mais fais-leur en même temps sentir leur extrême dépendance. Procure-leur tous les plaisirs qui peuvent être innocents; trompe leurs inquiétudes; amuse-les par la musique, les danses, les boissons délicieuses; persuade-leur de s'assembler souvent. Si elles veulent aller à la campagne, tu peux les y mener; mais fais faire main basse sur tous les hommes qui se présenteront devant elles. Exhorte-les à la propreté, qui est l'image de la netteté de l'âme. Parle-leur quelquefois de moi. Je voudrais les revoir dans ce lieu charmant qu'elles embellissent. Помни всегда, из какого ничтожества - когда ты был последним из моих рабов - вывел я тебя, чтобы возвести на эту должность и доверить тебе усладу моего сердца. Соблюдай глубокое смирение перед теми, кто разделяет мою любовь, но в то же время давай им чувствовать их крайнюю зависимость. Доставляй им всевозможные невинные удовольствия; усыпляй их тревогу; забавляй их музыкой, плясками, восхитительными напитками; увещевай их почаще собираться вместе. Если они захотят поехать на дачу, можешь повезти их туда, но прикажи хватать всех мужчин, которые предстанут перед ними по пути. Призывай их к чистоплотности - этому образу душевной чистоты. Говори с ними иногда обо мне. Мне хотелось бы снова увидеть их в том очаровательном месте, которое они украшают собою.
Adieu. Прощай.
De Tauris, le 18 de la lune de Saphar 1711. Из Тавриза, месяца Сафара 18-го дня, 1711 года

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Lettre III. Zachi à Usbek, A Tauris/Зашли к Узбеку в Тавриз

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Nous avons ordonné au chef des eunuques de nous mener à la campagne; il te dira qu'aucun accident ne nous est arrivé. Quand il fallut traverser la rivière et quitter nos litières, nous nous mîmes, selon la coutume, dans des boîtes: deux esclaves nous portèrent sur leurs épaules, et nous échappâmes à tous les regards. Мы приказали начальнику евнухов отвезти нас на дачу; он подтвердит тебе, что с нами не случилось никаких происшествий. Когда нам пришлось переправляться через реку и выйти из носилок, мы, по обычаю, пересели в ящики; двое рабов перенесли нас на плечах, и мы избегли чьих бы то ни было взоров.
Comment aurais-je pu vivre, cher Usbek, dans ton sérail d'Ispahan, dans ces lieux qui, me rappelant sans cesse mes plaisirs passés, irritaient tous les jours mes désirs avec une nouvelle violence? J'errais d'appartements en appartements, te cherchant toujours, et ne te trouvant jamais; mais rencontrant partout un cruel souvenir de ma félicité passée. Tantôt je me voyais en ce lieu où, pour la première fois de ma vie, je te reçus dans mes bras; tantôt, dans celui où tu décidas cette fameuse querelle entre tes femmes. Chacune de nous se prétendait supérieure aux autres en beauté. Nous nous présentâmes devant toi après avoir épuisé tout ce que l'imagination peut fournir de parures et d'ornements. Tu vis avec plaisir les miracles de notre art; tu admiras jusques où nous avait emportées l'ardeur de te plaire. Mais tu fis bientôt céder ces charmes empruntés à des grâces plus naturelles: tu détruisis tout notre ouvrage. Как могла бы я жить, дорогой Узбек, в твоем испаганском серале, в тех местах, которые, непрестанно вызывая в моей памяти прошедшие наслаждения, каждый день с новой силой возбуждали мои желания? Я бродила из покоя в покой, всюду ища тебя и нигде не находя, но всюду встречая жестокое воспоминание о прошлом счастье. То оказывалась я в горнице, где в первый раз в жизни приняла тебя в свои объятия, то в той, где ты решил жаркий спор, загоревшийся между твоими женами: каждая из нас притязала быть красивее других. Мы предстали пред тобой, надев все украшения и драгоценности, какие только могло придумать воображение. Ты с удовольствием взирал на чудеса нашего искусства; ты радовался, видя, как увлекает нас неуемное желание понравиться тебе. Но вскоре ты пожелал, чтобы эти заимствованные чары уступили место прелестям более естественным; ты разрушил все наше творение.
Il fallut nous dépouiller de ces ornements qui t'étaient devenus incommodes; il fallut paraître à ta vue dans la simplicité de la nature. Je comptai pour rien la pudeur; je ne pensai qu'à ma gloire. Heureux Usbek, que de charmes furent étalés à tes yeux! Nous te vîmes longtemps errer d'enchantements en enchantements: ton âme incertaine demeura longtemps sans se fixer; chaque grâce nouvelle te demandait un tribut; nous fûmes en un moment toutes couvertes de tes baisers; tu portas tes curieux regards dans les lieux les plus secrets; tu nous fis passer en un instant dans mille situations différentes: toujours de nouveaux commandements et une obéissance toujours nouvelle. Je te l'avoue, Usbek: une passion encore plus vive que l'ambition me fit souhaiter de te plaire . Je me vis insensiblement devenir la maîtresse de ton coeur; tu me pris; tu me quittas; tu revins à moi, et je sus te retenir, le triomphe fut tout pour moi, et le désespoir pour mes rivales. Il nous sembla que nous fussions seuls dans le monde: tout ce qui nous entourait ne fut plus digne de nous occuper. Нам пришлось снять украшения, уже докучавшие тебе; пришлось предстать перед тобою в природной простоте. Я откинула всякую стыдливость: я думала только о своем торжестве. Счастливец Узбек! Сколько прелестей представилось твоим очам! Мы видели, как долго переходил ты от восторга к восторгу: твоя душа колебалась и долго ни на чем не могла остановиться; каждая новая прелесть требовала от тебя дани: в один миг мы все были покрыты твоими поцелуями; ты бросал любопытные взгляды на места самые сокровенные; ты заставлял нас принимать одно за другим тысячу различных положений; ты без конца отдавал новые распоряжения, и мы без конца повиновались. Признаюсь, Узбек: желание понравиться тебе подсказывалось мне страстью еще более живой, чем честолюбие. Я понимала, что незаметно становлюсь владычицей твоего сердца; ты завладел мною; ты меня покинул; ты вернулся ко мне, и я сумела тебя удержать: полное торжество выпало на мою долю, а уделом моих соперниц стало отчаяние. Нам с тобою показалось, что мы одни на свете; окружающее было недостойно занимать нас.
Plût au ciel que mes rivales eussent eu le courage de rester témoins de toutes les marques d'amour que je reçus de toi! Si elles avaient bien vu mes transports, elles auraient senti la différence qu'il y a de mon amour au leur; elles auraient vu que, si elles pouvaient disputer avec moi de charmes, elles ne pouvaient pas disputer de sensibilité... О! Зачем небу не угодно было, чтобы мои соперницы нашли в себе мужество быть простыми свидетельницами пылких выражений любви, которые я получила от тебя! Если бы они видели изъявления моей страсти, они почувствовали бы разницу между их любовью и моей: они бы убедились, что если и могли соперничать со мною в прелестях, то никак не могли бы состязаться в чувствительности...
Mais où suis-je? Où m'emmène ce vain récit? C'est un malheur de n'être point aimée; mais c'est un affront de ne l'être plus. Tu nous quittes, Usbek, pour aller errer dans des climats barbares. Quoi! tu comptes pour rien l'avantage d'être aimé? Hélas! tu ne sais même pas ce que tu perds! Je pousse des soupirs qui ne sont point entendus; mes larmes coulent, et tu n'en jouis pas; il semble que l'amour respire dans le sérail, et on insensibilité t'en éloigne sans cesse! Но где я? Куда заводит меня этот напрасный рассказ? Вовсе не быть любимой - несчастье, но перестать ею быть - бесчестье. Ты покидаешь нас, Узбек, чтобы отправиться в странствие по варварским землям. Неужели ты ни во что не ставишь счастье быть любимым? Увы, ты даже не знаешь, что теряешь! Я испускаю вздохи, которые никто не слышит; слезы мои текут, а ты не радуешься им; кажется, сераль дышит одной только любовью, а твоя бесчувственность непрестанно удаляет тебя от него!
Ah! mon cher Usbek, si tu savais être heureux! Ах, возлюбленный мой Узбек, если бы умел ты наслаждаться счастьем!
Du sérail de Fatmé, Из сераля Фатимы,
le 21 de la lune de Mharran 1711 месяца Махаррама{213} 21-го дня, 1711 года

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Lettre IV. Zéphis à Usbek, à Erzeron/Зефи к Узбеку в Эрзерум

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Enfin ce monstre noir a résolu de me désespérer: il veut à toute force m'ôter mon esclave Zélidde; Zélide qui me sert avec tant d'affection, et dont les adroites mains portent partout les ornements et les grâces. Il ne lui suffit pas que cette séparation soit douloureuse: il veut encore qu'elle soit déshonorante. Le traître veut regarder comme criminels les motifs de ma confiance, et, parce qu'il s'ennuie derrière la porte, où je le renvoie toujours, il ose supposer qu'il a entendu ou vu des choses que je ne sais pas même imaginer. Je suis bien malheureuse! ma retraite ni ma vertu ne sauraient me mettre à l'abri de ses soupçons extravagants: je ne veux d'autre garant de ma conduite que toi-même, que ton amour, que le mien, et, s'il faut te le dire, cher Usbek, que mes larmes. В конце концов это черное чудовище решило довести меня до отчаяния. Он во что бы то ни стало хочет отнять у меня мою рабыню Зелиду, - Зелиду, которая служит мне так преданно, ловкие руки которой всюду вносят красоту и изящество. Мало того, что эта разлука огорчает меня: ему хочется еще и опозорить меня ею. Предатель считает преступными причины моего доверия к Зелиде; ему скучно за дверью, куда я его постоянно прогоняю, поэтому он смеет утверждать, будто слышал или видел такие вещи, которых я даже и вообразить не умею. Как я несчастна! Ни уединение, ни добродетель моя не могут меня уберечь от его нелепых подозрений; подлый раб преследует меня даже в твоем сердце, и даже там я вынуждена защищаться! Нет, я слишком уважаю себя, чтобы унизиться до оправданий: я не хочу другого поручителя за мое поведение, кроме тебя самого, кроме твоей любви, кроме любви моей и - нужно ли говорить тебе об этом, дорогой Узбек, - кроме моих слез.
Du sérail de Fatmé, Из сераля Фатимы,
le 29 de la lune de Maharram 1711. месяца Махаррама 29-го дня, 1711 года

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Lettre V. Rustan à Usbek, à Erzeron/Рустан к Узбеку в Эрзерум

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Tu es le sujet de toutes les conversations d'Ispahan: on ne parle que de ton départ. Les uns l'attribuent à une légèreté d'esprit; les autres à quelque chagrin. Tes amis seuls te défendent, et ils ne persuadent personne; On ne peut comprendre que tu puisses quitter tes femmes, tes parents, tes amis, ta patrie pour aller dans des climats inconnus aux Persans. La mère de Rica est inconsolable; elle te demande son fils, que tu lui as, dit-elle, enlevé. Pour moi, mon cher Usbek, je me sens naturellement porté à approuver tout ce que tu fais, mais je ne saurais te pardonner ton absence, et, quelques raisons que tu m'en puisses donner, mon coeur ne les goûtera jamais. Ты у всех на устах в Испагани: только и говорят, что о твоем отъезде. Одни приписывают его легкомыслию, другие - какому-то огорчению. Только друзья защищают тебя, но им не удается никого разубедить. Люди не могут понять, как решился ты покинуть своих жен, родных, друзей, отечество, чтобы отправиться в страны, не известные персиянам. Мать Рики безутешна; она требует у тебя своего сына, которого - по ее словам - ты у нее похитил. Что касается меня, дорогой Узбек, то я, разумеется, расположен одобрять все, что ты делаешь, но не могу простить тебе твоего отсутствия, и какие бы ты доводы мне ни представил, мое сердце никогда их не примет.
Adieu; aime-moi toujours. Прощай; люби меня.
D'Ispahan, le 28 de la lune de Rebiab 1, 1711 Из Испагани, месяца Ребиаба 1{214}, 28-го дня, 1711 года

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Lettre VI. Usbek à son ami Nessir, à Ispahan/Узбек к своему другу Нессиру в Испагань

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A une journée d'Erivan, nous quittâmes la Perse pour entrer dans les terres de l'obéissance des Turcs. Douze jours après, nous arrivâmes à Erzeron, où nous séjournerons trois ou quatre mois. На расстоянии одного дня пути от Испагани мы покинули пределы Персии и вступили в земли, подвластные туркам. Двенадцать дней спустя мы приехали в Эрзерум, где пробудем три-четыре месяца.
Il faut que je te l'avoue, Nessir: j'ai senti une douleur secrète quand j'ai perdu la Perse de vue, et que je me suis trouvé au milieu des perfides Osmanlins. A mesure que j'entrais dans les pays de ces profanes, il me semblait que je devenais profane moi-même. Должен признаться, Нессир: я ощутил тайную боль, когда потерял из виду Персию и очутился среди коварных османлисов{214}. По мере того как углублялся в страну этих нечестивцев, мне казалось, что и сам я становлюсь нечестивцем.
Ma patrie, ma famille, mes amis se sont présentés à mon esprit; ma tendresse s'est réveillée; une certaine inquiétude a achevé de me troubler, et m'a fait connaître que, pour mon repos, j'avais trop entrepris. Отчизна, семья, друзья представлялись моему воображению; нежность во мне пробудилась; наконец, какая-то смутная тревога закралась мне в душу и я понял, что предпринятое мною будет мне стоить душевного покоя.
Mais ce qui afflige le plus mon coeur, ce sont mes femmes: je ne puis penser à elles que je ne sois dévoré de chagrins. Больше всего удручает мне сердце мысль о моих женах; как только подумаю о них, печаль начинает терзать меня.
Ce n'est pas, Nessir, que je les aime: je me trouve à cet égard dans une insensibilité qui ne me laisse point de désirs. Dans le nombreux sérail où j'ai vécu, j'ai prévenu l'amour et l'ai détruit par lui-même; mais, de ma froideur même, il sort une jalousie secrète, qui me dévore. Je vois une troupe de femmes laissées presque à elles-mêmes; je n'ai que des âmes lâches qui m'en répondent. J'aurais peine à être en sûreté si mes esclaves étaient fidèles. Que sera-ce, s'ils ne le sont pas? Quelles tristes nouvelles peuvent m'en venir dans les pays éloignés que je vais parcourir! C'est un mal où mes amis ne peuvent porter de remède: c'est un lieu dont ils doivent ignorer les tristes secrets. Et qu'y pourraient-ils faire? N'aimerais-je pas mille fois mieux une obscure impunité qu'une correction éclatante? Je dépose en ton coeur tous mes chagrins, mon cher Nessir; c'est la seule consolation qui me reste dans l'état où je suis. Не в том дело, Нессир, что я их люблю: в этом отношении я настолько бесчувствен, что у меня нет никаких желаний. В многолюдном серале, где я жил, я предупреждал любовь и поэтому ею же самою разрушал ее; но из самой моей холодности проистекает тайная ревность, пожирающая меня. Мне представляется сонмище женщин, почти предоставленных самим себе: за них отвечают предо мною только презренные души. Вряд ли я могу считать себя в безопасности, даже если рабы мне и верны. А что же будет, если они неверны? Какие печальные вести могут дойти до меня в те далекие страны, которые я собираюсь посетить! Это недуг, от которого друзья не могут мне дать лекарства; это область, печальные тайны которой они не должны знать. Да и чем могли бы они помочь? Ведь я тысячу раз предпочту тайную безнаказанность шумному искуплению. Я слагаю в твое сердце все мои печали, любезный Нессир; это единственное утешение, ныне остающееся мне.
D'Erzeron, le 10 de la lune de Rebiab 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Ребиаба 2{215}, 10-го дня, 1711 года

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Lettre VII. Fatmé à Usbek, à Erzeron/Фатима к Узбеку в Эрзерум

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Il y a deux mois que tu es parti, mon cher Usbek, et, dans l'abattement où je suis, je ne puis pas me le persuader encore. Je cours tout le sérail, comme si tu y étais; je ne suis point désabusée. Que veux-tu que devienne une femme qui t'aime; qui était accoutumée à te tenir dans ses bras; qui n'était occupée que du soin de te donner des preuves de sa tendresse: libre par l'avantage de sa naissance, esclave par la violence de son amour? Вот уже два месяца, как ты уехал, дорогой мой Узбек, и я в таком подавленном состоянии, что все еще не могу поверить этому. Я бегаю по всему сералю так, как если бы ты был здесь: и никак не могу убедиться, что тебя нет. Что же, по-твоему, должно происходить с женщиной, которая любит тебя, которая привыкла держать тебя в своих объятиях, у которой одна только была забота - доказать тебе свою нежность, с женщиной, свободной по происхождению, но рабыней в силу своей любви?
Quand je t'épousai, mes yeux n'avaient point encore vu le visage d'un homme; tu es le seul encore dont la vue m'ait été permise: car je ne mets pas au rang des hommes ces eunuques affreux dont la moindre imperfection est de n'être point hommes. Quand je compare la beauté de ton visage avec la difformité du leur, je ne puis m'empêcher de m'estimer heureuse: mon imagination ne me fournit point d'idée plus ravissante que les charmes enchanteurs de ta personne. Je te le jure, Usbek: quand il me serait permis de sortir de ce lieu où je suis enfermée par la nécessité de ma condition; quand je pourrais me dérober à la garde qui m'environne; quand il me serait permis de choisir parmi tous les hommes qui vivent dans cette capitale des nations: Usbek, je te le jure, je ne choisirais que toi. Il ne peut y avoir que toi dans le monde qui mérites d'être aimé. Когда я выходила за тебя, мои глаза еще не видели лица мужчины: ты и теперь еще единственный, лицезреть кого мне дозволено (Персидские женщины охраняются гораздо строже турецких и индусских.), потому что я не считаю мужчинами отвратительных евнухов, наименьшим несовершенством которых является то, что они вовсе и не мужчины. Когда я сравниваю красоту твоего лица с безобразием их физиономий, я не могу не посчитать себя счастливой; воображение мое не в силах создать образа, более пленительного, более чарующего, чем ты, мой ненаглядный. Клянусь тебе, Узбек: если бы мне разрешили выйти отсюда, где я сижу взаперти благодаря моему положению, если бы я могла ускользнуть от окружающей меня стражи, если бы мне позволили выбирать среди всех мужчин, живущих в этой столице народов, Узбек, - клянусь тебе, - я выбрала бы только тебя. Во всем мире ты один заслуживаешь любви.
Ne pense pas que ton absence m'ait fait négliger une beauté qui t'est chère. Quoique je ne doive être vue de personne, et que les ornements dont je me pare soient inutiles à ton bonheur, je cherche cependant à m'entretenir dans l'habitude de plaire. Je ne me couche point que je ne me sois parfumée des essences les plus délicieuses. Je me rappelle ce temps heureux où tu venais dans mes bras; un songe flatteur, qui me séduit, me montre ce cher objet de mon amour; mon imagination se perd dans ses désirs, comme elle se flatte dans ses espérances. Je pense quelquefois que, dégoûté d'un pénible voyage, tu vas revenir à nous: la nuit se passe dans des songes qui n'appartiennent ni à la veille ni au sommeil; je te cherche à mes côtés, et il me semble que tu me fuis; enfin le feu qui me dévore dissipe lui-même ces enchantements et rappelle mes esprits. Je me trouve pour lors si animée... Не думай, что в твое отсутствие я пренебрегаю красотой, которая дорога тебе. Хотя никому не суждено видеть меня и хотя украшения, которые я надеваю, не могут тебя порадовать, я все же стремлюсь сохранить привычку нравиться. Я ложусь в постель не иначе, как надушившись самыми восхитительными благовониями. Я вспоминаю блаженное время, когда ты приходил в мои объятия; обольстительный сон-угодник являет мне бесценный предмет моей любви; мое воображение туманится от желаний и тешит меня надеждами. Иногда я думаю, что тягостное путешествие наскучит тебе и ты скоро вернешься к нам; ночь проходит в сновидениях, которые и не явь и не сон; я ищу тебя подле себя, и мне кажется, будто ты ускользаешь от меня; в конце концов огонь, пожирающий меня, сам рассеивает эти чары и возвращает мне сознание. Тогда я испытываю такое волнение...
Tu ne le croirais pas, Usbek: il est impossible de vivre dans cet état; le feu coule dans mes veines. Que ne puis-je t'exprimer ce que je sens si bien! et comment sens-je si bien ce que je ne puis t'exprimer? Dans ces moments, Usbek, je donnerais l'empire du monde pour un seul de tes baisers. Qu'une femme est malheureuse d'avoir des désirs si violents, lorsqu'elle est privée de celui qui peut seul les satisfaire: que, livrée à elle-même, n'ayant rien qui puisse la distraire, il faut qu'elle vive dans l'habitude des soupirs et dans la fureur d'une passion irritée; que, bien loin d'être heureuse, elle n'a pas même l'avantage de servir à la félicité d'un autre: ornement inutile d'un sérail, gardée pour l'honneur, et non pas pour le bonheur de son époux! Ты не поверишь, Узбек: нельзя жить в подобном состоянии; огонь клокочет в моих жилах. Ах, почему не могу я выразить тебе того, что так хорошо чувствую? И почему чувствую я так хорошо то, чего не могу выразить? В такие минуты, Узбек, я бы отдала власть над миром за один твой поцелуй. Как несчастна женщина, снедаемая столь бурными желаниями, когда она лишена единственного человека, который может их удовлетворить; когда, предоставленная самой себе, не имея ничего, что могло бы ее рассеять, она вынуждена жить вздохами и неистовством бушующей страсти; когда, сама далеко не счастливая, она даже лишена радости служить счастью другого; когда она - ненужное украшение сераля, охраняемое ради чести, а не ради счастья ее супруга!
Vous êtes bien cruels, vous autres hommes! Vous êtes charmés que nous ayons des passions que nous ne puissions satisfaire; vous nous traitez comme si nous étions insensibles, et vous seriez bien fâchés que nous le fussions; vous croyez que nos désirs, si longtemps mortifiés, seront irrités à votre vue. Il y a de la peine à se faire aimer; il est plus court d'obtenir du désespoir de nos sens ce que vous n'osez attendre de votre mérite. Как вы, мужчины, жестоки! Вы радуетесь тому, что мы наделены страстями, которых не можем утолить; вы обращаетесь с нами так, словно мы бесчувственны, но вы очень гневались бы, если бы так было в действительности; вы рассчитываете на то, что наши желания, столь долго сдерживаемые, сразу оживятся при виде вас. Трудно внушить любовь; проще, полагаете вы, получить от нашей подавленной чувственности то, чего вы не надеетесь заслужить своими достоинствами.
Adieu, mon cher Usbek, adieu. Compte que je ne vis que pour t'adorer: mon âme est toute pleine de toi; et ton absence, bien loin de te faire oublier, animerait mon amour, s'il pouvait devenir plus violent. Прощай, дорогой мой Узбек, прощай. Знай, что я живу только для того, чтобы обожать тебя; моя душа полна тобой, и разлука не только не затмила воспоминания о тебе, а еще более воспламенила бы мою любовь, если бы только она могла стать еще более страстной.
Du sérail d'Ispahan, le 12 de la lune de Rebiab 1, 1711. Из испаганского сераля, месяца Ребиаба 1, 12-го дня, 1711 года

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Lettre VIII. Usbek à son ami Rustan, à Ispahan/Узбек к своему другу Рустану в Испагань

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Ta lettre m'a été rendue à Erzeron, où je suis. Je m'étais bien douté que mon départ ferait du bruit; je ne m'en suis point mis en peine. Que veux-tu que je suive, la prudence de mes ennemis, ou la mienne? Твое письмо было мне вручено в Эрзеруме, где я теперь нахожусь. Я так и думал, что мой отъезд наделает шуму; но это не остановило меня. Чему же, по-твоему, мне следовать? Житейской мудрости моих врагов или моей собственной?
Je parus à la cour dès ma plus tendre jeunesse. Je le puis dire: mon coeur ne s'y corrompit point; je formai même un grand dessein: j'osai y être vertueux. Dès que je connus le vice, je m'en éloignai; mais je m'en approchai ensuite pour le démasquer. Je portai la vérité jusques au pied du trône: j'y parlai un langage jusqu'alors inconnu; je déconcertai la flatterie, et j'étonnai en même temps les adorateurs et l'idole. Я появился при дворе в пору самой нежной юности. Могу сказать прямо: мое сердце там не развратилось; я даже возымел великое намерение: осмелился при дворе остаться добродетельным. Как только я познал порок, я удалился от него, но вслед за тем приблизился к нему, чтобы его разоблачить. Я доводил истину до подножия трона, я заговорил языком, дотоле неведомым там; я обезоруживал лесть и изумлял одновременно и низкопоклонников и их идола.
Mais, quand je vis que ma sincérité m'avait fait des ennemis; que je m'étais attiré la jalousie des ministres, sans avoir la faveur du Prince; que, dans une cour corrompue, je ne me soutenais plus que par une faible vertu, je résolus de la quitter. Je feignis un grand attachement pour les sciences, et, à force de le feindre, il me vint réellement. Je ne me mêlai plus d'aucunes affaires, et je me retirai dans une maison de campagne. Mais ce parti même avait ses inconvénients: je restais toujours exposé à la malice de mes ennemis, et je m'étais presque ôté les moyens de m'en garantir. Quelques avis secrets me firent penser à moi sérieusement. Je résolus de m'exiler de ma patrie, et ma retraite même de la cour m'en fournit un prétexte plausible. J'allai au roi; je lui marquai l'envie que j'avais de m'instruire dans les sciences de l'Occident; je lui insinuai qu'il pourrait tirer de l'utilité de mes voyages. Je trouvai grâce devant ses yeux; je partis, et je dérobai une victime à mes ennemis. Но когда я убедился, что моя искренность создала мне врагов; что я навлек на себя зависть министров, не приобретя благосклонности государя; что при этом развращенном дворе я держусь только слабой своей добродетелью, - я решил его покинуть. Я притворялся, будто сильно увлечен науками, и притворялся так усердно, что и в самом деле увлекся ими. Я перестал вмешиваться в какие бы то ни было дела и удалился в свое поместье. Но это решение имело и отрицательные стороны: я был предоставлен козням врагов и почти лишился возможности ограждать себя от них. Несколько тайных предупреждений побудило меня серьезно подумать о себе. Я решил удалиться из отечества, а мой уход от двора доставил мне для этого благовидный предлог. Я пошел к шаху, сказал ему о своем желании познакомиться с западными науками, намекнул, что он может извлечь пользу из моих странствований. Он отнесся ко мне благосклонно, я уехал и тем самым похитил жертву у моих врагов.
Voilà, Rustan, le véritable motif de mon voyage. Laisse parler Ispahan; ne me défends que devant ceux qui m'aiment; laisse à mes ennemis leurs interprétations malignes: je suis trop heureux que ce soit le seul mal qu'ils me puissent faire. Вот, Рустан, истинная причина моего путешествия. Пусть Испагань толкует, что хочет: защищай меня только перед теми, кто меня любит; предоставь моим врагам истолковывать мои поступки, как им вздумается; я слишком счастлив тем, что это единственное зло, которое они не могут причинить.
On parle de moi à présent. Peut-être ne serai-je que trop oublié, et que mes amis... Non, Rustan, je ne veux point me livrer à cette triste pensée: je leur serai toujours cher; je compte sur leur fidélité, comme sur la tienne. Сейчас обо мне говорят. Но не ожидает ли меня в скором времени полное забвение и не станут ли мои друзья... Нет, Рустан, я не хочу предаваться этой печальной мысли: я всегда останусь им дорог; я рассчитываю на их верность - так же как и на твою.
D'Erzeron, le 20 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Джеммади 2{217}, 20-го дня, 1711 года.

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Lettre IX. Le premier eunuque à Ibbi, à Erzeron/Первый евнух к Ибби в Эрзерум

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Tu suis ton ancien maître dans ses voyages; tu parcours les provinces et les royaumes; les chagrins ne sauraient faire d'impression sur toi: chaque instant te montre des choses nouvelles; tout ce que tu vois te récrée et te fait passer le temps sans le sentir. Ты следуешь за своим господином в его странствиях; ты проезжаешь область за областью и царство за царством; печали бессильны над тобою; каждый миг ты видишь новое; все, что ты наблюдаешь, развлекает тебя, и время бежит для тебя незаметно.
Il n'en est pas de même de moi, qui, enfermé dans une prison affreuse, suis toujours environné des mêmes objets et dévoré des mêmes chagrins. Je gémis, accablé sous le poids des soins et des inquiétudes de cinquante années; et, dans le cours d'une longue vie, je ne puis pas dire avoir eu un jour serein et un moment tranquille. Иное дело я; я заперт в отвратительной тюрьме, постоянно окружен одними и теми же предметами и терзаюсь одними и теми же печалями. Я стенаю, удрученный бременем пятидесяти годов, проведенных в заботах и тревогах, и не могу сказать, что в течение моей долгой жизни мне выпал хоть один ясный день и хоть один спокойный миг.
Lorsque mon premier maître eut formé le cruel projet de me confier ses femmes et m'eut obligé, par des séductions soutenues de mille menaces, de me séparer pour jamais de moi-même, las de servir dans les emplois les plus pénibles, je comptai sacrifier mes passions à mon repos et à ma fortune. Malheureux que j'étais! Mon esprit préoccupé me faisait voir le dédommagement, et non pas la perte: j'espérais que je serais délivré des atteintes de l'amour par l'impuissance de le satisfaire. Hélas! on éteignit en moi l'effet des passions, sans en éteindre la cause, et bien loin d'en être soulagé, je me trouvai environné d'objets qui les irritaient sans cesse. J'entrai dans le sérail, où tout m'inspirait le regret de ce que j'avais perdu: je me sentais animé à chaque instant; mille grâces naturelles semblaient ne se découvrir à ma vue que pour me désoler. Pour comble de malheurs, j'avais toujours devant les yeux un homme heureux. Dans ce temps de trouble, je n'ai jamais conduit une femme dans le lit de mon maître, je ne l'ai jamais déshabillée, que je ne sois rentré chez moi la rage dans le coeur et un affreux désespoir dans l'âme. Когда мой первый господин возымел жестокое намерение доверить мне своих жен и принудил меня с помощью соблазнов, подкрепленных тысячью угроз, навсегда расстаться с самим собою, я был уже очень утомлен службою на крайне тягостных должностях и рассчитывал, что пожертвую своими страстями ради отдохновения и богатства. Несчастный! Мой удрученный ум являл мне только награду, но не потерю: я надеялся, что освобожусь от волнений любви благодаря тому, что лишусь возможности удовлетворять ее. Увы! Во мне погасили следствие страстей, не затушив их причины, и, вместо того, чтобы избавиться от них, я оказался окруженным предметами, которые беспрестанно их возбуждали. Я поступил в сераль, где все внушало мне сожаление о моей утрате: ежеминутно я ощущал волнение чувств; тысячи природных красот раскрывались предо мною, казалось, только для того, чтобы повергнуть меня в отчаяние. К довершению несчастья у меня перед глазами всегда был счастливец. В эти годы смятения всякий раз, как я сопровождал женщину к ложу моего господина, всякий раз, как я раздевал ее, я возвращался к себе с яростью в сердце и со страшной безнадежностью в душе.
Voilà comme j'ai passé ma misérable jeunesse. Je n'avais de confident que moi-même; chargé d'ennuis et de chagrins, il me les fallait dévorer, et ces mêmes femmes, que j'étais tenté de regarder avec des yeux si tendres, je ne les envisageais qu'avec des regards sévères: j'étais perdu si elles m'avaient pénétré. Quel avantage n'en auraient-elles pas pris? Вот как провел я свою жалкую юность. У меня не было наперсников, кроме меня самого, мне приходилось преодолевать тоску и печаль собственными силами. И на тех самых женщин, на которых мне хотелось смотреть с нежностью, я бросал только суровые взоры. Я погиб бы, если бы они разгадали меня. Какой бы только выгоды они не извлекли из этого!
Je me souviens qu'un jour que je mettais une femme dans le bain, je me sentis si transporté que je perdis entièrement la raison, et que j'osai porter ma main dans un lieu redoutable. Je crus, à la première réflexion, que ce jour était le dernier de mes jours. Je fus pourtant assez heureux pour échapper à mille morts. Mais la beauté que j'avais faite confidente de ma faiblesse me vendit bien cher son silence: je perdis entièrement mon autorité sur elle, et elle m'a obligé depuis à des condescendances qui m'ont exposé mille fois à perdre la vie. Помню, как однажды, сажая женщину в ванну, я почувствовал такое возбуждение, что разум мой помутился и я осмелился коснуться некого страшного места. Придя в себя, я подумал, что настал мой последний день. Однако мне посчастливилось, и я избежал жесточайшего наказания. Но красавица, ставшая свидетельницей моей слабости, очень дорого продала мне свое молчание: я совершенно утратил власть над нею, и она стала вынуждать меня к таким поблажкам, которые тысячи раз подвергали жизнь мою опасности.
Enfin, les feux de la jeunesse ont passé: je suis vieux, et je me trouve à cet égard dans un état tranquille; je regarde les femmes avec indifférence, et je leur rends bien tous leurs mépris et tous les tourments qu'elles m'ont fait souffrir. Je me souviens toujours que j'étais né pour les commander, et il me semble que je redeviens homme dans les occasions où je leur commande encore. Je les hais depuis que je les envisage de sens froid, et que ma raison me laisse voir toutes leurs faiblesses. Quoique je les garde pour un autre, le plaisir de me faire obéir me donne une joie secrète: quand je les prive de tout, il me semble que c'est pour moi, et il m'en revient toujours une satisfaction indirecte. Je me trouve dans le sérail comme dans un petit empire, et mon ambition, la seule passion qui me reste, se satisfait un peu. Je vois avec plaisir que tout roule sur moi, et qu'à tous les instants je suis nécessaire. Je me charge volontiers de la haine de toutes ces femmes, qui m'affermit dans le poste où je suis. Aussi n'ont-elles pas affaire à un ingrat: elles me trouvent au-devant de tous leurs plaisirs les plus innocents. Je me présente toujours à elles comme une barrière inébranlable: elles forment des projets, et je les arrête soudain. Je m'arme de refus; je me hérisse de scrupules; je n'ai jamais dans la bouche que les mots de devoir, de vertu, de pudeur, de modestie. Je les désespère en leur parlant sans cesse de la faiblesse de leur sexe et de l'autorité du maître. Je me plains ensuite d'être obligé à tant de sévérité, et je semble vouloir leur faire entendre que je n'ai d'autre motif que leur propre intérêt et un grand attachement pour elles. Наконец, пыл юности угас, теперь я стар и в этом отношении совершенно успокоился; я смотрю на женщин равнодушно и возвращаю им с избытком то презрение и те муки, которым они подвергали меня. Я все время помню, что был рожден, чтобы повелевать ими, и в тех случаях, когда я ими еще повелеваю, мне кажется, что я вновь становлюсь мужчиной. Я ненавижу их с тех пор, как начал взирать на них хладнокровно и как мой разум стал ясно видеть все их слабости. Хотя я охраняю их для другого, сознание, что они должны подчиняться моей воле, доставляет мне тайную радость: когда я подвергаю их всяческим лишениям, мне кажется, будто я делаю Это для себя, и от этого я испытываю косвенное удовлетворение. Я чувствую себя в серале, как в своем маленьком царстве, и это льстит моему самолюбию, а самолюбие - единственная оставшаяся мне страсть. Я с удовольствием вижу, что все держится на мне и что я нужен поминутно. Я охотно принимаю на себя ненависть всех этих женщин: она укрепляет меня на моем посту. Но и я не остаюсь в долгу: они встречают во мне помеху всем своим удовольствиям, даже самым невинным. Я всегда вырастаю перед ними, как непреодолимая преграда; они строят планы, а я их неожиданно расстраиваю. Мое оружие - отказ; я ощетиниваюсь придирками; на устах у меня нет других слов, кроме как о долге, добродетели, стыдливости, скромности. Я привожу их в уныние, беспрестанно твердя им о слабости их пола и о власти их господина. Вслед за тем я начинаю сетовать, что вынужден быть столь суровым, и делаю вид, будто хочу растолковать им, что нет у меня другого побуждения, кроме их же собственной выгоды и моей великой привязанности к ним.
Ce n'est pas qu'à mon tour je n'aie un nombre infini de désagréments, et que tous les jours ces femmes vindicatives ne cherchent à renchérir sur ceux que je leur donne: elles ont des revers terribles. Il y a entre nous comme un flux et un reflux d'empire et de soumission. Elles font toujours tomber sur moi les emplois les plus humiliants; elles affectent un mépris qui n'a point d'exemple; et, sans égard pour ma vieillesse, elles me font lever la nuit dix fois pour la moindre bagatelle. Je suis accablé sans cesse d'ordres, de commandements, d'emplois, de caprices: il semble qu'elles se relaient pour m'exercer, et que leurs fantaisies se succèdent. Souvent elles se plaisent à me faire redoubler de soins; elles me font faire de fausses confidences: tantôt on vient me dire qu'il a paru un jeune homme autour de ces murs; une autre fois, qu'on a entendu du bruit, ou bien qu'on doit rendre une lettre. Tout ceci me trouble, et elles rient de ce trouble: elles sont charmées de me voir ainsi me tourmenter moi-même. Une autre fois elles m'attachent derrière leur porte, et m'y enchaînent nuit et jour; elles savent bien feindre des maladies, des défaillances, des frayeurs; elles ne manquent pas de prétexte pour me mener au point où elles veulent. Il faut, dans ces occasions, une obéissance aveugle et une complaisance sans bornes: un refus, dans la bouche d'un homme comme moi, serait une chose inouie, et, si je balançais à leur obéir, elles seraient en droit de me châtier. J'aimerais autant perdre la vie, mon cher Ibbi, que de descendre à cette humiliation. Но, конечно, и у меня бывает множество неприятностей, а мстительные женщины все время изощряются, как бы причинить мне еще большие огорчения, чем те, которые я причиняю им. Они умеют наносить страшные удары. Между нами происходит как бы прилив и отлив власти и подчинения. Они постоянно взваливают на меня самые унизительные обязанности; они выражают мне беспримерное презрение и, не считаясь с моей старостью раз по десять поднимают меня ночью из-за малейшей безделицы. На меня беспрестанно сыплются приказания, поручения, обязанности, прихоти; женщины словно нарочно сговариваются задавать мне работу, и их причуды сменяют одна другую. Часто они забавляются тем, что требуют от меня все новых и новых забот; они подучивают людей сообщать мне ложные сведения: то мне говорят, будто подле стен сераля появился какой-то юноша, то, что слышен какой-то шум или что кому-то собираются передать письмо. Все это тревожит меня, а они смеются над моей тревогой; они радуются, когда видят, как я таким образом сам себя мучаю. Иногда они держат меня за дверью и принуждают день и ночь быть прикованным к ней; они ловко притворяются больными, разыгрывают обмороки и страхи; у них нет недостатка в предлогах, чтобы завести меня, куда им угодно. В подобных случаях необходимо слепое повиновение и безграничная снисходительность: отказ в устах такого человека, как я, был бы чем-то неслыханным, и если бы я замешкался в послушании, они были бы вправе меня наказать. Я предпочитаю скорее расстаться с жизнью, дорогой мой Ибби, чем опуститься до такого унижения.
Ce n'est pas tout: je ne suis jamais sûr d'être un instant dans la faveur de mon maître; j'ai autant d'ennemies dans son coeur, qui ne songent qu'à me perdre. Elles ont des quarts d'heure où je ne suis point écouté, des quarts d'heure où l'on ne refuse rien, des quarts d'heure où j'ai toujours tort. Je mène dans le lit de mon maître des femmes irritées: crois-tu que l'on y travaille pour moi, et que mon parti soit le plus fort? J'ai tout à craindre de leurs larmes, de leurs soupirs, de leurs embrassements, et de leurs plaisirs mêmes: elles sont dans le lieu de leurs triomphes; leurs charmes me deviennent terribles; les services présents effacent dans un moment tous mes services passés, et rien ne peut me répondre d'un maître qui n'est plus à lui-même. Это еще не все; я ни одной минуты не уверен в благосклонности моего господина: так много здесь женщин, близких его сердцу, зато враждебных мне и думающих только о том, как бы погубить меня. Им принадлежат минуты, когда они могут не слушаться меня, минуты, когда им ни в чем не отказывают, минуты, когда я всегда буду неправ. Я провожаю в постель моего господина женщин, рассерженных на меня: и ты думаешь, они действуют в мою пользу и сила на моей стороне? Я всего могу ожидать от их слез, их вздохов, их объятий и даже от их наслаждений: ведь они находятся на месте своего торжества. Их прелести становятся опасными для меня; их услужливость в эту минуту мгновенно стирает все мои прошлые заслуги, и ничто не может мне поручиться за господина, который сам себе больше не принадлежит.
Combien de fois m'est-il arrivé de me coucher dans la faveur et de me lever dans la disgrâce? Le jour que je fus fouetté si indignement autour du sérail, qu'avais-je fait? je laisse une femme dans les bras de mon maître. Dès qu'elle le vit enflammé, elle versa un torrent de larmes: elle se plaignit, et ménagea si bien ses plaintes, qu'elles augmentaient à mesure de l'amour qu'elles faisaient naître. Comment aurais-je pu me soutenir dans un moment si critique? Je fus perdu lorsque je m'y attendais le moins; je fus la victime d'une négociation amoureuse et d'un traité que les soupirs avaient fait. Voilà, cher Ibbi, l'état cruel dans lequel j'ai toujours vécu. Сколько раз случалось мне отходить ко сну, будучи в милости, а поутру вставать в опале! Что сделал я в тот день, когда меня с таким позором гоняли кнутьями по всему сералю? Я оставил одну из жен в объятиях моего господина. Как только он воспламенился, она залилась потоками слез, стала жаловаться на меня, и притом так ловко, что жалобы становились все трогательнее по мере того, как росла пробужденная ею страсть. На что мог я опереться в такую трудную минуту? Я погибал в то время, когда меньше всего этого ожидал; я пал жертвою любовных переговоров и союза, заключенного вздохами. Вот, дорогой Ибби, в каком жестоком положении прожил я всю жизнь.
Que tu es heureux! Tes soins se bornent uniquement à la personne d'Usbek. Il t'est facile de lui plaire et de te maintenir dans sa faveur jusques au dernier de tes jours. Какой ты счастливец! Твои заботы ограничиваются особой самого Узбека. Тебе легко угождать ему и сохранить его расположение до конца дней твоих.
Du sérail d'Ispahan, le dernier de la lune de Saphar 1711. Из испаганского сераля, в последний день месяца Сафара 1711 года

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Lettre X. Mirza à son ami Usbeck, à Erzeron/Мирза к своему другу Узбеку в Эрзерум

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Tu étais le seul qui pût me dédommager de l'absence de Rica, et il n'y avait que Rica qui pût me consoler de la tienne. Tu nous manques, Usbek: tu étais l'âme de notre Société. Qu'il faut de violence pour rompre les engagements que le coeur et l'esprit ont formés! Ты один мог бы возместить мне отсутствие Рики, и только Рика мог бы утешить меня в твое отсутствие. Нам недостает тебя, Узбек: ты был душою нашего общества. Сколько силы нужно, чтобы порвать связи, созданные сердцем и умом!
Nous disputons ici beaucoup; nos disputes roulent ordinairement sur la morale. Hier on mit en question si les hommes étaient heureux par les plaisirs et les satisfactions des sens, ou par la pratique de la vertu. Je t'ai souvent oui dire que les hommes étaient nés pour être vertueux, et que la justice est une qualité qui leur est aussi propre que l'existence. Explique-moi, je te prie, ce que tu veux dire. Мы здесь много спорим; наши споры вращаются обычно вокруг морали. Вчера предметом обсуждения был вопрос, бывают ли люди счастливы благодаря наслаждениям и чувственным радостям или благодаря деятельной добродетели. Я часто слышал от тебя, что люди рождены, чтобы быть добродетельными и что справедливость - качество, присущее им так же, как и самое существование. Разъясни, прошу тебя, что ты этим хочешь сказать.
J'ai parlé à des mollaks, qui me désespèrent avec leurs passages de l'Alcoran: car je ne leur parle pas comme vrai croyant, mais comme homme, comme citoyen, comme père de famille. Adieu. Я разговаривал с муллами, но они приводят меня в отчаяние выдержками из Алкорана: ведь я говорю с ними не в качестве правоверного, но как человек, как гражданин, как отец семейства. Прощай.
D'Ispahan, le dernier de la lune de Saphar 1711. Из Испагани, в последний день месяца Сафара 1711 года

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Lettre XI. Usbek à Mirza, à Ispahan/Узбек к Мирзе в Испагань

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Tu renonces à ta raison pour essayer la mienne; tu descends jusqu'à me consulter; tu me crois capable de t'instruire. Mon cher Mirza, il y a une chose qui me flatte encore plus que la bonne opinion que tu as conçue de moi: c'est ton amitié qui me la procure. Ты отказываешься от своего рассудка, чтобы обратиться к моему; ты снисходишь до того, что спрашиваешь моего совета; ты считаешь, что я могу наставлять тебя. Любезный Мирза! Есть нечто еще более лестное для меня, нежели хорошее мнение, которое ты обо мне составил: это твоя дружба, которой я обязан таким мнением.
Pour remplir ce que tu me prescris, je n'ai pas cru devoir employer des raisonnements fort abstraits: il y a certaines vérités qu'il ne suffit pas de persuader, mais qu'il faut encore faire sentir. Telles sont les vérités de morale. Peut-être que ce morceau d'histoire te touchera plus qu'une philosophie subtile. Чтобы исполнить то, что ты мне предписываешь, я не вижу надобности прибегать к слишком отвлеченным рассуждениям. Существуют истины, в которых недостаточно убедить кого-либо, но которые надо дать почувствовать; именно таковы истины морали. Может быть, нижеследующий отрывок из истории тронет тебя больше, чем самая проникновенная философия.
Il y avait en Arabie un petit peuple appelé Troglodyte , qui descendait de ces anciens Troglodytes qui, si nous en croyons les historiens, ressemblaient plus à des bêtes qu'à des hommes. Ceux-ci n'étaient point si contrefaits: ils n'étaient point velus comme des ours; ils ne sifflaient point; ils avaient deux yeux; mais ils étaient si méchants et si féroces qu'il n'y avait parmi eux aucun principe d'équité ni de justice. Существовало некогда в Аравии небольшое племя, называвшееся троглодитским; оно происходило от тех древних троглодитов, которые, если верить историкам, походили больше на зверей, чем на людей. Наши троглодиты вовсе не были уродами, не были покрыты шерстью, как медведи, не рычали, имели по два глаза, но они были до такой степени злы и свирепы, что не было в их среде места ни началам правосудия, ни началам справедливости.
Ils avaient un roi d'une origine étrangère, qui, voulant corriger la méchanceté de leur naturel, les traitait sévèrement. Mais ils conjurèrent contre lui, le tuèrent et exterminèrent toute la famille royale. У них был царь, чужестранец по происхождению, который, желая исправить их злобную природу, обращался с ними сурово; они составили против него заговор, убили его и истребили всю царскую семью.
Le coup étant fait, ils s'assemblèrent pour choisir un gouvernement, et, après bien des dissensions, ils créèrent des magistrats. Mais, à peine les eurent-ils élus, qu'ils leur devinrent insupportables, et ils les massacrèrent encore. Затем они собрались, чтобы выбрать правительство, и после долгих разногласий избрали себе начальников. Но едва только должностные лица были избраны, как стали ненавистными троглодитам и тоже были ими перебиты.
Ce peuple, libre de ce nouveau joug, ne consulta plus que son naturel sauvage; tous les particuliers convinrent qu'ils n'obéiraient plus à personne; que chacun veillerait uniquement à ses intérêts, sans consulter ceux des autres. Народ, освободившись от нового ига, теперь слушался только своей дикой природы. Все условились, что никому не будут более подчиняться, что каждый будет заботиться лишь о собственной своей выгоде, не считаясь с выгодой других.
Cette résolution unanime flattait extrêmement tous les particuliers. Ils disaient: "Qu'ai-je affaire d'aller me tuer à travailler pour des gens dont je ne me soucie point? Je penserai uniquement à moi; je vivrai heureux. Que m'importe que les autres le soient? Je me procurerai tous mes besoins, et, pourvu que je les aie, je ne me soucie point que tous les autres Troglodytes soient misérables." Единодушное это решение пришлось по вкусу всем троглодитам. Каждый говорил: зачем изводить себя работой на людей, до которых мне нет никакого дела? Буду думать только о себе. Стану жить счастливо: что мне за дело до того, будут ли счастливы и другие? Я буду удовлетворять все свои потребности; лишь бы у меня было все нужнее, - не моя забота, что прочие троглодиты будут бедны.
On était dans le mois où l'on ensemence les terres. Chacun dit: "Je ne labourerai mon champ que pour qu'il me fournisse le blé qu'il me faut pour me nourrir; une plus grande quantité me serait inutile: je ne prendrai point de la peine pour rien." Настал месяц, когда засевают поля. Каждый говорил: я обработаю свое поле так, чтобы оно дало мне хлеба, сколько мне нужно; большее количество мне ни к чему; не буду трудиться зря.
Les terres de ce petit royaume n'étaient pas de même nature: il y en avait d'arides et de montagneuses, et d'autres qui, dans un terrain bas, étaient arrosées de plusieurs ruisseaux. Cette année, la sécheresse fut très grande, de manière que les terres qui étaient dans les lieux élevés manquèrent absolument, tandis que celles qui purent être arrosées furent très fertiles. Ainsi les peuples des montagnes périrent presque tous de faim par la dureté des autres, qui leur refusèrent de partager la récolte. Земля в этом небольшом царстве не была однородна: были там участки бесплодные, были гористые, были и расположенные в низинах, орошавшиеся многочисленными источниками. В тот год стояла сильная засуха; из-за этого на высоких местах хлеб совсем не уродился, тогда как поля, которые орошались, дали обильный урожай. Поэтому жители гористых местностей почти все погибли от голода; их соплеменники, по черствости своей, отказались поделиться с ними.
L'année d'ensuite fut très pluvieuse; les lieux élevés se trouvèrent d'une fertilité extraordinaire, et les terres basses furent submergées. La moitié du peuple cria une seconde fois famine; mais ces misérables trouvèrent des gens aussi durs qu'ils l'avaient été eux-mêmes. Следующий год был очень дождливым; на возвышенных местах урожай был редкостный, а низменные места оказались затопленными. Опять половина народа подняла вопль от голода, но несчастным пришлось встретиться с такою же черствостью, какую проявили они сами.
Un des principaux habitants avait une femme fort belle; son voisin en devint amoureux, et l'enleva. Il s'émut une grande querelle, et, après bien des injures et des coups, ils convinrent de s'en remettre à la décision d'un Troglodyte qui, pendant que la république subsistait, avait eu quelque crédit. Ils allèrent à lui, et voulurent lui dire leurs raisons. "Que m'importe, dit cet homme, que cette femme soit à vous ou à vous? J'ai mon champ à labourer; je n'irai peut-être pas employer mon temps à terminer vos différends et à travailler à vos affaires, tandis que je négligerai les miennes. Je vous prie de me laisser en repos et de ne m'importuner plus de vos querelles." Là-dessus il les quitta et s'en alla travailler sa terre. Le ravisseur, qui était le plus fort, jura qu'il mourrait plutôt que de rendre cette femme; et l'autre, pénétré de l'injustice de son voisin et de la dureté du juge, s'en retournait désespéré, lorsqu'il trouva dans son chemin une femme jeune et belle, qui revenait de la fontaine. Il n'avait plus de femme; celle-là lui plut, et elle lui plut bien davantage lorsqu'il apprit que c'était la femme de celui qu'il avait voulu prendre pour juge, et qui avait été si peu sensible à son malheur. Il l'enleva, et l'emmena dans sa maison. У одного из наиболее видных жителей была очень красивая жена. Его сосед влюбился в эту женщину и похитил ее; возникла великая распря; обменявшись изрядным количеством оскорблений и ударов, они в конце концов согласились передать спор на разрешение троглодита, который во времена существования республики пользовался некоторым влиянием. Они пошли к нему и хотели было изложить свои притязания. "Какое мне дело, - сказал этот человек, - до того, будет эта женщина принадлежать тебе или ему? Мне нужно обрабатывать свое поле. Не буду же я тратить время на улаживание ваших разногласий и на устройство ваших дел и пренебрегать своими собственными! Оставьте меня в покое и не докучайте больше своими пререканиями". С этими словами он их покинул и отправился на свой участок. Похититель, который был сильнее, поклялся, что скорее умрет, нежели возвратит женщину, а другой, возмущенный несправедливостью соседа и черствостью судьи, возвращался домой в ярости, и вот на дороге встретилась ему шедшая от источника молодая и красивая женщина. Жены у него больше не было, женщина ему понравилась, и понравилась еще больше, когда он узнал, что она жена того, кого он хотел пригласить в судьи и кто оказался столь мало чувствительным к его горю. Он ее похитил и привел в свой дом.
Il y avait un homme qui possédait un champ assez fertile, qu'il cultivait avec grand soin. Deux de ses voisins s'unirent ensemble, le chassèrent de sa maison, occupèrent son champ; ils firent entre eux une union pour se défendre contre tous ceux qui voudraient l'usurper; et effectivement ils se soutinrent par là pendant plusieurs mois. Mais un des deux, ennuyé de partager ce qu'il pouvait avoir tout seul, tua l'autre, et devint seul maître du champ. Son empire ne fut pas long: deux autres Troglodytes vinrent l'attaquer; il se trouva trop faible pour se défendre, et il fut massacré. У некоего человека было довольно плодородное поле, которое он возделывал с большим тщанием. Двое его соседей стакнулись, выгнали его из дома, захватили его землю. Они заключили между собою союз, чтобы защищаться от тех, кто вздумает отнять у них это поле; и действительно благодаря этому союзу они продержались в течение нескольких месяцев. Но один из них, наскучив делиться с другим тем, чем он мог бы владеть один, убил своего сообщника и сделался единственным обладателем участка. Его владычество продолжалось недолго: два других троглодита напали на него, он оказался слишком слабым, чтобы защищаться, и был зарезан.
Un Troglodyte presque tout nu vit de la laine qui était à vendre; il en demanda le prix. Le marchand dit en lui-même: "Naturellement je ne devrais espérer de ma laine qu'autant d'argent qu'il en faut pour acheter deux mesures de blé; mais je la vais vendre quatre fois davantage, afin d'avoir huit mesures." Il fallut en passer par là et payer le prix demandé. "Je suis bien aise, dit le marchand; j'aurai du blé à présent. - Que dites-vous? reprit l'acheteur. Vous avez besoin de blé? J'en ai à vendre. Il n'y a que le prix qui vous étonnera peut-être: car vous saurez que le blé est extrêmement cher, et que la famine règne presque partout. Mais rendez-moi mon argent, et je vous donnerai une mesure de blé: car je ne veux pas m'en défaire autrement, dussiez-vous crever de faim." Один почти совсем нагой троглодит увидел шерсть, выставленную на продажу; он спросил о цене; купец подумал: "Правда, я должен был бы выручить от продажи шерсти столько денег, сколько нужно для покупки двух мер зерна, но я продам ее вчетверо дороже и куплю восемь мер". Покупателю пришлось согласиться и уплатить запрошенную цену. "Вот хорошо, - сказал купец, продавший шерсть, - теперь я буду с зерном". - "Что ты говоришь, - подхватил покупатель, - тебе нужно зерно? У меня есть продажное; но вот только цена тебя, пожалуй, удивит. Ведь ты знаешь, хлеб нынче чрезвычайно дорог, и голод царит почти повсеместно. Верни мне мои деньги, и я дам тебе меру зерна: иначе я не продам, хотя бы тебе предстояло сдохнуть с голода".
Cependant une maladie cruelle ravageait la contrée. Un médecin habile y arriva du pays voisin et donna ses remèdes si à propos qu'il guérit tous ceux qui se mirent dans ses mains. Quand la maladie eut cessé, il alla chez tous ceux qu'il avait traités demander son salaire; mais il ne trouva que des refus. Il retourna dans son pays, et il y arriva accablé des fatigues d'un si long voyage. Mais bientôt après il apprit que la même maladie se faisait sentir de nouveau et affligeait plus que jamais cette terre ingrate. Ils allèrent à lui cette fois, et n'attendirent pas qu'il vînt chez eux. "Allez, leur dit-il, hommes injustes! Vous avez dans l'âme un poison plus mortel que celui dont vous voulez guérir; vous ne méritez pas d'occuper une place sur la terre, parce que vous n'avez point d'humanité, et que les règles de l'équité vous sont inconnues. Je croirais offenser les dieux qui vous punissent, si je m'opposais à la justice de leur colère." Между тем жестокая болезнь опустошала страну. Из соседней страны прибыл искусный врач и так удачно лечил, что вылечивал всякого, кто обращался к нему за помощью. Когда мор прекратился, врач пошел за вознаграждением к тем, кого лечил; однако он всюду встретил отказ; он возвратился на родину, крайне устав от долгого путешествия. Но вскоре он узнал, что та же болезнь вновь дала себя знать и пуще прежнего опустошает эту неблагодарную страну. На сей раз жители сами поспешили к врачу, не дожидаясь, чтобы он приехал к ним. "Ступайте прочь, несправедливые люди, - сказал он, - у вас в душе яд, губительнее того, от которого вы хотите лечиться; вы недостойны занимать место на земле, ибо вы бесчеловечны и справедливость вам неведома; я бы оскорбил богов, которые наказывают вас, если бы стал препятствовать их справедливому гневу".
D'Erzeron, le 3 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Джеммади 2, 3-го дня, 1711 года.

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Lettre XII. Usbek au même, à Ispahan/Узбек к нему же в Испагань

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Tu as vu, mon cher Mirza, comment les Troglodytes périrent par leur méchanceté même, et furent les Victimes de leurs propres injustices. De tant de familles, il n'en resta que deux qui échappèrent aux malheurs de la Nation. Il y avait dans ce pays deux hommes bien singuliers: ils avaient de l'humanité; ils connaissaient la justice; ils aimaient la vertu. Autant liés par la droiture de leur coeur que par la corruption de celui des autres, ils voyaient la désolation générale, et ne la ressentaient que par la pitié: c'était le motif d'une union nouvelle. Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l'intérêt commun; ils n'avaient de différends que ceux qu'une douce et tendre amitié faisait naître; et, dans l'endroit du pays le plus écarté, séparés de leurs compatriotes indignes de leur présence, ils menaient une vie heureuse et tranquille. La terre semblait produire d'elle-même, cultivée par ces vertueuses mains. Ты видел, любезный мой Мирза, как троглодиты погибли из-за своей же злобы и сделались жертвами собственных несправедливых поступков. Из множества семейств осталось только два; они избежали участи, постигшей весь народ. Было в этой стране двое очень странных людей: они были человечны, знали, что такое справедливость, любили добродетель; они были связаны друг с другом столько же прямотою своих сердец, сколько испорченностью сердец - их соплеменники; общее разорение вызывало в них сострадание, и это явилось поводом к еще более крепкому союзу. Заботливо трудились они сообща на общую пользу; между ними не возникало иных разногласий, кроме тех, какие порождаются кроткой и нежной дружбой, и в самой уединенной местности, вдали от соплеменников, недостойных их присутствия, они вели жизнь счастливую и спокойную: казалось, земля, возделываемая этими добродетельными руками, сама собою производит хлеб.
Ils aimaient leurs femmes, et ils en étaient tendrement chéris. Toute leur attention était d'élever leurs enfants à la vertu. Ils leur représentaient sans cesse les malheurs de leurs compatriotes et leur mettaient devant les yeux cet exemple si triste; ils leur faisaient surtout sentir que l'intérêt des particuliers se trouve toujours dans l'intérêt commun; que vouloir s'en séparer, C'est vouloir se perdre; que la vertu n'est point une chose qui doive nous coûter; qu'il ne faut point la regarder comme un exercice pénible; et que la justice pour autrui est une charité pour nous. Они любили своих жен и были нежно любимы ими. Все внимание их было направлено на то, чтобы воспитать детей в добродетели. Они беспрестанно говорили им о несчастьях соплеменников и обращали их внимание на столь печальный пример; в особенности старались они внушить детям, что выгода отдельных лиц всегда заключается в выгоде общественной, что желать отрешиться от последней - значит желать собственной погибели, что добродетель не должна быть нам в тягость, что отнюдь не следует считать ее постылой обязанностью и что справедливость по отношению к ближнему есть милосердие по отношению к нам самим.
Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux, qui est d'avoir des enfants qui leur ressemblent. Le jeune peuple qui s'éleva sous leurs yeux s'accrut par d'heureux mariages: le nombre augmenta, l'union fut toujours la même; et la vertu, bien loin de s'affaiblir dans la multitude, fut fortifiée, au contraire, par un plus grand nombre d'exemples. Скоро выпало им на долю утешение, являющееся наградой добродетельных отцов: дети стали похожи на них. Молодое племя, выросшее на их глазах, умножилось путем счастливых браков: семьи разрослись, союз оставался неизменным, и добродетель, отнюдь не ослабевшая от многолюдности, наоборот, укрепилась благодаря большому числу примеров.
Qui pourrait représenter ici le bonheur de ces Troglodytes? Un peuple si juste devait être chéri des dieux. Dès qu'il ouvrit les yeux pour les connaître, il apprit à les craindre, et la religion vint adoucir dans les moeurs ce que la nature y avait laissé de trop rude. Какими словами описать счастье этих троглодитов? Боги не могли не любить столь справедливый народ. Как только раскрыл он глаза, чтобы познать богов, так научился их страшиться; и религия смягчила в нравах то, что еще оставалось в них от природы слишком грубого.
Ils instituèrent des fêtes en l'honneur des dieux: les jeunes filles ornées de fleurs, et les jeunes garçons les célébraient par leurs danses et par les accords d'une musique champêtre. On faisait ensuite des festins où la joie ne régnait pas moins que la frugalité. C'était dans ces assemblées que parlait la nature naive; c'est là qu'on apprenait à donner le coeur et à le recevoir; c'est là que la pudeur virginale faisait en rougissant un aveu surpris, mais bientôt confirmé par le consentement des pères; et c'est là que les tendres mères se plaisaient à prévoir de loin une union douce et fidèle. Троглодиты учредили праздники в честь богов. Девушки, украшенные цветами, и юноши прославляли их плясками и звуками незатейливой музыки; затем следовали пиршества, на которых веселье царило наравне с воздержностью. На этих-то собраниях и подавала голос бесхитростная природа; там научались приносить в дар и принимать сердца; там девичья стыдливость, краснея, делала нечаянное признание, которое вскоре затем подтверждалось согласием родителей, и там нежные матери радовались, предугадывая сладостный и верный союз.
On allait au temple pour demander les faveurs des dieux; ce n'était pas les richesses et une onéreuse abondance: de pareils souhaits étaient indignes des heureux Troglodytes; ils ne savaient les désirer que pour leurs compatriotes. Ils n'étaient au pied des autels que pour demander la santé de leurs pères, l'union de leurs frères, la tendresse de leurs femmes, l'amour et l'obéissance de leurs enfants. Les filles y venaient apporter le tendre sacrifice de leur coeur, et ne leur demandaient d'autre grâce que celle de pouvoir rendre un Troglodyte heureux. Троглодиты посещали храм, чтобы испросить милости богов: не богатств и обременительного изобилия просили они - таких недостойных желаний не было у счастливых троглодитов: богатств желали они только для своих соплеменников. Они приходили к алтарю лишь для того, чтобы просить о здоровье своих отцов, о согласии братьев, о нежности жен, о любви и послушании детей. Девушки приходили туда, чтобы принести свое нежное сердце, и каждая просила у богов одной только милости: позволить ей составить счастье троглодита.
Le soir, lorsque les troupeaux quittaient les prairies, et que les boeufs fatigués avaient ramené la charrue, ils s'assemblaient, et, dans un repas frugal, ils chantaient les injustices des premiers Troglodytes et leurs malheurs, la vertu renaissante avec un nouveau peuple, et sa félicité. Ils célébraient les grandeurs des dieux, leurs faveurs toujours présentes aux hommes qui les implorent, et leur colère inévitable à ceux qui ne les craignent pas; ils décrivaient ensuite les délices de la vie champêtre et le bonheur d'une condition toujours parée de l'innocence. Bientôt ils s'abandonnaient à un sommeil que les soins et les chagrins n'interrompaient jamais. Вечерами, когда стада покидали пастбища и усталые волы привозили домой плуги, троглодиты собирались вместе и за умеренной трапезой пели о несправедливости первых троглодитов и их бедствиях, о добродетели, возродившейся с новым народом, и о блаженстве последнего; потом воспевали они величие богов, милости, всегда даруемые ими тем, кто просит, и неминуемый гнев богов на тех, кто их не страшится; они описывали затем прелести сельской жизни и блаженство человека, украшенного невинностью. Вскоре они отходили ко сну, и его никогда не прерывали заботы и горести.
La nature ne fournissait pas moins à leurs désirs qu'à leurs besoins. Dans ce pays heureux, la cupidité était étrangère: ils se faisaient des présents où celui qui donnait croyait toujours avoir l'avantage. Le peuple troglodyte se regardait comme une seule famille; les troupeaux étaient presque toujours confondus; la seule peine qu'on s'épargnait ordinairement, c'était de les partager. Природа щедро удовлетворяла их потребности и даже прихоти. Этой блаженной стране чужда была жадность: здесь постоянно делали друг другу подарки, и тот, кто давал, всегда почитал себя в выигрыше. Племя троглодитов чувствовало себя как бы единою семьей: стада их всегда были смешаны; троглодиты не хотели их делить - и это была единственная трудность, от которой они уклонялись.
D'Erzeron, le 6 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Джеммади 2, 6-го дня, 1711 года

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Lettre XIII. Usbek au même/Узбек к нему же

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Je ne saurais assez te parler de la vertu des Troglodytes. Un d'eux disait un jour: "Mon père doit demain labourer son champ; je me lèverai deux heures avant lui, et, quand il ira à son champ, il le trouvera tout labouré." Я бы мог без конца говорить тебе о добродетели троглодитов. Один из них сказал однажды: "Мой отец должен завтра пахать; я встану двумя часами раньше него, и когда он придет на поле, то найдет его уже распаханным".
Un autre disait en lui-même: "Il me semble que ma soeur a du goût pour un jeune Troglodyte de nos parents; il faut que je parle à mon père, et que je le détermine à faire ce mariage." Другой думал: "Мне кажется, что сестра моя чувствует расположение к молодому троглодиту, нашему родственнику; надо мне поговорить с отцом и склонить его согласиться на этот брак".
On vint dire à un autre que des voleurs avaient enlevé son troupeau: "J'en suis bien fâché, dit-il; car il y avait une génisse toute blanche que je voulais offrir aux dieux." Третьему говорят, что воры угнали его стадо. "Очень досадно, - отвечает он, - там была совершенно белая телочка, которую я собирался принести в жертву богам".
On entendait dire à un autre: "Il faut que j'aille au temple remercier les dieux: car mon frère que mon père aime tant, et que je chéris si fort, a recouvré la santé." А иной говорил друзьям: "Мне следует пойти в храм и воздать благодарение богам, ибо мой брат, столь любимый отцом и обожаемый мною, выздоровел".
Ou bien: "Il y a un champ qui touche celui de mon père, et ceux qui le cultivent sont tous les jours exposés aux ardeurs du soleil; il faut que j'aille y planter deux arbres, afin que ces pauvres gens puissent aller quelquefois se reposer sous leur ombre." Или вот: "По соседству с участком моего отца есть другой, и люди, возделывающие его, по целым дням работают под жгучими лучами солнца; надо будет сходить туда и посадить два деревца, чтобы эти бедные люди могли время от времени отдыхать под их тенью".
Un jour que plusieurs Troglodytes étaient assemblés, un vieillard parla d'un jeune homme qu'il soupçonnait d'avoir commis une mauvaise action, et lui en fit des reproches. "Nous ne croyons pas qu'il ait commis ce crime, dirent les jeunes Troglodytes, mais, s'il l'a fait, puisse-t-il mourir le dernier de sa famille!" Как-то раз, во время собрания троглодитов, некий старец завел речь о юноше, которого он заподозрил в дурном поступке, и упрекнул его в этом. "Нам не верится, что он совершил это преступление, - возразили молодые троглодиты, - но если он его действительно совершил, то пусть в наказание переживет всю свою семью!"
On vint dire à un Troglodyte que des étrangers avaient pillé sa maison et avaient tout emporté. "S'ils n'étaient pas injustes, répondit-il, je souhaiterais que les dieux leur en donnassent un plus long usage qu'à moi." Одному троглодиту сказали, что чужестранцы разграбили его дом и все унесли с собой. "Если бы они не были несправедливы, - ответил он, - я пожелал бы, чтобы боги позволили им пользоваться моим имуществом дольше, чем пользовался им я сам".
Tant de prospérités ne furent pas regardées sans envie: les peuples voisins s'assemblèrent, et, sous un vain prétexte, ils résolurent d'enlever leurs troupeaux. Dès que cette résolution fut connue, les Troglodytes envoyèrent au-devant d'eux des ambassadeurs, qui leur parlèrent ainsi: Столь великое благополучие не могло не возбуждать зависти: соседние народы объединились и решили, под пустым предлогом, угнать стада троглодитов. Как только стало известно об этом намерении, троглодиты отправили к ним послов, которые сказали следующее:
"Que vous ont fait les Troglodytes? Ont-ils enlevé vos femmes, dérobé vos bestiaux, ravagé vos campagnes? Non: nous sommes justes, et nous craignons les dieux. Que demandez-vous donc de nous? Voulez-vous de la laine pour vous faire des habits? Voulez-vous du lait pour vos troupeaux ou des fruits de nos terres? Mettez bas les armes, venez au milieu de nous, et nous vous donnerons de tout cela. Mais nous jurons, par ce qu'il y a de plus sacré, que, si vous entrez dans nos terres comme ennemis, nous vous regarderons comme un peuple injuste, et que nous vous traiterons comme des bêtes farouches." "Что сделали вам троглодиты? Похищали они ваших жен, угоняли ваши стада, опустошали ваши деревни? Нет! Мы справедливы и богобоязненны. Чего же вы требуете от нас? Хотите ли шерсти для изготовления одежды? Желаете ли молока от наших стад или плодов нашей земли? Бросьте оружие, приходите к нам, и мы дадим вам все это. Но клянемся вам всем, что только есть самого святого, что если вы вторгнетесь в наши пределы, как враги, мы будем считать вас народом несправедливым и поступим с вами, как с хищными зверьми".
Ces paroles furent renvoyées avec mépris; ces peuples sauvages entrèrent armés dans la terre des Troglodytes, qu'ils ne croyaient défendus que par leur innocence. Слова эти были отвергнуты с презрением; дикие народы вступили с оружием в руках на землю троглодитов, предполагая, что последних защищает только их невинность.
Mais ils étaient bien disposés à la défense: ils avaient mis leurs femmes et leurs enfants au milieu d'eux. Ils furent étonnés de l'injustice de leurs ennemis, et non pas de leur nombre. Une ardeur nouvelle s'était emparée de leur coeur: l'un voulait mourir pour son père, un autre pour sa femme et ses enfants, celui-ci pour ses frères, celui-là pour ses amis, tous pour le peuple troglodyte. La place de celui qui expirait était d'abord prise par un autre, qui, outre la cause commune, avait encore une mort particulière à venger. Но троглодиты были хорошо подготовлены к обороне. Жен и детей они поместили в середину. Их изумляла не численность врагов, а их несправедливость. Новый пыл охватил сердца троглодитов: один хотел умереть за отца, другой за жену и детей, тот за братьев, иной за друзей, все - за свой народ. Место павшего немедленно заступал другой, и, ратуя за общее дело, он горел также желанием отметить и за смерть своего предшественника.
Tel fut le combat de l'injustice et de la vertu; ces peuples lâches, qui ne cherchaient que le butin, n'eurent pas honte de fuir, et ils cédèrent à la vertu des Troglodytes, même sans en être touchés. Таков был бой между несправедливостью и добродетелью. Подлые народы, искавшие только добычи, не устыдились обратиться в бегство; их не трогала добродетель троглодитов, но им пришлось уступить ей.
D'Erzeron, le 9 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Джеммади 2, 9-го дня, 1711 года

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Lettre XIV. Usbek au même/Узбек к нему же

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Comme le peuple grossissait tous les jours, les Troglodytes crurent qu'il était à propos de se choisir un roi. Ils convinrent qu'il fallait déférer la couronne à celui qui était le plus juste, et ils jetèrent tous les yeux sur un vieillard vénérable par son âge et par une longue vertu. Il n'avait pas voulu se trouver à cette assemblée; il s'était retiré dans sa maison, le coeur serré de tristesse. Племя с каждым днем разрасталось, и троглодиты пришли к мысли, что пора им выбрать себе царя. Они решили, что надо предложить венец самому справедливому, и взоры всех обратились на некоего старца, уважаемого за возраст и давнюю добродетель. Он не захотел присутствовать на этом собрании; он удалился домой с сердцем, стесненным печалью.
Lorsqu'on lui envoya des députés pour lui apprendre le choix qu'on avait fait de lui: "A Dieu ne plaise, dit-il, que je fasse ce tort aux Troglodytes, que l'on puisse croire qu'il n'y a personne parmi eux de plus juste que moi! Vous me déférez la couronne, et, si vous le voulez absolument, il faudra bien que je la prenne. Mais comptez que je mourrai de douleur d'avoir vu en naissant les Troglodytes libres et de les voir aujourd'hui assujettis." A ces mots, il se mit à répandre un torrent de larmes. "Malheureux jour, disait-il; et pourquoi ai-je tant vécu?" Когда к нему отправили посланцев, чтобы сообщить, что выбор пал на него, он сказал: "Да избавит меня бог причинить несправедливость троглодитам, дав повод думать, будто нет среди них никого справедливее меня. Вы предлагаете мне венец, и, если вы настаиваете на этом, мне придется его принять, но имейте в виду, что я умру от скорби, ибо при рождении я застал троглодитов свободными, а теперь увижу их порабощенными". С этими словами он горько заплакал. "Несчастный день! - воскликнул он. - И зачем прожил я так долго?"
Puis il s'écria d'une voix sévère: "Je vois bien ce que c'est, ô Troglodytes! votre vertu commence à vous peser. Dans l'état où vous êtes, n'ayant point de chef, il faut que vous soyez vertueux malgré vous: sans cela vous ne sauriez subsister, et vous tomberiez dans le malheur de vos premiers pères. Mais ce joug vous paraît trop dur; vous aimez mieux être soumis à un prince et obéir à ses lois, moins rigides que vos moeurs. Vous savez que, pour lors, vous pourrez contenter votre ambition, acquérir des richesses et languir dans une lâche volupté; et que, pourvu que vous évitiez de tomber dans les grands crimes, vous n'aurez pas besoin de la vertu." Il s'arrêta un moment, et ses larmes coulèrent plus que jamais. "Et que prétendez-vous que je fasse? Comment se peut-il que je commande quelque chose à un Troglodyte? Voulez-vous qu'il fasse une action vertueuse parce que je la lui commande, lui qui la ferait tout de même sans moi et par le seul penchant de la nature? O Troglodytes! Je suis à la fin de mes jours, mon sang est glacé dans mes veines, je vais bientôt revoir vos sacrés aieux. Pourquoi voulez-vous que je les afflige, et que je sois obligé de leur dire que je vous ai laissés sous un autre joug que celui de la vertu?" Потом он вскричал суровым голосом: "Я понимаю, что все это означает, троглодиты! Ваша добродетель начинает тяготить вас. В вашем теперешнем положении вам приходится, не имея вождя, быть добродетельными, хотите вы этого или нет: иначе вы не могли бы существовать и вас постигли бы те же беды, которые преследовали ваших предков. Но это ярмо кажется вам слишком тяжелым: вы предпочитаете подчиниться государю и повиноваться его законам, - менее строгим, чем ваши нравы. Вы знаете, что тогда вам можно будет удовлетворять свое честолюбие, приобретать богатство и предаваться низкому вожделению и что вы не будете нуждаться в добродетели, лишь бы только избегали больших преступлений". Он умолк на мгновение, и слезы полились у него пуще прежнего. "Что же, по вашему мнению, мне делать? Как могу я приказать что-либо троглодиту? Вы хотите, чтобы он совершал добродетельные поступки потому, что я приказал ему их совершать, - ему, который и без меня совершал бы их просто по врожденной склонности? О троглодиты! Я у исхода дней моих, кровь остыла в моих жилах, скоро увижу я священных ваших предков; почему же хотите вы, чтобы я их огорчил, сказав им, что я оставил вас под ярмом иным, чем ярмо добродетели?"
D'Erzeron, le 10 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Джеммади 2, 10-го дня, 1711 года

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Lettre XV. Le premier eunuque à Jaron, eunuque noir, à Erzeron/Главный евнух к Ярону, черному евнуху, в Эрзерум

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Je prie le Ciel qu'il te ramène dans ces lieux et te dérobe à tous les dangers. Молю небо, чтобы оно вернуло тебя сюда и охранило от всяких опасностей.
Quoique je n'aie guère jamais connu cet engagement qu'on appelle amitié , et que je me sois enveloppé tout entier dans moi-même, tu m'as cependant fait sentir que j'avais encore un coeur, et pendant que j'étais de bronze pour tous ces esclaves qui vivaient sous mes lois, je voyais croître ton enfance avec plaisir. Хотя я никогда не знал тех обязательств, что зовутся дружбой, и всегда замыкался в себе, ты все же дал мне почувствовать, что у меня есть еще сердце, и в то время как я был как бы бронзовым для всех рабов, состоявших в моем подчинении, я с удовольствием следил, как ты подрастал.
Le temps vint où mon maître jeta sur toi les yeux. Il s'en fallait bien que la nature eût encore parlé lorsque le fer te sépara de la nature. Je ne te dirai point si je te plaignis, ou si je sentis du plaisir à te voir élevé jusqu'à moi. J'apaisai tes pleurs et tes Cris. Je crus te voir prendre une seconde naissance et sortir d'une servitude où tu devais toujours obéir, pour entrer dans une servitude où tu devais commander. Je pris soin de ton éducation. La sévérité, toujours inséparable des instructions, te fit longtemps ignorer que tu m'étais cher. Tu me l'étais pourtant, et je te dirais que je t'aimais comme un père aime son fils, si ces noms de père et de fils pouvaient convenir à notre destinée. Настало время, когда мой господин обратил на тебя свои взоры. Далеко еще было до того, как природа должна была заговорить в тебе, а нож уже разлучил тебя с нею. Не буду говорить, жалел ли я тебя или радовался тому, что тебя возвысили до меня. Я успокаивал твои слезы и крики. Мне казалось, что ты родился вторично и вышел из состояния рабства, при котором тебе всегда приходилось повиноваться, с тем, чтобы перейти в рабство, при котором тебе предстоит повелевать. Я позаботился о твоем воспитании. Строгость, неразлучная спутница обучения, долго мешала тебе понять, что ты мне дорог. Тем не менее ты был дорог мне, и я даже сказал бы, что любил тебя, как отец любит сына, если бы эти названия - отца и сына - подходили к нашей участи.
Tu vas parcourir les pays habités par les chrétiens, qui n'ont jamais cru; il est impossible que tu n'y contractes bien des souillures. Comment le Prophète pourrait-il te regarder au milieu de tant de millions de ses ennemis? Je voudrais que mon maître fit, à son retour, le pèlerinage de la Mecque: vous vous purifieriez tous dans la terre des anges. Ты проедешь по странам, обитаемым христианами, не знающими истинной веры. Не может быть, чтобы ты чем-нибудь не осквернил себя. Как пророку углядеть за тобой среди стольких миллионов его врагов? Мне бы хотелось, чтобы мой господин совершил по возвращении паломничество в Мекку: все вы очистились бы в стране ангелов!
Du sérail d'Ispahan, le 10 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из испаганского сераля, месяца Джеммади 2, 10-го дня, 1711 года

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Lettre XVI. Usbek au Mollak Méhémet-Hali gardien des trois tombeaux, à Com/Узбек к мулле Мегемету-Али, стражу трех гробниц{228}

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Pourquoi vis-tu dans les tombeaux, divin mollak? Tu es bien plus fait pour le séjour des étoiles. Tu te caches sans doute de peur d'obscurcir le soleil. Tu n'as point de taches comme cet astre; mais, comme lui, tu te couvres de nuages. Зачем живешь ты среди гробниц, божественный мулла? Ты создан скорее для пребывания на звездах. Ты прячешься несомненно оттого, что опасаешься затмить солнце: на тебе нет пятен, как и на этом светиле, но ты тоже закрываешься облаками.
Ta science est un abîme plus profond que l'océan; ton esprit est plus perçant que Zufagar, cette épée d'Hali qui avait deux pointes; tu sais ce qui se passe dans les neuf choeurs des puissances célestes; tu lis l'Alcoran sur la poitrine de notre divin prophète; et, lorsque tu trouves quelque passage obscur, un ange, par son ordre, déploie ses ailes rapides et descend du trône pour t'en révéler le secret. Твоя ученость - бездна глубже Океана; твой ум острее Зуфагара{228}, меча Али о двух клинках; тебе ведомо, что происходит в девяти хорах небесных сил; ты читаешь Алкоран на груди нашего божественного пророка, а когда тебе попадается в нем какое-нибудь непостижимое место, ангел, по велению пророка, взмахивает быстрыми крылами и спускается с престола, чтобы открыть тебе тайну.
Je pourrais par ton moyen avoir avec les séraphins une intime correspondance: car enfin, treizième iman, n'es-tu pas le centre où le ciel et la terre aboutissent, et le point de communication entre l'abîme et l'empyrée? Через твое посредство я мог бы поддерживать сокровенное общение с серафимами, ибо, о тринадцатый имам{228}, не центр ли ты, в котором сходятся небо и земля, не точка ли соприкосновения преисподней с эмпиреем?
Je suis au milieu d'un peuple profane. Permets que je me purifie avec toi; souffre que je tourne mon visage vers les lieux sacrés que tu habites; distingue-moi des méchants, comme on distingue au lever de l'aurore le filet blanc d'avec le filet noir; aide-moi de tes conseils; prends soin de mon âme; enivre-la de l'esprit des prophètes; nourris-la de la science du paradis, et permets que je mette ses plaies à tes pieds. Я нахожусь среди нечестивого народа: дозволь мне очиститься с твоей помощью, разреши мне обратить лицо мое к священным местам, где ты обитаешь; отличи меня от злых подобно тому, как с наступлением зари отличают нить белую от нити черной{228}; помоги мне советами; прими душу мою под свое покровительство; опьяни ее духом пророков; напитай ее райской премудростью и дозволь мне повергнуть ее язвы к стопам твоим.
Adresse tes lettres sacrées à Erzeron, où je resterai quelques mois. Посылай свои священные письма в Эрзерум: там я пробуду несколько месяцев.
D'Erzeron, le 11 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Джеммади 2, 11-го дня, 1711 года

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Lettre XVII. Usbek au même/ПИСЬМО XVII. Узбек к нему же

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Je ne puis, divin mollak, calmer mon impatience; je ne saurais attendre ta sublime réponse. J'ai des doutes; il faut les fixer. Je sens que ma raison s'égare; ramène-la dans le droit chemin. Viens m'éclairer, source de lumière; foudroie avec ta plume divine les difficultés que je vais te proposer; fais-moi pitié de moi-même et rougir de la question que je vais te faire. Я не могу, божественный мулла, преодолеть нетерпение: нет сил дождаться дивного ответа. Меня обуревают сомнения, рассей их: я чувствую, что ум мой мутится; верни его на путь истины; источник света, просвети меня; срази своим божественным пером трудности, которые я сейчас изложу тебе; внуши мне презрение к самому себе и стыд за тот вопрос, который я тебе сейчас предложу.
D'où vient que notre législateur nous prive de la chair de pourceau et de toutes les viandes qu'il appelle immondes ? D'où vient qu'il nous défend de toucher un corps mort, et que, pour purifier notre âme, il nous ordonne de nous laver sans cesse le corps? Il me semble que les choses ne sont en elles-mêmes ni pures ni impures: je ne puis concevoir aucune qualité inhérente au sujet qui puisse les rendre telles. La boue ne nous paraît sale que parce qu'elle blesse notre vue ou quelque autre de nos sens; mais, en elle-même, elle ne l'est pas plus que l'or et les diamants. L'idée de souillure contractée par l'attouchement d'un cadavre ne nous est venue que d'une certaine répugnance naturelle que nous en avons. Si les corps de ceux qui ne se lavent point ne blessaient ni l'odorat ni la vue, comment aurait-on pu s'imaginer qu'ils fussent impurs? Отчего наш законодатель лишает нас свиного мяса и всех видов говядины, называя их нечистыми? Отчего он запрещает нам дотрагиваться до трупа и повелевает беспрестанно омывать тело, чтобы очистить душу? Мне кажется, что сами по себе вещи ни чисты, ни нечисты: я не могу различить ни одного качества, присущего им от природы, которое делало бы их такими. Грязь кажется нам грязной только потому, что оскорбляет наше зрение или какое-нибудь иное из наших чувств, но сама по себе она не грязнее ни золота, ни алмазов. Мысль о том, что прикосновение к трупу оскверняет нас, возникает только из нашего естественного отвращения к мертвецам. Если бы тела тех, кто никогда не моется, не оскорбляли ни обоняния, ни зрения, как можно было бы обнаружить, что они нечисты?
Les sens, divin mollak, doivent donc être les seuls juges de la pureté ou de l'impureté des choses. Mais, comme les objets n'affectent point les hommes de la même manière, que ce qui donne une sensation agréable aux uns en produit une dégoûtante chez les autres, il suit que le témoignage des sens ne peut servir ici de règle, à moins qu'on ne dise que chacun peut, à sa fantaisie, décider ce point, et distinguer, pour ce qui le concerne, les choses pures d'avec celles qui ne le sont pas. Итак, божественный мулла, чувства оказываются единственными судьями чистоты или нечистоты вещей. Но так как ощущения от предметов отнюдь не одинаковы у всех людей; так как то, что вызывает приятное ощущение у одних, внушает отвращение другим, то отсюда следует, что свидетельство чувств не может служить мерилом, если только не утверждать, что каждый волен по собственному усмотрению решать этот вопрос и отличать, когда это его касается, чистые вещи от нечистых.
Mais cela même, sacré mollak, ne renverserait-il pas les distinctions établies par notre divin Prophète et les points fondamentaux de la Loi, qui a été écrite de la main des anges? Но, святой мулла, ведь такими соображениями опровергаются различия, установленные нашим божественным пророком, и основные положения закона, начертанного руками ангелов!
D'Erzeron, le 20 de la lune de Gemmadi 2, 1711. Из Эрзерума, месяца Джеммади 2, 20-го дня, 1711 года

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Lettre XVIII. Méhémet-Hali, serviteur des prophètes, à Usbek, à Erzeron/Мегемет-Али, служитель пророков, к Узбеку в Эрзерум

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Vous nous faites toujours des questions qu'on a faites mille fois à notre saint Prophète. Que ne lisez-vous les Traditions des Docteurs? Que n'allez-vous à cette source pure de toute intelligence? Vous trouveriez tous vos doutes résolus. Вы постоянно задаете нам вопросы, которые уже тысячу раз предлагались нашему святому пророку. Почему не читаете вы произведения ученых?{229} Почему не прибегаете к этому чистому источнику всякого познания? Там вы нашли бы разрешение всех ваших сомнений.
Malheureux, qui, toujours embarrassés des choses de la terre, n'avez jamais regardé d'un oeil fixe celles du ciel, et qui révérez la condition des mollaks, sans oser ni l'embrasser ni la suivre! Несчастные! Вы вечно заняты земными делами и никогда не обращаете взора на дела небесные; вы почитаете сан муллы, но не осмеливаетесь ни принять этот сан, ни следовать носящим его.
Profanes, qui n'entrez jamais dans les secrets de l'Eternel, vos lumières ressemblent aux ténèbres de l'abîme, et les raisonnements de votre esprit sont comme la poussière que vos pieds font élever lorsque le soleil est dans son midi, dans le mois ardent de Chahban. Нечестивцы! Вы никогда не проникаете в тайны предвечного, ваша просвещенность подобна тьме преисподней, и суждения ума вашего подобны пыли, поднимаемой вашими ногами, когда солнце стоит в зените, в знойный месяц Шахбан{229}.
Aussi le zénith de votre esprit ne va pas au nadir de celui du moindre des immaums. Votre vaine philosophie est cet éclair qui annonce l'orage et l'obscurité; vous êtes au milieu de la tempête, et vous errez au gré des vents. И зенит вашего духа не достигает даже надира ничтожнейшего из иммомов (Это слово употребительнее у турок, чем у персиян.) {229}. Ваша пустая философия - молния, предвещающая грозу и мрак: вокруг вас - буря, и вы носитесь по воле ветров.
Il est bien facile de répondre à votre difficulté; il ne faut pour cela que vous raconter ce qui arriva un jour à notre saint Prophète, lorsque, tenté par les chrétiens, éprouvé par les Juifs, il confondit également les uns et les autres. На твое затруднение ответить очень легко; для этого достаточно рассказать тебе, что случилось однажды с нашим святым пророком, когда, искушаемый христианами, испытуемый иудеями, он пристыдил и тех и других.
Le juif Abdias Ibesalon lui demanda pourquoi Dieu avait défendu de manger de la chair de pourceau. "Ce n'est pas sans raison, répondit Mahomet: c'est un animal immonde, et je vais vous en convaincre." Il fit sur sa main, avec de la boue, la figure d'un homme; il la jeta à terre et lui cria: "Levez-vous!" Sur-le-champ, un homme se leva et dit: "Je suis Japhet, fils de Noé. - Avais-tu les cheveux aussi blancs quand tu es mort? lui dit le saint Prophète. - Non, répondit-il; mais, quand tu m'as réveillé, j'ai cru que le jour du jugement était venu, et j'ai eu une si grande frayeur que mes cheveux ont blanchi tout à coup." Иудей Авдия-Ибсалон (Магометанское предание) {230} спросил у него, почему господь запретил есть свиное мясо? "Не без причины, - ответил Магомет. - Свинья животное нечистое, и сейчас я тебе это докажу". Он из грязи слепил у себя на ладони фигуру человека, бросил ее на землю и воскликнул: "Восстань!" Тотчас же встал человек и сказал: "Я Иафет, сын Ноя". - "Были у тебя такие же седые волосы, когда ты умирал?" - спросил у него святой пророк. "Нет, - отвечал тот, - но когда ты меня разбудил, я подумал, что настал судный день, и так испугался, что волосы мои сразу побелели".
"Or çà, raconte-moi, lui dit l'envoyé de Dieu, toute l'histoire de l'arche de Noé." Japhet obéit et détailla exactement tout ce qui s'était passé les premiers mois. "А ну-ка, расскажи мне, - продолжал посланец божий, - историю Ноева ковчега". Иафет повиновался и подробно рассказал обо всем, что произошло в первые месяцы;
Après quoi il parla ainsi: после этого он продолжал так:
"Nous mîmes les ordures de tous les animaux dans un côté de l'arche; ce qui la fit si fort pencher, que nous en eûmes une peur mortelle: surtout nos femmes, qui se lamentaient de la belle manière. Notre père Noé ayant été au conseil de Dieu, il lui commanda de prendre l'éléphant et de lui faire tourner la tête vers le côté qui penchait. Ce grand animal fit tant d'ordures qu'il en naquit un cochon." "Мы сгребали нечистоты всех животных к одной стороне ковчега; от этого он так накренился, что мы смертельно перепугались, особенно женщины, причитавшие на все лады. Отец наш Ной спросил совета у бога, и тот повелел ему взять слона и повернуть его головой к накренившейся стороне. Это огромное животное наложило столько помета, что из него родилась свинья".
Croyez-vous, Usbek, que, depuis ce temps-là, nous nous en soyons abstenus, et que nous l'ayons regardé comme un animal immonde? Как же, Узбек, не воздерживаться от ее мяса и не считать ее животным нечистым?
Mais, comme le cochon remuait tous les jours ces ordures, il s'éleva une telle puanteur dans l'arche, qu'il ne put lui-même s'empêcher d'éternuer, et il sortit de son nez un rat, qui allait rongeant tout ce qui se trouvait devant lui; ce qui devint si insupportable à Noé, qu'il crut qu'il était à propos de consulter Dieu encore. Il lui ordonna de donner au lion un grand coup sur le front, qui éternua aussi et fit sortir de son nez un chat. Croyez-vous que ces animaux soient encore immondes? Que vous en semble? "Но свинья все время копалась в этих нечистотах, и в ковчеге поднялась такая вонь, что свинья сама не удержалась и чихнула, а из носу у нее вышла крыса и принялась грызть что ни попало. Ною стало невмоготу, и он решил снова обратиться за советом к богу. Бог повелел ему крепко стукнуть льва по лбу, отчего лев тоже чихнул и вычихнул кошку". Можно ли было и этих животных не почесть нечистыми? Как тебе кажется?
Quand donc vous n'apercevez pas la raison de l'impureté de certaines choses, c'est que vous en ignorez beaucoup d'autres, et que vous n'avez pas la connaissance de ce qui s'est passé entre Dieu, les anges et les hommes. Vous ne savez pas l'histoire de l'éternité. Vous n'avez point lu les livres qui sont écrits au ciel: ce qui vous en a été révélé n'est qu'une petite partie de la bibliothèque divine; et ceux qui, comme nous, en approchent de plus près tandis qu'ils sont en cette vie, sont encore dans l'obscurité et les ténèbres. Итак, вы не постигаете причины нечистоты тех или иных вещей только потому, что не знаете и многих других причин, а также не знаете всего, что произошло между богом, ангелами и людьми. Вы не знаете истории вечности: вы не читали книг, написанных на небесах; то, что вам из них открыто, составляет лишь малую часть небесной библиотеки, да и те, кто подобно нам, больше вас приближаются к ней, все же, пока живут земною жизнью, коснеют во тьме и мраке.
Adieu; Mahomet soit dans votre coeur. Прощай. Да пребудет Магомет в сердце твоем!
De Com, le dernier de la lune de Chahban 1711. Из Кома, в последний день месяца Шахбана 1711 года

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Lettre XIX. Usbek à son ami Rustan, à Ispahan/Узбек к своему другу Рустану в Испагань

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Nous n'avons séjourné que huit jours à Tocat; après trente-cinq jours de marche, nous sommes arrives a Smyrne. Мы пробыли в Токате{231} только неделю; после тридцати пяти дней пути мы приехали в Смирну{231}.
De Tocat à Smyrne, on ne trouve pas une seule ville qui mérite qu'on la nomme. J'ai vu avec étonnement la faiblesse de l'empire des Osmanlins. Ce corps malade ne se soutient pas par un régime doux et tempéré, mais par des remèdes violents, qui l'épuisent et le minent sans cesse. Между Токатом и Смирной нет ни одного города, который бы заслуживал упоминания. С удивлением убеждался я в слабости империи османлисов. Это больное тело поддерживается не мягким и умеренным лечением, но сильно действующими снадобьями, которые только истощают его и подрывают его силы.
Les bachas, qui n'obtiennent leurs emplois qu'à force d'argent, entrent ruinés dans les provinces, et les ravagent comme des pays de conquête. Une milice insolente n'est soumise qu'à ses caprices. Les places sont démantelées, les villes désertes, les campagnes désolées, la culture des terres et le commerce, entièrement abandonnés. Паши, которые получают свои должности за деньги, являются в провинции разоренными и грабят их, словно завоеванные страны. Наглая солдатня подчиняется только их прихотям. Укрепления срыты, города безлюдны, деревни опустошены, земледелие и торговля совершенно заброшены.
L'impunité règne dans ce gouvernement sévère: les chrétiens qui cultivent les terres, les Juifs qui lèvent les tributs, sont exposés à mille violences. При этом суровом управлении царит безнаказанность: христиане, возделывающие землю, и евреи, взимающие налоги, подвергаются всевозможным насилиям.
La propriété des terres est incertaine, et, par conséquent, l'ardeur de les faire valoir, ralentie: il n'y a ni titre ni possession qui vaille contre le caprice de ceux qui gouvernent. Земельная собственность не охраняется законом, и тем самым подрывается желание повысить плодородие земли: не существует ни купчих крепостей, ни документов на право владения, с которыми бы считалось самоуправство пашей.
Ces barbares ont tellement abandonné les arts qu'ils ont négligé jusques à l'art militaire. Pendant que les nations d'Europe se raffinent tous les jours, ils restent dans leur ancienne ignorance, et ils ne s'avisent de prendre leurs nouvelles inventions qu'après qu'elles s'en sont servi mille fois contre eux. Турки до такой степени забросили все искусства, что пренебрегли даже искусством военным. В то время как европейские народы совершенствуются с каждым днем, эти варвары коснеют в своем первобытном невежестве и надумываются применять новые изобретения европейцев только после того, как эти изобретения уже тысячу раз применялись против них.
Ils n'ont aucune expérience sur la mer, point d'habileté dans la manoeuvre. On dit qu'une poignée de chrétiens sortis d'un rocher font suer les Ottomans et fatiguent leur empire. У них нет никакого опыта в мореплавании, никакой сноровки в ведении дел. Говорят, что горсть европейцев, спустившихся с гор (Очевидно, это мальтийские рыцари{231}), вгоняет оттоманов в пот и не дает покоя их империи.
Incapables de faire le commerce, ils souffrent presque avec peine que les Européens, toujours laborieux et entreprenants, viennent le faire: ils croient faire grâce à ces étrangers de permettre qu'ils les enrichissent. Сами они неспособны к торговле и вместе с тем не любят, когда европейцы, всегда работящие и предприимчивые, приезжают к ним торговать: они воображают, что оказывают милость европейцам, когда те обогащают их.
Dans toute cette vaste étendue de pays que j'ai traversée, je n'ai trouvé que Smyrne qu'on puisse regarder comme une ville riche et puissante. Ce sont les Européens qui la rendent telle, et il ne tient pas aux Turcs qu'elle ne ressemble à toutes les autres. Я пересек всю эту обширную страну и убедился, что только Смирну можно назвать городом богатым и сильным. Ее делают такою европейцы, и не туркам она обязана тем, что не похожа на другие турецкие города.
Voilà, cher Rustan, une juste idée de cet empire, qui, avant deux siècles, sera le théâtre des triomphes de quelque conquérant. Вот, любезный Рустан, правильное представление об этой империи, которая, не пройдет и двух веков, станет местом триумфов какого-нибудь завоевателя.
De Smyrne, le de la lune de Rhamazan 2, 1711. Из Смирны, месяца Рамазана{231} 2-го дня, 1711 года

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Lettre XX. Usbek à Zachi, sa femme, au sérail d'Ispahan/Узбек к своей жене Заши в испаганский сераль

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Vous m'avez offensé, Zachi, et je sens dans mon coeur des mouvements que vous devriez craindre, si mon éloignement ne vous laissait le temps de changer de conduite et d'apaiser la violente jalousie dont je suis tourmenté. Ты оскорбила меня, Заши, и в сердце моем рождаются чувства, которых тебе следует страшиться, если только в мое отсутствие ты не изменишь свое поведение и не постараешься утешить неистовую ревность, терзающую меня.
J'apprends qu'on vous a trouvée seule avec Nadir, eunuque blanc, qui payera de sa tête son infidélité et sa perfidie. Comment vous êtes-vous oubliée jusqu'à ne pas sentir qu'il ne vous est pas permis de recevoir dans votre chambre un eunuque blanc, tandis que vous en avez de noirs destinés à vous servir? Vous avez beau me dire que des eunuques ne sont pas des hommes, et que votre vertu vous met au-dessus des pensées que pourrait faire naître en vous une ressemblance imparfaite: cela ne suffit ni pour vous ni pour moi: pour vous, parce que vous faites une chose que les lois du sérail vous défendent; pour moi, en ce que vous m'ôtez l'honneur, en vous exposant à des regards... Que dis-je, à des regards? Peut-être aux entreprises d'un perfide qui vous aura souillée par ses crimes, et plus encore par ses regrets et le désespoir de son impuissance. Я узнал, что тебя застали наедине с белым евнухом Надиром; он заплатит головою за свою неверность и вероломство. Как забылась ты до того, чтобы не сознавать, что тебе нельзя принимать в своей комнате белого евнуха, в то время как к твоим услугам имеются черные? Напрасно ты станешь уверять меня, что евнух не мужчина и что твое добронравие ставит тебя выше мыслей, которые могли бы зародиться у тебя благодаря некоторому его сходству с мужчиной. Этих уверений недостаточно ни для тебя, ни для меня: для тебя потому, что ты совершила поступок, запрещенный законами сераля; для меня потому, что ты обесчестила меня, открывшись чужим взорам... Да что я говорю - взорам: может быть, покушениям вероломного, который осквернил тебя своим преступлением и еще более своими сожалениями и отчаянием от сознания собственного бессилия.
Vous me direz peut-être que vous m'avez été toujours fidèle. Eh! pouviez-vous ne l'être pas? Comment auriez-vous trompé la vigilance des eunuques noirs, qui sont si surpris de la vie que vous menez? Comment auriez-vous pu briser ces verrous et ces portes qui vous tiennent enfermée? Vous vous vantez d'une vertu qui n'est pas libre, et peut-être que vos désirs impurs vous ont ôté mille fois le mérite et le prix de cette fidélité que vous vantez tant. Ты скажешь мне, быть может, что всегда была мне верна. Да разве могла ты не быть верной? Как бы тебе удалось обмануть бдительность черных евнухов, ныне столь удивленных твоим образом жизни? Как бы сломала ты засовы и двери, которые держат тебя взаперти? Ты кичишься добродетелью, которая не от тебя зависит, и, может быть, твои нечистые помыслы уже тысячи раз отнимали у тебя заслугу и лишали всякой ценности верность, которой ты так хвалишься.
Je veux que vous n'ayez point fait tout ce que j'ai lieu de soupçonner; que ce perfide n'ait point porté sur vous ses mains sacrilèges; que vous ayez refusé de prodiguer à sa vue les délices de son maître; que, couverte de vos habits, vous ayez laissé cette faible barrière entre lui et vous; que, frappé lui-même d'un saint respect, il ait baissé les yeux; que, manquant à sa hardiesse, il ait tremblé sur les châtiments qu'il se prépare. Quand tout cela serait vrai, il ne l'est pas moins que vous avez fait une chose qui est contre votre devoir. Et, si vous l'avez violé gratuitement, sans remplir vos inclinations déréglées, qu'eussiez-vous fait pour les satisfaire? Que feriez-vous encore si vous pouviez sortir de ce lieu sacré, qui est pour vous une dure prison, comme il est pour vos compagnes un asile favorable contre les atteintes du vice, un temple sacré où votre sexe perd sa faiblesse, et se trouve invincible, malgré tous les désavantages de la nature? Que feriez-vous, si, laissée à vous-même, vous n'aviez pour vous défendre que votre amour pour moi, qui est si grièvement offensé, et votre devoir, que vous avez si indignement trahi? Que les moeurs du pays où vous vivez sont saintes, qui vous arrachent aux attentats des plus vils esclaves! Vous devez me rendre grâce de la gêne où je vous fais vivre, puisque ce n'est que par là que vous méritez encore de vivre. Мне хочется верить, что ты вовсе не совершила того, в чем я имею основание тебя подозревать, что этот предатель не касался тебя своими кощунственными руками: ты отказала ему в лицезрении того, что является усладою его господина; ты оставила между ним и собою слабую преграду одежд, тебя облегающих; сам он потупился от благоговения; ему недостало смелости, и он затрепетал при мысли о карах, которые себе готовит. Но даже если все это так, ты все же совершила поступок, противный твоему долгу. А если ты нарушила его попусту, не надеясь удовлетворить своих развратных наклонностей, то что бы ты готова была сделать, чтобы удовлетворить их? И что бы стала ты делать, если бы тебе удалось уйти из этого священного места, являющегося для тебя суровой тюрьмой в той же мере, в какой оно является для твоих подруг надежным убежищем против поползновений порока, священным храмом, где ваш пол утрачивает свою слабость и оказывается непобедимым, несмотря на все свои изъяны? Что сделала бы ты, если бы была предоставлена самой себе и не имела другой защиты, кроме любви ко мне, столь тяжко оскорбленной, да долга, которому ты так недостойно изменила? Как святы нравы нашей отчизны, спасающие тебя от покушений подлейших рабов! Ты должна быть благодарна мне за те стеснительные условия, в которые я тебя поставил, раз только благодаря им ты еще достойна жить.
Vous ne pouvez souffrir le chef des eunuques, parce qu'il a toujours les yeux sur votre conduite, et qu'il vous donne ses sages conseils. Sa laideur, dites-vous, est si grande que vous ne pouvez le voir sans peine; comme si, dans ces sortes de postes, on mettait de plus beaux objets. Ce qui vous afflige est de n'avoir pas à sa place l'eunuque blanc qui vous déshonore. Ты терпеть не можешь начальника евнухов потому, что он неустанно следит за твоим поведением и дает тебе мудрые советы. Его безобразие, говоришь ты, так отталкивающе, что ты не можешь видеть его без отвращения. Как будто на такие должности ставят писаных красавцев! Тебе досадно, что на его месте не белый евнух, бесчестящий тебя.
Mais que vous a fait votre première esclave? Elle vous a dit que les familiarités que vous preniez avec la jeune Zélide étaient contre la bienséance. Voilà la raison de votre haine. А чем не угодила тебе твоя главная рабыня? Она сказала тебе, что твое вольное обращение с юной Зелидой грешит против благопристойности. Вот за что ты ее возненавидела.
Je devrais être, Zachi, un juge sévère; je ne suis qu'un époux qui cherche à vous trouver innocente. L'amour que j'ai pour Roxane, ma nouvelle épouse, m'a laissé toute la tendresse que je dois avoir pour vous, qui n'êtes pas moins belle. Je partage mon amour entre vous deux, et Roxane n'a d'autre avantage que celui que la vertu peut ajouter à la beauté. Мне следовало бы, Заши, быть суровым судьею, а я только муж, стремящийся убедиться в твоей невинности. Любовь, которую я питаю к моей новой супруге Роксане, не устранила нежности, которую я должен питать к тебе, не менее прекрасной. Я делю любовь между вами обеими, и у Роксаны только то преимущество, которое добродетель может прибавить к красоте.
De Smyrne, le 12 de la lune de Zilcadé 1711. Из Смирны, месяца Зилькаде{233} 12-го дня, 1711 года

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Lettre XXI. Usbek au premier eunuque blanc/Узбек к главному белому евнуху

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Vous devez trembler à l'ouverture de cette lettre; ou plutôt vous le deviez lorsque vous souffrîtes la perfidie de Nadir. Vous qui, dans une vieillesse froide et languissante, ne pouvez sans crime lever les yeux sur les redoutables objets de mon amour; vous à qui il n'est jamais permis de mettre un pied sacrilège sur la porte du lieu terrible qui les dérobe à tous les regards; vous souffrez que ceux dont la conduite vous est confiée aient fait ce que vous n'auriez pas la témérité de faire; et vous n'apercevez pas la foudre toute prête à tomber sur eux et sur vous? Дрожать тебе следует, вскрывая это письмо, или скорее дрожать должен ты был, когда терпел вероломство Надира! Ты, и в холодной, немощной старости не могущий безнаказанно поднимать глаз на священные предметы моей любви, ты, кому никогда не позволялось ступить кощунственной ногой за порог страшного чертога, укрывающего их от всех взоров, ты терпишь, чтобы вверенные твоему надзору рабы делали то, что ты сам не осмелился бы сделать, и не замечаешь грома, готового разразиться над ними и над тобою!
Et qui êtes-vous, que de vils instruments que je puis briser à ma fantaisie; qui n'existez qu'autant que vous savez obéir; qui n'êtes dans le monde que pour vivre sous mes lois ou pour mourir dès que je l'ordonne; qui ne respirez qu'autant que mon bonheur, mon amour, ma jalousie même, ont besoin de votre bassesse; et enfin, qui ne pouvez avoir d'autre partage que la soumission, d'autre âme que mes volontés, d'autre espérance que ma félicité? Да кто вы, как не жалкие орудия, которые я могу сокрушить по своей прихоти? Вы существуете лишь постольку, поскольку умеете повиноваться; вы на свете лишь для того, чтобы жить в моем подчинении или умереть, как только я прикажу; вы дышите лишь постольку, поскольку мое счастье, моя любовь, даже моя ревность нуждается в вашей подлости; у вас нет, наконец, иной участи, кроме подчинения, другой души, кроме моей воли, другой надежды, кроме моего благоденствия.
Je sais que quelques-unes de mes femmes souffrent impatiemment les lois austères du devoir; que la présence continuelle d'un eunuque noir les ennuie; qu'elles sont fatiguées de ces objets affreux, qui leur sont donnés pour les ramener à leur époux; je le sais. Mais vous, qui vous prêtez à ce désordre, vous serez puni d'une manière à faire trembler tous ceux qui abusent de ma confiance. Я знаю, что некоторые из моих жен с трудом переносят строгие законы долга, что им докучает постоянное присутствие черного евнуха, что им надоели уроды, приставленные к ним для того, чтобы охранять их для супруга; я знаю это, но тебя, потворствующего этому беспорядку, я накажу так, что приведу в содрогание всех, кто злоупотребляет моим доверием.
Je jure par tous les prophètes du ciel, et par Hali, le plus grand de tous, que, si vous vous écartez de votre devoir, je regarderai votre vie comme celle des insectes que je trouve sous mes pieds. Клянусь всеми небесными пророками и величайшим из всех них - Али, что если ты нарушишь свой долг, я поступлю с тобою как с червем, подвернувшимся мне под ноги.
De Smyrne, le 12 de la lune de Zilcadé 1711. Из Смирны, месяца Зилькаде 12-го дня, 1711 года

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Lettre XXII. Jaron au premier eunuque/Ярон к главному евнуху в испаганский сераль

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A mesure qu'Usbek s'éloigne du sérail, il tourne sa tête vers ses femmes sacrées; il soupire, il verse des larmes; sa douleur s'aigrit, ses soupçons se fortifient. Il veut augmenter le nombre de leurs gardiens. Il va me renvoyer, avec tous les noirs qui l'accompagnent. Il ne craint plus pour lui: il craint pour ce qui lui est mille fois plus cher que lui-même. По мере того как Узбек удаляется от сераля, он обращает взоры на своих священных жен, вздыхает и проливает слезы; его боль обостряется, подозрения крепнут. Он намеревается увеличить число стражей в серале. Он отправляет меня обратно со всеми сопровождающими его неграми. Он больше не опасается за себя: он страшится за то, что ему в тысячу раз дороже самого себя.
Je vais donc vivre sous tes lois et partager tes soins. Grand Dieu! qu'il faut de choses pour rendre un seul homme heureux! Итак, я снова буду жить под твоим началом и разделять твои заботы. Боже великий! Сколько всего нужно, чтобы осчастливить только одного человека!
La nature semblait avoir mis les femmes dans la dépendance, et les en avoir retirées. Le désordre naissait entre les deux sexes, parce que leurs droits étaient réciproques. Nous sommes entrés dans le plan d'une nouvelle harmonie: nous avons mis entre les femmes et nous la haine, et entre les hommes et les femmes l'amour. Казалось бы, природа сделала женщин зависимыми, но она же и освободила их от зависимости. Между двумя полами зарождался раздор, ибо права их были обоюдны. Благодаря нам создалась новая гармония: между собою и женщинами мы поставили ненависть, а между женщинами и мужчинами - любовь.
Mon front va devenir sévère. Je laisserai tomber des regards sombres. La joie fuira de mes lèvres. Le dehors sera tranquille, et l'esprit inquiet. Je n'attendrai point les rides de la vieillesse pour en montrer les chagrins. Мое чело нахмурится. Я буду кидать мрачные взоры. Радость покинет мои уста. Внешность моя будет спокойна, но душа будет охвачена тревогой. Мне не придется ожидать старческих морщин: я буду угрюм и без них.
J'aurais eu du plaisir à suivre mon maître dans l'Occident; mais ma volonté est son bien. Il veut que je garde ses femmes; je les garderai avec fidélité. Je sais comment je dois me conduire avec ce sexe, qui, quand on ne lui permet pas d'être vain, commence à devenir superbe, et qu'il est moins aisé d'humilier que d'anéantir. Я с удовольствием следовал бы за своим господином на Запад, но моя воля принадлежит ему. Он хочет, чтобы я сторожил его жен, - я буду верно стеречь их. Я знаю, как мне вести себя с этим полом, который сразу становится надменным, когда ему не позволяют быть легкомысленным; я знаю, что труднее унижать, чем уничтожать.
Je tombe sous tes regards. Простри на меня взор твой.
De Smyrne, le 12 de la lune de Zilcadé 1711. Из Смирны, месяца Зилькаде 12-го дня, 1711 года

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Lettre XXIII. Usbek à son ami Ibben, à Smyrne/Узбек к своему другу Иббену в Смирну

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Nous sommes arrivés à Livourne dans quarante jours de navigation. C'est une ville nouvelle; elle est un témoignage du génie des ducs de Toscane, qui ont fait d'un village marécageux la ville d'Italie la plus florissante. После сорокадневного плавания мы прибыли в Ливорно. Это новый город: он свидетельствует о талантах тосканских герцогов{234}, которые превратили деревню, окруженную болотами, в самый цветущий город Италии.
Les femmes y jouissent d'une grande liberté. Elles peuvent voir les hommes à travers certaines fenêtres qu'on nomme jalousies ; elles peuvent sortir tous les jours avec quelques vieilles qui les accompagnent; elles n'ont qu'un voile. Leurs beaux-frères, leurs oncles leurs neveux peuvent les voir sans que le mari s'en formalise presque jamais. Женщины пользуются здесь большою свободой. Они могут смотреть на мужчин сквозь особые ставни, называемые жалюзи, они в любой день могут выйти из дома в сопровождении какой-нибудь старухи; они носят только одно покрывало! (Персиянки носят четыре покрывала.) Их зятья, дяди, племянники могут смотреть на них, и мужья почти никогда на это не обижаются.
C'est un grand spectacle pour un mahométan de voir pour la première fois une ville chrétienne. Je ne parle pas des choses qui frappent d'abord tous les yeux, comme la différence des édifices, des habits, des principales coutumes. Il y a jusque dans les moindres bagatelles, quelque chose de singulier que je sens, et que je ne sais pas dire. Христианский город - великое зрелище для магометанина, видящего его впервые. Я имею в виду не то, что сразу же бросается всем в глаза, вроде разницы в строениях, одежде, основных обычаях; но даже в малейших безделицах находишь здесь что-нибудь особенное: я это чувствую, хотя и не могу выразить.
Nous partirons demain pour Marseille; notre séjour n'y sera pas long. Le dessein de Rica et le mien est de nous rendre incessamment à Paris, qui est le siège de l'empire d'Europe. Les voyageurs cherchent toujours les grandes villes, qui sont une espèce de patrie commune à tous les étrangers. Завтра мы отправимся в Марсель; там мы пробудем недолго. Наше с Рикой намерение - немедленно ехать в Париж, столицу Европы. Путешественники всегда стремятся в большие города, являющиеся своего рода общим отечеством для всех иностранцев.
Adieu; sois persuadé que je t'aimerai toujours. Прощай. Будь уверен в моей неизменной любви.
De Livourne, le 12 de la lune de Saphar 1712. Из Ливорно, месяца Сафара 12-го дня, 1712 года

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Lettre XXIV. Rica à Ibben, à Smyrne/Рика к Иббену в Смирну

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Nous sommes à Paris depuis un mois, et nous avons toujours été dans un mouvement continuel. Il faut bien des affaires avant qu'on soit logé, qu'on ait trouvé les gens à qui on est adressé, et qu'on se soit pourvu des choses nécessaires, qui manquent toutes à la fois. Вот уже месяц, как мы в Париже, и все это время мы пребывали в постоянном движении. Приходится немало похлопотать, прежде чем найдешь пристанище, разыщешь людей, к которым есть рекомендации, и обзаведешься необходимыми вещами, ибо здесь неожиданно обнаруживаешь, что многого тебе не хватает.
Paris est aussi grand qu'Ispahan. Les maisons y sont si hautes qu'on jurerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues. Tu juges bien qu'une ville bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrêmement peuplée, et que, quand tout le monde est descendu dans la rue, il s'y fait un bel embarras. Париж так же велик, как Испагань. Дома в нем очень высокие; право, можно подумать, что все обитатели их - звездочеты. И, разумеется, город, построенный в воздухе, город, в котором шесть-семь домов нагромождены друг на друга, крайне многолюден, так что когда все выходят на улицу, получается изрядная толчея.
Tu ne le croirais pas peut-être: depuis un mois que je suis ici, je n'y ai encore vu marcher personne. Il n'y a point de gens au monde qui tirent mieux parti de leur machine que les Français: ils courent; ils volent. Les voitures lentes d'Asie, le pas réglé de nos chameaux, les feraient tomber en syncope. Pour moi, qui ne suis point fait à ce train, et qui vais souvent à pied sans changer d'allure, j'enrage quelquefois comme un chrétien: car encore passe qu'on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête; mais je ne puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement. Un homme qui vient après moi, et qui me passe, me fait faire un demi-tour, et un autre, qui me croise de l'autre côté, me remet soudain où le premier m'avait pris; et je n'ai pas fait cent pas, que je suis plus brisé que si j'avais fait dix lieues. Ты не поверишь, пожалуй: за тот месяц, что я здесь нахожусь, я еще не видал, чтобы тут кто-нибудь ходил не спеша. Никто на свете лучше французов не умеет пользоваться своими ногами: здесь люди бегут, летят. Они упали бы в обморок от медлительных повозок Азии, от мерного шага наших верблюдов. Что касается меня, я вовсе не приспособлен для такой беготни и хожу по улицам, не меняя своей обычной походки; поэтому я порою прихожу в бешенство, как настоящий христианин: еще куда ни шло, что меня обдают грязью с ног до головы, но я никак не могу примириться, что неизменно, неминуемо получаю удары локтями. Человек, настигающий и обходящий меня, вынуждает шарахаться в сторону; другой, пересекая мой путь в противоположном направлении, вдруг толкает меня обратно на то место, с которого сшиб первый; не успею я пройти и сотни шагов, как уже чувствую себя таким разбитым, словно прошел миль десять.
Ne crois pas que je puisse, quant à présent, te parler à fond des moeurs et des coutumes européennes: je n'en ai moi-même qu'une légère idée, et je n'ai eu à peine que le temps de m'étonner. Не думай, что я могу уже теперь основательно рассказать тебе о нравах и обычаях европейцев: я и сам-то имею о них лишь поверхностное представление, и пока что мне еле хватает времени на то, чтобы изумляться.
Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or comme le roi d'Espagne son voisin; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre, et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées. Французский король{236} - самый могущественный монарх в Европе. У него нет золотых россыпей, как у его соседа, короля Испании, и все же у него больше богатств, чем у последнего, ибо он извлекает их из тщеславия своих подданных, а оно куда доходнее золотых россыпей. Он затевал большие войны или принимал в них участие, не имея других источников дохода, кроме продажи титулов, и благодаря чуду человеческой гордыни его войска всегда были оплачены, крепости укреплены и флот оснащен.
D'ailleurs ce roi est un grand magicien: il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets; il les fait penser comme il veut. S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor, et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux, et ils le croient. S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits. Впрочем, этот король - великий волшебник: он простирает свою власть даже на умы своих подданных; он заставляет их мыслить так, как ему угодно. Если у него в казне лишь один миллион экю, а ему нужно два, то стоит ему только сказать, что одно экю равно двум, и подданные верят. Если ему приходится вести трудную войну, а денег у него вовсе нет, ему достаточно внушить им, что клочок бумаги - деньги, и они немедленно с этим соглашаются. Больше того, он внушает им, что его прикосновение излечивает их от всех болезней{236}: вот как велики сила и могущество его над умами!
Ce que je te dis de ce prince ne doit pas t'étonner: il y a un autre magicien plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce magicien s'appelle le pape . Tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un, que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce. То, что я говорю тебе об этом государе, не должно тебя удивлять: есть и другой волшебник, еще сильнее его, который повелевает умом этого государя даже больше, чем последний властвует над умом других людей. Этот волшебник зовется папой. Он убеждает короля в том, что три не что иное, как единица, что хлеб, который едят, не хлеб, и что вино, которое пьют, не вино, и в тысяче тому подобных вещей.
Et pour le tenir toujours en haleine et ne point lui laisser perdre l'habitude de croire, il lui donne de temps en temps, pour l'exercer, de certains articles de croyance. Il y a deux ans qu'il lui envoya un grand écrit, qu'il appela Constitution , et voulut obliger, sous de grandes peines, ce prince et ses sujets de croire tout ce qui y était contenu. Il réussit à l'égard du prince, qui se soumit aussitôt et donna l'exemple à ses sujets. Mais quelques-uns d'entre eux se révoltèrent, et dirent qu'ils ne voulaient rien croire de tout ce qui était dans cet écrit. Ce sont les femmes qui ont été les motrices de toute cette révolte, qui divise toute la cour, tout le royaume et toutes les familles. Cette Constitution leur défend de lire un livre que tous les chrétiens disent avoir été apporté du ciel: c'est proprement leur Alcoran. Les femmes, indignées de l'outrage fait à leur sexe, soulèvent tout contre la Constitution: elles ont mis les hommes de leur parti, qui, dans cette occasion, ne veulent point avoir de privilège. On doit pourtant avouer que ce moufti ne raisonne pas mal, et, par le grand Hali, il faut qu'il ait été instruit des principes de notre sainte loi. Car, puisque les femmes sont d'une création inférieure à la nôtre, et que nos prophètes nous disent qu'elles n'entreront point dans le Paradis, pourquoi faut-il qu'elles se mêlent de lire un livre qui n'est fait que pour apprendre le chemin du Paradis? А чтобы держать сего короля в постоянном напряжении и чтобы он не утратил привычки верить, папа время от времени преподносит ему для упражнения какие-нибудь догматы веры. Два года тому назад он прислал королю большое послание, которое назвал Конституцией{236}, и хотел, под угрозой великих кар, принудить этого государя и его подданных поверить всему, что содержалось в том послании. В отношении государя это удалось, - он тотчас же подчинился и подал пример своим подданным. Но некоторые из последних взбунтовались и заявили, что не желают верить тому, что сказано в послании. Движущей силой этого бунта, разделяющего весь двор, все королевство и все семьи, являются женщины. Эта Конституция запрещает последним читать некую книгу, про которую все христиане говорят, что она была принесена с неба: это в сущности их Алкоран Женщины, возмущенные оскорблением, нанесенным их полу, поднимают всех и вся против Конституции; они привлекли на свою сторону мужчин, которые в этом случае вовсе не хотят привилегии. Следует, однако, признать, что муфтий этот рассуждает неплохо: и - клянусь великим Али! - он, по-видимому, посвящен в основы нашего святого закона. Ибо, раз женщины суть создания низшего порядка и раз наши пророки говорят, что они не попадут в рай, то зачем же им соваться в чтение книги, написанной только с тем, чтобы указать дорогу в рай?
J'ai oui raconter du roi des choses qui tiennent du prodige, et je ne doute pas que tu ne balances à les croire. Я слыхал о короле такие россказни, которые граничат с чудом, и не сомневаюсь, что тебе трудно будет поверить им.
On dit que, pendant qu'il faisait la guerre à ses voisins, qui s'étaient tous ligués contre lui, il avait dans son royaume un nombre innombrable d'ennemis invisibles qui l'entouraient. On ajoute qu'il les a cherchés pendant plus de trente ans, et que, malgré les soins infatigables de certains dervis qui ont sa confiance, il n'en a pu trouver un seul. Ils vivent avec lui: ils sont à sa cour, dans sa capitale, dans ses troupes, dans ses tribunaux; et cependant on dit qu'il aura le chagrin de mourir sans les avoir trouvés. On dirait qu'ils existent en général, et qu'ils ne sont plus rien en particulier: c'est un corps, mais point de membres. Sans doute que le ciel veut punir ce prince de n'avoir pas été assez modéré envers les ennemis qu'il a vaincus, puisqu'il lui en donne d'invisibles, et dont le génie et le destin sont au-dessus du sien. Говорят, что в то время, как он вел войну с соседями{237}, заключившими против него союз, в его королевстве находилось бесчисленное множество невидимых врагов{237}. Добавляют, что он разыскивал их в течение более тридцати лет и, несмотря на неутомимые усилия некоторых дервишей{237}, пользующихся его доверием, не мог найти ни одного. Они живут с ним, находятся при его дворе, в его столице, в его войсках, в его судилищах: и тем не менее, говорят, как это для него ни прискорбно, ему придется умереть, так и не обнаружив их. Можно было бы сказать, что они существуют вкупе и ничего не представляют собою в отдельности: это - тело, но без членов. Насылая на короля неуловимых врагов, свойства и назначение которых превышает его собственные, небо несомненно хочет наказать этого государя за то, что он не соблюдал достаточной умеренности по отношению к своим побежденным врагам.
Je continuerai à t'écrire, et je t'apprendrai des choses bien éloignées du caractère et du génie persan. C'est bien la même terre qui nous porte tous deux; mais les hommes du pays où je vis, et ceux du pays où tu es, sont des hommes bien différents. Я буду писать тебе и впредь и расскажу тебе о вещах, весьма далеких от персидских нравов и свойств. Нас с тобою носит одна и та же Земля, но люди той страны, где живу я, и той, где пребываешь ты, весьма различны.
De Paris, le de la lune de Rebiab 1712. Из Парижа, месяца Ребиаба 2, 4-го дня, 1712 года

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Lettre XXV. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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J'ai reçu une lettre de ton neveu Rhédi: il me mande qu'il quitte Smyrne dans le dessein de voir l'Italie; que l'unique but de son voyage est de s'instruire, et de se rendre par là plus digne de toi. Je te félicite d'avoir un neveu qui sera quelque jour la consolation de ta vieillesse. Я получил письмо от твоего племянника Реди; он сообщает мне, что покидает Смирну в намерении посетить Италию и что единственная цель его путешествия - поучиться и тем самым сделаться более достойным тебя. Очень рад, что у тебя есть племянник, который со временем станет утешением твоей старости.
Rica t'écrit une longue lettre; il m'a dit qu'il te parlait beaucoup de ce pays-ci. La vivacité de son esprit fait qu'il saisit tout avec promptitude. Pour moi, qui pense plus lentement, je ne suis en état de te rien dire. Рика пишет тебе длинное письмо; он говорил, что много рассказывает тебе в нем о здешней стране. Живость его ума дает ему возможность быстро все схватывать. Что касается меня, думающего медленнее, то я ничего не в состоянии сказать тебе.
Tu es le sujet de nos conversations les plus tendres: nous ne pouvons assez parler du bon accueil que tu nous as fait à Smyrne, et des services que ton amitié nous rend tous les jours. Ты являешься предметом наших нежнейших бесед: мы не можем вдоволь наговориться о радушном приеме, который ты устроил нам в Смирне, и твоих повседневных дружеских услугах.
Puisses-tu, généreux Ibben, trouver partout des amis aussi reconnaissants et aussi fidèles que nous! Puissé-je te revoir bientôt et retrouver avec toi ces jours heureux qui coulent si doucement entre deux amis! Adieu. Да будут у тебя везде, великодушный Иббен, столь же признательные и столь же верные друзья, как мы. Поскорее бы мне свидеться с тобою, поскорее настали бы счастливые дни, дни радостной встречи двух друзей! Прощай!
De Paris, le 4 de la lune de Rebiab 1712. Из Парижа, месяца Ребиаба 2, 4-го дня. 1712 года

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Lettre XXVI. Usbek à Roxane, au sérail d'Ispahan/Узбек к Роксане в испаганский сераль

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Que vous êtes heureuse, Roxane, d'être dans le doux pays de Perse, et non pas dans ces climats empoisonnés où l'on ne connaît ni la pudeur ni la vertu! Que vous êtes heureuse! Vous vivez dans mon sérail comme dans le séjour de l'innocence, inaccessible aux attentats de tous les humains; vous vous trouvez avec joie dans une heureuse impuissance de faillir: jamais homme ne vous a souillée de ses regards lascifs; votre beau-père même, dans la liberté des festins, n'a jamais vu votre belle bouche: vous n'avez jamais manqué de vous attacher un bandeau sacré pour la couvrir. Какая счастливица ты, Роксана, что находишься в милой Персии, а не в здешних тлетворных местах, где люди не ведают ни стыда ни добродетели! Какая ты счастливица! Ты живешь в моем сердце, как в обители невинности, недоступная посягательствам смертных; ты радостно пребываешь в благостной невозможности греха. Никогда не осквернял тебя мужчина своими похотливыми взорами; даже твой свекор в непринужденной обстановке пира никогда не видел твоих прекрасных уст - ты неизменно надеваешь священную повязку, чтобы прикрыть их.
Heureuse Roxane! Quand vous avez été à la campagne, vous avez toujours eu des eunuques qui ont marché devant vous pour donner la mort à tous les téméraires qui n'ont pas fui à votre vue. Moi-même, à qui le ciel vous a donnée pour faire mon bonheur, quelle peine n'ai-je pas eue pour me rendre maître de ce trésor que vous défendiez avec tant de constance! Quel chagrin pour moi, dans les premiers jours de notre mariage, de ne pas vous voir! Et quelle impatience quand je vous eus vue! Vous ne la satisfaisiez pourtant pas; vous l'irritiez, au contraire, par les refus obstinés d'une pudeur alarmée: vous me confondiez avec tous ces hommes à qui vous vous cachez sans cesse. Vous souvient-il de ce jour où je vous perdis parmi vos esclaves qui me trahirent et vous dérobèrent à mes recherches? Vous souvient-il de cet autre où, voyant vos larmes impuissantes, vous employâtes l'autorité de votre mère pour arrêter les fureurs de mon amour? Vous souvient-il, lorsque toutes les ressources vous manquèrent, de celles que vous trouvâtes dans votre courage? Vous prîtes un poignard et menaçâtes d'immoler un époux qui vous aimait, s'il continuait à exiger de vous ce que vous chérissiez plus que votre époux même. Deux mois se passèrent dans ce combat de l'amour et de la vertu. Счастливая Роксана! Когда ты была на даче, тебя всюду сопровождали евнухи, шедшие впереди тебя, чтобы предать смерти любого дерзкого, не бежавшего при твоем приближении. Даже мне самому, которому небо даровало тебя на радость, сколько усилий пришлось употребить, прежде чем стать властелином того сокровища, которое ты защищала с таким упорством! Каким горем было для меня в первые дни нашего брака, что я не вижу тебя! И каково было мое нетерпение, когда я тебя увидел! Ты, однако, не удовлетворила его: напротив, ты его дразнила упрямыми отказами, внушенными встревоженной стыдливостью, ты смешивала меня со всеми мужчинами, от которых беспрестанно пряталась. Помнишь ли день, когда я потерял тебя среди твоих рабынь, которые изменили мне и спрятали тебя от моих поисков? Помнишь ли ты тот другой день, когда, видя, что слезы не помогают, ты прибегла к авторитету своей матери, чтобы поставить преграду неистовству моей любви? Помнишь ли, как, исчерпав все возможности, ты прибегла к тем средствам, какие обрела в своем мужестве? Ты взяла кинжал и угрожала заколоть любящего тебя супруга, если он не перестанет требовать от тебя того, что ты ценила дороже самого мужа? Два месяца прошли в этом сражении любви и добродетели.
Vous poussâtes trop loin vos chastes scrupules: vous ne vous rendîtes pas même après avoir été vaincue; vous défendîtes jusques à la dernière extrémité une virginité mourante; vous me regardâtes comme un ennemi qui vous avait fait un outrage, non pas comme un époux qui vous avait aimée; vous fûtes plus de trois mois que vous n'osiez me regarder sans rougir: votre air confus semblait me reprocher l'avantage que j'avais pris. Je n'avais pas même une possession tranquille: vous me dérobiez tout ce que vous pouviez de ces charmes et de ces grâces, et j'étais enivré des plus grandes faveurs, sans avoir obtenu les moindres. Ты зашла слишком далеко в целомудренной стыдливости; ты не сдалась даже после того как была побеждена: ты до последней крайности защищала умиравшую девственность, ты относилась ко мне, как к врагу, нанесшему тебе оскорбление, а не как к любящему супругу. Больше трех месяцев не могла ты взглянуть на меня не краснея; твой смущенный вид, казалось, упрекал меня за победу. Я даже не мог спокойно обладать тобой: ты скрывала от меня все, что могла, из твоих чарующих прелестей, и я пьянел от великого дара в то время, как в мелких дарах мне еще отказывали.
Si vous aviez été élevée dans ce pays-ci, vous n'auriez pas été si troublée. Les femmes y ont perdu toute retenue; elles se présentent devant les hommes à visage découvert, comme si elles voulaient demander leur défaite; elles les cherchent de leurs regards; elle les voient dans les mosquées, les promenades, chez elles-mêmes; l'usage de se faire servir par des eunuques leur est inconnu. Au lieu de cette noble simplicité et de cette aimable pudeur qui règne parmi vous, on voit une impudence brutale, à laquelle il est impossible de s'accoutumer. Если бы ты была воспитана в здешней стране, ты бы так не смущалась. Женщины потеряли тут всякую сдержанность: они появляются перед мужчинами с открытым лицом, словно просят о собственном поражении, они ищут мужчин взорами; они видят мужчин в мечетях, на прогулках, даже у себя дома; обычай пользоваться услугами евнухов им неизвестен. Вместо благородной простоты и милой стыдливости, которые царствуют в вашей среде, здесь видишь грубое бесстыдство, к которому невозможно привыкнуть.
Oui, Roxane, si vous étiez ici, vous vous sentiriez outragée dans l'affreuse ignominie où votre sexe est descendu; vous fuiriez ces abominables lieux, et vous soupireriez pour cette douce retraite, où vous trouvez l'innocence, où vous êtes sûre de vous-même, où nul péril ne vous fait trembler, où enfin vous pouvez m'aimer sans craindre de perdre jamais l'amour que vous me devez. Да, Роксана, если бы ты была здесь, ты почувствовала бы себя оскорбленной тем ужасным позором, до которого дошли женщины, ты бежала бы этих отвратительных мест и вздыхала бы о том тихом убежище, где ты обретаешь невинность, где ты уверена в самой себе, где никакая опасность не приводит тебя в трепет, где, наконец, ты можешь любить меня, не опасаясь когда-либо утратить любовь, которую ты обязана питать ко мне.
Quand vous relevez l'éclat de votre teint par les plus belles couleurs; quand vous vous parfumez tout le corps des essences les plus précieuses; quand vous vous parez de vos plus beaux habits; quand vous cherchez à vous distinguer de vos compagnes par les grâces de la danse et par la douceur de votre chant; que vous combattez gracieusement avec elles de charmes, de douceur et d'enjouement: je ne puis pas m'imaginer que vous ayez d'autre objet que celui de me plaire; et, quand je vous vois rougir modestement, que vos regards cherchent les miens, que vous vous insinuez dans mon coeur par des paroles douces et flatteuses, je ne saurais, Roxane, douter de votre amour. Когда ты усиливаешь блеск цвета лица твоего самыми красивыми красками, когда ты умащаешь тело самыми драгоценными благовониями, когда надеваешь самые прекрасные свои наряды, когда стремишься выделиться среди подруг изяществом пляски и нежностью своего пения, когда ты так мило состязаешься с ними в очаровании, кротости, игривости, я не могу себе представить, чтобы ты преследовала какую-нибудь иную цель, кроме одной-единственной: понравиться мне; а когда я вижу, как ты скромно краснеешь, как твои взоры ищут моих, как ты вкрадчиво проникаешь в мое сердце с помощью ласковых и нежных слов, я не могу, Роксана, сомневаться в твоей любви.
Mais que puis-je penser des femmes d'Europe? L'art de composer leur teint, les ornements dont elles se parent, les soins qu'elles prennent de leur personne, le désir continuel de plaire qui les occupe, sont autant de taches faites à leur vertu et d'outrages à leur époux. Но что мне думать о европейских женщинах? Их искусство румяниться и сурьмиться, побрякушки, которыми они украшают себя, их постоянная забота о собственной особе, их неутолимое желание нравиться - все это пятна на их добродетели и оскорбления для их мужей.
Ce n'est pas, Roxane, que je pense qu'elles poussent l'attentat aussi loin qu'une pareille conduite devrait le faire croire, et qu'elles portent la débauche à cet excès horrible, qui fait frémir, de violer absolument la foi conjugale. Il y a bien peu de femmes assez abandonnées pour aller jusque-là: elles portent toutes dans leur coeur un certain caractère de vertu qui y est gravé, que la naissance donne, et que l'éducation affaiblit, mais ne détruit pas. Elles peuvent bien se relâcher des devoirs extérieurs que la pudeur exige; mais, quand il s'agit de faire les derniers pas, la nature se révolte. Aussi, quand nous vous enfermons si étroitement, que nous vous faisons garder par tant d'esclaves, que nous gênons si fort vos désirs lorsqu'ils volent trop loin, ce n'est pas que nous craignions la dernière infidélité; mais c'est que nous savons que la pureté ne saurait être trop grande, et que la moindre tache peut la corrompre. Это не значит, Роксана, что я считаю их способными зайти так далеко в преступлении, как то можно было бы предполагать, судя по их поведению, и что они доводят свою развращенность до ужасного, в содрогание приводящего распутства - до полного нарушения супружеской верности. Женщин, настолько развратных, чтобы дойти до этого, немного: в их сердцах живет известная добродетель, которой они наделены от рождения; воспитание ослабляет ее, но не разрушает. Они могут отступать от внешних обязательств, внушаемых стыдливостью, но если дело доходит до последнего шага, природа их возмущается. А когда мы так крепко запираем вас, приставляем к вам для стражи столько рабов, сдерживаем ваши желания, если они заходят слишком далеко, - мы делаем все это не потому, что боимся роковой неверности, а потому, что знаем, что не должно быть предела вашей чистоте и что малейшее пятнышко может загрязнить ее.
Je vous plains, Roxane. Votre chasteté, si longtemps éprouvée, méritait un époux qui ne vous eût jamais quittée, et qui pût lui-même réprimer les désirs que votre seule vertu sait soumettre. Мне жаль тебя, Роксана. Твое столь долго испытываемое целомудрие заслуживало бы такого супруга, который бы никогда не покидал тебя и сам укрощал бы желания, подавлять которые под силу только твоей добродетели.
De Paris, le 7 de la lune de Rhegeb 1712. Из Парижа, месяца Реджеба{240} 7-го дня, 1712 года

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Lettre XXVII. Usbek à Nessir, à Ispahan/Узбек к Нессиру в Испагань

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Nous sommes à présent à Paris, cette superbe rivale de la ville du soleil. Мы находимся теперь в Париже, этом великолепном сопернике города Солнца (Испагани).
Lorsque je partis de Smyrne, je chargeai mon ami Ibben de te faire tenir une boîte où il y avait quelques présents pour toi; tu recevras cette lettre par la même voie. Quoique éloigné de lui de cinq ou six cents lieues, je lui donne de mes nouvelles, et je reçois des siennes, aussi facilement que s'il était à Ispahan, et moi à Com. J'envoie mes lettres à Marseille, d'où il part continuellement des vaisseaux pour Smyrne; de là, il envoie celles qui sont pour la Perse par les caravanes d'Arméniens qui partent tous les jours pour Ispahan. Уезжая из Смирны, я поручил моему другу Иббену доставить тебе ящик с кое-какими подарками: ты получишь и это письмо тем же путем Хотя между мною и Иббеном пятьсот - шестьсот миль, я сообщаю ему о себе и получаю вести от него с такою же легкостью, как если бы он был в Испагани, а я в Коме. Я посылаю свои письма в Марсель, откуда постоянно отправляются корабли в Смирну; письма, адресованные в Персию, Иббен направляет из Смирны с армянскими караванами, которые отходят в Испагань ежедневно.
Rica jouit d'une santé parfaite: la force de sa constitution sa jeunesse et sa gaieté naturelle le mettent au-dessus de toutes les épreuves. Рика чувствует себя превосходно: его сильное телосложение, молодость и веселый нрав ставят его выше всяких испытаний.
Mais, pour moi, je ne me porte pas bien: mon corps et mon esprit sont abattus; je me livre à des réflexions qui deviennent tous les jours plus tristes; ma santé, qui s'affaiblit, me tourne vers ma patrie et me rend ce pays-ci plus étranger. Что же касается меня, я не вполне здоров: мое тело и дух подавлены; я предаюсь размышлениям, которые с каждым днем становятся все печальнее; слабеющее здоровье влечет меня на родину и еще больше отчуждает от здешней страны.
Mais, cher Nessir, je te conjure, fais en sorte que mes femmes ignorent l'état où je suis: si elles m'aiment, je veux épargner leurs larmes, et, si elles ne m'aiment pas, je ne veux point augmenter leur hardiesse. Но заклинаю тебя, Нессир, постарайся, чтобы мои жены не знали, в каком состоянии я нахожусь. Если они любят меня, я хочу избавить их от слез; если не любят, не хочу усугублять их смелость.
Si mes eunuques me croyaient en danger, s'ils pouvaient espérer l'impunité d'une lâche complaisance, ils cesseraient bientôt d'être sourds à la voix flatteuse de ce sexe qui se fait entendre aux rochers et remue les choses inanimées. Если мои евнухи вообразят, что я в опасности, они станут надеяться на безнаказанность подлой их угодливости и скоро поддадутся льстивому голосу этого пола, умеющего растрогать даже скалы и способного пленить неодушевленные предметы.
Adieu, Nessir; j'ai du plaisir à te donner des marques de ma confiance. Прощай, Нессир. С удовольствием выражаю тебе мое доверие.
De Paris, le 5 de la lune de Chahban 1712. Из Парижа месяца Шахбана 5-го дня, 1712 года

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Lettre XXVIII. Rica à***/Рика к ***

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Je vis hier une chose assez singulière, quoiqu'elle se passe tous les jours à Paris. Вчера видел я здесь нечто довольно странное, хотя и происходящее в Париже изо дня в день.
Tout le peuple s'assemble sur la fin de l'après-dînée, et va jouer une espèce de scène que j'ai entendu appeler comédie . Le grand mouvement est sur une estrade, qu'on nomme le théâtre . Aux deux côtés, on voit, dans de petits réduits qu'on nomme loges , des hommes et des femmes qui jouent ensemble des scènes muettes, à peu près comme celles qui sont en usage en notre Perse. К концу послеобеденного времени все собираются и разыгрывают своего рода представление, которое, как я слышал, называют комедией. Главное действие происходит на подмостках, именуемых театром. По обеим сторонам, в конурках, которые зовутся ложами, видны мужчины и женщины, разыгрывающие между собою немые сцены, вроде тех, какие в ходу у нас в Персии.
Ici, c'est une amante affligée qui exprime sa langueur; une autre, plus animée, dévore des yeux son amant, qui la regarde de même: toutes les passions sont peintes sur les visages, et exprimées avec une éloquence qui, pour être muette, n'en est que plus vive. Là, les actrices ne paraissent qu'à demi-corps, et ont ordinairement un manchon, par modestie, pour cacher leurs bras. Il y a en bas une troupe de gens debout, qui se moquent de ceux qui sont en haut sur le théâtre, et ces derniers rient à leur tour de ceux qui sont en bas. Здесь - огорченная любовница, выражающая свое томление; там другая, страстная на вид, с огненным взором, пожирает очами своего возлюбленного, который смотрит на нее горящими глазами: все страсти отражены на лицах и выражаются весьма красноречиво, хоть и без слов. Актрисы, действующие в ложах, показываются только до талии и обычно из скромности носят муфты, чтобы прикрыть свои обнаженные руки. Внизу стоит толпа{241}, потешающаяся над теми, что находится наверху, на театре, а эти последние смеются над стоящими внизу.
Mais ceux qui prennent le plus de peine sont quelques gens qu'on prend pour cet effet dans un âge peu avancé, pour soutenir la fatigue. Ils sont obligés d'être partout: ils passent par des endroits qu'eux seuls connaissent, montent avec une adresse surprenante d'étage en étage; ils sont en haut, en bas, dans toutes les loges; ils plongent, pour ainsi dire; on les perd, ils reparaissent; souvent ils quittent le lieu de la scène et vont jouer dans un autre. On en voit même qui, par un prodige qu'on n'aurait osé espérer de leurs béquilles, marchent et vont comme les autres. Enfin on se rend à des salles où l'on joue une comédie particulière: on commence par des révérences, on continue par des embrassades. On dit que la connaissance la plus légère met un homme en droit d'en étouffer un autre. Il semble que le lieu inspire de la tendresse. En effet, on dit que les princesses qui y règnent ne sont point cruelles, et, si on en excepte deux ou trois heures du jour, où elles sont assez sauvages, on peut dire que le reste du temps elles sont traitables, et que c'est une ivresse qui les quitte aisément. Но особенно суетятся несколько человек, которых для этого набирают из числа молодых людей, способных выдерживать усталость. Они обязаны быть всюду; они пробираются сквозь им одним известные лазейки, с удивительной ловкостью носятся с яруса на ярус; они и наверху, и внизу, и во всех ложах. Они, так сказать, ныряют: только потеряешь их из виду, как они тут как тут; часто они покидают свое место на сцене и идут играть в другое; видишь и таких, которые каким-то чудом, несмотря на костыли, расхаживают не хуже других. Наконец, переходишь в залы, где представляется особого рода комедия: сперва обмениваются глубокими поклонами, потом начинают обниматься. Говорят, будто достаточно самого поверхностного знакомства с человеком, чтобы иметь право душить его в объятиях. По-видимому, самое место располагает к нежности. Говорят, будто царствующие там принцессы отнюдь не жестоки и что за исключением двух-трех часов в день, когда они бывают довольно свирепы, они, можно сказать, вполне доступны, и эта блажь у них легко проходит.
Tout ce que je te dis ici se passe à peu près de même dans un autre endroit, qu'on nomme l'Opéra : toute la différence est qu'on parle à l'un, et que l'on chante à l'autre. Un de mes amis me mena l'autre jour dans la loge où se déshabillait une des principales actrices. Nous fîmes si bien connaissance, que le lendemain je reçus d'elle cette lettre: Все, о чем я тебе здесь рассказываю, приблизительно так же происходит и в другом месте, именуемом Оперой: вся разница в том, что в одном разговаривают, а в другом поют. Приятель повел меня намедни в ложу, где раздевалась одна из главных актрис. Мы так быстро с ней сдружились, что на следующее утро я получил от нее письмо такого содержания:
MONSIEUR, "Сударь!
Je suis la plus malheureuse fille du monde; j'ai toujours été la plus vertueuse actrice de l'Opéra. Il y a sept ou huit mois que j'étais dans la loge où vous me vîtes hier. Comme je m'habillais en prêtresse de Diane, un jeune abbé vint m'y trouver, et, sans respect pour mon habit blanc, mon voile et mon bandeau, il me ravit mon innocence. J'ai beau lui exagérer le sacrifice que je lui ai fait; il se met à rire et me soutient qu'il m'a trouvée très profane. Cependant je suis si grosse que je n'ose plus me présenter sur le théâtre: car je suis, sur le chapitre de l'honneur, d'une délicatesse inconcevable, et je soutiens toujours qu'à une fille bien née il est plus facile de faire perdre la vertu que la modestie. Avec cette délicatesse, vous jugez bien que ce jeune abbé n'eût jamais réussi, s'il ne m'avait promis de se marier avec moi: un motif si légitime me fit passer sur les petites formalités ordinaires et commencer par où j'aurais dû finir. Mais, puisque son infidélité m'a déshonorée, je ne veux plus vivre à l'Opéra, où, entre vous et moi, l'on ne me donne guère de quoi vivre: car, à présent que j'avance en âge, et que je perds du côté des charmes, ma pension, qui est toujours la même, semble diminuer tous les jours. J'ai appris, par un homme de votre suite, que l'on faisait un cas infini, dans votre pays, d'une bonne danseuse, et que, si j'étais à Ispahan, ma fortune serait aussitôt faite. Si vous vouliez m'accorder votre protection et m'emmener avec vous dans ce pays-là, vous auriez l'avantage de faire du bien à une fille qui, par sa vertu et sa conduite, ne se rendrait pas indigne de vos bontés. Je suis... Я несчастнейшая девушка в мире; я всегда была самой добродетельной актрисой Оперы. Месяцев семь-восемь тому назад, когда я была в ложе, где Вы видели меня вчера, и одевалась в костюм жрицы Дианы, ко мне вошел молодой аббат и, без всякого уважения к моему белому одеянию, покрывалу и повязке, похитил мою невинность. Как ни указывала я ему на принесенную мною жертву, он только хохотал и уверял, что не нашел во мне ничего священного. Между тем я так растолстела, что не решаюсь больше показываться в театре, ибо мне свойственна необычайная щепетильность в вопросах чести; я всегда утверждаю, что порядочную девушку легче лишить добродетели, чем скромности. Вы понимаете, что при такой моей щепетильности этот молодой аббат никогда бы ничего не добился, если бы не обещал жениться на мне; столь законное его намерение понудило меня пренебречь обычными мелкими формальностями и начать с того, чем надлежало бы кончить. Но так как его неверность обесчестила меня, я не хочу больше служить в Опере, где, говоря между нами, еле зарабатываю на пропитание, потому что становлюсь все старше и прелести мои увядают, а жалованье, остающееся все тем же, с каждым днем словно уменьшается. От одного из членов Вашей свиты я узнала, что в Вашей стране чрезвычайно ценят хороших танцовщиц и что в Испагани я тотчас же составила бы себе состояние. Если бы Вы согласились оказать мне покровительство и увезти с собою в эту страну, то сделали бы доброе дело для девушки, которая благодаря своему добронравию и отменному поведению не окажется недостойной Вашей доброты. Имею честь пребывать..."
De Paris, le 2 de la lune de Chalval 1712. Из Парижа, месяца Шальвала{242} 2-го дня, 1712 года.

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Lettre XXIX. Rica à Ibben, à Smyrne/Рика к Иббену в Смирну

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Le pape est le chef des chrétiens. C'est une vieille idole qu'on encense par habitude. Il était autrefois redoutable aux princes même: car il les déposait aussi facilement que nos magnifiques sultans déposent les rois d'Irimette et de Géorgie. Mais on ne le craint plus. Il se dit successeur d'un des premiers chrétiens, qu'on appelle saint Pierre , et c'est certainement une riche succession: car il a des trésors immenses et un grand pays sous sa domination. Папа - глава христиан. Это старый идол, которому кадят по привычке. Когда-то его боялись даже государи, потому что он смещал их с такой же легкостью, с какой наши великолепные султаны смещают царей Имеретии и Грузии{242}. Но теперь его уже больше не боятся. Он называет себя преемником одного из первых христиан, которого зовут апостолом Петром, и это несомненно - богатое наследие, так как под владычеством папы находится большая страна и огромные сокровища.
Les évêques sont des gens de loi qui lui sont subordonnés, et ont, sous son autorité, deux fonctions bien différentes: quand ils sont assemblés, ils font, comme lui, des articles de foi; quand ils sont en particulier, ils n'ont guère d'autre fonction que de dispenser d'accomplir la loi. Car tu sauras que la religion chrétienne est chargée d'une infinité de pratiques très difficiles, et, comme on a jugé qu'il est moins aisé de remplir ses devoirs que d'avoir des évêques qui en dispensent, on a pris ce dernier parti pour l'utilité publique. De sorte que si l'on ne veut pas faire le rahmazan; si on ne veut pas s'assujettir aux formalités des mariages; si on veut rompre ses voeux; si on veut se marier contre les défense de la loi; quelquefois même, si on veut revenir contre son serment: on va à l'Evêque ou au Pape, qui donne aussitôt la dispense. Епископы - это законники, подчиненные папе и выполняющие под его началом две весьма различные обязанности. Когда они находятся в сборе, то, подобно папе, составляют догматы веры; а у каждого из них в отдельности нет другого дела, как только разрешать верующим нарушать эти догматы. Надо тебе сказать, что христианская религия изобилует очень трудными обрядами, и так как люди рассудили, что менее приятно исполнять обязанности, чем иметь епископов, которые освобождают от этих обязанностей, то ради общественной пользы и приняли соответствующее решение. Поэтому, если кто-нибудь не хочет справлять рамазан, подчиняться определенным формальностям при заключении брака, желает нарушить данные обеты, жениться вопреки запрету закона, а иногда даже преступить клятву, то он обращается к епископу или к папе, которые тотчас же дают разрешение.
Les évêques ne font pas des articles de foi de leur propre mouvement. Il y a un nombre infini de docteurs, la plupart dervis, qui soulèvent entre eux mille questions nouvelles sur la religion. On les laisse disputer longtemps, et la guerre dure jusqu'à ce qu'une décision vienne la terminer. Епископы не сочиняют догматов веры по собственному побуждению. Существует бесчисленное количество ученых, большею частью дервишей, которые поднимают в своей среде тысячи новых вопросов касательно религии; им предоставляют долго спорить, и распря продолжается до тех пор, пока не будет принято решение, которое положит ей конец.
Aussi puis-je t'assurer qu'il n'y a jamais eu de royaume où il y ait eu tant de guerres civiles que dans celui de Christ. Поэтому могу тебя уверить, что никогда не было царства, в котором происходило бы столько междуусобиц, как в царстве Христа.
Ceux qui mettent au jour quelque proposition nouvelle sont d'abord appelés hérétiques . Chaque hérésie a son nom, qui est, pour ceux qui y sont engagés, comme le mot de ralliement. Mais n'est hérétique qui ne veut: il n'y a qu'à partager le différend par la moitié et donner une distinction à ceux qui accusent d'hérésie, et, quelle que soit la distinction, intelligible ou non, elle rend un homme blanc comme de la neige, et il peut se faire appeler orthodoxe . Тех, которые выносят на свет божий какое-нибудь новое предложение, сначала называют еретиками. Каждая ересь имеет свое имя, которое является как бы объединяющим словом для ее сторонников. Но кто не хочет, тот может и не считаться еретиком: для этого человеку нужно только придерживаться инакомыслия лишь наполовину и установить различие между собою и теми, кого обвиняют в ереси; каким бы это различие ни было - вразумительным или невразумительным - его достаточно, чтобы обелить человека и чтобы отныне он мог называться правоверным.
Ce que je te dis est bon pour la France et l'Allemagne: car j'ai oui dire qu'en Espagne et en Portugal, il y a de certains dervis qui n'entendent point raillerie, et qui font brûler un homme comme de la paille. Quand on tombe entre les mains de ces gens-là, heureux celui qui a toujours prié Dieu avec de petits grains de bois à la main, qui a porté sur lui deux morceaux de drap attachés à deux rubans, et qui a été quelquefois dans une province qu'on appelle la Galice! Sans cela un pauvre diable est bien embarrassé. Quand il jurerait comme un paien qu'il est orthodoxe, on pourrait bien ne pas demeurer d'accord des qualités et le brûler comme hérétique: il aurait beau donner sa distinction. Point de distinction! Il serait en cendres avant que l'on eût seulement pensé à l'écouter. То, о чем я тебе рассказываю, относится к Франции и Германии, а в Испании и Португалии, говорят, есть такие дервиши, которые совершенно не разумеют шуток и жгут людей, как солому. Когда кто-нибудь попадает в их руки, то счастлив он, если всегда молился богу с маленькими деревянными зернышками{243} в руках, носил на себе два куска сукна, пришитых к двум лентам{243}, и побывал в провинции, называемой Галисией{243}! Без этого бедняге придется туго. Как бы он ни клялся в своем правоверии, его клятвам не поверят и сожгут его как еретика; как бы он ни доказывал свое отличие от еретика, - никаких отличий! Он превратится в пепел раньше, чем кто-нибудь подумает его выслушать.
Les autres juges présument qu'un accusé est innocent; ceux-ci le présument toujours coupable: dans le doute, ils tiennent pour règle de se déterminer du côté de la rigueur; apparemment parce qu'ils croient les hommes mauvais. Mais, d'un autre côté, ils en ont si bonne opinion, qu'ils ne les jugent jamais capables de mentir: car ils reçoivent le témoignage des ennemis capitaux, des femmes de mauvaise vie, de ceux qui exercent une profession infâme. Ils font dans leur sentence un petit compliment à ceux qui sont revêtus d'une chemise de soufre, et leur disent qu'ils sont bien fâchés de les voir si mal habillés, qu'ils sont doux, qu'ils abhorrent le sang, et sont au désespoir de les avoir condamnés. Mais, pour se consoler, ils confisquent tous les biens de ces malheureux à leur profit. Иные судьи заранее предполагают невинность обвиняемого, эти же всегда заранее считают его виновным. В случае сомнения они непременно склоняются к строгости, - очевидно потому, что считают людей дурными. Но, с другой стороны, они такого хорошего мнения о людях, что не считают их способными лгать, ибо придают значение свидетельским показаниям смертельных врагов обвиняемого, женщин дурного поведения, людей, занимающихся скверным ремеслом. В своих приговорах они обращаются со словами ласки к людям, одетым в рубашку, пропитанную серой{243}, и заверяют, что им очень досадно видеть приговоренных в такой плохой одежде, что они по природе кротки, страшатся крови и в отчаянии от того, что осудили их; а чтобы утешиться, они отчуждают в свою пользу все имущество этих несчастных.
Heureuse la terre qui est habitée par les enfants des prophètes! Ces tristes spectacles y sont inconnus. La sainte religion que les anges y ont apportée se défend par sa vérité même: elle n'a point besoin de ces moyens violents pour se maintenir. Благословенна страна, обитаемая детьми пророков! Такие прискорбные зрелища там неведомы (Персияне - самые терпимые из всех магометан). Святая вера, которую принесли в нее ангелы, защищается собственной своею истинностью: ей нет нужды в насилии, чтобы процветать.
De Paris, le 4 de la lune de Chalval 1712. Из Парижа, месяца Шальвала 4-го дня, 1712 года

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Lettre XXX. Rica au même, à Smyrne/Рика к нему же в Смирну

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Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel: vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait; si j'étais aux spectacles, je trouvais d'abord cent lorgnettes dressées contre ma figure: enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux: "Il faut avouer qu'il a l'air bien persan." Chose admirable! Je trouvais de mes portraits partout; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu. Жители Парижа любопытны до крайности. Когда я приехал, на меня смотрели, словно на посланца небес: старики, мужчины, женщины, дети - все хотели меня видеть. Когда я выходил из дому, люди бросались к окнам; если я гулял в Тюильри, около меня тотчас же собиралась толпа: женщины окружали меня, как радуга, переливающая тысячью цветов. Когда я посещал спектакль, на меня направлялись сотни лорнетов; словом, никогда так не рассматривали человека, как меня. Порою я улыбался, слыша, что люди, почти не выходившие из своей комнаты, говорили обо мне: "Спору нет, у него совсем персидский вид". Удивительное дело: всюду мне попадались мои портреты; я видел свои изображения во всех лавочках, на всех каминах - люди не могли наглядеться на меня.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à charge: je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare; et, quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement: libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique: car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche. Mais, si quelqu'un, par hasard, apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement: "Ah! ah! Monsieur est Persan? c'est une chose bien extraordinaire! Comment peut-on être Persan?" От стольких почестей становится, наконец, не по себе; я и не подозревал, что я такой интересный и редкостный человек, и, хотя я о себе и очень хорошего мнения, все же я никогда не воображал, что мне придется смутить покой большого города, где я никому не известен. Это понудило меня снять персидское платье и облачиться в европейское, чтобы проверить, останется ли после этого еще что-нибудь замечательное в моей физиономии. Этот опыт дал мне возможность узнать, чего я стою на самом деле. Освободившись от иностранных прикрас, я был оценен самым правильным образом. Я мог бы пожаловаться на портного: он в одно мгновение отнял у меня всеобщее внимание и уважение, ибо я вдруг превратился в ужасное ничтожество. Иногда я целый час сижу в обществе, и никто на меня не смотрит и не дает мне повода раскрыть рот, но стоит кому-нибудь случайно сообщить компании, что я персиянин, как сейчас же подле меня начинается жужжание: "Ах! ах! Этот господин - персиянин? Вот необычайная редкость! Неужели можно быть персиянином?"
De Paris, le 6 de la lune de Chalval 1712. Из Парижа, месяца Шальвала 6-го дня, 1712 года

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Lettre XXXI. Rhédi à Usbek, à Paris/Реди к Узбеку в Париж

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Je suis à présent à Venise, mon cher Usbek. On peut avoir vu toutes les villes du monde et être surpris en arrivant à Venise: on sera toujours étonné de voir une ville, des tours et des mosquées sortir de dessous l'eau, et de trouver un peuple innombrable dans un endroit où il ne devrait y avoir que des poissons. Я нахожусь сейчас в Венеции, дорогой Узбек. Можно перевидать все города на свете и все-таки прийти в изумление, приехав в Венецию: этот город, его башни и мечети, выходящие из воды, всегда будут вызывать восторг, и всегда будешь диву даваться, что в таком месте, где должны были бы водиться одни рыбы, живет так много народу.
Mais cette ville profane manque du trésor le plus précieux qui soit au monde, c'est-à-dire d'eau vive; il est impossible d'y accomplir une seule ablution légale. Elle est en abomination à notre saint Prophète; il ne la regarde jamais, du haut du ciel, qu'avec colère. Но этот нечестивый город лишен драгоценнейшего сокровища в мире, а именно проточной воды: в нем невозможно совершить ни одного установленного законом омовения. Он вызывает отвращение у нашего святого пророка, с гневом взирающего на него с высоты небес.
Sans cela, mon cher Usbek, je serais charmé de vivre dans une ville où mon esprit se forme tous les jours. Je m'instruis des secrets du commerce, des intérêts des princes, de la forme de leur gouvernement; je ne néglige pas même les superstitions européennes; je m'applique à la médecine, à la physique, à l'astronomie; j'étudie les arts; enfin je sors des nuages qui couvraient mes yeux dans le pays de ma naissance. Если бы не это, дорогой Узбек, я был бы восхищен жизнью в городе, где мой ум развивается с каждым днем. Я осведомляюсь о торговых тайнах, об интересах государей, о форме их правления; я не пренебрегаю даже европейскими суевериями; обучаюсь медицине, физике, астрономии; изучаю искусства; словом, выхожу из тумана, который заволакивал мне взор в моей отчизне.
De Venise, le 16 de la lune de Chalval 1712. Из Венеции, месяца Шальвала 16-го дня, 1712 года

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Lettre XXXII. Rica à***/Рика к ***

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J'allai l'autre jour voir une maison où l'on entretient environ trois cents personnes assez pauvrement. J'eus bientôt fait: car l'église et les bâtiments ne méritent pas d'être regardés. Ceux qui sont dans cette maison étaient assez gais; plusieurs d'entre eux jouaient aux cartes ou à d'autres jeux que je ne connais point. Comme je sortais, un de ces hommes sortait aussi, et, m'ayant entendu demander le chemin du Marais, qui est le quartier le plus éloigné de Paris: "J'y vais, me dit-il, et je vous y conduirai; suivez-moi." Il me mena à merveille, me tira de tous les embarras et me sauva adroitement des carrosses et des voitures. Nous étions prêts d'arriver, quand la curiosité me prit. "Mon bon ami, lui dis-je, ne pourrais-je point savoir qui vous êtes? - Je suis aveugle, Monsieur, me répondit-il. - Comment! lui dis-je, vous êtes aveugle! Et que ne priiez-vous cet honnête homme qui jouait aux cartes avec vous de nous conduire? - Il est aveugle aussi, me répondit-il. Il y a quatre cents ans que nous sommes trois cents aveugles dans cette maison où vous m'avez trouvé. Mais il faut que je vous quitte. Voilà la rue que vous demandiez. Je vais me mettre dans la foule; j'entre dans cette église, où, je vous jure, j'embarrasserai plus les gens qu'ils ne m'embarrasseront." Как-то раз я пошел посмотреть некий дом, в котором довольно плохо содержится около трехсот человек{245}. Я скоро окончил осмотр, ибо церковь и другие здания не заслуживают особого внимания. Обитатели этого дома были довольно веселы; многие из них играли в карты или в другие, неизвестные мне игры. Когда я выходил, вместе со мною вышел один из этих людей; слыша, что я спрашиваю, как пройти в Марэ, самый отдаленный квартал Парижа, он сказал мне: "Я иду туда и провожу вас; следуйте за мною". Он отлично довел меня, выручил из всех затруднений и ловко оберег от повозок и карет. Мы почти уже дошли, когда мной овладело любопытство. "Добрый друг, - сказал я ему, - не могу ли я узнать, кто вы?" - "Я слепой, сударь", - ответил он. "Как! - говорю я. - Вы слепой?! Почему же вы не попросили почтенного человека, игравшего с вами в карты, проводить нас?" - "Он тоже слепой; вот уже четыреста лет, как в том доме, где вы меня встретили, живет триста слепых. Но мне пора расстаться с вами; вот улица, которую вы спрашивали, а я вмешаюсь в толпу и войду в эту церковь, где, уверяю вас, доставлю людям куда больше беспокойства, чем они мне".
De Paris, le 17 de la lune de Chalval 1712. Из Парижа, месяца Шальвала 17-го дня, 1712 года

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Lettre XXXIII. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Le vin est si cher à Paris, par les impôts que l'on y met, qu'il semble qu'on ait entrepris d'y faire exécuter les préceptes du divin Alcoran qui défend d'en boire. В Париже вино благодаря пошлинам, которыми оно обложено, так дорого, словно здесь решили следовать предписаниям священного Алкорана, запрещающего его пить.
Lorsque je pense aux funestes effets de cette liqueur, je ne puis m'empêcher de la regarder comme le présent le plus redoutable que la nature ait fait aux hommes. Si quelque chose a flétri la vie et la réputation de nos monarques, ç'a été leur intempérance: c'est la source la plus empoisonnée de leurs injustices et de leurs cruautés. Когда я думаю о пагубных последствиях этого напитка, я не могу не считать его самым страшным даром, который природа сделала людям. Ничто так не запятнало жизнь и добрую славу наших монархов, как невоздержность: она - самый ядовитый источник их несправедливостей и жестокостей.
Je le dirai, à la honte des hommes: la Loi interdit à nos princes l'usage du vin, et ils en boivent avec un excès qui les dégrade de l'humanité même; cet usage, au contraire, est permis aux princes chrétiens, et on ne remarque pas qu'il leur fasse faire aucune faute. L'esprit humain est la contradiction même: dans une débauche licencieuse, on se révolte avec fureur contre les préceptes, et la Loi, faite pour nous rendre plus justes, ne sert souvent qu'à nous rendre plus coupables. Скажу к человеческому стыду: закон запрещает нашим государям употребление вина, а они пьют его в таком излишестве, что теряют человеческий облик. Наоборот, христианским государям пить вино дозволяется, и незаметно, чтобы это побуждало их делать что-либо неподобающее. Человеческий дух - само противоречие. На разгульных пирах люди с бешенством восстают против всяких предписаний, а закон, созданный для того, чтобы сделать нас праведными, часто только усугубляет наши пороки.
Mais, quand je désapprouve l'usage de cette liqueur qui fait perdre la raison, je ne condamne pas de même ces boissons qui l'égaient. C'est la sagesse des Orientaux de chercher des remèdes contre la tristesse avec autant de soin que contre les maladies les plus dangereuses. Lorsqu'il arrive quelque malheur à un Européen, il n'a d'autre ressource que la lecture d'un philosophe qu'on appelle Sénèque ; mais les Asiatiques, plus sensés qu'eux, et meilleurs physiciens en cela, prennent des breuvages capables de rendre l'homme gai et de charmer le souvenir de ses peines. Но, осуждая употребление этого питья, затемняющего наш рассудок, я отнюдь не осуждаю напитков, которые оживляют его. Мудрость людей Востока состоит в том, чтобы искать лекарств от печали с такой же заботливостью, как и от пагубных болезней. Когда какое-нибудь несчастье приключится с европейцем, у него не бывает другого прибежища, кроме чтения философа, именуемого Сенекой; азиаты же, которые рассудительнее европейцев и более искусны в медицине, пьют в таких случаях напитки, обладающие способностью развеселить человека и прогнать воспоминание о невзгодах.
Il n'y a rien de si affligeant que les consolations tirées de la nécessité du mal, de l'inutilité des remèdes, de la fatalité du destin, de l'ordre de la Providence, et du malheur de la condition humaine. C'est se moquer de vouloir adoucir un mal par la considération que l'on est né misérable. Il vaut bien mieux enlever l'esprit hors de ses réflexions, et traiter l'homme comme sensible, au lieu de le traiter comme raisonnable. Нет ничего прискорбнее утешений, говорящих о необходимости зла, о тщетности лекарств, о неотвратимости рока, о порядке, установленном провидением, и об извечных немощах человека. Сущей насмешкой является желание смягчить зло тем соображением, что человек рождается несчастным; гораздо лучше отвлекать ум от таких размышлений и обращаться с человеком, как с существом чувствительным, вместо того чтобы взывать к его рассудительности.
L'âme, unie avec le corps, en est sans cesse tyrannisée. Si le mouvement du sang est trop lent; si les esprits ne sont pas assez épurés; s'ils ne sont pas en quantité suffisante, nous tombons dans l'accablement et dans la tristesse. Mais, si nous prenons des breuvages qui puissent changer cette disposition de notre corps, notre âme redevient capable de recevoir des impressions qui l'égaient, et elle sent un plaisir secret de voir sa machine reprendre, pour ainsi dire, son mouvement et sa vie. Тело беспрестанно тиранит соединенную с ним душу. Если кровообращение замедлено, если жизненные соки не вполне чисты, если они находятся не в достаточном количестве, мы впадаем в уныние и печаль. Когда же мы прибегаем к напиткам, которые могут изменить такое состояние нашего тела, душа наша вновь обретает восприимчивость к бодрящим впечатлениям и испытывает тайное удовольствие, ощущая, что механизм, так сказать, вновь возвращается к движению и жизни.
De Paris, le 25 de la lune de Zilcadé 1713. Из Парижа, месяца Зилькаде{246} 25-го дня, 1713 года

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Lettre XXXIV. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Les femmes de Perse sont plus belles que celles de France; mais celles de France sont plus jolies. Il est difficile de ne point aimer les premières, et de ne se point plaire avec les secondes: les unes sont plus tendres et plus modestes; les autres sont plus gaies et plus enjouées. Персиянки красивее француженок, зато француженки миловиднее. Трудно не любить первых и не находить удовольствия в общении со вторыми: одни нежнее и скромнее, другие веселее и жизнерадостнее.
Ce qui rend le sang si beau en Perse, c'est la vie réglée que les femmes y mènent: elles ne jouent ni ne veillent; elles ne boivent point de vin, et ne s'exposent presque jamais à l'air. Il faut avouer que le sérail est plutôt fait pour la santé que pour les plaisirs: c'est une vie unie, qui ne pique point; tout s'y ressent de la subordination et du devoir; les plaisirs mêmes y sont graves, et les joies, sévères; et on ne les goûte presque jamais que comme des marques d'autorité et de dépendance. Такими красивыми делает женщин в Персии размеренная жизнь, которую они ведут там: они не играют в карты, не проводят бессонных ночей, не пьют вина и почти никогда не выходят на воздух. Нужно признать, что жизнь в серале приспособлена больше для сохранения здоровья, чем для удовольствий: это жизнь ровная и тихая; все там отзывается подчинением и долгом; даже самые удовольствия степенны и радости суровы, и они почти всегда являются проявлением авторитета и следствием зависимости.
Les hommes mêmes n'ont pas en Perse la gaieté qu'ont les Français: on ne leur voit point cette liberté d'esprit et cet air content que je trouve ici dans tous les états et dans toutes les conditions. Да и мужчины в Персии не отличаются живостью французов: в них не чувствуется той духовной свободы, и нет у них того довольного вида, которые я замечаю здесь во всех сословиях и при всех состояниях.
C'est bien pis en Turquie, où l'on pourrait trouver des familles où, de père en fils, personne n'a ri depuis la fondation de la monarchie. А уж о Турции и говорить нечего: там можно найти семьи, в которых с самого основания монархии, из поколения в поколение, никто никогда не смеялся.
Cette gravité des Asiatiques vient du peu de commerce qu'il y a entre eux: ils ne se voient que lorsqu'ils y sont forcés par la cérémonie. L'amitié, ce doux engagement du coeur, qui fait ici la douceur de la vie, leur est presque inconnue. Ils se retirent dans leurs maisons, où ils trouvent toujours une compagnie qui les attend; de manière que chaque famille est, pour ainsi dire, isolée. Серьезность азиатов происходит оттого, что они мало общаются между собою: они видят друг друга только в тех случаях, когда их вынуждает к этому церемониал. Им почти неведома дружба, этот сладостный союз сердец, составляющий здесь отраду жизни; они сидят по домам, где всегда находят одно и то же поджидающее их общество, так что каждая семья, так сказать, замкнута в самой себе.
Un jour que je m'entretenais là-dessus avec un homme de ce pays-ci, il me dit: "Ce qui me choque le plus de vos moeurs, c'est que vous êtes obligés de vivre avec des esclaves, dont le coeur et l'esprit se sentent toujours de la bassesse de leur condition. Ces gens lâches affaiblissent en vous les sentiments de la vertu que l'on tient de la nature, et ils les ruinent, depuis l'enfance qu'ils vous obsèdent. Car, enfin, défaites-vous des préjugés. Que peut-on attendre de l'éducation qu'on reçoit d'un misérable qui fait consister son honneur à garder les femmes d'un autre, et s'enorgueillit du plus vil emploi qui soit parmi les humains; qui est méprisable par sa fidélité même, qui est la seule de ses vertus, parce qu'il y est porté par envie, par jalousie et par désespoir; qui, brûlant de se venger des deux sexes dont il est le rebut, consent à être tyrannisé par le plus fort, pourvu qu'il puisse désoler le plus faible; qui, tirant de son imperfection, de sa laideur et de sa difformité, tout l'éclat de sa condition, n'est estimé que parce qu'il est indigne de l'être; qui, enfin, rivé pour jamais à la porte où il est attaché, plus dur que les gonds et les verrous qui la tiennent, se vante de cinquante ans de vie dans ce poste indigne, où, chargé de la jalousie de son maître, il a exercé toute sa bassesse?" Как-то раз, когда я беседовал об этом с одним из здешних жителей, он сказал мне: "В ваших нравах меня отталкивает больше всего то, что вы принуждены жить с рабами, на сердце и уме которых всегда сказывается их приниженное положение. Эти подлые люди ослабляют в вас чувства добродетели, вложенные природой, и разрушают эти чувства с самого детства, когда вас сдают им на руки. Словом, освободитесь от предрассудков. Чего можно ожидать от воспитания, если воспитатель - существо отверженное, вся честь которого состоит в том, что оно сторожит жен другого; существо, гордящееся самой гнусной должностью, какая только существует у людей; если это человек, заслуживающий презрения именно за свою верность, являющуюся единственной его добродетелью, ибо только зависть, ревность и отчаяние побуждают его быть верным; человек, горящий жаждою отомстить обоим полам, от коих он отторгнут, соглашающийся переносить тиранство более сильного пола, лишь бы иметь возможность доводить до отчаяния более слабый; человек, который обязан всем блеском своего положения - собственному несовершенству, безобразию и уродству и которого уважают лишь потому, что он недостоин уважения; который, наконец, будучи навсегда прикован к отведенной для него двери и став более неподатливым, чем крюки и засовы, запирающие ее, кичится тем, что пятьдесят лет стоит на этом недостойном посту, где, уполномоченный ревностью своего господина, он проявляет всю свою низость?"
De Paris, le 14 de la lune de Zilhagé 1713. Из Парижа месяца Зильхаже 14-го дня, 1713 года

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Lettre XXXV. Usbek à Gemchid, son cousin, dervis du brillant monastère de Tauris/Узбек к Джемшиду, своему двоюродному брату, дервишу достославного монастыря в Тавризе

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Que penses-tu des chrétiens, sublime dervis? Crois-tu qu'au jour du Jugement ils seront comme les infidèles Turcs, qui serviront d'ânes aux Juifs et les mèneront au grand trot en enfer? Je sais bien qu'ils n'iront point dans le séjour des prophètes, et que le grand Hali n'est point venu pour eux. Mais, parce qu'ils n'ont pas été assez heureux pour trouver des mosquées dans leur pays, crois-tu qu'ils soient condamnés à des châtiments éternels, et que Dieu les punisse pour n'avoir pas pratiqué une religion qu'il ne leur a pas fait connaître? Je puis te le dire: j'ai souvent examiné ces chrétiens; je les ai interrogés pour voir s'ils avaient quelque idée du grand Hali, qui était le plus beau de tous les hommes: j'ai trouvé qu'ils n'en avaient jamais oui parler. Что думаешь ты о христианах, вдохновенный дервиш? Считаешь ли ты, что в день страшного суда с ними будет то же, что с неверными турками, которые послужат ослами для иудеев и крупной рысью повезут их в ад? Я знаю, что в обитель пророков они не попадут и не для них приходил Али. Но думаешь ли ты, что они будут осуждены на вечные мучения за то, что не имели счастья найти мечети в своей стране, неужели бог накажет их за то, что они не исповедовали религии, которой он им не дал? Могу тебе сказать: я часто расспрашивал христиан, испытывал их, чтобы проверить, имеют ли они хоть какое-нибудь понятие о великом Али, который был прекраснейшим из людей; оказалось, что они никогда и не слыхали о нем.
Ils ne ressemblent point à ces infidèles que nos saints prophètes faisaient passer au fil de l'épée, parce qu'ils refusaient de croire aux miracles du ciel: ils sont plutôt comme ces malheureux qui vivaient dans les ténèbres de l'idolâtrie avant que la divine lumière vînt éclairer le visage de notre grand Prophète. Они отнюдь не походят на тех неверных, которых наши святые пророки приказывали рубить мечом за то, что они не верят в небесные чудеса: они скорее похожи на тех несчастных, которые жили во тьме язычества до того дня, пока божественный свет не озарил лик нашего великого пророка.
D'ailleurs, si l'on examine de près leur religion, on y trouvera comme une semence de nos dogmes. J'ai souvent admiré les secrets de la Providence, qui semble les avoir voulu préparer par là à la conversion générale. J'ai oui parler d'un livre de leurs docteurs, intitulé La Polygamie triomphante , dans lequel il est prouvé que la polygamie est ordonnée aux chrétiens. Leur baptême est l'image de nos ablutions légales, et les chrétiens n'errent que dans l'efficacité qu'ils donnent à cette première ablution, qu'ils croient devoir suffire pour toutes les autres. Leurs prêtres et leurs moines prient comme nous sept fois le jour. Ils espèrent de jouir d'un paradis où ils goûteront mille délices par le moyen de la résurrection des corps. Ils ont, comme nous, des jeûnes marqués, des mortifications avec lesquelles ils espèrent fléchir la miséricorde divine. Ils rendent un culte aux bons anges et se méfient des mauvais. Ils ont une sainte crédulité pour les miracles que Dieu opère par le ministère de ses serviteurs. Ils reconnaissent, comme nous, l'insuffisance de leurs mérites et le besoin qu'ils ont d'un intercesseur auprès de Dieu. Je vois partout le mahométisme, quoique je n'y trouve point Mahomet. К тому же, если присмотреться к религии христиан, в ней найдешь как бы зачатки наших догматов. Я часто дивился тайнам провидения, которое, по-видимому, хочет подготовить их этим к полному обращению. Я слыхал об одном сочинении их ученых, озаглавленном "Торжествующее многоженство"{248}; в нем доказывается, что христианам предписано многоженство. Их крещение похоже на установленные нашим законом омовения, и заблуждаются христиане лишь в том, что придают чрезмерное значение этому первому омовению, считая его достаточной заменой всем остальным. Их священники и монахи молятся, подобно нам, семь раз в день. Христиане чают попасть в рай и вкусить там наслаждения благодаря воскресению плоти. Они, как и мы, умерщвляют плоть и соблюдают посты, с помощью которых надеются заслужить божественное милосердие. Они чтят добрых ангелов и остерегаются злых. Они свято верят чудесам, которые бог творит через посредство своих служителей. Они, подобно нам, признают недостаточность собственных заслуг и необходимость иметь посредников между собою и богом. Я всюду нахожу здесь магометанство, хотя и не нахожу Магомета.
On a beau faire, la vérité s'échappe et perce toujours les ténèbres qui l'environnent. Il viendra un jour où l'Eternel ne verra sur la terre que de vrais croyants: le temps, qui consume tout, détruira les erreurs mêmes; tous les hommes seront étonnés de se voir sous le même étendard; tout, jusques à la Loi, sera consommé: les divins exemplaires seront enlevés de la terre et portés dans les célestes archives. Что ни делай, а истина прорывается и всегда пронизывает окружающий ее мрак. Наступит день, когда Предвечный увидит на земле одних только правоверных. Всесокрушающее время развеет и заблуждения. Люди с удивлением увидят, что все они осенены одним и тем же знаменем: все, в том числе и закон, станет совершенно; божественные книги взяты будут с земли и перенесены в небесные архивы.
De Paris, le 20 de la lune de Zilhagé 1713. Из Парижа, месяца Зильхаже 14-го дня, 1713 года

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Lettre XXXVI. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Le café est très en usage à Paris: il y a un grand nombre de maisons publiques où on le distribue. Dans quelques-unes de ces maisons, on dit des nouvelles; dans d'autres, on joue aux échecs. Il y en a une où l'on apprête le café de telle manière qu'il donne de l'esprit à ceux qui en prennent: au moins, de tous ceux qui en sortent, il n'y a personne qui ne croie qu'il en a quatre fois plus que lorsqu'il y est entré. В Париже в большом употреблении кофе: здесь много публичных заведений, где его подают. В некоторых из этих домов посетители рассказывают друг другу новости, в иных играют в шахматы. Есть даже дом{249}, где приготовляют кофе таким способом, что он прибавляет ума тем, кто его пьет; по крайней мере всякий выходящий оттуда считает, что стал куда умнее, чем был при входе.
Mais ce qui me choque de ces beaux esprits, c'est qu'ils ne se rendent pas utiles à leur patrie, et qu'ils amusent leurs talents à des choses puériles. Par exemple, lorsque j'arrivai à Paris, je les trouvai échauffés sur une dispute la plus mince qu'il se puisse imaginer: il s'agissait de la réputation d'un vieux poète grec dont, depuis deux mille ans, on ignore la patrie, aussi bien que le temps de sa mort. Les deux partis avouaient que c'était un poète excellent; il n'était question que du plus ou du moins de mérite qu'il fallait lui attribuer. Chacun en voulait donner le taux; mais, parmi ces distributeurs de réputation, les uns faisaient meilleur poids que les autres. Voilà la querelle! Elle était bien vive: car on se disait cordialement, de part et d'autre, des injures si grossières, on faisait des plaisanteries si amères, que je n'admirais pas moins la manière de disputer, que le sujet de la dispute. "Si quelqu'un, disais-je en moi-même, était assez étourdi pour aller devant un de ces défenseurs du poète grec attaquer la réputation de quelque honnête citoyen, il ne serait pas mal relevé, et je crois que ce zèle, si délicat sur la réputation des morts, s'embraserait bien pour défendre celle des vivants! Mais, quoi qu'il en soit, ajoutais-je, Dieu me garde de m'attirer jamais l'inimitié des censeurs de ce poète, que le séjour de deux mille ans dans le tombeau n'a pu garantir d'une haine si implacable! Ils frappent à présent des coups en l'air. Mais que serait-ce si leur fureur était animée par la présence d'un ennemi?" Но особенно отталкивает меня от этих остроумцев то, что они не приносят никакой пользы отечеству и тратят свои таланты на всякие ребяческие выходки. Когда, например, я приехал в Париж, я застал их за горячим спором{249} по самому пустому вопросу, какой только можно вообразить: дело шло о достоинствах одного древнегреческого поэта, ни родина, ни время смерти которого вот уже две тысячи лет никому не известны. Обе партии признавали, что поэт он превосходный, вопрос шел только о степени его достоинств. Каждый устанавливал свою собственную оценку, но среди этих мастеров репутаций одни были щедрее других: вот и вся распря. Она была очень оживленной, так как противники от всего сердца наносили друг другу столь тяжкие оскорбления и подшучивали одни над другими так язвительно, что я дивился манере спорить не меньше, чем самому предмету спора. "Если бы нашелся, - думал я, - настолько безрассудный человек, чтобы при ком-нибудь из этих защитников греческого поэта напасть на доброе имя какого-либо честного гражданина, ему бы показали! Несомненно, что столь благородное усердие, проявляемое по отношению к доброму имени мертвых, воспламенилось бы и на защиту живых! Но как бы там ни было, - прибавлял я про себя, - не дай мне бог навлечь на себя когда-нибудь вражду хулителей этого поэта, которого не защитило от такой неумолимой ненависти даже двухтысячелетнее пребывание в могиле! Теперь они машут кулаками впустую, но что было бы, если бы их бешенство воодушевлялось присутствием врага?"
Ceux dont je te viens de parler disputent en langue vulgaire, et il faut les distinguer d'une autre sorte de disputeurs, qui se servent d'une langue barbare qui semble ajouter quelque chose à la fureur et à l'opiniâtreté des combattants. Il y a des quartiers où l'on voit comme une mêlée noire et épaisse de ces sortes de gens; ils se nourrissent de distinctions; ils vivent de raisonnements et de fausses conséquences. Ce métier, où l'on devrait mourir de faim, ne laisse pas de rendre: on a vu une nation entière, chassée de son pays, traverser les mers pour s'établir en France, n'emportant avec elle, pour parer aux nécessités de la vie, qu'un redoutable talent pour la dispute. Те, о ком я только что говорил, спорят на общепринятом языке, и их следует отличать от другого рода спорщиков, которые пользуются языком варварским{250}, еще усугубляющим ярость и упрямство вояк. Существуют кварталы{250}, кишащие черною, густою толпой этого рода людей; они питаются мелочными придирками, они живут туманными рассуждениями и ложными выводами. Это ремесло, казалось бы, должно привести людей к голодной смерти, а оно приносит изрядный доход. Целый народ{250} был изгнан из своей страны, пересек моря, чтобы обосноваться во Франции, но он не привез при этом с собою для защиты от жизненных невзгод ничего, кроме ужасного таланта спорить.
Adieu. Прощай.
De Paris, le dernier de la lune de Zilhagé 1713. Из Парижа, в последний день месяца Зильхаже 1713 года

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Lettre XXXVII. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Le roi de France est vieux. Nous n'avons point d'exemple dans nos histoires d'un monarque qui ait si longtemps régné. On dit qu'il possède à un très haut degré le talent de se faire obéir: il gouverne avec le même génie sa famille, sa cour, son Etat. On lui a souvent entendu dire que, de tous les gouvernements du monde, celui des Turcs, ou celui de notre auguste sultan, lui plairait le mieux, tant il fait cas de la politique orientale. Король Франции стар{250}. У нас в истории не найдется примера столь долгого царствования. Как слышно, этот монарх в очень высокой степени обладает талантом властвовать: с одинаковой ловкостью управляет он своею семьей, двором, государством. Не раз он говорил, что из всех правительств на свете ему больше всего по нраву турецкое и нашего августейшего султана: так высоко ценит он восточную политику.
J'ai étudié son caractère, et j'y ai trouvé des contradictions qu'il m'est impossible de résoudre. Par exemple, il a un ministre qui n'a que dix-huit ans, et une maîtresse qui en a quatre-vingts; il aime sa religion, et il ne peut souffrir ceux qui disent qu'il la faut observer à la rigueur; quoiqu'il fuie le tumulte des villes, et qu'il se communique peu, il n'est occupé, depuis le matin jusques au soir, qu'à faire parler de lui; il aime les trophées et les victoires, mais il craint autant de voir un bon général à la tête de ses troupes, qu'il aurait sujet de le craindre à la tête d'une année ennemie. Il n'est, je crois, jamais arrivé qu'à lui d'être, en même temps, comblé de plus de richesses qu'un prince n'en saurait espérer, et accablé d'une pauvreté qu'un particulier ne pourrait soutenir. Я изучал его характер и обнаружил в нем противоречия, которые никак не могу объяснить: есть у него, например, министр, которому всего восемнадцать лет, и возлюбленная, которой восемьдесят{250}; он верен своей религии и в то же время терпеть не может тех, кто говорит, что ее нужно соблюдать неукоснительно; хотя он бежит от городского шума и мало с кем общается, он тем не менее с утра до вечера занят только тем, чтобы дать повод говорить о себе; он любит трофеи и победы, однако так же боится поставить хорошего генерала во главе своих войск, как боялся бы его во главе неприятельской армии. Я думаю, что только с ним одним могло случиться, что он в одно и то же время обладает такими несметными богатствами, о каких даже монарх может только мечтать, и удручен такою бедностью, которая даже простому человеку была бы в тягость.
Il aime à gratifier ceux qui le servent; mais il paye aussi libéralement les assiduités, ou plutôt l'oisiveté de ses courtisans, que les campagnes laborieuses de ses capitaines. Souvent il préfère un homme qui le déshabille, ou qui lui donne la serviette lorsqu'il se met à table, à un autre qui lui prend des villes ou lui gagne des batailles. Il ne croit pas que la grandeur souveraine doive être gênée dans la distribution des grâces, et, sans examiner si celui qu'il comble de biens est homme de mérite, il croit que son choix va le rendre tel: aussi lui a-t-on vu donner une petite pension à un homme qui avait fui deux lieues, et un beau gouvernement à un autre qui en avait fui quatre. Он любит награждать тех, кто ему служит, но одинаково щедро оплачивает как усердие, или, вернее, безделье, придворных, так и трудные походы полководцев; часто он предпочитает человека, который помогает ему раздеться или подает ему салфетку, когда он садится за стол - тому, кто берет для него города или выигрывает сражения; он думает, что царственное величие не должно быть ничем стеснено в даровании милостей и, не разбираясь, заслуженно ли он осыпал того или иного милостями, полагает, что самый его выбор уже делает человека достойным монаршего благоволения. Так, например, некоему человеку, убежавшему от неприятеля на две мили, он дал ничтожную пенсию, а тому, кто убежал на четыре, - целую губернию.
Il est magnifique, surtout dans ses bâtiments: il y a plus de statues dans les jardins de son palais que de citoyens dans une grande ville. Sa garde est aussi forte que celle du prince devant qui les trônes se renversent ses armées sont aussi nombreuses, ses ressources aussi grandes, et ses finances aussi inépuisables. Он окружен великолепием - я имею в виду прежде всего его дворцы; в его садах больше статуй, чем жителей в ином большом городе. Его гвардия почти так же сильна, как гвардия государя, перед которым падают ниц все троны; его войска столь же многочисленны, его возможности так же велики, а казна столь же неисчерпаема.
De Paris, le 7 de la lune de Maharram 1713. Из Парижа, месяца Махаррама 7-го дня, 1713 года

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Lettre XXXVIII. Rica à Ibben, à Smyrne/Рика к Иббену в Смирну

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C'est une grande question, parmi les hommes, de savoir s'il est plus avantageux d'ôter aux femmes la liberté, que de la leur laisser; il me semble qu'il y a bien des raisons pour et contre. Si les Européens disent qu'il n'y a pas de générosité à rendre malheureuses les personnes que l'on aime, nos Asiatiques répondent qu'il y a de la bassesse aux hommes de renoncer à l'empire que la nature leur a donné sur les femmes. Si on leur dit que le grand nombre de femmes enfermées est embarrassant, ils répondent que dix femmes qui obéissent embarrassent moins qu'une qui n'obéit pas. Que s'ils objectent à leur tour que les Européens ne sauraient être heureux avec des femmes qui ne leur sont pas fidèles, on leur répond que cette fidélité, qu'ils vantent tant, n'empêche point le dégoût, qui suit toujours les passions satisfaites; que nos femmes sont trop à nous; qu'une possession si tranquille ne nous laisse rien à désirer ni à craindre; qu'un peu de coquetterie est un sel qui pique et prévient la corruption. Peut-être qu'un homme plus sage que moi serait embarrassé de décider: car, si les Asiatiques font fort bien de chercher des moyens propres à calmer leurs inquiétudes, les Européens font fort bien aussi de n'en point avoir. Большой вопрос для мужчин: выгоднее ли отнять свободу у женщин, чем предоставить ее им? Мне кажется, есть много доводов и за и против. Европейцы считают, что невеликодушно причинять огорчения тем, кого любишь, а наши азиаты отвечают, что для мужчин унизительно отказываться от власти над женщинами, которую сама природа предоставила им. Если азиатам говорят, что большое число запертых женщин обременительно, то они отвечают, что десять послушных жен менее обременительны, чем одна непослушная. А когда азиаты в свою очередь возражают, что европейцы не могут быть счастливы с неверными женами, они получают в ответ, что верность, которой они так хвастаются, не мешает отвращению, всегда наступающему вслед за удовлетворением страсти; что наши женщины слишком уж наши; что такое спокойное обладание не оставляет нам ни желаний, ни опасений; что немного кокетства - соль, обостряющая вкус и предупреждающая порчу. Пожалуй, иной, и поумнее меня, затруднится решить это, ибо если азиаты очень стараются о том, как бы найти средства, могущие успокоить их тревогу, то европейцы много делают для того, чтобы вовсе ее не испытывать.
"Après tout, disent-ils, quand nous serions malheureux en qualité de maris, nous trouverions toujours moyen de nous dédommager en qualité d'amants. Pour qu'un homme pût se plaindre avec raison de l'infidélité de sa femme, il faudrait qu'il n'y eût que trois personnes dans le monde; ils seront toujours à but quand il y en aura quatre." "В конце концов, - говорят они, - если бы мы оказались несчастны в качестве мужей, мы всегда найдем средство утешиться в качестве любовников. Лишь в том случае муж был бы вправе жаловаться на неверность своей жены, если бы на свете было только три человека; но люди всегда достигнут цели, если их будет хотя бы четверо".
C'est une autre question de savoir si la loi naturelle soumet les femmes aux hommes. "Non, me disait l'autre jour un philosophe très galant: la nature n'a jamais dicté une telle loi. L'empire que nous avons sur elles est une véritable tyrannie; elles ne nous l'ont laissé prendre que parce qu'elles ont plus de douceur que nous, et par conséquent, plus d'humanité et de raison. Ces avantages, qui devaient sans doute leur donner la supériorité, si nous avions été raisonnables, la leur ont fait perdre, parce que nous ne le sommes point. Другой вопрос, подчиняет ли женщин мужчинам естественный закон. "Нет, - сказал мне однажды один весьма галантный философ, - природа никогда не предписывала такого закона. Власть наша над женщинами - настоящая тирания; они только потому позволили нам захватить ее, что они мягче нас и, следовательно, человечнее и разумнее. Эти преимущества их перед нами несомненно дали бы женщинам превосходство, если бы мы были рассудительнее; в действительности же эти качества повлекли за собою утерю женщинами превосходства, ибо мы вовсе не рассудительны".
Or, s'il est vrai que nous n'avons sur les femmes qu'un pouvoir tyrannique, il ne l'est pas moins qu'elles ont sur nous un empire naturel: celui de la beauté, à qui rien ne résiste. Le nôtre n'est pas de tous les pays; mais celui de la beauté est universel. Pourquoi aurions-nous donc un privilège? Est-ce parce que nous sommes les plus forts? Mais c'est une véritable injustice. Nous employons toutes sortes de moyens pour leur abattre le courage; les forces seraient égales si l'éducation l'était aussi. Eprouvons-les dans les talents que l'éducation n'a point affaiblis et nous verrons si nous sommes si forts." Однако если верно, что мы имеем над женщинами только тираническую власть, то не менее верно и то, что их власть над нами естественна: это власть красоты, которой ничто не в силах сопротивляться. Наша власть над женщинами распространена не во всех странах, а власть красоты повсеместна. На чем же может основываться наше преимущество? На том, что мы сильнее? Но это отнюдь не справедливо. Мы пускаем в ход всякого рода средства, чтобы лишить их храбрости. Если бы одинаково было воспитание, силы были бы равны. Испытаем их в тех талантах, которые не ослаблены воспитанием, и посмотрим, так ли уж мы сильны.
Il faut l'avouer, quoique cela choque nos moeurs chez les peuples les plus polis, les femmes ont toujours eu de l'autorité sur leurs maris. Elle fut établie par une loi chez les Egyptiens, en l'honneur d'Isis, et chez les Babyloniens, en l'honneur de Sémiramis. On disait des Romains qu'ils commandaient à toutes les nations, mais qu'ils obéissaient à leurs femmes. Je ne parle point des Sauromates, qui étaient véritablement dans la servitude de ce sexe: ils étaient trop barbares pour que leur exemple puisse être cité. Надо признаться, хотя это и противно нашим нравам: у самых цивилизованных народов жены всегда имели влияние на своих мужей; у египтян это было установлено законом в честь Изиды, у вавилонян - в честь Семирамиды. О римлянах говорили, что они повелевают всеми народами, но повинуются своим женам. Я уж молчу о савроматах{252}, которые находились прямо-таки в рабстве у женщин: они слишком были варварами, чтобы приводить их в пример.
Tu vois, mon cher Ibben, que j'ai pris le goût de ce pays-ci, où l'on aime à soutenir des opinions extraordinaires et à réduire tout en paradoxe. Le Prophète a décidé la question et a réglé les droits de l'un et de l'autre sexe: "Les femmes, dit-il, doivent honorer leurs maris; leurs maris les doivent honorer: mais ils ont l'avantage d'un degré sur elles." Как видишь, дорогой Иббен, мне пришлась по вкусу эта страна, где любят придерживаться крайних мнений и все сводить к парадоксам. Пророк решил этот вопрос и определил права того и другого пола. "Жены, - говорит он, - должны почитать своих мужей, мужья должны почитать жен; но мужья все же на одну ступень выше, чем жены"{252}.
De Paris, le 26 de la lune de Gemmadi 1713. Из Парижа, месяца Джеммади 2, 26-го дня, 1713 года

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Lettre XXXIX. Hagi Ibbi au juif Ben Josué, Prosélyte Mahométan, à Smyrne/Хаджи (Хаджи - человек, совершивший паломничество в Мекку) Ибби к иудею бен-Иошуа, новообращенному магометанину, в Смирну

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Il me semble, Ben Josué, qu'il y a toujours des signes éclatants qui préparent à la naissance des hommes extraordinaires, comme si la nature souffrait une espèce de crise, et que la puissance céleste ne produisît qu'avec effort. Мне кажется, бен-Иошуа, что рождению необыкновенных людей всегда предшествуют поразительные знамения, словно природа испытывает своего рода кризис, и силы небесные порождают таких людей не без усилия.
Il n'y a rien de si merveilleux que la naissance de Mahomet. Dieu qui, par les décrets de sa providence, avait résolu, dès le commencement, d'envoyer aux hommes ce grand prophète pour enchaîner Satan, créa une lumière deux mille ans avant Adam, qui, passant d'élu en élu, d'ancêtre en ancêtre de Mahomet, parvint enfin jusques à lui comme un témoignage authentique qu'il était descendu des patriarches. Нет ничего чудеснее рождения Магомета. Бог, в своем предвидении с самого начала решивший послать людям этого великого пророка, дабы сковать сатану, за две тысячи лет до Адама создал свет, который, переходя от избранника к избраннику, от предка к предку Магомета, дошел, наконец, до последнего, как подлинное свидетельство о том, что он происходит от патриархов.
Ce fut aussi à cause de ce même prophète que Dieu ne voulut pas qu'aucun enfant fût conçu que la femme ne cessât d'être immonde, et que l'homme ne fût livré à la circoncision. Точно так же ради этого самого пророка бог пожелал, чтобы ни одна женщина не зачала, не перестав быть нечистой, и чтобы всякий мужчина подвергся обрезанию.
Il vint au monde circoncis, et la joie parut sur son visage dès sa naissance, la terre trembla trois fois, comme si elle eût enfanté elle-même; toutes les idoles se prosternèrent; les trônes des rois furent renversés; Lucifer fut jeté au fond de la mer, et ce ne fut qu'après avoir nagé pendant quarante jours qu'il sortit de l'abîme et s'enfuit sur le mont Cabès, d'où, avec une voix terrible, il appela les anges. Магомет явился на свет обрезанным; радость с самого рождения засветилась на его челе; земля трижды содрогнулась, как если бы сама разрешилась от бремени; все идолы простерлись ниц; троны царей опрокинулись; Люцифер был низвергнут на дно морское и, только проплавав сорок дней, выбрался из пучины и убежал на гору Кабеш{253}, откуда страшным голосом воззвал к ангелам.
Cette nuit, Dieu posa un terme entre l'homme et la femme, qu'aucun d'eux ne put passer. L'art des magiciens et négromans se trouva sans vertu. On entendit une voix du ciel, qui disait ces paroles: "J'ai envoyé au monde mon ami fidèle." В ту ночь бог положил преграду между мужчиной и женщиной, которой они не могли преступить. Искусство кудесников и некромантов оказалось бессильным. С небес раздался голос, возвестивший: "Я послал в мир своего верного друга".
Selon le témoignage d'Isben Aben, historien arabe, les générations des oiseaux, des nuées, des vents, et tous les escadrons des anges, se réunirent pour élever cet enfant, et se disputèrent cet avantage. Les oiseaux disaient, dans leurs gazouillements, qu'il était plus commode qu'ils l'élevassent, parce qu'ils pouvaient plus facilement rassembler plusieurs fruits de divers lieux. Les vents murmuraient, et disaient: "C'est plutôt à nous, parce que nous pouvons lui apporter de tous les endroits les odeurs les plus agréables. - Non, non, disaient les nuées, non; c'est à nos soins qu'il sera confié, parce que nous lui ferons part à tous les instants de la fraîcheur des eaux." Là-dessus les anges indignés s'écriaient: "Que nous restera-t-il donc à faire?" Mais une voix du Ciel fut entendue, qui termina toutes les disputes: "Il ne sera point ôté d'entre les mains des mortels, parce qu'heureuses les mamelles qui l'allaiteront, et les mains qui le toucheront, et la maison qu'il habitera, et le lit où il reposera." Согласно свидетельству арабского историка Исбена Абена{253}, все породы птиц, облака, ветры и сонмы ангелов соединились для того, чтобы воспитать этого ребенка, и оспаривали друг у друга эту великую честь. Птицы щебетали, что им всех удобнее его воспитывать, потому что им легче собирать для него плоды из различных мест. Ветры шептали: "Это скорее наше дело, потому что мы отовсюду можем приносить ему приятнейшие благоухания". - "Нет, нет, - говорили облака, - его надо доверить нашему попечению, ибо мы постоянно будем наделять его свежей водой". Возмущенные ангелы воскликнули на это: "А нам-то что же остается?" Но тут раздался голос с неба, положивший конец этим спорам: "Он не будет взят из рук смертных, ибо блаженны сосцы, которые вскормят его, и руки, которые будут касаться его, и дом, в котором будет он обитать, и ложе, на котором будет он покоиться!"
Après tant de témoignages si éclatants, mon cher Josué, il faut avoir un coeur de fer pour ne pas croire sa sainte loi. Que pouvait faire davantage le ciel pour autoriser sa mission divine, à moins de renverser la nature et de faire périr les hommes mêmes qu'il voulait convaincre? После стольких разительных свидетельств, возлюбленный Иошуа, надобно обладать железным сердцем, чтобы не верить святому закону Магомета. Что еще могло совершить небо, чтобы засвидетельствовать его божественную миссию? Разве только сокрушить природу и истребить тех самых людей, которых оно хотело убедить?
De Paris, le 20 de la lune de Rhégeb 1713. Из Парижа месяца Реджеба 20-го дня, 1713 года

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Lettre XL. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Dès qu'un grand est mort, on s'assemble dans une mosquée, et l'on fait son oraison funèbre, qui est un discours à sa louange, avec lequel on serait bien embarrassé de décider au juste du mérite du défunt. Когда умирает какой-нибудь вельможа, люди собираются в мечети и над ним произносят надгробное слово, являющееся похвальной речью в его честь, речью, из которой трудно вывести правильное заключение о заслугах усопшего.
Je voudrais bannir les pompes funèbres: il faut pleurer les hommes à leur naissance, et non pas à leur mort. A quoi servent les cérémonies, et tout l'attirail lugubre qu'on fait paraître à un mourant dans ses derniers moments, les larmes mêmes de sa famille et la douleur de ses amis, qu'à lui exagérer la perte qu'il va faire? Я бы упразднил все погребальные торжества. Людей следует оплакивать при рождении, а не по смерти. К чему церемонии и вся та мрачная обстановка, которыми окружают умирающего в его последние минуты, к чему даже слезы его родных и горе друзей, как не для того, чтобы еще усугубить предстоящую ему утрату!
Nous sommes si aveugles que nous ne savons quand nous devons nous affliger, ou nous réjouir: nous n'avons presque jamais que de fausses tristesses ou de fausses joies. Мы так слепы, что не знаем, когда нам огорчаться и когда радоваться: мы почти всегда отдаемся ложной печали или ложной радости.
Quand je vois le Mogol qui, toutes les années, va sottement se mettre dans une balance et se faire peser comme un boeuf; quand je vois les peuples se réjouir de ce que ce prince est devenu plus matériel, c'est-à-dire moins capable de les gouverner: j'ai pitié, Ibben, de l'extravagance humaine. Когда я вижу, как каждый год Могол сдуру ложится на весы и велит взвесить его, словно быка; когда я вижу, как народ радуется, что государь этот сделался еще тучнее, то есть еще неспособнее управлять подданными, я испытываю, Иббен, сострадание к человеческому сумасбродству.
De Paris, le 20 de la lune de Rhégeb 1713. Из Парижа, месяца Реджеба 20-го дня, 1713 года

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Lettre XLI. Le premier eunuque noir à Usbek/Главный черный евнух к Узбеку

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Ismaèl, un des eunuques noirs, vient de mourir, magnifique seigneur, et je ne puis m'empêcher de le remplacer. Comme les eunuques sont extrêmement rares à présent, j'avais pensé de me servir d'un esclave noir que tu as à la campagne; mais je n'ai pu jusqu'ici le porter à souffrir qu'on le consacrât à cet emploi. Comme je vois qu'au bout du compte c'est son avantage, je voulus l'autre jour user à son égard d'un peu de rigueur, et, de concert avec l'intendant de tes jardins, j'ordonnai que, malgré lui, on le mît en état de te rendre les services qui flattent le plus ton coeur, et de vivre comme moi dans ces redoutables lieux qu'il n'ose pas même regarder. Mais il se mit à hurler comme si on avait voulu l'écorcher, et fit tant qu'il échappa de nos mains, et évita le fatal couteau. Je viens d'apprendre qu'il veut t'écrire pour te demander grâce, soutenant que je n'ai conçu ce dessein que par un désir insatiable de vengeance sur certaines railleries piquantes qu'il dit avoir faites de moi. Cependant je te jure par les cent mille prophètes que je n'ai agi que pour le bien de ton service, la seule chose qui me soit chère, et hors laquelle je ne regarde rien. Светлейший повелитель! На днях умер один из твоих черных евнухов - Измаил, и надо заменить его. В настоящее время евнухи чрезвычайно редки, поэтому я подумал было взять на эту должность черного раба из твоего имения, но мне еще не удалось добиться его согласия. Так как я считаю, что это в конечном счете пойдет ему же на пользу, я хотел совершить над ним маленькую операцию и, по сговору со смотрителем твоих садов, приказал, чтобы раба насильно привели в то состояние, которое позволит ему стать самым дорогим для твоего сердца служителем и жить, подобно мне, в тех заветных местах, на которые он теперь и взглянуть не смеет; но он принялся так орать, словно с него хотели содрать шкуру, и поднял такую возню, что вырвался из наших рук и избежал рокового лезвия. Сейчас я узнал, что он намеревается писать тебе просьбу о пощаде, утверждая, будто я принял такое намерение только из ненасытной жажды мести за какие-то его насмешки на мой счет. Но клянусь тебе сотней тысяч пророков, что я поступал так только для твоего блага, ради единственного, что дорого мне и вне чего все мне безразлично.
je me prosterne à tes pieds. Припадаю к стопам твоим.
Du sérail de Fatmé, le 7 de la lune de Maharram 1713. Из сераля Фатимы, месяца Махаррама 7-го дня, 1713 года

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Lettre XLII. Pharan à Usbek, son souverain seigneur/Фаран к Узбеку, своему повелителю и государю

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Si tu étais ici, magnifique Seigneur, je paraîtrais à ta vue tout couvert de papier blanc, et il n'y en aurait pas assez pour écrire toutes les insultes que ton premier eunuque noir, le plus méchant de tous les hommes, m'a faites depuis ton départ. Если бы ты был здесь, светлейший государь, я бы явился пред твоими очами весь окутанный белой бумагой, и все же на ней не хватило бы места, чтобы описать все обиды, какие нанес мне после твоего отъезда твой главный черный евнух, злейший из людей.
Sous prétexte de quelques railleries qu'il prétend que j'ai faites sur le malheur de sa condition, il exerce sur ma tête une vengeance inépuisable: il a animé contre moi le cruel intendant de tes jardins, qui, depuis ton départ, m'oblige à des travaux insurmontables, dans lesquels j'ai pensé mille fois laisser la vie, sans perdre un moment l'ardeur de te servir. Combien de fois ai-je dit en moi-même: "J'ai un maître rempli de douceur, et je suis le plus malheureux esclave qui soit sur la terre." Под предлогом каких-то насмешек, которые я будто бы позволял себе над его несчастным положением, он обрушивает на мою голову неутолимое мщение: он настроил против меня жестокого смотрителя твоих садов, и тот взваливает на меня со времени твоего отъезда непосильную работу, на которой я тысячу раз чуть не лишался жизни, хотя ни на миг не ослабил усердия к твоей службе. Сколько раз я думал: "Господин мой исполнен кротости, и все же я несчастнейший из рабов".
Je te l'avoue, magnifique seigneur, je ne me croyais pas destiné à de plus grandes misères; mais ce traître d'eunuque a voulu mettre le comble à sa méchanceté. Il y a quelques jours que, de son autorité privée, il me destina à la garde de tes femmes sacrées, c'est-à-dire à une exécution qui serait pour moi mille fois plus cruelle que la mort. Ceux qui, en naissant, ont eu le malheur de recevoir de leurs cruels parents un traitement pareil, se consolent peut-être sur ce qu'ils n'ont jamais connu d'autre état que le leur; mais qu'on me fasse descendre de l'humanité, et qu'on m'en prive, je mourrais de douleur, si je ne mourais pas de cette barbarie. Признаюсь тебе, светлейший повелитель, я не думал, что мне предуготовлена еще большая беда; но предатель-евнух задумал довести свою злобу до крайности. Несколько дней тому назад он собственной властью назначил меня стражем к твоим священным женам, то есть приговорил меня к такой казни, которая для меня в тысячу раз горше смерти. Те, кто при рождении имел несчастье подвергнуться подобному обращению от своих жестокосердых родителей, вероятно утешаются тем, что никогда не знали другого состояния, но если меня лишат человеческой природы и отнимут у меня мужскую силу, я умру с горя, если не умру от этого истязания.
J'embrasse tes pieds, sublime seigneur, dans une humilité profonde. Fais en sorte que je sente les effets de cette vertu si respectée, et qu'il ne soit pas dit que, par ton ordre, il y ait sur la terre un malheureux de plus. С глубоким смирением припадаю я к твоим стопам, высокий господин мой. Поступи так, чтобы я почувствовал на себе благость твоей высокочтимой добродетели и чтобы не говорили, что по твоему повелению стало на земле одним несчастным больше.
Des jardins de Fatmé, le 7 de la lune de Maharram 1713. Из садов Фатимы, месяца Махаррама 7-го дня, 1713 года

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Lettre XLIII. Usbek à Pharan, aux jardins de Fatmé/Узбек к Фарану в сады Фатимы

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Recevez la joie dans votre coeur, et reconnaissez ces sacrés caractères; faites-les baiser au grand eunuque et à l'intendant de mes jardins. Je leur défends de rien entreprendre contre vous. Dites-leur d'acheter l'eunuque qui me manque. Acquittez-vous de votre devoir comme si vous m'aviez toujours devant les yeux: car sachez que, plus mes bontés sont grandes, plus vous serez puni si vous en abusez. Возрадуйся в сердце своем и прочти эти священные письмена; дай облобызать их главному евнуху и смотрителю моих садов. Я запрещаю им что-либо совершать над тобою до моего приезда; скажи, чтобы они купили недостающего евнуха. Исполняй свой долг так, как если бы я всегда был перед тобою. И знай, что чем больше мои милости к тебе, тем строже ты будешь наказан, если употребишь их во зло.
De Paris, le 25 de la lune de Rhégeb 1713. Из Парижа, месяца Реджеба 25-го дня, 1713 года.

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Lettre XLIV. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Il y a en France trois sortes d'états: l'Eglise, l'épée et la robe. Chacun a un mépris souverain pour les deux autres: tel, par exemple, que l'on devrait mépriser parce qu'il est un sot, ne l'est souvent que parce qu'il est homme de robe. Во Франции есть три сословия: священнослужители, военные и чиновники. Каждое из них глубоко презирает два других: того, например, кого следовало бы презирать лишь потому, что он дурак, часто презирают только потому, что он принадлежит к судейскому сословию.
Il n'y a pas jusqu'aux plus vils artisans qui ne disputent sur l'excellence de l'art qu'ils ont choisi; chacun s'élève au-dessus de celui qui est d'une profession différente, à proportion de l'idée qu'il s'est faite de la supériorité de la sienne. Нет таких людей, до самого последнего ремесленника, которые не спорили бы о превосходстве избранного ими ремесла; каждый превозносится над тем, у кого другая профессия, в соответствии с мнением, которое он составил себе о превосходстве своего занятия.
Les hommes ressemblent tous, plus ou moins, à cette femme de la province d'Erivan qui, ayant reçu quelque grâce d'un de nos monarques, lui souhaita mille fois, dans les bénédictions qu'elle lui donna, que le ciel le fit gouverneur d'Erivan. Все люди более или менее походят на ту женщину из Эриванской провинции, которой оказал милость один из наших монархов: призывая на него благословения, она тысячу раз пожелала ему, чтобы небо сделало его губернатором Эривани.
J'ai lu, dans une relation, qu'un vaisseau français ayant relâché à la côte de Guinée, quelques hommes de l'équipage voulurent aller à terre acheter quelques moutons. On les mena au roi, qui rendait la justice à ses sujets sous un arbre. Il était sur son trône, c'est-à-dire sur un morceau de bois, aussi fier que s'il eût été sur celui du Grand Mogol; il avait trois ou quatre gardes avec des piques de bois; un parasol en forme de dais le couvrait de l'ardeur du soleil; tous ses ornements et ceux de la reine, sa femme, consistaient en leur peau noire et quelques bagues. Ce prince, plus vain encore que misérable, demanda à ces étrangers si on parlait beaucoup de lui en France. Il croyait que son nom devait être porté d'un pôle à l'autre; et, à la différence de ce conquérant de qui on a dit qu'il avait fait taire toute la terre, il croyait, lui, qu'il devait faire parler tout l'univers. Я прочитал в одном донесении, что французский корабль пристал к берегам Гвинеи и несколько человек из экипажа сошло на сушу, чтобы купить баранов. Их повели к королю, который, сидя под деревом, чинил суд над своими подданными. Он восседал на троне, сиречь на деревянной колоде, с такой важностью, словно то был престол Великого Могола; при нем было три-четыре телохранителя с деревянными копьями; зонтик вроде балдахина защищал его от палящего солнца; все украшения его и королевы, его супруги, заключались в их черной коже да нескольких кольцах. Этот жалкий, но еще более того чванливый государь спросил у иностранцев, много ли говорят о нем во Франции. Он был убежден, что его имя гремит повсюду, от полюса до полюса, и в отличие от того завоевателя, о котором говорят, что он заставил молчать весь земной шар, был уверен, что дал всей вселенной повод беспрестанно говорить о себе.
Quand le khan de Tartarie a dîné, un héraut crie que tous les princes de la terre peuvent aller dîner, si bon leur semble, et ce barbare, qui ne mange que du lait, qui n'a pas de maison, qui ne vit que de brigandage, regarde tous les rois du monde comme ses esclaves et les insulte régulièrement deux fois par jour. Когда татарский хан кончает обед, глашатай объявляет, что теперь все государи мира могут, если им угодно, садиться за стол, и этот варвар, питающийся одним только молоком, промышляющий разбоем и не имеющий даже лачуги, считает всех земных королей своими рабами и намеренно оскорбляет их по два раза в день.
De Paris, le 28 de la lune de Rhégeb 1713. Из Парижа месяца Реджеба 28-го дня, 1713 года

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Lettre XLV. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Hier matin, comme j'étais au lit, j'entendis frapper rudement à ma porte, qui fut soudain ouverte ou enfoncée par un homme avec qui j'avais lié quelque société, et qui me parut tout hors de lui-même. Вчера утром, еще лежа в постели, я услышал сильный стук в дверь; тотчас же она распахнулась, и в комнату ворвался некий человек, с которым я недавно познакомился; казалось, он совершенно вне себя.
Son habillement était beaucoup plus que modeste sa perruque de travers n'avait pas même été peignée; il n'avait pas eu le temps de faire recoudre son pourpoint noir, et il avait renoncé, pour ce jour-là, aux sages précautions avec lesquelles il avait coutume de déguiser le délabrement de son équipage. Одет он был более чем скромно; парик его сбился в сторону и далее не был причесан; у него не было времени починить свой черный кафтан, и на этот раз мой знакомец отказался от мудрых предосторожностей, с помощью которых он обычно прикрывает ветхость своего наряда.
"Levez-vous, me dit-il; j'ai besoin de vous tout aujourd'hui: j'ai mille emplettes à faire, et je serai bien aise que ce soit avec vous. Il faut premièrement que nous allions à la rue Saint-Honoré parler à un notaire qui est chargé de vendre une terre de cinq cent mille livres; je veux qu'il m'en donne la préférence. En venant ici, je me suis arrêté un moment au faubourg Saint-Germain, où j'ai loué un hôtel deux mille écus, et j'espère passer le contrat aujourd'hui." "Вставайте, - сказал он мне, - вы нужны мне на весь сегодняшний день: мне надобно сделать множество покупок, и я буду очень рад, если вы согласитесь мне сопутствовать. Прежде всего нам придется пройти на улицу Сент-Оноре, где у меня дело к нотариусу, которому поручено продать имение за пятьсот тысяч ливров; я хочу, чтобы он оставил это имение за мною. По дороге сюда я задержался на минутку в Сен-Жерменском предместье, где нанял особняк за две тысячи экю, и надеюсь сегодня же заключить контракт".
Dès que je fus habillé, ou peu s'en fallait, mon homme me fit précipitamment descendre. "Commençons, dit-il, par acheter un carrosse, et établissons l'équipage." En effet, nous achetâmes non seulement un carrosse, mais encore pour cent mille francs de marchandises en moins d'une heure. Tout cela se fit promptement, parce que mon homme ne marchanda rien et ne compta jamais; aussi ne déplaça-t-il pas. Je rêvais sur tout ceci, et, quand j'examinais cet homme, je trouvais en lui une complication singulière de richesses et de pauvreté; de manière que je ne savais que croire. Mais enfin, je rompis le silence, et, le tirant à part, je lui dis: "Monsieur, qui est-ce qui payera tout cela? - Moi, dit-il. Venez dans ma chambre: je vous montrerai des trésors immenses et des richesses enviées des plus grands monarques; mais elles ne le seront pas de vous, qui les partagerez toujours avec moi." Je le suis. Nous grimpons à son cinquième étage, et, par une échelle, nous nous guindons à un sixième, qui était un cabinet ouvert aux quatre vents, dans lequel il n'y avait que deux ou trois douzaines de bassins de terre remplis de diverses liqueurs. "Je me suis levé de grand matin, me dit-il, et j'ai fait d'abord ce que je fais depuis vingt-cinq ans, qui est d'aller visiter mon oeuvre. J'ai vu que le grand jour était venu, qui devait me rendre plus riche qu'homme qui soit sur la terre. Voyez-vous cette liqueur vermeille? Elle a à présent toutes les qualités que les philosophes demandent pour faire la transmutation des métaux. J'en ai tiré ces grains que vous voyez, qui sont de vrai or par leur couleur, quoiqu'un peu imparfait par leur pesanteur. Ce secret, que Nicolas Flamel trouva, mais que Raymond Lulle et un million d'autres cherchèrent toujours, est venu jusques à moi, et je me trouve aujourd'hui un heureux adepte. Fasse le Ciel que je ne me serve de tant de trésors qu'il m'a communiqués, que pour sa gloire!" Не успел я кое-как одеться, как мой посетитель стремительно потащил меня вниз. "Начнем, - сказал он, - с покупки кареты и приобретем упряжь". Действительно, меньше чем за час мы купили не только карету, но еще и всяких товаров на сто тысяч франков; все это совершилось скоропалительно, потому что мой приятель совсем не торговался, а покупал все, не сходя с места и не считаясь с деньгами. Я задумался над этим и, присматриваясь к этому человеку, находил в нем странную смесь богатства и нищеты, так что не знал, чему и верить. Но, наконец, я прервал молчание и, отведя его в сторону, сказал: "Сударь! Кто же заплатит за все это?" - "Я! - отвечал он, - пойдемте ко мне в комнату; я покажу вам несметные сокровища и такие богатства, которым позавидуют величайшие монархи, но не вы, ибо вы разделите их со мною". Иду за ним; карабкаемся на пятый этаж, оттуда по приставной лестнице лезем еще выше, на шестой, где оказалась каморка, которую со всех сторон продувал ветер; в ней не было ничего, кроме двух-трех дюжин глиняных тазов, наполненных разными жидкостями. "Я встал сегодня спозаранку, - сказал он, - и прежде всего сделал то, что делаю уже двадцать пять лет подряд, то есть пошел обозревать мои работы. Я понял, что настал великий день, который сделает меня богатейшим человеком в мире. Видите вы эту алую жидкость? Она обладает в настоящий момент всеми свойствами, которые нужны философам, чтобы обращать металлы в золото. Я извлек из нее вот эти крупинки: по цвету они настоящее золото, хотя по весу не совсем соответствуют ему. Это тайна, которую открыл Николя Фламель{257}, а Раймунд Люллий{257} и миллион других тщетно искали всю жизнь; она дошла до меня, и я теперь ее счастливый обладатель. Да позволит мне небо воспользоваться сокровищами, которые оно мне даровало, во славу его!"
Je sortis, et je descendis, ou plutôt je me précipitai par cet escalier, transporté de colère, et laissai cet homme si riche dans son hôpital. Я вышел и спустился или, скорее, сбежал по лестнице, вне себя от гнева, оставив этого богача в его логове.
Adieu, mon cher Usbek. J'irai te voir demain, et, si tu veux, nous reviendrons ensemble à Paris. Прощай, дорогой Узбек. Завтра я заеду к тебе и, если хочешь, мы вместе вернемся в Париж.
De Paris, le dernier de la lune de Rhégeb 1713. Из Парижа, в последний день месяца Реджеба 1713 года

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Lettre XLVI. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Je vois ici des gens qui disputent sans fin sur la religion; mais il me semble qu'ils combattent en même temps à qui l'observera le moins. Я встречаю здесь людей, которые без конца спорят о вере, но в то же время явно стремятся перещеголять друг друга несоблюдением ее правил.
Non seulement ils ne sont pas meilleurs chrétiens, mais même meilleurs citoyens, et c'est ce qui me touche: car, dans quelque religion qu'on vive, l'observation des lois, l'amour pour les hommes, la pitié envers les parents, sont toujours les premiers actes de religion. Они не только не лучшие христиане, но далее и не лучшие граждане, и это особенно меня поражает, ибо какую бы религию мы ни исповедовали, соблюдение законов, любовь к людям, почитание родителей всегда являются ее первыми проявлениями.
En effet, le premier objet d'un homme religieux ne doit-il pas être de plaire à la divinité, qui a établi la religion qu'il professe? Mais le moyen le plus sûr pour y parvenir est sans doute d'observer les règles de la société et les devoirs de l'humanité; car, en quelque religion qu'on vive, dès qu'on en suppose une, il faut bien que l'on suppose aussi que Dieu aime les hommes, puisqu'il établit une religion pour les rendre heureux; que s'il aime les hommes, on est assuré de lui plaire en les aimant aussi, c'est-à-dire en exerçant envers eux tous les devoirs de la charité et de l'humanité, et en ne violant point les lois sous lesquelles ils vivent. В самом деле, разве не первейшая обязанность верующего угождать божеству, установившему ту религию, которую он исповедует? А самым верным способом достигнуть этого является, конечно, соблюдение общественных правил и человеческих обязанностей. Ведь какую бы религию ни исповедовал человек, если он допускает ее существование, он должен также допустить, что бог любит людей, раз он установил религию для их счастья; а если бог любит людей, то можно быть уверенным, что угодишь ему, если тоже будешь любить их, то есть если будешь выполнять по отношению к ним все обязанности милосердия и человечности и не станешь нарушать законов, которым они подчиняются.
Par là, on est bien plus sûr de plaire à Dieu qu'en observant telle ou telle cérémonie: car les cérémonies n'ont point un degré de bonté par elles-mêmes; elles ne sont bonnes qu'avec égard et dans la supposition que Dieu les a commandées. Mais c'est la matière d'une grande discussion: on peut facilement s'y tromper; car il faut choisir les cérémonies d'une religion entre celles de deux mille. Таким поведением гораздо вернее угодить богу, нежели выполнением того или иного обряда, ибо сами по себе обряды не представляют никакой ценности; они ценны только с известной оговоркой и при предположении, что установлены богом. Но это предмет для большого спора; здесь легко впасть в ошибку, ибо приходится выбирать между обрядами двух тысяч религий.
Un homme faisait tous les jours à Dieu cette prière: "Seigneur, je n'entends rien dans les disputes que l'on fait sans cesse à votre sujet. Je voudrais vous servir selon votre volonté; mais chaque homme que je consulte veut que je vous serve à la sienne. Lorsque je veux vous faire ma prière, je ne sais en quelle langue je dois vous parler. Je ne sais pas non plus en quelle posture je dois me mettre: l'un dit que je dois vous prier debout; l'autre veut que je sois assis; l'autre exige que mon corps porte sur mes genoux. Ce n'est pas tout: il y en a qui prétendent que je dois me laver tous les matins avec de l'eau froide; d'autres soutiennent que vous me regarderez avec horreur si je ne me fais pas couper un petit morceau de chair. Il m'arriva l'autre jour de manger un lapin dans un caravanséra. Trois hommes qui étaient auprès de là me firent trembler: ils me soutinrent tous trois que je vous avais grièvement offensé; l'un, parce que cet animal était immonde; l'autre , parce qu'il était étouffé; l'autre enfin, parce qu'il n'était pas poisson. Un brachmane qui passait par là, et que je pris pour juge, me dit: " Ils ont tort: car apparemment vous n'avez pas tué vous-même cet animal. - Si fait, lui dis-je. - Ah! vous avez commis une action abominable, et que Dieu ne vous pardonnera jamais, me dit-il d'une voix sévère. Que savez-vous si l'âme de votre père n'était pas passée dans cette bête? " Toutes ces choses, seigneur, me jettent dans un embarras inconcevable: je ne puis remuer la tête que je ne sois menacé de vous offenser; cependant je voudrais vous plaire et employer à cela la vie que je tiens de vous. Je ne sais si je me trompe; mais je crois que le meilleur moyen pour y parvenir est de vivre en bon citoyen dans la société où vous m'avez fait naître, et en bon père dans la famille que vous m'avez donnée." Некто ежедневно обращался к богу с такою молитвой: "Господи! Я ничего не разумею в спорах, которые беспрестанно ведутся по поводу тебя; мне хотелось бы служить тебе по воле твоей, но всякий, с кем я ни советовался об этом, хочет, чтобы я служил тебе на его лад. Когда я намереваюсь обратиться к тебе с молитвой, я не знаю, на каком языке надлежит говорить с тобою. Точно так же не знаю, какую позу принять: один говорит, что надо молиться тебе стоя; другой требует, чтобы я сидел; третий настаивает, чтобы я преклонил колени. Это еще не все: некоторые требуют, чтобы я по утрам омывался холодной водой; иные утверждают, что ты будешь взирать на меня с отвращением, если я не дам отрезать у себя кусочек плоти. На днях в караван-сарае мне довелось есть кролика; трое присутствовавших при этом повергли меня в ужас: они утверждали, будто я нанес тебе тяжкое оскорбление: один (Еврей. (Прим. авт.)) говорил, что это животное нечисто, другой (Турок. (Прим. авт.)) - что оно задушено, наконец, третий (Армянин. (Прим авт.)) - что оно не рыба. Проходивший мимо брамин, которого я попросил рассудить нас, ответил: "Они не правы, так как вы, разумеется, не сами убили это животное". - "Сам", - ответил я. "Ах! Вы совершили ужасное деяние, которого бог никогда не простит вам, - сказал он строго. - Откуда вы знаете, что душа вашего отца не перешла в это животное?" Все это, господи, повергает меня в невообразимое замешательство: я не могу пошевелить головой без того, чтобы не испытать страха оскорбить тебя, а между тем мне хотелось бы быть угодным тебе и посвятить этому жизнь, которою я тебе обязан. Не знаю, может быть я и ошибаюсь, но мне кажется, что скорее всего я угожу тебе, если буду жить как добрый гражданин в том обществе, где родился я по твоей воле, и как добрый отец в семье, которую ты даровал мне".
De Paris, le 8 de la lune de Chahban 1713. Из Парижа, месяца Шахбана 8-го дня, 1713 года

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Lettre XLVII. Zachi à Usbek, à Paris/Заши к Узбеку в Париж

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J'ai une grande nouvelle à t'apprendre: je me suis réconciliée avec Zéphis; le sérail, partagé entre nous, s'est réuni. Il ne manque que toi dans ces lieux, où la paix règne. Viens, mon cher Usbek, viens y faire triompher l'amour. У меня есть для тебя большая новость: я помирилась с Зефи; сераль, который разделился было между нами, опять соединился. Теперь здесь господствует мир и недостает только тебя; приди, ненаглядный мой Узбек, приди, чтобы тут торжествовала любовь!
Je donnai à Zéphis un grand festin, où ta mère, tes femmes et tes principales concubines furent invitées; tes tantes et plusieurs de tes cousines s'y trouvèrent aussi; elles étaient venues à cheval, couvertes du sombre nuage de leurs voiles et de leurs habits. Я устроила в честь Зефи большой пир, на который пригласила твою мать, жен и главных наложниц; присутствовали также твои тетки и несколько двоюродных сестер: они приехали верхом на конях, окутанные непроницаемым облаком покрывал и одеяний.
Le lendemain, nous partîmes pour la campagne, où nous espérions être plus libres. Nous montâmes sur nos chameaux, et nous nous mîmes quatre dans chaque loge. Comme la partie avait été faite brusquement, nous n'eûmes pas le temps d'envoyer à la ronde annoncer le courouc; mais le premier eunuque, toujours industrieux, prit une autre précaution: car il joignit à la toile qui nous empêchait d'être vues, un rideau si épais que nous ne pouvions absolument voir personne. На другой день мы отправились на дачу, где надеялись пожить посвободнее; мы уселись на верблюдов, по четыре в каждом паланкине. Так как поездка была предпринята неожиданно, мы не успели отправить вперед гонцов, чтобы объявить курук{259}, но главный евнух, великий мастер на выдумки, принял другого рода предосторожность: к полотняным занавескам, скрывавшим нас от чужих взоров, он добавил такой плотный занавес, что мы решительно никого не могли видеть.
Quand nous fûmes arrivées à cette rivière qu'il faut traverser, chacune de nous se mit, selon la coutume, dans une boîte, et se fit porter dans le bateau: car on nous dit que la rivière était pleine de monde. Un curieux, qui s'approcha trop près du lieu où nous étions enfermées, reçut un coup mortel, qui lui ôta pour jamais la lumière du jour; un autre, qu'on trouva se baignant tout nu sur le rivage, eut le même sort; et tes fidèles eunuques sacrifièrent à ton honneur et au nôtre ces deux infortunés. Когда мы доехали до переправы через реку, каждая из нас, как обычно, поместилась в ящик, и таким способом нас перенесли на лодку, ибо нам сказали, что на реке полно народу. Какой-то любопытный, слишком близко подошедший к месту, где мы были заперты, получил смертельный удар, навеки лишивший его дневного света; другой, купавшийся совершенно голым у берега, потерпел ту же участь; твои верные евнухи принесли этих двух несчастных в жертву твоей и нашей чести.
Mais écoute le reste de nos aventures. Quand nous fûmes au milieu du fleuve, un vent si impétueux s'éleva, et un nuage si affreux couvrit les airs, que nos matelots commencèrent à désespérer. Effrayées de ce péril, nous nous évanouîmes presque toutes. Je me souviens que j'entendis la voix et la dispute de nos eunuques, dont les uns disaient qu'il fallait nous avertir du péril et nous tirer de notre prison; mais leur chef soutint toujours qu'il mourrait plutôt que de souffrir que son maître fût ainsi déshonoré, et qu'il enfoncerait un poignard dans le sein de celui qui ferait des propositions si hardies. Une de mes esclaves, toute hors d'elle, courut vers moi déshabillée, pour me secourir, mais un eunuque noir la prit brutalement et la fit rentrer dans l'endroit d'où elle était sortie. Pour lors je m'évanouis, et ne revins à moi qu'après que le péril fut passé. Но послушай о дальнейших наших приключениях. Когда мы доплыли до середины реки, поднялся такой порывистый ветер и небо заволоклось такой страшной тучей, что лодочники стали отчаиваться. Мы так испугались, что почти все попадали в обморок. Помнится, я слышала голоса евнухов; они спорили: одни говорили, что следует предупредить нас об опасности и освободить из нашей тюрьмы, а их начальник твердил, что скорее умрет, чем потерпит, чтобы его господин был обесчещен, и что он заколет того, кто вносит столь дерзкие предложения. Одна из моих рабынь, совершенно раздетая, прибежала, чтобы помочь мне, но черный евнух грубо схватил ее и водворил на место. Тут я лишилась чувств и очнулась только тогда, когда опасность миновала.
Que les voyages sont embarrassants pour les femmes! Les hommes ne sont exposés qu'aux dangers qui menacent leur vie, et nous sommes, à tous les instants, dans la crainte de perdre notre vie ou notre vertu. Как затруднительны путешествия для женщин! Мужчины подвергаются только таким опасностям, которые угрожают их жизни, а мы каждое мгновение страшимся потерять либо жизнь, либо добродетель.
Adieu, mon cher Usbek. Je t'adorerai toujours. Прощай, бесценный Узбек. Я буду обожать тебя вечно.
Du sérail de Fatmé, le 2 de la lune de Rhamazan 1713 Из сераля Фатимы, месяца Рамазана 2-го дня, 1713 года

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Lettre XLVIII. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Ceux qui aiment à s'instruire ne sont jamais oisifs quoique je ne sois chargé d'aucune affaire importante, je suis cependant dans une occupation continuelle. Je passe ma vie à examiner, j'écris le soir ce que j'ai remarqué, ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu dans la journée. Tout m'intéresse, tout m'étonne: je suis comme un enfant, dont les organes encore tendres sont vivement frappés par les moindres objets. Кто любит учиться, тот никогда не проводит время в праздности. Хотя мне не поручено никакого важного дела, я тем не менее постоянно занят. Я провожу жизнь в наблюдениях; по вечерам я записываю то, что заметил, видел, слышал днем. Все меня интересует, все приводит в изумление: я как ребенок, чье еще нежное восприятие поражают даже самые незначительные предметы.
Tu ne le croirais pas peut-être, nous sommes reçus agréablement dans toutes les compagnies et dans toutes les sociétés; je crois devoir beaucoup à l'esprit vif et à la gaieté naturelle de Rica, qui fait qu'il recherche tout le monde, et qu'il en est également recherché. Notre air étranger n'offense plus personne; nous jouissons même de la surprise où l'on est de nous trouver quelque politesse: car les Français n'imaginent pas que notre climat produise des hommes. Cependant, il faut l'avouer, ils valent la peine qu'on les détrompe. Ты, пожалуй, не поверишь: нам оказывают весьма радушный прием во всех кружках и во всех обществах. Думаю, что тут я многим обязан живому уму и природной веселости Рики, благодаря которым он всегда ищет общества и самого его все охотно принимают. Наш чужеземный вид никого уже не смущает: мы имеем даже удовольствие вызывать некоторое удивление нашею благовоспитанностью, ибо парижане и не подозревают, что в нашем климате родятся настоящие люди. Однако признаюсь: стоит постараться, чтобы опровергнуть это предубеждение.
J'ai passé quelques jours dans une maison de campagne auprès de Paris, chez un homme de considération, qui est ravi d'avoir de la compagnie chez lui. Il a une femme fort aimable, et qui joint à une grande modestie une gaieté que la vie retirée ôte toujours à nos dames de Perse. Я провел несколько дней на даче под Парижем у одного почтенного человека, который очень любит принимать гостей. Его жена весьма любезная женщина, сочетающая большую скромность с веселостью, которой лишены наши персидские дамы вследствие затворнического образа жизни.
Etranger que j'étais, je n'avais rien de mieux à faire que d'étudier cette foule de gens qui y abordait sans cesse, et qui me présentait toujours quelque chose de nouveau. Je remarquai d'abord un homme dont la simplicité me plut; je m'attachai à lui, il s'attacha à moi; de sorte que nous nous trouvions toujours l'un auprès de l'autre. Мне в качестве иностранца не оставалось ничего лучшего, как изучать эту толпу беспрестанно приезжавших людей, каждый из которых представлял для меня что-нибудь новое. С самого начала я обратил внимание на одного человека, чья простота мне очень понравилась; я привязался к нему, он - ко мне, так что мы постоянно оказывались друг подле друга.
Un jour que, dans un grand cercle, nous nous entretenions en particulier, laissant les conversations générales à elles-mêmes: "Vous trouverez peut-être en moi, lui dis-je, plus de curiosité que de politesse; mais je vous supplie d'agréer que je vous fasse quelques questions: car je m'ennuie de n'être au fait de rien et de vivre avec des gens que je ne saurais démêler. Mon esprit travaille depuis deux jours: il n'y a pas un seul de ces hommes qui ne m'ait donné deux cents fois la torture, et je ne les devinerais de mille ans: ils me sont plus invisibles que les femmes de notre grand monarque. - Vous n'avez qu'à dire, me répondit-il, et je vous instruirai de tout ce que vous souhaiterez; d'autant mieux que je vous crois homme discret, et que vous n'abuserez pas de ma confiance. Однажды, в большом обществе, мы беседовали с ним в сторонке, не принимая участия в общем разговоре. Я сказал ему: "Вы найдете, может быть, что я более любопытен, чем учтив; все же покорнейше прошу вас разрешить задать вам несколько вопросов, а то мне скучно ни в чем не принимать участия и жить с людьми, в которых я никак не могу разобраться. Вот уже целых два дня мой ум занят мыслями о каждом из присутствующих здесь, но я и в тысячу лет их не разгадаю: они для меня непроницаемы, как невидимы жены нашего великого монарха". - "Спрашивайте, - ответил он мне, - и я расскажу вам обо всем, чего бы вы ни пожелали, тем более что считаю вас человеком сдержанным и думаю, что вы не злоупотребите моей откровенностью".
"- Qui est cet homme, lui dis-je, qui nous a tant parlé des repas qu'il a donnés aux grands, qui est si familier avec vos ducs, et qui parle si souvent à vos ministres, qu'on me dit d'être d'un accès si difficile? Il faut bien que ce soit un homme de qualité; mais il a la physionomie si basse qu'il ne fait guère honneur aux gens de qualité; et, d'ailleurs, je ne lui trouve point d'éducation. Je suis étranger; mais il me semble qu'il y a en général une certaine politesse commune à toutes les nations; je ne lui trouve point de celle-là. Est-ce que vos gens de qualité sont plus mal élevés que les autres? - Cet homme, me répondit-il en riant, est un fermier. Il est autant au-dessus des autres par ses richesses, qu'il est au-dessous de tout le monde par sa naissance. Il aurait la meilleure table de Paris, s'il pouvait se résoudre à ne manger jamais chez lui. Il est bien impertinent, comme vous le voyez; mais il excelle par son cuisinier. Aussi n'en est-il pas ingrat: car vous avez entendu qu'il l'a loué tout aujourd'hui. "Кто тот человек, - спросил я, - который столько рассказывал нам, какие обеды он задает вельможам, как он близок с вашими герцогами, как часто беседует с вашими министрами, хотя доступ к ним, говорили мне, весьма труден? По-видимому, он человек знатный, но у него такая пошлая физиономия, что он решительно не делает чести знатным людям; кроме того, я не нахожу в нем и следов воспитания. Я иностранец, но мне кажется, что существует некая учтивость, свойственная всем нациям; у него я ее совсем не замечаю; неужели ваша знать воспитана хуже других людей?" - "Этот человек - откупщик, - отвечал он смеясь. - Он стоит настолько же выше других благодаря своему богатству, насколько ниже всех - по своему рождению: если бы он решил никогда не обедать дома, он всегда обедал бы в самом блестящем обществе. Как видите, он большой нахал, но у него отличный повар и он очень многим ему обязан: вы сами слышали, как он его расхваливал сегодня весь день".
"- Et ce gros homme vêtu de noir, lui dis-je, que cette dame a fait placer auprès d'elle, comment a-t-il un habit si lugubre avec un air si gai et un teint si fleuri? Il sourit gracieusement dès qu'on lui parle; sa parure est plus modeste, mais plus arrangée que celle de vos femmes. - C'est, me répondit-il, un prédicateur, et, qui pis est, un directeur. Tel que vous le voyez, il en sait plus que les maris. Il connaît le faible des femmes; elles savent aussi qu'il a le sien. - Comment? dis-je. Il parle toujours de quelque chose qu'il appelle la grâce . - Non pas toujours, me répondit-il. A l'oreille d'une jolie femme, il parle encore plus volontiers de sa chute. Il foudroie en public; mais il est doux comme un agneau en particulier. - Il me semble, dis-je, qu'on le distingue beaucoup, et qu'on a de grands égards pour lui. - Comment! si on le distingue? C'est un homme nécessaire, il fait la douceur de la vie retirée: petits conseils, soins officieux, visites marquées; il dissipe un mal de tête mieux qu'homme du monde; il est excellent. "А толстяк в черном, которого та дама усадила возле себя? - спросил я. - Почему он носит столь мрачную одежду, в то время как у него такой веселый вид и цветущее лицо? Когда с ним заговоришь, он мило улыбается; одежда его скромнее, но изящнее одежды ваших дам". - "Это, - отвечал он, - проповедник и, что еще хуже, духовник. Он знает про женщин больше, чем их мужья, знает все их слабости; ну, да и они знают его слабую струнку". - "Как! - сказал я, - а ведь он постоянно твердит о чем-то, что называет благодатью!" - "Не всегда, - возразил он, - на ушко красивой женщине он охотнее шепчет о ее грехе; на людях он громит пороки, но в частной жизни покладист, как агнец". - "Мне кажется, что его очень уважают, - заметил я, - и весьма с ним считаются". - "Еще бы его не уважали! Это человек прямо-таки необходимый: он услаждает домашнюю жизнь, подает советы, оказывает мелкие услуги, развлекает; он лучше всякого светского щеголя умеет прогнать головную боль; это превосходный человек!"
"- Mais, si je ne vous importune pas, dites-moi qui est celui qui est vis-à-vis de nous, qui est si mal habillé; qui fait quelquefois des grimaces, et a un langage différent des autres; qui n'a pas d'esprit pour parler, mais qui parle pour avoir de l'esprit? - C'est, me répondit-il, un poète, et le grotesque du genre humain. Ces gens-là disent qu'ils sont nés ce qu'ils sont. Cela est vrai, et aussi ce qu'ils seront toute leur vie, c'est-à-dire presque toujours les plus ridicules de tous les hommes. Aussi ne les épargne-t-on point: on verse sur eux le mépris à pleines mains. La famine a fait entrer celui-ci dans cette maison, et il y est bien reçu du maître et de la maîtresse, dont la bonté et la politesse ne se démentent à l'égard de personne. Il fit leur épithalame, lorsqu'ils se marièrent. C'est ce qu'il a fait de mieux en sa vie; car il s'est trouvé que le mariage a été aussi heureux qu'il l'a prédit. "Если я не очень докучаю вам, скажите: кто это сидит напротив нас? Он плохо одет, время от времени гримасничает, выражается не так, как другие; речь его не остроумна, но он явно хочет казаться остроумным". - "Это поэт и посмешище рода человеческого, - отвечал мой собеседник. - Эти люди уверяют, что такими родились; это правда, как правда и то, что такими они и останутся всю жизнь, то есть самыми нелепыми из людей. Зато их никто и не щадит, и презрение изливается на них пригоршнями. Этого завел сюда голод; он хорошо принят хозяином и хозяйкой, ибо доброта и вежливость их неизменны по отношению ко всем. Он написал эпиталаму по случаю их свадьбы, и это лучшее, что он сделал в жизни, ибо брак оказался счастливым, как он и пророчил.
"Vous ne le croiriez pas peut-être, ajouta-t-il, entêté comme vous l'êtes des préjugés de l'Orient: il y a parmi nous des mariages heureux, et des femmes dont la vertu est un gardien sévère. Les gens dont nous parlons goûtent entre eux une paix qui ne peut être troublée; ils sont aimés et estimés de tout le monde. Il n'y a qu'une chose: c'est que leur bonté naturelle leur fait recevoir chez eux toute sorte de monde; ce qui fait qu'ils ont quelquefois mauvaise compagnie. Ce n'est pas que je les désapprouve: il faut vivre avec les hommes tels qu'ils sont; les gens qu'on dit être de si bonne compagnie ne sont souvent que ceux dont les vices sont plus raffinés; et peut-être en est-il comme des poisons, dont les plus subtils sont aussi les plus dangereux. Вы с вашими восточными предрассудками, - добавил он, - может быть, и не поверите, что у нас встречаются счастливые браки и женщины, добродетель которых является строгим стражем. Чета, о которой мы с вами говорим, наслаждается невозмутимым миром; ее все любят и уважают. Плохо только то, что, по доброте своей, наши хозяева принимают у себя людей всякого сорта, так что здесь собирается порою и сомнительное общество. Это не значит, что я их осуждаю: надо брать людей такими, какие они есть. Люди, которых считают принадлежащими к избранному обществу, отличаются от остальных лишь тем, что обладают более утонченными пороками, и, пожалуй, дело обстоит здесь так же, как с ядами: чем тоньше они, тем опаснее".
"- Et ce vieux homme, lui dis-je tout bas, qui a l'air si chagrin? je l'ai pris d'abord pour un étranger car, outre qu'il est habillé autrement que les autres, censure tout ce qui se fait en France, et n'approuve pas votre gouvernement. - C'est un vieux guerrier, me dit-il, qui se rend mémorable à tous ses auditeurs par la longueur de ses exploits. Il ne peut souffrir que la France ait gagné des batailles où il ne se soit pas trouvé, ou qu'on vante un siège où il n'ait pas monté à la tranchée. Il se croit si nécessaire à notre histoire, qu'il s'imagine qu'elle finit où il a fini: il regarde quelques blessures qu'il a reçues, comme la dissolution de la monarchie, et, à la différence de ces philosophes qui disent qu'on ne jouit que du présent, et que le passé n'est rien, il ne jouit, au contraire, que du passé, et n'existe que dans les campagnes qu'il a faites: il respire dans les temps qui se sont écoulés, comme les héros doivent vivre dans ceux qui passeront après eux. - Mais pourquoi, dis-je, a-t-il quitté le service? - Il ne l'a point quitté, me répondit-il; mais le service l'a quitté: on l'a employé dans une petite place, où il racontera ses aventures le reste de ses jours; mais il n'ira jamais plus loin: le chemin des honneurs lui est fermé. - Et pourquoi? lui dis-je. - Nous avons une maxime en France, me répondit-il: c'est de n'élever jamais les officiers dont la patience a langui dans des emplois subalternes. Nous les regardons comme des gens dont l'esprit s'est rétréci dans les détails, et qui, par l'habitude des petites choses, sont devenus incapables des plus grandes. Nous croyons qu'un homme qui n'a pas les qualités d'un général à trente ans, ne les aura jamais; que celui qui n'a pas ce coup d'oeil qui montre tout d'un coup un terrain de plusieurs lieues dans toutes ses situations différentes, cette présence d'esprit qui fait que, dans une victoire, on se sert de tous ses avantages, et, dans un échec, de toutes ses ressources, n'acquerra jamais ces talents. C'est pour cela que nous avons des emplois brillants pour ces hommes grands et sublimes que le ciel a partagés non seulement d'un coeur, mais aussi d'un génie héroique, et des emplois subalternes pour ceux dont les talents le sont aussi. De ce nombre sont ces gens qui ont vieilli dans une guerre obscure: ils ne réussissent tout au plus qu'à faire ce qu'ils ont fait toute leur vie, et il ne faut point commencer à les charger dans le temps qu'ils s'affaiblissent." "А этот старик с таким печальным лицом? - спросил я тихонько. - Я принял было его за иностранца, так как, не говоря уже о том, что он одет иначе, чем другие, он критикует все, что делается во Франции, и неодобрительно отзывается о вашем правительстве". - "Это старый вояка, - отвечал мой собеседник, - который остается в памяти всех своих слушателей благодаря тому, что без конца рассказывает о совершенных им подвигах. Он не может примириться с тем, что Франция выигрывает битвы, в которых он не участвует, или что восхваляют атаку, при которой не он ворвался в неприятельские окопы. Он считает себя настолько необходимым для нашей истории, что воображает, будто она остановилась на том месте, где остановился он; несколько полученных им ран он считает ранами, нанесенными королевству, и в отличие от тех философов, которые утверждают, что можно наслаждаться только настоящим, ибо прошедшее - прах, он наслаждается только прошлым и живет только своими былыми походами; он и дышит-то только минувшими временами, подобно тому как герои живут в грядущем". - "Но почему же он оставил службу?" - возразил я. "Он ее вовсе и не оставлял, - ответил мой собеседник, - это она его оставила: его назначили на маленькую должность, и он только может до конца дней рассказывать о своих приключениях; дальше этого он не пойдет: дорога к почестям для него закрыта". - "Почему же?" - говорю я. "У нас во Франции существует правило: не производить в высшие чины офицеров, засидевшихся на низших должностях; мы полагаем, что повседневные мелочи иссушили их ум, и, привыкнув к этим мелочам, они стали не способны к крупному делу. Мы считаем, что человек, у которого к тридцати годам нет качеств, нужных для генерала, никогда их не приобретет; кто не умеет одним взглядом окинуть пространство в несколько миль со всеми его разнообразными особенностями, кто не обладает присутствием духа, не умеет при победе использовать все выгоды положения, а при неудаче - все средства к спасению, тот никогда не разовьет в себе этих талантов. Поэтому-то у нас есть блестящие должности, предназначенные для великих и выдающихся людей, которых небо наделило не только героическим сердцем, но и талантами, и должности второстепенные, предназначенные для тех, у кого таланты не велики. К числу последних принадлежат все, кто состарился в безвестных войнах: в лучшем случае они продолжают делать то, что делали всю жизнь, и не следует поручать им ответственное дело, когда они дряхлеют".
Un moment après, la curiosité me reprit, et je lui dis: "Je m'engage à ne vous plus faire de questions, si vous voulez encore souffrir celle-ci. Qui est ce grand jeune homme qui a des cheveux, peu d'esprit et tant d'impertinence? D'où vient qu'il parle plus haut que les autres et se sait si bon gré d'être au monde? - C'est un homme à bonnes fortunes", me répondit-il. A ces mots, des gens entrèrent, d'autres sortirent, on se leva; quelqu'un vint parler à mon gentilhomme, et je restai aussi peu instruit qu'auparavant. Mais, un moment après, je ne sais par quel hasard ce jeune homme se trouva auprès de moi, et, m'adressant la parole: "Il fait beau. Voudriez-vous, Monsieur, faire un tour dans le parterre?" Je lui répondis le plus civilement qu'il me fut possible, et nous sortîmes ensemble. "Je suis venu à la campagne, me dit-il, pour faire plaisir à la maîtresse de maison, avec laquelle je ne suis pas mal. Il y a bien certaine femme dans le monde qui ne sera pas de bonne humeur. Mais qu'y faire? Je vois les plus jolies femmes de Paris; mais je ne me fixe pas à une, et je leur en donne bien à garder: car entre vous et moi, je ne vaux pas grand-chose. - Apparemment, Monsieur, lui dis-je, que vous avez quelque charge ou quelque emploi qui vous empêche d'être plus assidu auprès d'elles. - Non, Monsieur, je n'ai d'autre emploi que de faire enrager un mari ou désespérer un père; j'aime à alarmer une femme qui croit me tenir, et la mettre à deux doigts de ma perte. Nous sommes quelques jeunes gens qui partageons ainsi tout Paris, et l'intéressons à nos moindres démarches. - A ce que je comprends, lui dis-je, vous faites plus de bruit que le guerrier le plus valeureux, et vous êtes plus considéré qu'un grave magistrat. Si vous étiez en Perse, vous ne jouiriez pas de tous ces avantages: vous deviendriez plus propre à garder nos dames qu'à leur plaire." Le feu me monta au visage, et je crois que pour peu que j'eusse parlé, je n'aurais pu m'empêcher de le brusquer. Минуту спустя мною снова овладело любопытство, и я сказал: "Обещаю не задавать вам больше вопросов если вы ответите мне еще на один Кто тот высокий молодой человек, у которого пышные кудри, мало ума и много нахальства? Почему он говорит громче других и так самодоволен?" - "Это человек, пользующийся успехом у женщин", - услышал я в ответ. В это время вошли новые гости, некоторые ушли, все поднялись, кто-то подошел к моему собеседнику, и я остался ни при чем. Но немного погодя, не знаю уж по какому случаю, этот молодой человек очутился подле меня и обратился ко мне со словами: "Погода отличная; не угодно ли вам пройтись со мною по цветнику?" Я отвечал как только умел учтивее, и мы вместе вышли. "Я приехал на дачу, - сказал он, - чтобы доставить удовольствие хозяйке дома, с которой я в недурных отношениях. Правда, некая светская дама будет этим недовольна, но что поделаешь? Я встречаюсь с самыми красивыми женщинами Парижа, но не могу остановиться ни на одной и доставляю им немало огорчений, потому что, говоря между нами, я ведь порядочный шалопай". - "Вероятно, сударь, - сказал ему я, - у вас есть какая-нибудь важная обязанность или должность, которая мешает вам быть к ним внимательнее?" - "Нет, сударь; у меня только и дела, что бесить мужей да приводить в отчаяние отцов; я люблю дразнить женщину, воображающую, что она завладела мною, и пугать ее, что она вот-вот меня лишится. Нас несколько таких молодых людей: мы разделили между собою весь Париж, и он интересуется малейшим нашим шагом". - "Насколько я понимаю, - ответил я, - вы поднимаете больше шуму, чем самый доблестный полководец, и к вам относятся с большим почтением, чем к иному важному сановнику. Если бы вы жили в Персии, вам бы не пришлось пользоваться такими преимуществами: вам бы больше подошло стеречь наших дам, чем нравиться им". Лицо мое запылало, и поговори я еще немного, я, кажется, наговорил бы ему резкостей.
Que dis-tu d'un pays où l'on tolère de pareilles gens, et où l'on laisse vivre un homme qui fait un tel métier? où l'infidélité, la trahison, le rapt, la perfidie et l'injustice conduisent à la considération? où l'on estime un homme parce qu'il ôte une fille à son père, une femme à son mari, et trouble les sociétés les plus douces et les plus saintes? Heureux les enfants d'Hali, qui défendent leurs familles de l'opprobre et de la séduction! La lumière du jour n'est pas plus pure que le feu qui brûle dans le coeur de nos femmes; nos filles ne pensent qu'en tremblant au jour qui doit les priver de cette vertu qui les rend semblables aux anges et aux puissances incorporelles. Terre natale et chérie, sur qui le soleil jette ses premiers regards, tu n'es point souillée par les crimes horribles qui obligent cet astre à se cacher dès qu'il paraît dans le noir Occident! Что скажешь ты о стране, где терпят таких людей и позволяют человеку заниматься подобным ремеслом; где неверность, насилие, измена, вероломство и несправедливость доставляют людям почет; где уважают человека за то, что он похищает дочь у отца, жену у мужа и разрывает самые нежные и священные узы? Блаженны дети Али, защищающие свои семьи от осквернения и соблазна! Свет дневной не чище огня, пылающего в сердцах наших жен; наши дочери не иначе как с трепетом помышляют о дне, когда они лишатся чистоты, уподобляющей их ангелам и силам бесплотным. Родная, возлюбленная страна, на которую солнце бросает свои первые взоры, ты не осквернена отвратительными преступлениями, от которых великое светило отворачивается, лишь только взглянет оно на мрачный Запад!
De Paris, le 5 de la lune de Rhamazan 1713. Из Парижа, месяца Рамазана 5-го дня, 1713 года

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Lettre XLIX. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Etant l'autre jour dans ma chambre, je vis entrer un dervis extraordinairement habillé: sa barbe descendait jusques à sa ceinture de corde; il avait les pieds nus; son habit était gris, grossier et, en quelques endroits, pointu. Le tout me parut si bizarre que ma première idée fut d'envoyer chercher un peintre pour en faire une fantaisie. На днях, когда я сидел у себя в комнате, ко мне вошел весьма странно одетый дервиш. Борода, его отросла до пояса, сплетенного из веревок, ноги были босы, одежда серая, грубая и кое-где в лохмотьях. Все это мне показалось настолько чудным, что первой моей мыслью было послать за живописцем, чтобы запечатлеть моего гостя.
Il me fit d'abord un grand compliment, dans lequel il m'apprit qu'il était homme de mérite, et de plus capucin. "On m'a dit, ajouta-t-il, Monsieur, que vous retournez bientôt à la cour de Perse, où vous tenez un rang distingué; je viens vous demander votre protection, et vous prier de nous obtenir du roi une petite habitation, auprès de Casbin, pour deux ou trois religieux. - Mon père, lui dis-je, vous voulez donc aller en Perse? - Moi, Monsieur! me dit-il; je m'en donnerai bien de garde. Je suis ici provincial ,et je ne troquerais pas ma condition contre celle de tous les capucins du monde. - Et que diable me demandez-vous donc? - C'est, me répondit-il, que, si nous avions cet hospice, nos pères d'Italie y enverraient deux ou trois de leurs religieux. - Vous les connaissez apparemment, lui dis-je, ces religieux? - Non, Monsieur, je ne les connais pas. - Eh morbleu! que vous importe donc qu'ils aillent en Perse? C'est un beau projet de faire respirer l'air de Casbin à deux capucins! cela sera très utile et à l'Europe et à l'Asie! il est fort nécessaire d'intéresser là-dedans les monarques! Voilà ce qui s'appelle de belles colonies! Allez! Vous et vos semblables n'êtes point faits pour être transplantés, et vous ferez bien de continuer à ramper dans les endroits où vous vous êtes engendrés." Сначала незнакомец обратился ко мне с пышным приветствием, в котором поведал мне, что человек он заслуженный и сверх того капуцин. "Мне сказали, - прибавил он, - что вы, сударь, вскоре возвратитесь к персидскому двору, где занимаете важный пост. Я пришел просить вашего покровительства и ходатайствовать перед вами, чтобы вы испросили у вашего государя соизволения отвести нам небольшой домик близ Казвина{264} для двух-трех монахов". - "Так вы хотите переселиться в Персию, отец мой?" - спросил я. "Я, сударь? - отвечал он. - Ну нет, от этого я воздержусь. Я здесь провинциал{264} и не поменялся бы положением ни с одним капуцином в мире". - "Так зачем же вы меня просите?" - "Да потому, - отвечал он, - что если бы у нас была там обитель, наши итальянские отцы капуцины послали бы туда двух-трех своих монахов". - "Очевидно, это ваши знакомые?" - спросил я. "Нет, сударь, я с ними незнаком". - "Фу ты, пропасть! Так зачем же вам хлопотать, чтобы они поехали в Персию? Подумаешь, какая чудесная мысль предоставить двум капуцинам дышать воздухом Казвина! Очень это будет полезно для Европы и Азии! Совершенно необходимо заинтересовать этим делом монархов! Это-то и называется прекрасной колонией! Убирайтесь вон: вы и вам подобные вовсе не созданы для того, чтобы вас пересаживать в другие места, и вы прекрасно сделаете, если будете по-прежнему пресмыкаться там, где родились".
De Paris, le 15 de la lune de Rhamazan 1713. Из Парижа, месяца Рамазана 15-го дня, 1713 года

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Lettre L. Rica à***/Рика к ***

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J'ai vu des gens chez qui la vertu était si naturelle qu'elle ne se faisait pas même sentir: ils s'attachaient à leur devoir sans s'y plier, et s'y portaient comme par instinct. Bien loin de relever par leurs discours leurs rares qualités, il semblait qu'elles n'avaient pas percé jusques à eux. Voilà les gens que j'aime; non pas ces hommes vertueux qui semblent être étonnés de l'être, et qui regardent une bonne action comme un prodige dont le récit doit surprendre. Мне приходилось встречать людей, добродетель которых столь естественна, что даже не ощущается; они исполняют свой долг, не испытывая никакой тягости, и их влечет к этому как бы инстинктивно; они никогда не хвастаются своими редкостными качествами и, кажется, даже не сознают их в себе. Вот такие люди мне нравятся, а не те праведники, которые как будто сами удивляются собственной праведности и считают доброе дело чудом, рассказ о котором должен всех изумлять.
Si la modestie est une vertu nécessaire à ceux à qui le ciel a donné de grands talents, que peut-on dire de ces insectes qui osent faire paraître un orgueil qui déshonorerait les plus grands hommes? Если скромность - необходимая добродетель для тех, кого небо одарило великими талантами, то что же сказать о козявках, смеющих проявлять такую гордыню, которая была бы позорна даже в величайших людях?
Je vois de tous côtés des gens qui parlent sans cesse d'eux-mêmes: leurs conversations sont un miroir qui présente toujours leur impertinente figure. Ils vous parleront des moindres choses qui leur sont arrivées, et ils veulent que l'intérêt qu'ils y prennent les grossisse à vos yeux; ils ont tout fait, tout vu, tout dit, tout pensé; ils sont un modèle universel, un sujet de comparaisons inépuisable, une source d'exemples qui ne tarit jamais. Oh! que la louange est fade lorsqu'elle réfléchit vers le lieu d'où elle part! Я повсюду встречаю людей, беспрерывно говорящих о себе: их разговоры - зеркало, в котором постоянно отражается их наглая физиономия; они толкуют вам о мельчайших пустяках, приключившихся с ними, и хотят при этом, чтобы значение, которое они придают этим пустякам, возвеличивало их в ваших глазах; они все делали, все видели, все сказали, все обдумали; они - образец для всех, мерило для бесконечных сравнений, неиссякаемый кладезь примеров. О, какая пошлость - похвала, когда она возвращается к собственному источнику!
Il y a quelques jours qu'un homme de ce caractère nous accabla pendant deux heures de lui, de son mérite et de ses talents. Mais, comme il n'y a point de mouvement perpétuel dans le monde, il cessa de parler; la conversation nous revint donc, et nous la prîmes. Намедни один подобный субъект часа два докучал присутствующим своей особой, своими заслугами, своими талантами; но, так как в мире нет беспрерывного движения, он в конце концов умолк. Нить беседы снова перешла к нам, и мы этим с удовольствием воспользовались.
Un homme qui paraissait assez chagrin commença par se plaindre de l'ennui répandu dans les conversations. "Quoi! toujours des sots qui se peignent eux-mêmes, et qui ramènent tout à eux? - Vous avez raison, reprit brusquement notre discoureur. Il n'y a qu'à faire comme moi: je ne me loue jamais; j'ai du bien, de la naissance; je fais de la dépense; mes amis disent que j'ai quelque esprit; mais je ne parle jamais de tout cela. Si j'ai quelques bonnes qualités, celle dont je fais le plus de cas, c'est ma modestie." Некий человек, довольно печальный на вид, принялся жаловаться на то, что здесь ведутся очень скучные разговоры: "Подумайте только! Везде и всюду дураки расписывают себя перед вами и все разговоры переводят на собственную особу!" - "Вы совершенно правы, - горячо подхватил наш оратор, - нужно брать пример, с меня: я никогда не хвалюсь, я богат, я хорошего происхождения, я много трачу, друзья уверяют, что я не лишен ума, но я никогда не говорю об этом, и если у меня есть кое-какие достоинства, то из всех из них я больше всего ценю свою скромность".
J'admirais cet impertinent, et, pendant qu'il parlait tout haut, je disais tout bas: "Heureux celui qui a assez de vanité pour ne dire jamais de bien de lui, qui craint ceux qui l'écoutent, et ne compromet point son mérite avec l'orgueil des autres!" Я с удивлением смотрел на этого нахала и в то время, как он громко разглагольствовал, тихонько сказал: "Счастлив тот, кто достаточно самолюбив, чтобы никогда не хвалить самого себя, кто остерегается слушающих его и не подвергает опасности свои хорошие качества, бросая вызов чужой гордости!"
De Paris, le 20 de la lune de Rhamazan 1713. Из Парижа, месяца Рамазана 20-го дня, 1713 года

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Lettre LI. Nargum, envoyé de Perse en Moscovie, à Usbek, à Paris/Наргум, персидский посол в Московии, к Узбеку в Париж

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On m'a écrit d'Ispahan que tu avais quitté la Perse, et que tu étais actuellement à Paris. Pourquoi faut-il que j'apprenne de tes nouvelles par d'autres que par toi? Мне пишут из Испагани, что ты уехал из Персии и в настоящее время находишься в Париже. Как досадно, что я получаю известие о тебе от других, а не от тебя самого!
Les ordres du roi des rois me retiennent depuis cinq ans dans ce pays-ci, où j'ai terminé plusieurs négociations importantes. По повелению царя царей{266} я уже пять лет живу в этой стране, где занят кое-какими важными переговорами.
Tu sais que le czar est le seul des princes chrétiens dont les intérêts soient mêlés avec ceux de la Perse, parce qu'il est ennemi des Turcs comme nous. Тебе известно, что царь{266} - единственный из христианских государей, чьи интересы имеют общее с интересами Персии, потому что он такой же враг турок, как и мы.
Son empire est plus grand que le nôtre: car on compte mille lieues depuis Moscou jusqu'à la dernière place de ses Etats du côté de la Chine. Его государство больше нашего, ибо от Москвы до последней его крепости, расположенной в стороне Китая, насчитывают тысячу миль.
Il est le maître absolu de la vie et des biens de ses sujets, qui sont tous esclaves, à la réserve de quatre familles. Le lieutenant des prophètes, le roi des rois, qui a le ciel pour marchepied, ne fait pas un exercice plus redoutable de sa puissance. Он полный властелин над жизнью и имуществом своих подданных, которые все рабы за исключением четырех семейств. Наместник пророков, царь царей, кому небо служит балдахином, а земля - подножием, не так страшен в проявлениях своей власти.
A voir le climat affreux de la Moscovie, on ne croirait jamais que ce fût une peine d'en être exilé; cependant, dès qu'un grand est disgracié, on le relègue en Sibérie. Принимая во внимание ужасный климат Московии, трудно поверить, что изгнание из нее может служить карою, и, однако, когда какой-нибудь вельможа попадает в опалу, его ссылают в Сибирь.
Comme la loi de notre prophète nous défend de boire du vin, celle du prince le défend aux Moscovites. Подобно тому как наш пророк запрещает нам пить вино, так царь запрещает его московитам.
Ils ont une manière de recevoir leurs hôtes qui n'est point du tout persane. Dès qu'un étranger entre dans une maison, le mari lui présente sa femme; l'étranger la baise; et cela passe pour une politesse faite au mari. У них отнюдь не персидская манера принимать гостей. Как только посторонний придет в дом, муж представляет ему свою жену; гость целует ее, и это считается вежливостью, оказанной мужу.
Quoique les pères, au contrat de mariage de leurs filles, stipulent ordinairement que le mari ne les fouettera pas, cependant on ne saurait croire combien les femmes moscovites aiment à être battues: elles ne peuvent comprendre qu'elles possèdent le coeur de leur mari, s'il ne les bat comme il faut. Une conduite opposée, de sa part, est une marque d'indifférence impardonnable. Хотя отцы невест при заключении брачного договора требуют обычно, чтобы муж не стегал жену плетью, тем не менее просто невозможно поверить, до чего москвитянки любят, чтобы их били (Эти нравы теперь переменились). Жена не верит, что сердце мужа принадлежит ей, если он ее не колотит. Тогда его поведение считается свидетельством непростительного равнодушия.
Voici une lettre qu'une d'elles écrivit dernièrement à sa mère: Вот письмо, которое одна москвитянка написала недавно своей матери:
MA CHERE MERE, "Любезная матушка!
Je suis la plus malheureuse femme du monde! Il n'y a rien que je n'aie fait pour me faire aimer de mon mari, et je n'ai jamais pu y réussir. Hier, j'avais mille affaires dans la maison; je sortis, et je demeurai tout le jour dehors. le crus, à mon retour, qu'il me battrait bien fort; mais il ne me dit pas un seul mot. Ma soeur est bien autrement traitée: son mari la bat tous les jours; elle ne peut pas regarder un homme, qu'il ne l'assomme soudain. Ils s'aiment beaucoup aussi, et ils vivent de la meilleure intelligence du monde. Я самая несчастная женщина на свете; чего я только не делала, чтобы муж полюбил меня, а мне это так и не удалось. Вчера у меня дома была пропасть дел, а я ушла со двора на весь день, надеясь, что по возвращении он меня здорово отколотит, а он не сказал мне ни слова. Вот у сестры совсем не так: муж бьет ее всякий день; она не может взглянуть на мужчину, чтобы муж тотчас же ее не оттрепал; они крепко любят друг друга и живут в полном согласии.
C'est ce qui la rend si fière. Mais je ne lui donnerai pas longtemps sujet de me mépriser. J'ai résolu de me faire aimer de mon mari, à quelque prix que ce soit: je le ferai si bien enrager qu'il faudra bien qu'il me donne des marques d'amitié. Il ne sera pas dit que je ne serai pas battue, et que je vivrai dans la maison sans que l'on pense à moi. La moindre chiquenaude qu'il me donnera, je crierai de toute ma force, afin qu'on s'imagine qu'il y va tout de bon, et je crois que, si quelque voisin venait au secours, je l'étranglerais. Je vous supplie, ma chère mère, de vouloir bien représenter à mon mari qu'il me traite d'une manière indigne. Mon père, qui est un si honnête homme, n'agissait pas de même, et il me souvient, lorsque j'étais petite fille, qu'il me semblait quelquefois qu'il vous aimait trop. Она очень чванится этим, но я-то уж не дам ей долго надо мной куражиться. Я решилась любой ценой заслужить любовь мужа: я так буду его бесить, что ему волей-неволей придется проявить свои чувства. Про меня не будут говорить, что меня не бьют и что дома меня никто даже не замечает. При малейшем щелчке по носу, который он мне даст, я примусь голосить изо всех сил, чтобы подумали, что он бьет меня по-настоящему, а если кто-нибудь из соседей прибежит на помощь, я его, ей-ей, задушу. Умоляю вас, любезная матушка, растолкуйте вы моему благоверному, что он обращается со мной дурно. Ведь вот батюшка, такой хороший человек, поступал совсем иначе: помнится, мне иногда казалось, когда я была маленькой, что он даже слишком вас любит.
Je vous embrasse, ma chère mère. Обнимаю вас, милая матушка".
Les Moscovites ne peuvent point sortir de l'empire, fût-ce pour voyager. Ainsi, séparés des autres nations par les lois du pays, ils ont conservé leurs anciennes coutumes avec d'autant plus d'attachement qu'ils ne croyaient pas qu'il fût possible d'en avoir d'autres. Московитам запрещено выезжать из своего государства, хотя бы даже для путешествия. Таким образом, будучи отделены от других народов законами своей страны, они сохранили древние обычаи и привержены к ним тем сильнее, что и не предполагают, что могут быть другие.
Mais le prince qui règne à présent a voulu tout changer: il a eu de grands démêlés avec eux au sujet de leur barbe; le clergé et les moines n'ont pas moins combattu en faveur de leur ignorance. Но царствующий ныне государь решил все переменить. У него вышла большая распря с ними по поводу бород, а духовенство и монахи немало боролись, отстаивая свое невежество.
Il s'attache à faire fleurir les arts, et ne néglige rien pour porter dans l'Europe et l'Asie la gloire de sa nation, oubliée jusques ici et presque uniquement connue d'elle-même. Он стремится к тому, чтобы процветали искусства, и ничем не пренебрегает, чтобы прославить в Европе и Азии свой народ, до сих пор всеми забытый и известный только у себя на родине.
Inquiet et sans cesse agité, il erre dans ses vastes Etats, laissant partout des marques de sa sévérité naturelle. Беспокойный и стремительный, этот монарх разъезжает по своим обширным владениям, всюду проявляя свою природную суровость.
Il les quitte, comme s'ils ne pouvaient le contenir, et va chercher dans l'Europe d'autres provinces et de nouveaux royaumes. Он покидает родную страну, словно она тесна для него, и отправляется в Европу искать новых областей и новых царств.
Je t'embrasse, mon cher Usbek. Donne-moi de tes nouvelles, je te conjure. Обнимаю тебя, дражайший Узбек. Извести меня о себе, заклинаю тебя.
De Moscou, le 2 de la lune de Chalval 1713. Из Москвы, месяца Шальвала 2-го дня, 1713 года.

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Lettre LII. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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J'étais l'autre jour dans une société où je me divertis assez bien. Il y avait là des femmes de tous les âges: une de quatre-vingts ans, une de soixante, une de quarante, qui avait une nièce de vingt à vingt-deux. Un certain instinct me fit approcher de cette dernière, et elle me dit à l'oreille: "Que dites-vous de ma tante, qui, à son âge, veut avoir des amants et fait encore la jolie? - Elle a tort, lui dis-je: c'est un dessein qui ne convient qu'à vous." Un moment après, je me trouvai auprès de sa tante, qui me dit: "Que dites-vous de cette femme, qui a pour le moins soixante ans, qui a passé aujourd'hui plus d'une heure à sa toilette? - C'est du temps perdu, lui dis-je, et il faut avoir vos charmes pour devoir y songer." J'allai à cette malheureuse femme de soixante ans, et la plaignais dans mon âme, lorsqu'elle me dit à l'oreille: "Y a-t-il rien de si ridicule? Voyez cette femme qui a quatre-vingts ans, et qui met des rubans couleur de feu; elle veut faire la jeune, et elle y réussit: car cela approche de l'enfance. На днях я был в обществе, где довольно интересно провел время. Среди гостей были женщины всех возрастов: одна восьмидесятилетняя, одна шестидесяти лет, одна - сорока, а с нею племянница лет двадцати - двадцати двух. Какой-то инстинкт побудил меня подойти к последней, и она шепнула мне на ухо: "Что скажете вы о моей тетушке, которая в таком возрасте еще мечтает о поклонниках и воображает себя красавицей?" - "Она неправа, - ответил я, - такие замыслы под стать только вам". Минуту спустя я очутился возле ее тетки; тетка сказала мне: "Что вы скажете о той женщине? Ей по меньшей мере шестьдесят лет, а она сегодня больше часу провела за туалетом". - "Потерянное время, - отвечал я ей, - нужно обладать вашими прелестями, чтобы так заботиться о них". Я направился к этой несчастной старушке, жалея ее в глубине души, как вдруг она мне сказала потихоньку: "Вот умора! Посмотрите на эту женщину: ей восемьдесят лет, а она надевает ленты огненного цвета; она хочет казаться молодой; впрочем, это ей и удается: она уж впадает в детство".
- Ah! bon Dieu, dis-je en moi-même, ne sentirons-nous jamais que le ridicule des autres? C'est peut-être un bonheur, disais-je ensuite, que nous trouvions de la consolation dans les faiblesses d'autrui." Cependant j'étais en train de me divertir, et je dis: "Nous avons assez monté; descendons à présent, et commençons par la vieille qui est au sommet. - Madame, vous vous ressemblez si fort, cette dame à qui je viens de parler et vous, qu'il me semble que vous soyez deux soeurs, et je vous crois à peu près de même âge. - Vraiment, Monsieur, me dit-elle, lorsque l'une mourra, l'autre devra avoir grand-peur: je ne crois pas qu'il y ait d'elle à moi deux jours de différence." "Ах ты, господи! - подумал я, - неужели мы замечаем смешное только в других? Впрочем, это счастье, - решил я вслед за тем, - что мы находим утешение в слабостях других". Однако я был в настроении позабавиться и сказал себе: довольно подниматься от младшей к старшей, спущусь-ка вниз и начну с верхушки - со старшей. "Сударыня, вы до такой степени похожи на ту даму, с которой я только что беседовал, что кажется, будто вы сестры, должно быть, вы почти ровесницы". - "Совершенно верно, сударь: когда одна из нас умрет, другая сильно перепугается; между нами, вероятно, нет и двух дней разницы".
Quand je tins cette femme décrépite, j'allai à celle de soixante ans. "Il faut, Madame, que vous décidiez un pari que j'ai fait: j'ai gagé que cette dame et vous lui montrant la femme de quarante ans - étiez de même âge. - Ma foi, dit-elle, je ne crois pas qu'il y ait six mois de différence. - Bon, m'y voilà; continuons." Je descendis encore, et j'allai à la femme de quarante ans. "Madame, faites-moi la grâce de me dire si c'est pour rire que vous appelez cette demoiselle, qui est à l'autre table, votre nièce? Vous êtes aussi jeune qu'elle; elle a même quelque chose dans le visage de passé, que vous n'avez certainement pas, et ces couleurs vives qui paraissent sur votre teint... Attendez, me dit-elle: je suis sa tante; mais sa mère avait pour le moins vingt-cinq ans plus que moi: nous n'étions pas de même lit; j'ai oui dire à feu ma soeur que sa fille et moi naquîmes la même année. - Je le disais bien, Madame, et je n'avais pas tort d'être étonné." Подшутив над этой старухой, я направился к шестидесятилетней. "Сударыня! Я держу пари и прошу вас разрешить его: я поспорил, что вы и та дама (я указал на сорокалетнюю) - сверстницы". - "Право, я думаю, - отвечала она, - что между нами нет и полгода разницы". Отлично! Так я и ожидал. Продолжим. Я спустился на ступеньку ниже и пошел к сорокалетней. "Сударыня! Сделайте милость, скажите: ведь вы только шутки ради называете барышню, которая сидит за другим столом, вашей племянницей? Вы так же молоды, как и она: у нее есть в лице даже что-то увядшее, чего у вас, конечно, нет, а яркий румянец на ваших щеках..." - "Подождите, - ответила она мне, - я действительно ей тетка, но ее мать была по крайней мере на двадцать лет старше меня; мы от разных матерей, и я слышала от своей покойной сестры, что ее дочь родилась в один год со мною". - "Это очевидно, сударыня, и, стало быть, я удивлялся не без оснований".
Mon cher Usbek, les femmes qui se sentent finir d'avance par la perte de leurs agréments voudraient reculer vers la jeunesse. Eh! comment ne chercheraient-elles pas à tromper les autres? Elles font tous leurs efforts pour se tromper elles-mêmes et se dérober à la plus affligeante de toutes les idées. Дорогой Узбек! Женщины, чувствуя заранее, что им приходит конец и что прелести их увядают, желали бы вернуться назад, к юности. Эх! Как же им не обманывать окружающих? Они напрягают все усилия, чтобы обмануть самих себя и укрыться от прискорбнейшей из всех мыслей.
De Paris, le de la lune de Chalval 1713. Из Парижа, месяца Шальвала 3-го дня, 1713 года

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Lettre LIII. Zélis à Usbek, à Paris/Зели к Узбеку в Париж

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Jamais passion n'a été plus forte et plus vive que celle de Cosrou, eunuque blanc, pour mon esclave Zélide: il la demande en mariage avec tant de fureur que je ne puis la lui refuser. Et pourquoi ferais-je de la résistance, lorsque ma mère n'en fait pas, et que Zélide elle-même paraît satisfaite de l'idée de ce mariage imposteur et de l'ombre vaine qu'on lui présente? Не было еще в мире страсти более пылкой и живой, чем страсть белого евнуха Косру к моей рабыне Зелиде: он так яростно домогается женитьбы на ней, что я не могу ему отказать. Да и почему бы мне противиться, когда ее мать не возражает, а самой Зелиде, по-видимому, приятна мысль об этом обманном браке и о призраке, который ей предлагают?
Que veut-elle faire de cet infortuné, qui n'aura d'un mari que la jalousie, qui ne sortira de sa froideur que pour entrer dans un désespoir inutile; qui se rappellera toujours la mémoire de ce qu'il a été, pour la faire souvenir de ce qu'il n'est plus; qui, toujours prêt à se donner et ne se donnant jamais, se trompera, la trompera sans cesse, et lui fera essuyer à chaque instant tous les malheurs de sa condition? На что ей этот несчастный? Из всех свойств мужа у него будет проявляться одна только ревность; он будет выходить из состояния равнодушия только для того, чтобы впадать в бесполезное отчаяние; он всегда будет вспоминать о том, чем он был, и таким образом напоминать ей, что он уже не тот; всегда готовый отдаться и никогда не отдаваясь, он будет беспрестанно обманываться, обманывать ее и оживлять в ней сознание того, сколь прискорбно ее положение.
Et quoi! être toujours dans les images et dans les fantômes! ne vivre que pour imaginer! se trouver toujours auprès des plaisirs, et jamais dans les plaisirs! languissante dans les bras d'un malheureux, au lieu de répondre à ses soupirs, ne répondre qu'à ses regrets! Подумай только! Постоянно быть окруженной тенями и призраками! Жить только воображением! Находиться всегда подле наслаждений и никогда не испытывать их! Лежа в истоме в объятиях несчастного, отвечать только на его жалобы, вместо того чтобы отвечать на его ласки!
Quel mépris ne doit-on pas avoir pour un homme de cette espèce, fait uniquement pour garder, et jamais pour posséder? Je cherche l'amour, et je ne le vois pas. Какое презрение должно испытывать по отношению к такого рода человеку, созданному только для того, чтобы стеречь и никогда не обладать! Я ищу здесь любви и не вижу ее.
Je te parle librement, parce que tu aimes ma naiveté, et que tu préfères mon air libre et ma sensibilité pour les plaisirs, à la pudeur feinte de mes compagnes. Я говорю с тобою откровенно, потому что тебе нравится моя непосредственность и ты предпочитаешь мое свободное обращение и мою любовь к наслаждениям притворной стыдливости моих подруг.
Je t'ai oui dire mille fois que les eunuques goûtent avec les femmes une sorte de volupté qui nous est inconnue; que la nature se dédommage de ses pertes; qu'elle a des ressources qui réparent le désavantage de leur condition; qu'on peut bien cesser d'être homme, mais non pas d'être sensible; et que, dans cet état, on est comme dans un troisième sens, où l'on ne fait, pour ainsi dire, que changer de plaisirs. Я тысячу раз слыхала от тебя, что евнухи вкушают с женщинами известного рода сладострастие, неведомое нам, что природа вознаграждает себя за утраченное, что у нее есть средства возместить их ущербность, что можно перестать быть мужчиной и не терять при этом чувственности, что в этом состоянии человек как бы превращается в существо третьего пола, которое, так сказать, переменило вид наслаждений.
Si cela était, je trouverais Zélide moins à plaindre: c'est quelque chose de vivre avec des gens moins malheureux. Когда бы это действительно так было, я бы меньше жалела Зелиду. Если живешь не с таким уж несчастным человеком, то жить все-таки можно.
Donne-moi tes ordres là-dessus, et fais-moi savoir si tu veux que le mariage s'accomplisse dans le sérail. Дай мне распоряжения на этот счет и сообщи, желаешь ли ты, чтобы свадьбу сыграли в серале.
Adieu. Прощай.
Du sérail d'Ispahan, le 5 de la lune de Chalval 1713. Из испаганского сераля, месяца Шальвала 5-го дня, 1713 года

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Lettre LIV. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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J'étais ce matin dans ma chambre, qui, comme tu sais, n'est séparée des autres que par une cloison fort mince, et percée en plusieurs endroits; de sorte qu'on entend tout ce qui se dit dans la chambre voisine. Un homme, qui se promenait à grands pas, disait à un autre: "Je ne sais ce que c'est, mais tout tourne contre moi: il y a plus de trois jours que je n'ai rien dit qui m'ait fait honneur, et je me suis trouvé confondu pêle-mêle dans toutes les conversations, sans qu'on ait fait la moindre attention à moi, et qu'on m'ait deux fois adressé la parole. J'avais préparé quelques saillies pour relever mon discours; jamais on n'a voulu souffrir que je les fisse venir. J'avais un conte fort joli à faire; mais, à mesure que j'ai voulu l'approcher, on l'a esquivé comme si on l'avait fait exprès. J'ai quelques bons mots, qui, depuis quatre jours, vieillissent dans ma tête, sans que j'en aie pu faire le moindre usage. Si cela continue, je crois qu'à la fin je serai un sot: il semble que ce soit mon étoile, et que je ne puisse m'en dispenser. Hier, j'avais espéré de briller avec trois ou quatre vieilles femmes, qui certainement ne m'en imposent point, et je devais dire les plus jolies choses du monde: je fus plus d'un quart d'heure à diriger ma conversation; mais elles ne tinrent jamais un propos suivi, et elles coupèrent, comme des Parques fatales, le fil de tous mes discours. Veux-tu que je te dise? La réputation de bel esprit coûte bien à soutenir. Je ne sais comment tu as fait pour y parvenir. - Il me vient une pensée, reprit l'autre; travaillons de concert à nous donner de l'esprit associons-nous pour cela. Chaque jour, nous nous dirons de quoi nous devons parler, et nous nous secourrons si bien que, si quelqu'un vient nous interrompre au milieu de nos idées, nous l'attirerons nous-mêmes, et, s'il ne veut pas venir de bon gré, nous lui ferons violence. Nous conviendrons des endroits où il faudra approuver, de ceux où il faudra sourire, des autres où il faudra rire tout à fait et à gorge déployée. Сегодня утром я сидел в своей комнате, которая, как тебе известно, отделена от других тонкой перегородкой, вдобавок продырявленной во многих местах, так что слышно все, что делается рядом. Какой-то человек, расхаживая большими шагами, говорил другому: "Не знаю, в чем тут дело, но мне решительно не везет; вот уже три дня, как я не сказал ничего, что сделало бы мне честь, и хотя я очертя голову вмешивался во все разговоры, на меня не обращали ни малейшего внимания, и никто не сказал мне и двух слов. Я заготовил несколько острот, чтобы приукрасить свою речь, но мне так и не дали их произнести. У меня был припасен прелестный рассказец, но, как только я собирался начать его, присутствующие, будто нарочно, направляли разговор в другую сторону. У меня есть несколько шуточек, которые вот уже четыре дня стареют у меня в голове, а я никак не могу пустить их в ход. Если так будет продолжаться, я, кажется, стану совсем дураком; такова уж, по-видимому, моя судьба, и мне от нее не уйти. Вчера я надеялся было блеснуть перед тремя-четырьмя старухами, с которыми, разумеется, ничуть не стесняюсь, и у меня были наготове интереснейшие вещи; я на целых четверть часа завладел беседой, но они никак не хотели следить за моим рассказом и, словно роковые парки, прерывали нить всех моих рассуждений. Знаешь, что я тебе скажу? Трудно поддерживать славу умного человека. Не понимаю, как тебе это удается". - "Мне пришла в голову мысль, - ответил другой, - давай объединим усилия, чтобы придать себе вид умных людей; заключим союз. Будем каждый день сговариваться, о чем нам говорить, и станем помогать друг другу таким образом, что если кто-нибудь вздумает прервать наш рассказ, мы будем вовлекать его в наш разговор, а если он не поддастся по доброй воле - заставим его силою. Мы условимся, в каком месте надо поддакивать, в каком улыбаться, в каком хохотать во все горло.
Tu verras que nous donnerons le ton à toutes les conversations, et qu'on admirera la vivacité de notre esprit et le bonheur de nos reparties. Nous nous protégerons par des signes de tête mutuels. Tu brilleras aujourd'hui, demain tu seras mon second. J'entrerai avec toi dans une maison, et je m'écrierai en te montrant: "Il faut que je vous dise une réponse bien plaisante que Monsieur vient de faire à un homme que nous avons trouvé dans la rue." Et je me tournerai vers toi: "Il ne s'y attendait pas, il a été bien étonné." Je réciterai quelques-uns de mes vers, et tu diras: "J'y étais quand il les fit; c'était dans un souper, et il ne rêva pas un moment." Souvent même nous nous raillerons, toi et moi, et l'on dira: "Voyez comme ils s'attaquent, comme ils se défendent! Ils ne s'épargnent pas. Voyons comment il sortira de là. A merveille! Quelle présence d'esprit! Voilà une véritable bataille." Mais on ne dira pas que nous nous étions escarmouchés la veille. Il faudra acheter de certains livres qui sont des recueils de bons mots composés à l'usage de ceux qui n'ont point d'esprit, et qui en veulent contrefaire: tout dépend d'avoir des modèles. Je veux qu'avant six mois nous soyons en état de tenir une conversation d'une heure toute remplie de bons mots. Mais il faudra avoir une attention: c'est de soutenir leur fortune. Ce n'est pas assez de dire un bon mot; il faut le répandre et le semer partout. Sans cela, autant de perdu; et je t'avoue qu'il n'y a rien de si désolant que de voir une jolie chose qu'on a dite mourir dans l'oreille d'un sot qui l'entend. Il est vrai que souvent il y a une compensation, et que nous disons aussi bien des sottises qui passent incognito ; et c'est la seule chose qui peut nous consoler dans cette occasion. Voilà, mon cher, le parti qu'il nous faut prendre. Fais ce que je te dirai, et je te promets avant six mois une place à l'Académie. C'est pour te dire que le travail ne sera pas long : car pour lors tu pourras renoncer à ton art; tu seras homme d'esprit malgré que tu en aies. On remarque en France que, dès qu'un homme entre dans une compagnie, il prend d'abord ce qu'on appelle l'esprit du corps . Tu seras de même, et je ne crains pour toi que l'embarras des applaudissements." Вот увидишь: мы будем задавать тон всем беседам, и люди будут удивляться живости нашего ума и находчивости в возражениях. Мы будем помогать друг другу заранее условленными кивками. Сегодня блистать будешь ты, а завтра я, ты же будешь моим помощником. Мы вместе войдем в дом, и я воскликну, указывая на тебя: "Послушайте, как забавно ответил он какому-то господину, с которым мы встретились на улице!" Потом обращусь к тебе: "Тот никак не ожидал подобного ответа и был совсем ошеломлен". Я прочту кое-что из своих стихов, а ты скажешь: "Я присутствовал при том, как он их сочинил: это было за ужином, и он ни на миг не задумался". Иной раз мы нарочно будем поднимать друг друга на смех, и люди станут говорить: "Смотрите-ка, как они нападают друг на друга, как защищаются! Они не щадят друг друга. А ну-ка, как он выйдет из этого положения?.. Великолепно! Какая находчивость! Вот так битва!" Никому и в голову не придет, что накануне мы тщательно подготовили эту перебранку. Надо будет купить кое-какие книги, в которых собраны остроты для тех, кому не хватает ума и кто хочет притвориться умником: важно иметь под рукой подходящие образцы. Мне хочется, чтобы не позже чем через полгода мы оказались в состоянии целый час поддерживать разговор, пересыпая его остротами. Одно только не нужно упускать из виду: необходимо еще поддерживать славу этих острот. Мало сказать остроумное слово: надо его еще пустить в обращение, всюду обнародовать, распространить. Иначе все пропало; а уверяю тебя, нет ничего досаднее, чем видеть, как удачно сказанное словцо застревает в ухе дурака, которому ты его сказал. Правда, нередко это бывает и кстати, и немало наших глупостей проходит безвестно; это единственное утешение в таких случаях. Вот, милый мой, что следует нам предпринять. Послушайся меня и сам увидишь: не пройдет и полгода, как станешь академиком. Значит, трудиться придется недолго, а потом можно и отказаться от своего ремесла: будешь слыть умником, хотя бы ума у тебя и не было ни капли. Замечено, что во Франции всякий, вступивший в какое-нибудь общество, начинает с того, что усваивает так называемый дух корпорации. То же будет и с тобою, и одного только я опасаюсь: как бы несмолкаемые похвалы не стали тебе в тягость".
De Paris, le de la lune de Zilcadé 1714. Из Парижа, месяца Зилькаде 6-го дня, 1714 года.

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Lettre LV. Rica à Ibben, à Smyrne/Рика к Иббену в Смирну

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Chez les peuples d'Europe, le premier quart d'heure du mariage aplanit toutes les difficultés: les dernières faveurs sont toujours de même date que la bénédiction nuptiale; les femmes n'y font point comme nos Persanes, qui disputent le terrain quelquefois des mois entiers; il n'y a rien de si plénier: si elles ne perdent rien, c'est qu'elles n'ont rien à perdre; mais on sait toujours, chose honteuse! le moment de leur défaite, et, sans consulter les astres, on peut prédire au juste l'heure de la naissance de leurs enfants. У европейских народов все затруднения устраняются в первые же четверть часа брачной жизни: девушки становятся женщинами сразу, в день свадьбы. Здесь женщины поступают не так, как наши персиянки, которые нередко сопротивляются мужьям по нескольку месяцев. Здешним женщинам легко: терять им нечего, поэтому они ничего и не теряют; зато - стыд и срам! - всегда бывает известен день их поражения, и нет нужды справляться по звездам, чтобы точно предсказать час рождения их детей.
Les Français ne parlent presque jamais de leurs femmes: c'est qu'ils ont peur d'en parler devant des gens qui les connaissent mieux qu'eux. Французы почти никогда не говорят о своих женах: они просто-напросто боятся заводить о них речь в присутствии тех, кто их знает лучше мужей.
Il y a parmi eux des hommes très malheureux que personne ne console: ce sont les maris jaloux. Il y en a que tout le monde hait: ce sont les maris jaloux. Il y en a que tous les hommes méprisent: ce sont encore les maris jaloux. Есть среди последних несчастные, которых никто не утешает: это ревнивцы. Есть такие, которых все ненавидят: это ревнивцы. Есть и такие, которых все мужчины презирают: это все те же ревнивцы.
Aussi n'y a-t-il point de pays où ils soient en si petit nombre que chez les Français. Leur tranquillité n'est pas fondée sur la confiance qu'ils ont en leurs femmes; c'est, au contraire, sur la mauvaise opinion qu'ils en ont. Toutes les sages précautions des Asiatiques, les voiles qui les couvrent, les prisons où elles sont détenues, la vigilance des eunuques, leur paraissent des moyens plus propres à exercer l'industrie de ce sexe qu'à la lasser. Ici les maris prennent leur parti de bonne grâce, et regardent les infidélités comme des coups d'une étoile inévitable. Un mari qui voudrait seul posséder sa femme serait regardé comme un perturbateur de la joie publique, et comme un insensé qui voudrait jouir de la lumière du soleil à l'exclusion des autres hommes. Поэтому не найдется страны, где бы число ревнивых мужей было так незначительно, как у французов. Их спокойствие основано не на доверии к женам, а, наоборот, на дурном мнении о них. Все мудрые предосторожности азиаток: покрывала, в которые они закутываются, тюрьмы, где их содержат, бдительность евнухов - все это, по мнению французов, должно скорее изощрять ловкость женского пола, чем сдерживать его. Мужья здесь легко примиряются со своею участью и относятся к неверности жен как к неизбежным ударам судьбы. Мужа, который один захотел бы обладать своей женой, почли бы здесь нарушителем общественного веселья и безумцем, который желает один наслаждаться солнечным светом, наложив на него запрет для всех остальных.
Ici un mari qui aime sa femme est un homme qui n'a pas assez de mérite pour se faire aimer d'une autre; qui abuse de la nécessité de la loi pour suppléer aux agréments qui lui manquent; qui se sert de tous ses avantages au préjudice d'une société entière; qui s'approprie ce qui ne lui avait été donné qu'en engagement, et qui agit autant qu'il est en lui pour renverser une convention tacite qui fait le bonheur de l'un et de l'autre sexe. Ce titre de mari d'une jolie femme, qui se cache en Asie avec tant de soin, se porte ici sans inquiétude: on se sent en état de faire diversion partout. Un prince se console de la perte d'une place par la prise d'une autre. Dans le temps que le Turc nous prenait Bagdat, n'enlevions-nous pas au Mogol la forteresse de Candahar? Здесь муж, любящий жену, - это человек, у которого не хватает достоинств, чтобы увлечь другую, человек, который злоупотребляет своим законным правом, чтобы восполнить недостающие ему качества, пользуется своими преимуществами в ущерб всему обществу, присваивает себе то, что ему было дано только на известных условиях, и тем самым стремится нарушить молчаливое соглашение, на котором зиждется счастье обоих полов. Звание мужа красивой женщины в Азии тщательно скрывают, здесь же люди носят его безо всякого беспокойства: каждый знает, что всюду может найти себе развлечение. Государь утешается в потере одной крепости тем, что берет другую. Когда турки взяли у нас Багдад{272}, ведь отняли же мы у Великого Могола Кандахар{272}?
Un homme qui, en général, souffre les infidélités de sa femme n'est point désapprouvé; au contraire, on le loue de sa prudence: il n'y a que les cas particuliers qui déshonorent. Обычно здесь ничуть не осуждают человека, примирившегося с изменами жены; наоборот, его хвалят за благоразумие, и только в некоторых особых случаях это считается бесчестьем.
Ce n'est pas qu'il n'y ait des dames vertueuses, et on peut dire qu'elles sont distinguées: mon conducteur me les faisait toujours remarquer. Mais elles étaient toutes si laides qu'il faut être un saint pour ne pas hair la vertu. Это не значит, что здесь нет добродетельных дам; можно даже сказать, что их отличают среди прочих; мой провожатый не раз обращал на них мое внимание. Но все они так безобразны, что нужно быть святым, чтобы не возненавидеть добродетель.
Après ce que je t'ai dit des moeurs de ce pays-ci, tu t'imagines facilement que les Français ne s'y piquent guère de constance. Ils croient qu'il est aussi ridicule de jurer à une femme qu'on l'aimera toujours, que de soutenir qu'on se portera toujours bien, ou qu'on sera toujours heureux. Quand ils promettent à une femme qu'ils l'aimeront toujours, ils supposent qu'elle, de son côté, leur promet d'être toujours aimable, et, si elle manque à sa parole, ils ne se croient plus engagés à la leur. После всего, что я рассказал тебе о нравах здешней страны, ты легко поймешь, что французы отнюдь не отличаются постоянством. Они полагают, что клясться женщине в вечной любви столь же нелепо, как утверждать, что всегда будешь здоров или всегда будешь счастлив. Когда они обещают женщине, что будут любить ее до гроба, они предполагают, что она, со своей стороны, обещает им всегда оставаться привлекательной, а уж если она нарушит слово, то и они не будут считать себя связанными клятвой.
De Paris, le 7 de la lune de Zilcadé 1714. Из Парижа, месяца Зилькаде 7-го дня, 1714 года

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Lettre LVI. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Le jeu est très en usage en Europe: c'est un état que d'être joueur; ce seul titre tient lieu de naissance, de bien, de probité: il met tout homme qui le porte au rang des honnêtes gens, sans examen, quoiqu'il n'y ait personne qui ne sache qu'en jugeant ainsi, il s'est trompé très souvent; mais on est convenu d'être incorrigible. Игра в большом ходу в Европе: быть игроком - это своего рода общественное положение. Звание это заменяет благородство происхождения, состояние, честность; всякого, кто его носит, оно возводит в ранг порядочного человека без предварительного испытания, хотя всякий знает, что не раз ошибался, судя таким образом; но все как будто решили быть неисправимыми.
Les femmes y sont surtout très adonnées. Il est vrai qu'elles ne s'y livrent guère dans leur jeunesse que pour favoriser une passion plus chère; mais, à mesure qu'elles vieillissent, leur passion pour le jeu semble rajeunir, et cette passion remplit tout le vide des autres. Особенно увлекаются игрою женщины. Правда, в молодости они предаются ей только для того, чтобы способствовать этим другой, более для них дорогой страсти; но по мере того, как они стареют, страсть их к игре как бы молодеет и заполняет пустоту, оставшуюся от других увлечений.
Elles veulent ruiner leurs maris et, pour y parvenir, elles ont des moyens pour tous les âges, depuis la plus tendre jeunesse jusques à la vieillesse la plus décrépite: les habits et les équipages commencent le dérangement; la coquetterie l'augmente; le jeu l'achève. Они стремятся разорить своих супругов, и для этого у каждого возраста, начиная с нежной юности и кончая самой глубокой старостью, имеются свои средства: разорение начинается с туалетов и выездов, кокетство подхлестывает его, игра завершает.
J'ai vu souvent neuf ou dix femmes, ou plutôt neuf ou dix siècles rangés autour d'une table; je les ai vues dans leurs espérances, dans leurs craintes, dans leurs joies, surtout dans leurs fureurs. Tu aurais dit qu'elles n'auraient jamais le temps de s'apaiser, et que la vie allait les quitter avant leur désespoir; tu aurais été en doute si ceux qu'elles payaient étaient leurs créanciers ou leurs légataires. Мне часто случалось видеть девять-десять женщин, или, вернее, девять-десять столетий, расположившихся вокруг карточного стола; я видел, как они надеялись, трепетали, радовались и, главное, как они бесновались. Ты сказал бы, что они так и не успеют угомониться и жизнь покинет их прежде, чем они отчаются в выигрыше. Ты бы не понял, кто те люди, с кем они расплачиваются: кредиторы их или наследники?
Il semble que notre saint prophète ait eu principalement en vue de nous priver de tout ce qui peut troubler notre raison: il nous a interdit l'usage du vin, qui la tient ensevelie; il nous a, par un précepte exprès, défendu les jeux de hasard; et, quand il lui a été impossible d'ôter la cause des passions, il les a amorties. L'amour, parmi nous, ne porte ni trouble ni fureur; c'est une passion languissante, qui laisse notre âme dans le calme: la pluralité des femmes nous sauve de leur empire; elle tempère la violence de nos désirs. По-видимому, наш святой пророк недаром позаботился о том, чтобы оградить нас от всего, что может помрачить наш разум: он запретил нам употребление вина, ибо вино его усыпляет; воспретил нам особым предписанием азартные игры, а так как он не мог устранить причину страстей, он смягчил их. У нас любовь не влечет за собою ни смятения, ни ярости: это томная страсть, не нарушающая спокойствия души; многочисленность жен спасает нас от их господства и умеряет пыл наших желаний.
De Paris, le 10 de la lune de Zilhagé 1714. Из Парижа, месяца Зильхаже 10-го дня, 1714 года.

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Lettre LVII. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Les libertins entretiennent ici un nombre infini de filles de joie, et les dévots, un nombre innombrable de dervis. Ces dervis font trois voeux: d'obéissance, de pauvreté et de chasteté. On dit que le premier est le mieux observé de tous; quant au second, je te réponds qu'il ne l'est point; je te laisse à juger du troisième. Развратники содержат здесь бесчисленное множество гулящих женщин, а ханжи - несчетное множество дервишей. Эти дервиши дают три обета: послушания, бедности и целомудрия. Говорят, что первый из этих обетов соблюдается лучше всех; за второй ручаюсь тебе, что он никак не исполняется; о третьем предоставляю судить тебе самому.
Mais, quelques riches que soient ces dervis, ils ne quittent jamais la qualité de pauvres; notre glorieux sultan renoncerait plutôt à ses magnifiques et sublimes titres. Ils ont raison: car ce titre de pauvre les empêche de l'être. Но как бы ни были богаты эти дервиши, они никогда не отказываются от звания бедняков; скорее наш славный монарх откажется от своих великолепных, высоких титулов. И дервиши имеют для этого все основания: звание бедняка ограждает их от нищеты.
Les médecins et quelques-uns de ces dervis qu'on appelle confesseurs sont toujours ici ou trop estimés ou trop méprisés; cependant on dit que les héritiers s'accommodent mieux des médecins que des confesseurs. К врачам и некоторым дервишам, именуемым духовниками, здесь всегда относятся либо с излишним уважением, либо с излишним презрением; говорят, однако, что наследники лучше ладят с врачами, чем с духовниками.
Je fus l'autre jour dans un couvent de ces dervis. Un d'entre eux, vénérable par ses cheveux blancs, m'accueillit fort honnêtement; il me fit voir toute la maison; nous entrâmes dans le jardin, et nous nous mîmes à discourir. "Mon père, lui dis-je, quel emploi avez-vous dans la communauté? - Monsieur, me répondit-il avec un air très content de ma question, je suis casuiste. - Casuiste? repris-je: depuis que je suis en France, je n'ai pas oui parler de cette charge. - Quoi! vous ne savez pas ce que c'est qu'un casuiste? Eh bien! écoutez: je vais vous en donner une idée qui ne vous laissera rien à désirer. Il y a deux sortes de péchés: de mortels, qui excluent absolument du Paradis; et de véniels, qui offensent Dieu à la vérité, mais ne l'irritent pas au point de nous priver de la béatitude. Or tout notre art consiste à bien distinguer ces deux sortes de péchés: car, à la réserve de quelques libertins, tous les chrétiens veulent gagner le Paradis; mais il n'y a guère personne qui ne le veuille gagner à meilleur marché qu'il est possible. Quand on connaît bien les péchés mortels, on tâche de ne pas commettre de ceux-là, et l'on fait son affaire. Il y a des hommes qui n'aspirent pas à une si grande perfection, et, comme ils n'ont point d'ambition, ils ne se soucient pas des premières places. Aussi entrent-ils en Paradis le plus juste qu'ils peuvent; pourvu qu'ils y soient, cela leur suffit: leur but est de n'en faire ni plus ni moins. Ce sont des gens qui ravissent le ciel, plutôt qu'ils ne l'obtiennent, et qui disent à Dieu: " Seigneur, j'ai accompli les conditions à la rigueur; vous ne pouvez vous empêcher de tenir vos promesses: comme je n'en ai pas fait plus que vous n'en avez demandé, je vous dispense de m'en accorder plus que vous n'en avez promis. " Я посетил однажды монастырь дервишей. Один из них, внушавший почтение своими сединами, принял меня очень радушно; он показал мне весь дом; мы пришли в сад и стали беседовать. "Отец мой, - спросил я, - какую должность занимаете вы в общине?" - "Сударь, я казуист", - ответил он мне, всем своим видом выражая удовольствие по поводу моего вопроса. "Казуист? - повторил я. - С тех пор как я во Франции, я еще не слыхал о такой должности". - "Как! Вы не знаете, что такое казуист? Ну, так слушайте: я вам сейчас все разъясню как нельзя лучше. Существует два рода грехов: смертные, которые совершенно исключают рай для грешника, и простительные, которые, понятно, оскорбляют бога, но не настолько, чтобы он лишал грешников блаженства. Так вот, все наше искусство заключается в умении хорошо различать эти два рода грехов, ибо, кроме нескольких вольнодумцев, всем христианам хочется попасть в рай; и, уж конечно, все хотят приобрести блаженство по самой дешевой цене, какая только возможна. Когда человек хорошо знает, что такое смертные грехи, он старается не впасть в них, а это великое дело. Есть люди, которые не стремятся к столь высокому совершенству и, не обладая честолюбием, не притязают на первые места. Поэтому они попадают в рай кое-как, лишь бы попасть, - этого с них достаточно; больше им ничего не требуется. Эти люди не удостаиваются небесного блаженства, а берут его с налета и говорят богу: "Господи! Я точно выполнил все условия, и у тебя нет оснований не сдержать своих обещаний; так как я сделал не больше того, что ты требовал, то и тебе я предоставляю исполнить не больше того, что тобою было обещано".
Nous sommes donc des gens nécessaires, Monsieur. Ce n'est pas tout pourtant; vous allez bien voir autre chose. L'action ne fait pas le crime, c'est la connaissance de celui qui la commet: celui qui fait un mal, tandis qu'il peut croire que ce n'en est pas un, est en sûreté de conscience; et comme il y a un nombre infini d'actions équivoques, un casuiste peut leur donner un degré de bonté qu'elles n'ont point, en les déclarant bonnes; et, pourvu qu'il puisse persuader qu'elles n'ont pas de venin, il le leur ôte tout entier. Je vous dis ici le secret d'un métier où j'ai vieilli; je vous en fais voir les raffinements: il y a un tour à donner à tout, même aux choses qui en paraissent les moins susceptibles. - Mon père, lui dis-je, cela est fort bon; mais comment vous accommodez-vous avec le ciel? Si le sophi avait à sa cour un homme qui fit à son égard ce que vous faites contre votre Dieu, qui mît de la différence entre ses ordres, et qui apprît à ses sujets dans quel cas ils doivent les exécuter, et dans quel autre ils peuvent les violer, il le ferait empaler sur l'heure." Je saluai mon dervis et le quittai sans attendre sa réponse. Итак, сударь, мы люди нужные. Однако это еще не все: сейчас вы увидите и другую сторону дела. Сам по себе проступок не составляет еще греха: грех - в сознании совершающего проступок; тот, кто творит зло, не думая, что это - зло, может не беспокоиться; а так как имеется бесчисленное множество двусмысленных поступков, то казуист может найти в них хорошее начало и придать им такое качество, какого они на самом деле вовсе и не имеют; а если он сумеет доказать, что в данном проступке вообще нет никакой зловредности, то и совсем его обелит. Я раскрываю вам здесь тайну ремесла, на котором я состарился, и все его тонкости: все можно повернуть по-своему, даже такие дела, из которых, казалось бы, нет выхода". - "Отец мой, все это прекрасно, - сказал я ему, - но как же устраиваетесь вы с небом? Если бы при дворе нашего шаха нашелся человек, который проделывал бы с ним то, что вы проделываете с вашим богом, по-разному истолковывал бы его повеления и обучал бы его подданных, в каких случаях они должны им повиноваться, а в каких могут их нарушать, то шах немедленно приказал бы посадить такого учителя на кол". Я раскланялся с дервишем и ушел, не дожидаясь ответа.
De Paris, le 23 de la lune de Maharram 1714. Из Парижа, месяца Махаррама 23-го дня, 1714 года

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Lettre LVIII. Rica à Rhédi, à Venise/Рика к Реди в Венецию

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A Paris, mon cher Rhédi, il y a bien des métiers. В Париже, дорогой мой Реди, существуют самые разнообразные ремесла.
Là un homme obligeant vient, pour un peu d'argent, vous offrir le secret de faire de l'or. Один услужливый человек является к тебе с предложением за небольшую сумму научить тебя делать золото.
Un autre vous promet de vous faire coucher avec les Esprits aériens, pourvu que vous soyez seulement trente ans sans voir de femmes. Другой обещает устроить так, что ты будешь спать с бесплотными духами, при условии, однако, что предварительно тридцать лет не будешь иметь дела с женщинами.
Vous trouverez encore des devins si habiles qu'ils vous diront toute votre vie, pourvu qu'ils aient seulement eu un quart d'heure de conversation avec vos domestiques. Ты найдешь здесь искусных отгадчиков, которые расскажут тебе всю твою жизнь, лишь бы только им удалось с четверть часика поговорить с твоими слугами.
Des femmes adroites font de la virginité une fleur qui fleurit et renaît tous les jours, et se cueille la centième fois plus douloureusement que la première. Ловкие женщины превращают здесь девственность в цветок, который гибнет и возрождается каждый день, и в сотый раз срывается еще болезненнее, чем в первый.
Il y en a d'autres qui, réparant par la force de leur art toutes les injures du temps, savent rétablir sur un visage une beauté qui chancelle, et même rappeler une femme du sommet de la vieillesse pour la faire redescendre jusqu'à la jeunesse la plus tendre. Есть и такие, которые, исправляя с помощью своего искусства все изъяны, нанесенные временем, могут восстановить увядающую красоту и даже вернуть женщину от крайней старости к временам самой нежной юности.
Tous ces gens-là vivent, ou cherchent à vivre dans une ville qui est la mère de l'invention. Все эти люди живут или стремятся жить в городе, ибо город является матерью изобретательности.
Les revenus des citoyens ne s'y afferment point: ils ne consistent qu'en esprit et en industrie; chacun a la sienne, qu'il fait valoir de son mieux. Доходы граждан не бывают здесь постоянными: источник их заключается только в уме и ловкости; у каждого особое мастерство, и он извлекает из своего умения все, что может.
Qui voudrait nombrer tous les gens de loi qui poursuivent le revenu de quelque mosquée, aurait aussitôt compté les sables de la mer et les esclaves de notre monarque. Если бы кто вздумал сосчитать всех законников, гоняющихся за доходами какой-нибудь мечети, то скорее сосчитал бы песчинки в море или рабов нашего монарха.
Un nombre infini de maîtres de langues, d'arts et de sciences, enseignent ce qu'ils ne savent pas, et ce talent est bien considérable: car il ne faut pas beaucoup d'esprit pour montrer ce qu'on sait; mais il en faut infiniment pour enseigner ce qu'on ignore. Бесчисленное множество учителей всевозможных языков, искусств и наук преподают то, чего сами не знают, а ведь тут нужен немалый талант, ибо для того, чтобы научить тому, что знаешь, особого ума не требуется, зато его нужно чрезвычайно много, чтобы учить тому, чего сам не знаешь.
On ne peut mourir ici que subitement; la mort ne saurait autrement exercer son empire: car il y a dans tous les coins des gens qui ont des remèdes infaillibles contre toutes les maladies imaginables. Здесь и умереть-то можно только скоропостижно: иначе смерть не могла бы проявить свою власть, ибо здесь на каждом шагу есть люди, располагающие вернейшими лекарствами от любых болезней, какие только можно вообразить.
Toutes les boutiques sont tendues de fils invisibles, où se vont prendre tous les acheteurs. L'on en sort pourtant quelquefois à bon marché: une jeune marchande cajole un homme une heure entière pour lui faire acheter un paquet de cure-dents. В здешних лавках раскинуты невидимые сети, в которые неминуемо попадаются покупатели. Впрочем, иной раз из них можно выбраться и по дешевке: молоденькая торговка битый час охаживает вас, чтобы соблазнить на покупку пачки зубочисток.
Il n'y a personne qui ne sorte de cette ville plus précautionné qu'il n'y est entré: à force de faire part de son bien aux autres, on apprend à le conserver; seul avantage des étrangers dans cette ville enchanteresse. Нет человека, который, уезжая из этого города, не оказывался бы осмотрительнее, чем был до приезда: раздавая свое добро другим, научаешься беречь его; вот единственное преимущество иностранцев в этом очаровательном городе.
De Paris, le 10 de la lune de Saphar 1714. Из Парижа, месяца Сафара 10-го дня, 1714 года

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Lettre LIX. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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J'étais l'autre jour dans une maison où il y avait un cercle de gens de toute espèce: je trouvai la conversation occupée par deux vieilles femmes, qui avaient en vain travaillé tout le matin à se rajeunir. На днях я был в доме, где собралось разнообразное общество; в то время как я пришел, разговором завладели две старухи, все утро тщетно трудившиеся над тем, чтобы помолодеть.
"Il faut avouer, disait une d'entre elles, que les hommes d'aujourd'hui sont bien différents de ceux que nous voyions dans notre jeunesse: ils étaient polis, gracieux, complaisants. Mais, à présent, je les trouve d'une brutalité insupportable. - Tout est changé, dit pour lors un homme qui paraissait accablé de goutte. Le temps n'est plus comme il était: il y a quarante ans, tout le monde se portait bien; on marchait; on était gai; on ne demandait qu'à rire et à danser. A présent, tout le monde est d'une tristesse insupportable." Un moment après, la conversation tourna du côté de la politique. "Morbleu! dit un vieux seigneur, l'Etat n'est plus gouverné: trouvez-moi à présent un ministre comme M. Colbert. Je le connaissais beaucoup, ce M. Colbert: il était de mes amis; il me faisait toujours payer de mes pensions avant qui que ce fût. Le bel ordre qu'il y avait dans les finances! Tout le monde était à son aise. Mais aujourd'hui je suis ruiné. - Monsieur, dit pour lors un ecclésiastique, vous parlez là du temps le plus miraculeux de notre invincible monarque. Y a-t-il rien de si grand que ce qu'il faisait alors pour détruire l'hérésie? - Et comptez-vous pour rien l'abolition des duels? dit, d'un air content, un autre homme qui n'avait point encore parlé. - La remarque est judicieuse, me dit quelqu'un à l'oreille: cet homme est charmé de l'édit, et il l'observe si bien qu'il y a six mois qu'il reçut cent coups de bâton pour ne le pas violer." "Надо признать, - говорила одна из них, - что нынешние мужчины сильно отличаются от тех, каких мы знавали в молодости: те были вежливы, изящны, любезны. А нынешние несносно грубы". - "Все изменилось, - сказал на это какой-то господин, удрученный, по-видимому, подагрой, - не те уж времена; сорок лет тому назад все были здоровы, гуляли, веселились, только и знали, что смеялись да танцевали. В наше время все несносно угрюмы". Минуту спустя разговор перешел на политику. "Что ни говорите, государством у нас больше не управляют! - сказал некий престарелый вельможа. - Найдите мне в настоящее время такого министра, как господин Кольбер{276}! Я господина Кольбера хорошо знал, мы были приятелями; он всегда, бывало, приказывал выплачивать мне пенсию прежде всех других. Какой у него в финансах был порядок! Все жили в довольстве. А теперь я совсем разорен". - "Сударь! Вы говорите о чудеснейших временах царствования нашего победоносного монарха, - сказало некое духовное лицо, - может ли быть что-либо величественнее того, что он делал для уничтожения ереси?"{276} - "А запрещение дуэлей?"{276} - вставил с довольным видом другой господин, дотоле молчавший. "Правильное замечание, - шепнул мне кто-то на ухо, - этот человек восхищен указом и так хорошо его соблюдает, что за полгода вытерпел с сотню палочных ударов, лишь бы его не нарушить".
Il me semble, Usbek, que nous ne jugeons jamais des choses que par un retour secret que nous faisons sur nous-mêmes. Je ne suis pas surpris que les nègres peignent le diable d'une blancheur éblouissante et leurs dieux noirs comme du charbon; que la Vénus de certains peuples ait des mamelles qui lui pendent jusques aux cuisses; et qu'enfin tous les idolâtres aient représenté leurs dieux avec une figure humaine et leur aient fait part de toutes leurs inclinations. On a dit fort bien que, si les triangles faisaient un dieu, ils lui donneraient trois côtés. Мне кажется, Узбек, что мы всегда судим о вещах не иначе как втайне применяя их к самим себе. Я не удивляюсь, что негры изображают черта ослепительно белым, а своих богов черными, как уголь, что Венера у некоторых народов изображается с грудями, свисающими до бедер, и что, наконец, все идолопоклонники представляют своих богов с человеческим лицом и наделяют их своими собственными наклонностями. Кто-то удачно сказал, что если бы треугольники создали себе бога, то они придали бы ему три стороны.
Mon cher Usbek, quand je vois des hommes qui rampent sur un atome, c'est-à-dire la terre, qui n'est qu'un point de l'univers, se proposer directement pour modèles de la Providence, je ne sais comment accorder tant d'extravagance avec tant de petitesse. Любезный мой Узбек! Когда я вижу, как люди, пресмыкающиеся на атоме, - сиречь на Земле, которая всего лишь маленькая точка во вселенной, - выдают себя за образцовые создания Провидения, я не знаю, как примирить такое сумасбродство с такой ничтожностью.
De Papis, le 14 de la lune de Saphar 1714. Из Парижа, месяца Сафара 14-го дня, 1714 года.

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Lettre LX. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Tu me demandes s'il y a des Juifs en France? Sache que, partout où il y a de l'argent, il y a des Juifs. Tu me demandes ce qu'ils y font? Précisément ce qu'ils font en Perse: rien ne ressemble plus à un Juif d'Asie qu'un juif européen. Ты спрашиваешь, есть ли евреи во Франции: знай же, что везде, где есть деньги, есть и евреи. Ты спрашиваешь, чем они здесь занимаются. Совершенно тем же, чем и в Персии: ничто так не похоже на азиатского еврея, как еврей европейский.
Ils font paraître chez les Chrétiens, comme parmi nous, une obstination invincible pour leur religion, qui va jusques à la folie. Как среди нас, так и среди христиан, они проявляют непреоборимую приверженность к своей религии, и это доходит прямо-таки до безумия.
La religion juive est un vieux tronc qui a produit deux branches qui ont couvert toute la terre: je veux dire le mahométisme et le christianisme; ou plutôt c'est une mère qui a engendré deux filles qui l'ont accablée de mille plaies: car, en fait de religion, les plus proches sont les plus grandes ennemies. Mais, quelque mauvais traitements qu'elle en ait reçus, elle ne laisse pas de se glorifier de les avoir mises au monde; elle se sert de l'une et de l'autre pour embrasser le monde entier, tandis que, d'un autre côté, sa vieillesse vénérable embrasse tous les temps. Еврейская религия - старое дерево, из ствола которого выросли две ветви, покрывшие собою всю землю, - я имею в виду магометанство и христианство. Или, лучше сказать, она - мать, породившая двух дочерей, которые нанесли ей множество ран, ибо религии, наиболее близкие друг к другу, в то же время и наиболее враждебны одна другой. Но как бы дурно эти дочери с ней ни обращались, она не перестает гордиться тем, что произвела их на свет; она пользуется ими, чтобы охватить весь мир, в то время как ее почтенная старость охватывает все времена.
Les Juifs se regardent donc comme la source de toute sainteté et l'origine de toute religion. Ils nous regardent, au contraire, comme des hérétiques qui ont changé la loi, ou plutôt, comme des Juifs rebelles. Поэтому евреи считают себя источником всяческой святости и началом всех религий. А нас они считают, напротив, еретиками, которые извратили веру, или, вернее, мятежными евреями.
Si le changement s'était fait insensiblement, ils croient qu'ils auraient été facilement séduits; mais, comme il s'est fait tout à coup et d'une manière violente, comme ils peuvent marquer le jour et l'heure de l'une et de l'autre naissance, ils se scandalisent de trouver en nous des âges, et se tiennent fermes à une religion que le monde même n'a pas précédée. Они думают, что если бы это извращение совершалось незаметно, то и они легко могли бы совратиться; но так как оно произошло внезапно и насильственно, так как они могут указать день и час рождения той и другой религии, то они и возмущаются тем, что наша насчитывает только века, и сами крепко держатся за свою религию, возникшую одновременно с миром.
Ils n'ont jamais eu dans l'Europe un calme pareil à celui dont ils jouissent. On commence à se défaire parmi les chrétiens de cet esprit d'intolérance qui les animait. On s'est mal trouvé, en Espagne, de les avoir chassés, et, en France, d'avoir fatigué des chrétiens dont la croyance différait un peu de celle du prince. On s'est aperçu que le zèle pour les progrès de la religion est différent de l'attachement qu'on doit avoir pour elle; et que, pour l'aimer et l'observer, il n'est pas nécessaire de hair et de persécuter ceux qui ne l'observent pas. Никогда еще они не пользовались в Европе таким спокойствием, как теперь. Христиане начинают освобождаться от духа нетерпимости, которым они были проникнуты раньше. В Испании дела пошли плохо после того, как оттуда изгнали евреев{277}, а во Франции - после того, как стали преследовать христиан{277}, верования которых слегка разнятся от верований короля. Убедились, наконец, в том, что рвение к распространению религии отличается от привязанности, которую следует к ней проявлять, и что для того, чтобы любить и блюсти ее, нет нужды ненавидеть и преследовать тех, кто ее не придерживается.
Il serait à souhaiter que nos musulmans pensassent aussi sensément sur cet article que les chrétiens; que l'on pût, une bonne fois, faire la paix entre Hali et Abubeker et laisser à Dieu le soin de décider des mérites de ces saints prophètes. Je voudrais qu'on les honorât par des actes de vénération et de respect, et non pas par de vaines préférences; et qu'on cherchât à mériter leur faveur, quelque place que Dieu leur ait marquée, soit à sa droite, ou bien sous le marchepied de son trône. Хотелось бы пожелать нашим мусульманам так же здраво рассуждать об этом предмете, как рассуждают христиане: пусть бы раз навсегда между Али и Абубекром был заключен мир{277} и лишь богу было бы предоставлено решать вопрос о достоинствах этих святых пророков. Пусть чтут их посредством поклонения и уважения вместо вздорного предпочтения одного другому и стараются заслужить их благоволение, независимо от того, какое место отведет им бог: одесную ли себя, или у подножия своего престола.
De Paris, le 18 de la lune de Saphar 1714. Из Парижа, месяца Сафара 18-го дня, 1714 года.

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Lettre LXI. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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J'entrai l'autre jour dans une église fameuse qu'on appelle Notre-Dame . Pendant que j'admirais ce superbe édifice, j'eus occasion de m'entretenir avec un ecclésiastique que la curiosité y avait attiré comme moi. La conversation tomba sur la tranquillité de sa profession. Зашел я на днях в знаменитую здешнюю церковь, именуемую Нотр-Дам. Пока я восхищался этим прекрасным зданием, мне довелось разговориться с некиим священником, которого, как и меня, привлекло сюда любопытство. Разговор зашел о том, какая у него спокойная профессия.
"La plupart des gens, me dit-il, envient le bonheur de notre état, et ils ont raison. Cependant il a ses désagréments. Nous ne sommes point si séparés du monde que nous n'y soyons appelés en mille occasions; là, nous avons un rôle très difficile à soutenir. "Большинство людей завидует нашему счастливому положению, и совершенно справедливо, - сказал он мне. - Тем не менее есть и у него свои неприятные стороны. Мы не так уж удалены от мира; нас призывают в него во множестве случаев, и здесь перед нами возникают трудные задачи.
"Les gens du monde sont étonnants: ils ne peuvent souffrir notre approbation, ni nos censures: si nous les voulons corriger, ils nous trouvent ridicules; si nous les approuvons, ils nous regardent comme des gens au-dessous de notre caractère. Il n'y a rien de si humiliant que de penser qu'on a scandalisé les impies mêmes. Nous sommes donc obligés de tenir une conduite équivoque et d'en imposer aux libertins, non pas par un caractère décidé, mais par l'incertitude où nous les mettons de la manière dont nous recevons leurs discours. Il faut avoir beaucoup d'esprit pour cela: cet état de neutralité est difficile. Les gens du monde, qui hasardent tout, qui se livrent à toutes leurs saillies, qui, selon le succès, les poussent ou les abandonnent, réussissent bien mieux. Великосветское общество состоит из удивительных людей: они не выносят ни нашего одобрения, ни нашего осуждения; если мы хотим их исправлять, они смеются над нами; если мы их одобряем, они считают, что мы унижаем свой сан. А нет ничего унизительнее мысли, что тобой возмущаются даже неверующие. Итак, нам приходится вести себя хитро и внушать уважение вольнодумцам не решительным образом действий, но тем, как мы относимся к их умствованиям. Для этого требуется много ума; такое самообладание дается нам не легко. Светским людям куда вольготнее, они ничем не стеснены, позволяют себе всяческие выпады, а потом, смотря по результату, либо отрекаются от них, либо на них настаивают.
"Ce n'est pas tout: cet état si heureux et si tranquille, que l'on vante tant, nous ne le conservons pas dans le monde. Dès que nous y paraissons, on nous fait disputer: on nous fait entreprendre, par exemple, de prouver l'utilité de la prière à un homme qui ne croit pas en Dieu, la nécessité du jeûne à un autre qui a nié toute sa vie l'immortalité de l'âme: l'entreprise est laborieuse, et les rieurs ne sont pas pour nous. Il y a plus: une certaine envie d'attirer les autres dans nos opinions nous tourmente sans cesse et est, pour ainsi dire, attachée à notre profession. Cela est aussi ridicule que si on voyait les Européens travailler, en faveur de la nature humaine, à blanchir le visage des Africains. Nous troublons l'Etat, nous nous tourmentons nous-mêmes pour faire recevoir des points de religion qui ne sont point fondamentaux, et nous ressemblons à ce conquérant de la Chine qui poussa ses sujets à une révolte générale pour les avoir voulu obliger à se rogner les cheveux ou les ongles. Это еще не все. В свете мы отнюдь не сохраняем того счастливого и спокойного состояния, которое так хвалят. Лишь только мы туда попадаем, нас сейчас же вовлекают в спор: заставляют, например, доказывать пользу молитвы для неверующего или необходимость поста для того, кто всю жизнь отрицает бессмертие души: задача нелегкая, к тому же все насмешники объединяются против нас. Больше того: нас все время мучит желание и другим привить наши взгляды, и это желание, так сказать, неотъемлемо от нашей профессии. А это так же нелепо, как если бы европейцы, для пользы человеческой природы, стали бы трудиться над тем, чтобы выбелить лица африканцев. Мы тревожим государство, мучаемся сами из-за стремления навязать людям такие религиозные положения, которые вовсе не являются основными, и становимся похожими на того китайского завоевателя, который довел своих подданных до бунта тем, что вздумал заставить их коротко остричь то ли волосы, то ли ногти.
"Le zèle même que nous avons pour faire remplir à ceux dont nous sommes chargés les devoirs de notre sainte religion, est souvent dangereux, et il ne saurait être accompagné de trop de prudence. Un empereur nommé Théodose fit passer au fil de l'épée tous les habitants d'une ville; même les femmes et les enfants; s'étant ensuite présenté pour entrer dans une église, un évêque nommé Ambroise lui fit fermer les portes, comme à un meurtrier et un sacrilège; et, en cela, il fit une action héroique. Cet empereur, ayant ensuite fait la pénitence qu'un tel crime exigeait, étant admis dans l'église, alla se placer parmi les prêtres; le même évêque l'en fit sortir, et, en cela, il fit l'action d'un fanatique: tant il est vrai que l'on doit se défier de son zèle. Qu'importait à la religion ou à l'Etat que ce prince eût ou n'eût pas une place parmi les prêtres?" Само усердие, с каким мы добиваемся исполнения обязанностей, налагаемых нашей святой религией, со стороны тех, кто поручен нашему попечению, часто бывает опасно, и в этом отношении нам следует быть весьма благоразумными. Когда-то император, по имени Феодосий{278}, предал мечу всех жителей некоего города, даже женщин и детей. После этого он направился было в церковь, но епископ, по имени Амвросий, приказал запереть перед ним двери, как перед убийцей и святотатцем, и это был с его стороны геройский поступок. Тогда император принес покаяние, какого требовал подобный грех; будучи допущен в церковь, он занял место среди священников. Но епископ удалил его оттуда, а это уже был поступок изувера. Из этого следует, что надо остерегаться чрезмерного усердия. Не все ли было равно религии или государству, занял бы или не занял этот государь место среди священников?"
De Paris, le premier de la lune de Rebiab 1714. Из Парижа, месяца Ребиаба 1, 1-го дня, 1714 года

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Lettre LXII. Zélis à Usbek, à Paris/Зели к Узбеку в Париж

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Ta fille ayant atteint sa septième année, j'ai cru qu'il était temps de la faire passer dans les appartements intérieurs du sérail, et de ne point attendre qu'elle ait dix ans pour la confier aux eunuques noirs. On ne saurait de trop bonne heure priver une jeune personne des libertés de l'enfance, et lui donner une éducation sainte dans les sacrés murs où la pudeur habite. Твоей дочери пошел восьмой год, и пора, думается мне, перевести ее во внутренние покои сераля и поручить черным евнухам, не дожидаясь, пока ей исполнится десять лет. Лучше пораньше лишить девушку свободы, предоставляемой ребенку, и дать ей благочестивое воспитание в священных стенах, где обитает целомудрие.
Car je ne puis être de l'avis de ces mères qui ne renferment leurs filles que lorsqu'elles sont sur le point de leur donner un époux; qui, les condamnant au sérail plutôt qu'elles ne les y consacrent, leur font embrasser violemment une manière de vie qu'elles auraient dû leur inspirer. Faut-il tout attendre de la force de la raison, et rien de la douceur de l'habitude? Я не согласна с теми матерями, которые запирают своих дочек только накануне их выхода замуж, - тем самым они скорее осуждают их на жизнь в серале, чем посвящают их такой жизни; они насильно подчиняют их затворничеству, вместо того чтобы заранее приучить. Неужели надо всецело полагаться на силу разума и ничего не ждать от приятности привычки?
C'est en vain que l'on nous parle de la subordination où la nature nous a mises. Ce n'est pas assez de nous la faire sentir: il faut nous la faire pratiquer, afin qu'elle nous soutienne dans ce temps critique où les passions commencent à naître et à nous encourager à l'indépendance. Напрасно говорить нам о том, что сама природа обрекла нас на подчиненное положение. Недостаточно только ставить нас в такое положение: надо приучать нас к нему, чтобы сила привычки поддержала нас в то трудное время, когда в затворницах заговорят страсти и начнут подстрекать их к независимости.
Si nous n'étions attachées à vous que par le devoir, nous pourrions quelquefois l'oublier. Si nous n'y étions entraînées que par le penchant, peut-être un penchant plus fort pourrait l'affaiblir. Mais, quand les lois nous donnent à un homme, elles nous dérobent à tous les autres et nous mettent aussi loin d'eux que si nous en étions à cent mille lieues. Если бы нас привязывал к вам только долг, мы могли бы порою забывать его; если бы нас привязывала только склонность, то, быть может, другая склонность, более сильная, могла бы ослабить первую. Но когда законы отдают нас мужчине, они отнимают нас от всех других мужчин и настолько удаляют от них, как если бы мы находились за тысячу миль.
La nature, industrieuse en faveur des hommes, ne s'est pas bornée à leur donner les désirs: elle a voulu que nous en eussions nous-mêmes, et que nous fussions des instruments animés de leur félicité; elle nous a mises dans le feu des passions, pour les faire vivre tranquilles; s'ils sortent de leur insensibilité, elle nous a destinées à les y faire rentrer, sans que nous puissions jamais goûter cet heureux état où nous les mettons. Природа, так много сделавшая для мужчин, не ограничилась тем, что наделила их желаниями: она наделила желаниями и нас, чтобы мы были одушевленными орудиями их наслаждений; она ввергла нас в пучину страстей, чтобы дать мужчинам возможность спокойной жизни; она предназначила нам возвращать их к спокойному состоянию, когда они из него выходят, причем сами мы никогда не вкушаем того завидного настроения, в которое их приводим.
Cependant, Usbek, ne t'imagine pas que ta situation soit plus heureuse que la mienne: j'ai goûté ici mille plaisirs que tu ne connais pas; mon imagination a travaillé sans cesse à m'en faire connaître le prix: j'ai vécu, et tu n'as fait que languir. Не думай, однако, Узбек, что ты счастливее меня: я испытала здесь тысячу радостей, которые тебе неведомы. Мое воображение беспрерывно работало над тем, чтобы я по достоинству оценила их: я жила, а ты только прозябал.
Dans la prison même où tu me retiens, je suis plus libre que toi: tu ne saurais redoubler tes attentions pour me faire garder, que je ne jouisse de tes inquiétudes; et tes soupçons, ta jalousie, tes chagrins, sont autant de marques de ta dépendance. Даже в тюрьме, где ты держишь меня, я свободнее тебя; как бы ты ни усиливал бдительность моих стражей, меня твое беспокойство только радует; твои подозрения, твоя ревность, твои печали - это не что иное, как свидетельства твоей зависимости.
Continue, cher Usbek: fais veiller sur moi nuit et jour; ne te fie pas même aux précautions ordinaires; augmente mon bonheur en assurant le tien; et sache que je ne redoute rien que ton indifférence. Продолжай, милый Узбек: вели наблюдать за мной денно и нощно, не доверяй обычным предосторожностям, умножай мое счастье, оберегая свое собственное, и знай, что я страшусь только одного: твоего равнодушия.
Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Rebiab 1, 1714. Из испаганского сераля, месяца Ребиаба 1, 2-го дня, 1714 года.

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Lettre LXIII. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Je crois que tu veux passer ta vie à la campagne: je ne te perdais au commencement que pour deux ou trois jours, et en voilà quinze que je ne t'ai vu. Il est vrai que tu es dans une maison charmante, que tu y trouves une société qui te convient, que tu y raisonnes tout à ton aise: il n'en faut pas davantage pour te faire oublier tout l'univers. Ты, кажется, окончательно обосновался в деревне. Сначала ты пропадал дня на два-три, а теперь вот уже две недели, как я не видался с тобой. Правда, ты живешь в очаровательном доме, ты нашел подходящее для себя общество, рассуждаешь там вволю; а этого тебе достаточно, чтобы забыть весь мир.
Pour moi, je mène à peu près la même vie que tu m'as vu mener: je me répands dans le monde, et je cherche à le connaître. Mon esprit perd insensiblement tout ce qui lui reste d'asiatique, et se plie sans effort aux moeurs européennes. Je ne suis plus si étonné de voir dans une maison cinq ou six femmes avec cinq ou six hommes, et je trouve que cela n'est pas mal imaginé. Что касается меня, то я веду почти тот же образ жизни, как и при тебе: часто бываю в свете и стремлюсь его изучить. Мой ум незаметно теряет то, что еще осталось в нем азиатского, и без усилий приноравливается к европейским нравам. Я уже не так удивляюсь, встречая в каком-нибудь доме пять-шесть женщин в обществе пяти-шести мужчин, и нахожу, что это не плохо придумано.
Je le puis dire: je ne connais les femmes que depuis que je suis ici; j'en ai plus appris dans un mois que je n'aurais fait en trente ans dans un sérail. Можно сказать, что я узнал женщин только с тех пор, как нахожусь здесь; в один месяц я изучил их лучше, чем мог бы изучить в серале за тридцать лет.
Chez nous, les caractères sont tous uniformes, parce qu'ils sont forcés: on ne voit point les gens tels qu'ils sont, mais tels qu'on les oblige d'être. Dans cette servitude du coeur et de l'esprit, on n'entend parler que la crainte, qui n'a qu'un langage, et non pas la nature, qui s'exprime si différemment, et qui paraît sous tant de formes. У нас все характеры однообразны, потому что все они вымучены; мы видим людей не такими, каковы они на самом деле, а такими, какими их принуждают быть. В этом порабощении сердца и ума слышится только голос страха, - а у страха лишь один язык; это не голос природы, которая выражается столь разнообразно и проявляется в столь многих формах.
La dissimulation, cet art parmi nous si pratiqué et si nécessaire, est ici inconnue: tout parle, tout se voit, tout s'entend; le coeur se montre comme le visage; dans les moeurs, dans la vertu, dans le vice même, on aperçoit toujours quelque chose de naif. Притворство - искусство, у нас весьма распространенное и даже необходимое, - здесь неизвестно: все разговаривают, все видятся друг с другом, все слушают друг друга; сердца открыты так же, как и лица; в нравах, в добродетели, даже в пороке всегда замечаешь что-то наивное.
Il faut, pour plaire aux femmes, un certain talent différent de celui qui leur plaît encore davantage: il consiste dans une espèce de badinage dans l'esprit qui les amuse en ce qu'il semble leur promettre à chaque instant ce qu'on ne peut tenir que dans de trop longs intervalles. Чтобы нравиться женщинам, надо обладать некоторым талантом, независимо от той способности, которая нравится им еще больше: этот талант заключается в особой игривости ума, забавляющей женщин потому, что она каждое мгновение обещает им то самое, что можно исполнять только через большие промежутки времени.
Ce badinage, naturellement fait pour les toilettes semble être parvenu à former le caractère général de la nation: on badine au conseil; on badine à la tête d'une armée; on badine avec un ambassadeur. Les professions ne paraissent ridicules qu'à proportion du sérieux qu'on y met: un médecin ne le serait plus si ses habits étaient moins lugubres, et s'il tuait ses malades en badinant. Эта игривость, созданная для будуарных разговоров, дошла, кажется, до того, что стала отличительной чертой национального характера; шутят в Государственном совете; шутят во главе армии; шутят с послом. Любая профессия кажется нелепой, как только ей придают излишнюю серьезность: врач перестал бы вызывать насмешки, если бы его одежда была не столь мрачной и если бы он убивал своих больных шутя.
De Paris, le 10 de la lune de Rebiab 1, 1714. Из Парижа, месяца Ребиаба 1, 10-го дня, 1714 года.

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Lettre LXIV. Le chef des eunuques noirs à Usbek, à Paris/Начальник черных евнухов к Узбеку в Париж

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Je suis dans un embarras que je ne saurais t'exprimer, magnifique seigneur: le sérail est dans un désordre et une confusion épouvantables; la guerre règne entre tes femmes; tes eunuques sont partagés; on n'entend que plaintes, que murmures, que reproches; mes remontrances sont méprisées: tout semble permis dans ce temps de licence, et je n'ai plus qu'un vain titre dans le sérail. Не могу выразить тебе, светлейший повелитель, в каком я нахожусь затруднении; в серале беспорядок и страшное смятение; между твоими женами идет война; евнухи разделились на партии; только и слышишь жалобы, ропот и упреки; на мои уговоры никто не обращает внимания; при подобной распущенности все кажется дозволенным, и я в серале просто пустое место.
Il n'y a aucune de tes femmes qui ne se juge au-dessus des autres par sa naissance, par sa beauté, par ses richesses, par son esprit, par ton amour, et qui ne fasse valoir quelques-uns de ces titres pour avoir toutes les préférences. Je perds à chaque instant cette longue patience avec laquelle, néanmoins, j'ai eu le malheur de les mécontenter toutes: ma prudence, ma complaisance même, vertu si rare et si étrangère dans le poste que j'occupe, ont été inutiles. Каждая из твоих жен считает себя выше других по происхождению, красоте, богатству, уму и твоей любви; основываясь на каком-либо из этих преимуществ, каждая требует, чтобы ей во всем отдавали предпочтение; просто уж нет сил терпеть, хотя именно своим долготерпеньем я и имел несчастье возбудить их неудовольствие. Мое благоразумие и даже снисходительность - качества столь редкие на занимаемом мною посту и даже несовместимые с ним - оказались бесполезными.
Veux-tu que je te découvre, magnifique seigneur, la cause de tous ces désordres? Elle est toute dans ton coeur et dans les tendres égards que tu as pour elles. Si tu ne me retenais pas la main; si, au lieu de la voie des remontrances, tu me laissais celle des châtiments; si, sans te laisser attendrir à leurs plaintes et à leurs larmes, tu les envoyais pleurer devant moi, qui ne m'attendris jamais, je les façonnerais bientôt au joug qu'elles doivent porter, et je lasserais leur humeur impérieuse et indépendante. Угодно ли тебе, чтобы я открыл причину всех этих беспорядков, светлейший повелитель? Вся она целиком в твоем сердце и твоем нежном отношении к женам. Если бы ты не удерживал меня, если бы вместо увещаний предоставил мне право наказывать, если бы вместо того, чтобы верить их жалобам и слезам, ты отсылал бы их плакаться ко мне, - а меня-то уж не разжалобишь! - я бы скоро приучил их к ярму, которое они должны носить безропотно, и укротил бы их своевольный и независимый нрав.
Enlevé dès l'âge de quinze ans au fond de l'Afrique, ma patrie, je fus d'abord vendu à un maître qui avait plus de vingt femmes ou concubines. Ayant jugé à mon air grave et taciturne que j'étais propre au sérail, il ordonna que l'on achevât de me rendre tel, et me fit faire une opération pénible dans les commencements, mais qui me fut heureuse dans la suite, parce qu'elle m'approcha de l'oreille et de la confiance de mes maîtres. J'entrai dans ce sérail, qui fut pour moi un nouveau monde. Le premier eunuque, l'homme le plus sévère que j'aie vu de ma vie, y gouvernait avec un empire absolu. On n'y entendait parler ni de divisions, ni de querelles: un silence profond régnait partout; toutes ces femmes étaient couchées à la même heure, d'un bout de l'année à l'autre, et levées à la même heure; elles entraient dans le bain tour à tour; elles en sortaient au moindre signe que nous leur en faisions; le reste du temps, elles étaient presque toujours enfermées dans leurs chambres. Il avait une règle, qui était de les faire tenir dans une grande propreté, et il avait pour cela des attentions inexprimables: le moindre refus d'obéir était puni sans miséricorde. "Je suis, disait-il, esclave; mais je le suis d'un homme qui est votre maître et le mien, et j'use du pouvoir qu'il m'a donné sur vous: c'est lui qui vous châtie, et non pas moi, qui ne fais que prêter ma main." Ces femmes n'entraient jamais dans la chambre de mon maître qu'elles n'y fussent appelées; elles recevaient cette grâce avec joie et s'en voyaient privées sans se plaindre. Enfin, moi, qui étais le dernier des noirs dans ce sérail tranquille, j'étais mille fois plus respecté que je ne le suis dans le tien, où je les commande tous. Пятнадцатилетним подростком я был вывезен из глубины Африки, с родины, и был сначала продан человеку, у которого было больше двадцати жен и наложниц. Заключив по моей серьезности и молчаливости, что я гожусь для сераля, он приказал приспособить меня для этой должности и подвергнуть операции, которая вначале была очень тягостной для меня, зато впоследствии оказалась благодетельной, ибо она приблизила меня к уху моих господ и доставила мне их доверие. Я вступил в сераль, как в новый для меня мир. Главный евнух, - самый строгий человек, какого я только знавал в своей жизни, - полновластно управлял сералем. Там и помину не было ни о каких ссорах и распрях; повсюду царствовала глубокая тишина; круглый год все женщины ложились спать и вставали в один и тот же час; они поочередно принимали ванну и выходили из нее по малейшему нашему знаку; в остальное время они почти всегда оставались взаперти в своих покоях. Правила предписывали содержать их в большой чистоплотности, и главный евнух относился к этому с исключительной внимательностью: за малейший отказ в повиновении их наказывали немилосердно. "Я раб, - говорил он, - но раб человека, который господин и вам, и мне, и я пользуюсь властью, которую он дал мне над вами: не я вас наказываю, а он; я только прикладываю руку". Женщины никогда не входили без зова в спальню моего господина; они радовались этой милости и безропотно мирились с ее лишением. А я, последний из черных в том мирном серале, пользовался там в тысячу раз большим уважением, чем в твоем, где распоряжаюсь всеми женщинами.
Dès que ce grand eunuque eut connu mon génie, il tourna les yeux de mon côté; il parla de moi à mon maître, comme d'un homme capable de travailler selon ses vues, et de lui succéder dans le poste qu'il remplissait. Il ne fut point étonné de ma grande jeunesse: il crut que mon attention me tiendrait lieu d'expérience. Que te dirai-je? je fis tant de progrès dans sa confiance qu'il ne faisait plus difficulté de mettre dans mes mains les clefs des lieux terribles qu'il gardait depuis si longtemps. C'est sous ce grand maître que j'appris l'art difficile de commander, et que je me formai aux maximes d'un gouvernement inflexible. J'étudiai sous lui le coeur des femmes; il m'apprit à profiter de leurs faiblesses et à ne point m'étonner de leurs hauteurs. Souvent il se plaisait à me les voir conduire jusqu'au dernier retranchement de l'obéissance; il les faisait ensuite revenir insensiblement, et voulait que je parusse pour quelque temps plier moi-même. Mais il fallait le voir dans ces moments où il les trouvait tout près du désespoir, entre les prières et les reproches: il soutenait leurs larmes sans s'émouvoir et se sentait flatté de cette espèce de triomphe. "Voilà, disait-il d'un air content, comment il faut gouverner les femmes. Leur nombre ne m'embarrasse pas: je conduirais de même toutes celles de notre grand monarque. Comment un homme peut-il espérer de captiver leur coeur, si ses fidèles eunuques n'ont commencé par soumettre leur esprit?" Главный евнух заметил мои способности и обратил на меня внимание; он сказал моему господину, что я в состоянии пойти по его стопам и стать со временем его преемником. Его не смущала моя крайняя молодость, он считал, что мое усердие заменит опытность. Да что говорить! Он настолько проникся доверием ко мне, что смело вручил мне ключи от заветных покоев, которые охранял столько лет. Под руководством этого великого наставника я научился трудному делу управления и выработал себе основы непреклонной власти. Под его руководством я познал сердца женщин; он научил меня пользоваться их слабостями и не смущаться их высокомерием. Часто он забавлялся, видя, как я довожу их до крайних пределов послушания; затем он постепенно ослаблял строгость и требовал, чтобы я некоторое время делал вид, будто уступаю им. Но надо было видеть его в те минуты, когда он доводил их до полного отчаяния, и они принимались то упрашивать его, то упрекать; он невозмутимо переносил их слезы и даже чувствовал себя польщенным такого рода торжеством. "Вот как нужно управлять женщинами, - говорил он с удовлетворением. - Мне нипочем, что их здесь много: я не хуже справился бы и с бесчисленными женами нашего великого монарха. Как бы мог супруг полонить их сердца, если бы его верные евнухи сначала не укротили их нрава?"
Il avait non seulement de la fermeté, mais aussi de la pénétration: il lisait leurs pensées et leurs dissimulations; leurs gestes étudiés, leur visage feint, ne lui dérobaient rien; il savait toutes leurs actions les plus cachées et leurs paroles les plus secrètes; il se servait des unes pour connaître les autres, et il se plaisait à récompenser la moindre confidence. Comme elles n'abordaient leur mari que lorsqu'elles étaient averties, l'eunuque y appelait qui il voulait, et tournait les yeux de son maître sur celle qu'il avait en vue; et cette distinction était la récompense de quelque secret révélé. Il avait persuadé à son maître qu'il était du bon ordre qu'il lui laissât ce choix, afin de lui donner une autorité plus grande. Voilà comme on gouvernait, magnifique seigneur, dans un sérail qui était, je crois, le mieux réglé qu'il y eût en Perse. Он обладал не только твердостью, но и проницательностью; он читал в их мыслях и разгадывал их хитрости; ни нарочитыми жестами, ни притворным выражением лица они ничего не могли скрыть от него; он знал самые сокровенные их поступки и самые тайные речи; он пользовался одними, чтобы проникать в помыслы других, и охотно награждал малейшее разоблачение. Так как они никогда не входили к мужу без вызова, то евнух звал к нему ту, которую хотел, и по своему усмотрению привлекал внимание господина к той или иной из них. И это обычно бывало наградой за какую-нибудь разоблаченную тайну. Он убедил господина, что нужно предоставить ему этот выбор порядка ради, чтобы повысить его авторитет. Вот, светлейший повелитель, как управляли сералем, который, полагаю, был самым благоустроенным в Персии.
Laisse-moi les mains libres; permets que je me fasse obéir. Huit jours remettront l'ordre dans le sein de la confusion. C'est ce que ta gloire demande, et que ta sûreté exige. Развяжи мне руки; позволь мне требовать, чтобы меня слушались. Не пройдет и недели, и в этом гнезде неурядиц водворится порядок. Это нужно для твоей славы, этого требует твое спокойствие.
De ton sérail d'Ispahan, le 9 de la lune de Rebiab 1, 1714. Из твоего испаганского сераля, месяца Ребиаба 1, 9-го дня, 1714 года

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Lettre LXV. Usbek à ses femmes, au sérail d'Ispahan/Узбек к своим женам в испаганский сераль

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J'apprends que le sérail est dans le désordre, et qu'il est rempli de querelles et de divisions intestines. Que vous recommandai-je en partant, que la paix et la bonne intelligence? Vous me le promîtes. Etait-ce pour me tromper? Я узнал, что сераль в беспорядке, что у вас беспрестанные ссоры и внутренний раздор. А ведь я просил, уезжая, чтобы вы жили в мире и добром согласии! Вы мне это обещали; или вы собирались меня обмануть?
C'est vous qui seriez trompées si je voulais suivre les conseils que me donne le grand eunuque, si je voulais employer mon autorité pour vous faire vivre comme mes exhortations le demandaient de vous. Сами вы оказались бы обманутыми, если бы я последовал советам, которые дает мне главный евнух, если бы я пустил в ход свою власть, тогда как до сих пор я лишь уговаривал вас жить благонравно.
Je ne sais me servir de ces moyens violents que lorsque j'ai tenté tous les autres. Faites donc en votre considération ce que vous n'avez pas voulu faire à la mienne. Я всегда прибегаю к насильственным мерам только после того, как испробую все остальные. Сделайте же ради самих себя то, чего вы не хотели делать ради меня.
Le premier eunuque a grand sujet de se plaindre: il dit que vous n'avez aucun égard pour lui. Comment pouvez-vous accorder cette conduite avec la modestie de votre état? N'est-ce pas à lui que, pendant mon absence, votre vertu est confiée? C'est un trésor sacré, dont il est le dépositaire. Mais ces mépris que vous lui témoignez font voir que ceux qui sont chargés de vous faire vivre dans les lois de l'honneur vous sont à charge. Главный евнух имеет все основания жаловаться: он говорит, что вы ни в грош его не ставите. Как же можете вы согласовать такое своеволие с вашим скромным положением? Ведь именно главному евнуху вверил я вашу добродетель на время моего отсутствия. Ему поручил я это драгоценное сокровище. Но вы выказываете ему презрение и, стало быть, тяготитесь людьми, на коих возложена обязанность следить, чтобы вы соблюдали законы чести.
Changez donc de conduite, je vous prie, et faites en sorte que je puisse, une autre fois, rejeter les propositions que l'on me fait contre votre liberté et votre repos. Измените же ваше поведение, прошу вас, и живите так, чтобы и в следующий раз я мог отвергнуть предложения, которые мне делаются с целью ограничить вашу свободу и нарушить ваше благоденствие.
Car je voudrais vous faire oublier que je suis votre maître, pour me souvenir seulement que je suis votre époux. Я хотел бы, чтобы вы забыли, что я ваш властелин, и чтобы сам я помнил только, что я - ваш супруг.
De Paris, le 5 de la lune de Chahban 1714. Из Парижа, месяца Шахбана 5-го дня, 1714 года

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Lettre LXVI. Rica, à***/Рика к ***

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On s'attache ici beaucoup aux sciences, mais je ne sais si on est fort savant. Celui qui doute de tout comme philosophe n'ose rien nier comme théologien. Cet homme contradictoire est toujours content de lui, pourvu qu'on convienne des qualités. Здесь много занимаются науками, но я не знаю, так ли уж здесь люди учены. Тот, кто во всем сомневается в качестве философа, не решается ничего отрицать в качестве богослова. Такой противоречивый человек всегда доволен собою, лишь бы только договориться о том, какое ему носить звание.
La fureur de la plupart des Français, c'est d'avoir de l'esprit, et la fureur de ceux qui veulent avoir de l'esprit, c'est de faire des livres. Большая часть французов помешана на том, чтобы слыть умными, а тот, кто считает себя умным, помешан на том, чтобы писать книги.
Cependant il n'y a rien de si mal imaginé: la nature semblait avoir sagement pourvu à ce que les sottises des hommes fussent passagères, et les livres les immortalisent. Un sot devrait être content d'avoir ennuyé tous ceux qui ont vécu avec lui: il veut encore tourmenter les races futures, il veut que sa sottise triomphe de l'oubli, dont il aurait pu jouir comme du tombeau; il veut que la postérité soit informée qu'il a vécu, et qu'elle sache à jamais qu'il a été un sot. Между тем хуже этого нельзя ничего придумать: природа, по-видимому, мудро позаботилась, чтобы человеческие глупости были преходящими, книги же увековечивают их. Дураку следовало бы довольствоваться уже и тем, что он надоел всем своим современникам, а он хочет досаждать еще и грядущим поколениям; он хочет, чтобы его глупость торжествовала над забвением, которым он мог бы наслаждаться, как могилой; он хочет, чтобы потомство было осведомлено о том, что он жил на свете, и чтобы оно вовеки не забыло, что он был дурак.
De tous les auteurs, il n'y en a point que je méprise plus que les compilateurs, qui vont, de tous côtés, chercher des lambeaux des ouvrages des autres, qu'ils plaquent dans les leurs, comme des pièces de gazon dans un parterre. Ils ne sont point au-dessus de ces ouvriers d'imprimerie qui rangent des caractères, qui, combinés ensemble, font un livre où ils n'ont fourni que la main. Je voudrais qu'on respectât les livres originaux, et il me semble que c'est une espèce de profanation de tirer les pièces qui les composent du sanctuaire où elles sont, pour les exposer à un mépris qu'elles ne méritent point. Из всех писателей я больше всего презираю компиляторов, которые набирают где только могут обрывки чужих произведений и вкрапливают их в свои, как цветочные клумбы в однообразный газон. Они нисколько не выше типографских рабочих, набирающих буквы, из сочетания коих составляется книга, к которой они приложили только руку. Хотелось бы, чтобы люди уважали самобытные сочинения, и мне кажется, что выдергивать отдельные отрывки из святилища, в котором они заключаются, чтобы подвергнуть их незаслуженному презрению, - своего рода святотатство.
Quand un homme n'a rien à dire de nouveau, que ne se tait-il? Qu'a-t-on affaire de ces doubles emplois? "Mais je veux donner un nouvel ordre. Почему человек, которому нечего сказать, не молчит? И кому нужна эта двойная работа? "Но я предлагаю новый порядок".
- Vous êtes un habile homme: vous venez dans ma bibliothèque, et vous mettez en bas les livres qui sont en haut, et en haut ceux qui sont en bas. C'est un beau chef-d'oeuvre!" - "Подумаешь, какой умник! Вы приходите в мою библиотеку и переставляете книги, стоящие вверху, вниз, а стоящие внизу - наверх. Вот так великое произведение искусства!"
Je t'écris sur ce sujet, parce que je suis outré d'un livre que je viens de quitter, qui est si gros qu'il semblait contenir la science universelle; mais il m'a rompu la tête sans m'avoir rien appris. Я пишу тебе, ***, об этом потому, что меня вывела из себя книга, которую я только что прочитал, - книга такая толстая, что, казалось, она содержит в себе всю премудрость, а она только заморочила мне голову, ничему не научив.
Adieu.
De Paris, le 8 de la lune de Chahban 1714. Из Парижа, месяца Шахбана 8-го дня, 1714 года

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Lettre LXVII. Ibben à Usbek, à Paris/Иббен к Узбеку в Париж

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Trois vaisseaux sont arrivés ici sans m'avoir apporté de tes nouvelles. Es-tu malade? ou te plais-tu à m'inquiéter? Три корабля пришли сюда, не привезя мне от тебя известий. Не болен ли ты? Или тебе просто вздумалось меня помучить?
Si tu ne m'aimes pas dans un pays où tu n'es lié à rien, que sera-ce au milieu de la Perse et dans le sein de ta famille? Mais peut-être que je me trompe: tu es assez aimable pour trouver partout des amis. Le coeur est citoyen de tous les pays. Comment une âme bien faite peut-elle s'empêcher de former des engagements? Je te l'avoue: je respecte les anciennes amitiés; mais je ne suis pas fâché d'en faire partout de nouvelles. Если ты позабыл меня, живя в стране, где ты ни с чем не связан, то что же будет в Персии и в лоне твоей семьи? Но, может быть, я ошибаюсь: ты так любезен, что всюду найдешь друзей. Сердце - гражданин всех стран. Как же возвышенной душе избежать новых привязанностей? Признаюсь тебе: я уважаю старую дружбу, но ничего не имею и против того, чтобы повсюду приобретать новых друзей.
En quelque pays que j'aie été, j'y ai vécu comme si j'avais dû y passer ma vie: j'ai eu le même empressement pour les gens vertueux, la même compassion ou plutôt la même tendresse pour les malheureux, la même estime pour ceux que la prospérité n'a point aveuglés. C'est mon caractère, Usbek: partout où je trouverai des hommes, je me choisirai des amis. В какой бы стране мне ни приходилось бывать, я жил так, словно собирался провести там всю жизнь: я всюду одинаково ценил добродетельных людей, проявлял сострадание, или скорее нежность, к несчастным, уважение к людям, которых не ослепило богатство. Таков мой нрав, Узбек: всюду, где только есть люди, я найду себе друзей.
Il y a ici un guèbre qui, après toi, a, je crois, la première place dans mon coeur: c'est l'âme de la probité même. Des raisons particulières l'ont obligé de se retirer dans cette ville où il vit tranquillement du produit d'un trafic honnête, avec une femme qu'il aime. Sa vie est toute marquée d'actions généreuses, et, quoiqu'il cherche la vie obscure, il y a plus d'héroisme dans son coeur que dans celui des plus grands monarques. Тут живет один огнепоклонник; он, думается мне, занимает первое место после тебя в моем сердце: он - сама честность. Особые обстоятельства принудили его удалиться в Смирну, и он ведет здесь спокойное существование вместе с любимой женой на доход от честной торговли. Вся его жизнь отмечена великодушными поступками, и, хотя он стремится к безвестности, в сердце его больше доблести, чем в сердцах самых великих монархов.
Je lui ai parlé mille fois de toi; je lui montre toutes tes lettres; je remarque que cela lui fait plaisir; et je vois déjà que tu as un ami qui t'est inconnu. Я тысячу раз говорил ему о тебе, показываю ему все твои письма и замечаю, что это доставляет ему удовольствие. Вижу, что ты обрел в его лице еще неведомого тебе друга.
Tu trouveras ici ses principales aventures: quelque répugnance qu'il eût à les écrire, il n'a pu les refuser à mon amitié, et je les confie à la tienne. Ты найдешь здесь рассказ о его главных приключениях; ему очень не хотелось о них писать, но из дружбы ко мне он не мог мне отказать, а я доверяю их твоей дружбе.
Histoire d'Apheridon et d'Astarte "история Аферидона и Астарты
Je suis né parmi les guèbres, d'une religion qui est peut-être la plus ancienne qui soit au monde. Je fus si malheureux que l'amour me vint avant la raison: j'avais à peine six ans, que je ne pouvais vivre qu'avec ma soeur; mes yeux s'attachaient toujours sur elle, et, lorsqu'elle me quittait un moment, elle les retrouvait baignés de larmes; chaque jour n'augmentait pas plus mon âge que mon amour. Mon père, étonné d'une si forte sympathie, aurait bien souhaité de nous marier ensemble, selon l'ancien usage des guèbres, introduit par Cambyse; mais la crainte des mahométans, sous le joug desquels nous vivons, empêche ceux de notre nation de penser à ces alliances saintes, que notre religion ordonne plutôt qu'elle ne permet, et qui sont des images si naives de l'union déjà formée par la nature. Я родился в среде огнепоклонников, исповедующих, пожалуй, самую древнюю религию изо всех существующих в мире религий. На мое несчастье любовь пришла ко мне раньше разума. Мне едва исполнилось шесть лет, а я уже не мог жить без своей сестры: мои глаза постоянно были прикованы к ней, а стоило ей на минуту оставить меня, как они наполнялись слезами; моя любовь росла быстрее, чем я сам. Отец, удивленный столь сильной привязанностью, охотно повенчал бы нас, согласно древнему обычаю огнепоклонников, установленному Камбизом{285}, но страх перед магометанами, под игом которых мы живем, мешает людям нашего племени даже думать об - этих святых союзах, не только дозволенных, но и предписываемых нашей религией и являющихся простодушным подтверждением союза, уже установленного самой природой.
Mon père, voyant donc qu'il aurait été dangereux de suivre mon inclination et la sienne, résolut d'éteindre une flamme qu'il croyait naissante, mais qui était déjà à son dernier période. Il prétexta un voyage et m'emmena avec lui, laissant ma soeur entre les mains d'une de ses parentes: car ma mère était morte depuis deux ans. Je ne vous dirai point quel fut le désespoir de cette séparation: j'embrassai ma soeur toute baignée de larmes; mais je n'en versai point: car la douleur m'avait rendu comme insensible. Nous arrivâmes à Tefflis, et mon père, ayant confié mon éducation à un de nos parents, m'y laissa et s'en retourna chez lui. Поэтому отец мой, видя, что было бы опасно послушаться собственного сердца и потворствовать моей склонности, решил погасить пламя, которое он считал только зарождающимся, между тем как оно уже отчаянно полыхало. Под предлогом путешествия он увез меня с собою, поручив заботы о сестре нашей родственнице, ибо моя мать умерла за два года до того. Не стану говорить, в какое отчаяние повергла меня эта разлука: я обнимал сестру, заливавшуюся слезами, но сам не пролил ни слезинки; горе сделало меня как бы бесчувственным. Мы приехали в Тифлис, и отец, доверив мое воспитание родственнику, оставил меня там, а сам возвратился домой.
Quelque temps après, j'appris que, par le crédit d'un de ses amis, il avait fait entrer ma soeur dans le beiram du roi, où elle était au service d'une sultane. Si l'on m'avait appris sa mort, je n'en aurais pas été plus frappé: car, outre que je n'espérais plus de la revoir, son entrée dans le beiram l'avait rendue mahométane, et elle ne pouvait plus, suivant le préjugé de cette religion, me regarder qu'avec horreur. Cependant, ne pouvant plus vivre à Tefflis, las de moi-même et de la vie, je retournai à Ispahan. Mes premières paroles furent amères à mon père: je lui reprochai d'avoir mis sa fille en un lieu où l'on ne peut entrer qu'en changeant de religion: "Vous avez attiré sur votre famille, lui dis-je, la colère de Dieu et du Soleil qui vous éclaire; vous avez plus fait que si vous aviez souillé les éléments, puisque vous avez souillé l'âme de votre fille, qui n'est pas moins pure: j'en mourrai de douleur et d'amour; mais puisse ma mort être la seule peine que Dieu vous fasse sentir!" A ces mots, je sortis, et, pendant deux ans, je passai ma vie à aller regarder les murailles du beiram et considérer le lieu où ma soeur pouvait être, m'exposant tous les jours mille fois à être égorgé par les eunuques qui font la ronde autour de ces redoutables lieux. Немного спустя я узнал, что он, при содействии друга, поместил мою сестру в царский бейрам{286}, где она стала служанкой султанши. Если бы мне сообщили о ее смерти, я не был бы больше потрясен, ибо, не говоря уже о том, что я утратил надежду когда-либо вновь увидеть ее, вступление в бейрам делало ее магометанкой, и, следуя предрассудку этой религии, она впредь могла питать ко мне лишь отвращение. Между тем, наскучив жизнью в Тифлисе, тяготясь даже самим существованием на свете, я возвратился в Испагань. Горькими были первые слова, с которыми я обратился к отцу: я упрекал его за то, что он поместил дочь в такой дом, куда можно войти, только отрекшись от своей веры. "Ты навлек этим на свою семью, - сказал я ему, - гнев бога и солнца, светящего тебе; ты поступил хуже, чем если бы осквернил Стихии, потому что ты осквернил душу своей дочери, не менее их чистую. Я умру от скорби и любви, но да будет смерть моя единственным наказанием, которым покарает тебя бог!" С этими словами я вышел и целых два года только и делал, что бродил под стенами бейрама и взирал на дом, где могла находиться моя сестра, причем я ежедневно тысячи раз подвергался опасности быть задушенным евнухами, которые ходили дозором вокруг этих страшных мест.
Enfin, mon père mourut, et la sultane que ma soeur servait, la voyant tous les jours croître en beauté, en devint jalouse et la maria avec un eunuque qui la souhaitait avec passion. Par ce moyen, ma soeur sortit du sérail et prit avec son eunuque une maison à Ispahan. Наконец, отец мой умер, а султанша, которой прислуживала сестра, видя, что красота ее расцветает с каждым днем, воспылала ревностью и выдала девушку за евнуха, страстно желавшего ее. Благодаря этому сестра моя вышла из сераля и поселилась со своим евнухом в доме, который они сняли в Испагани.
Je fus plus de trois mois sans pouvoir lui parler; l'eunuque, le plus jaloux de tous les hommes, me remettant toujours, sous divers prétextes. Enfin j'entrai dans son beiram, et il me lui fit parler au travers d'une jalousie. Des yeux de lynx ne l'auraient pas pu découvrir, tant elle était enveloppée d'habits et de voiles, et je ne la pus reconnaître qu'au son de sa voix. Quelle fut mon émotion quand je me vis si près, et si éloigné d'elle! Je me contraignis, car j'étais examiné. Quant à elle, il me parut qu'elle versa quelques larmes. Son mari voulut me faire quelques mauvaises excuses; mais je le traitai comme le dernier des esclaves. Il fut bien embarrassé quand il vit que je parlais à ma soeur une langue qui lui était inconnue: c'était l'ancien persan, qui est notre langue sacrée. "Quoi! ma soeur, lui dis-je, est-il vrai que vous avez quitté la religion de vos pères? je sais qu'en entrant au beiram, vous avez dû faire profession du mahométisme. Mais, dites-moi, votre coeur a-t-il pu consentir, comme votre bouche, à quitter une religion qui me permet de vous aimer? Et pour qui la quittez-vous, cette religion qui nous doit être si chère? Pour un misérable encore flétri des fers qu'il a portés; qui, s'il était homme, serait le dernier de tous! - Mon frère, dit-elle, cet homme dont vous parlez est mon mari; il faut que je l'honore, tout indigne qu'il vous paraît; et je serais aussi la dernière des femmes si... - Ah! ma soeur, lui dis-je, vous êtes guèbre; il n'est ni votre époux, ni ne peut l'être. Si vous êtes fidèle comme vos pères, vous ne devez le regarder que comme un monstre. - Hélas! dit-elle, que cette religion se montre à moi de loin! A peine en savais-je les préceptes qu'il les fallut oublier. Vous voyez que cette langue que je vous parle ne m'est plus familière, et que j'ai toutes les peines du monde à m'exprimer. Mais comptez que le souvenir de notre enfance me charme toujours; que, depuis ce temps-là, je n'ai eu que de fausses joies; qu'il ne s'est pas passé de jour que je n'aie pensé à vous; que vous avez eu plus de part que vous ne croyez à mon mariage, et que je n'y ai été déterminée que par l'espérance de vous revoir. Больше трех месяцев мне не удавалось повидаться с ней: евнух, ревнивейший из мужей, под различными предлогами отказывал мне в этом. Наконец, я вошел в его бейрам, и он разрешил мне поговорить с сестрою через решетчатое окно. Даже рысьи глаза не могли бы разглядеть ее: так была она закутана в одежды и покрывала, и я узнал ее только по голосу. Каково было мое волнение, когда я оказался так близко и так далеко от нее! Но я держал себя в руках; я знал, что за мною наблюдают. Что касается ее, то мне показалось, что она плачет. Муж ее стал было неловко оправдываться, но я повел себя с ним, как с последним из рабов. Он очень смутился, когда услышал, что я говорю с сестрою на незнакомом ему наречии: то был язык древнеперсидский, являющийся нашим священным языком. "Сестра моя, - сказал я ей, - неужели правда, что ты отреклась от веры твоих отцов? Я знаю, что, вступая в бейрам, ты должна была перейти в магометанство, но скажи: неужели и сердце твое, как уста, согласилось отречься от веры, которая разрешает мне любить тебя? И ради кого отреклась ты от этой веры, которая должна быть так дорога нам? Ради негодяя, еще запятнанного оковами, которые он носил! Ради того, кто был бы последним из людей, будь он еще мужчиной!" - "Брат мой! - ответила она, - человек, о котором ты говоришь, мне муж; я должна его почитать, каким бы недостойным он тебе ни казался; я тоже была бы последней из женщин, если бы..." - "Ах, сестра! - воскликнул я, - ты огнепоклонница: он не супруг тебе и не может им быть. Если ты тверда в вере, как твои отцы, ты должна считать его просто чудовищем". - "Увы! - отвечала она, - как далека от меня эта вера! Едва я выучила ее предписания, как уже мне пришлось их забыть. Ты видишь, что мне уже чужд тот язык, на котором мы с тобой говорим, - видишь, как мне трудно на нем изъясняться. Но знай, что воспоминания о нашем детстве по-прежнему дороги мне; что с тех пор я знала лишь ложные радости, что дня не проходило, чтобы я не думала о тебе, и даже мое замужество связано с мыслью о тебе больше, чем ты думаешь, ибо я решилась на него только в надежде свидеться с тобою.
Mais que ce jour, qui m'a tant coûté, va me coûter encore! Je vous vois tout hors de vous-même; mon mari frémit de rage et de jalousie. Je ne vous verrai plus; je vous parle sans doute pour la dernière fois de ma vie. Si cela était, mon frère, elle ne serait pas longue." A ces mots, elle s'attendrit et se voyant hors d'état de tenir la conversation, elle me quitta le plus désolé des hommes. Но сколько еще будет мне стоить этот день, так дорого мне обошедшийся! Я вижу, что ты вне себя; мой муж весь дрожит от злобы и ревности. Я не увижу тебя больше; нет сомнения, я говорю с тобою в последний раз в жизни; если это так, брат мой, то не долго буду жить я на свете". При этих словах она разволновалась и, видя, что не в силах продолжать разговор, ушла, оставив меня в страшном отчаянии.
Trois ou quatre jours après, je demandai à voir ma soeur. Le barbare eunuque aurait bien voulu m'en empêcher; mais, outre que ces sortes de maris n'ont pas sur leurs femmes la même autorité que les autres, il aimait si éperdument ma soeur qu'il ne savait rien lui refuser. Je la vis encore dans le même lieu et sous les mêmes voiles, accompagnée de deux esclaves; ce qui me fit avoir recours à notre langue particulière. "Ma soeur, lui dis-je, d'où vient que je ne puis vous voir sans me trouver dans une situation affreuse? Les murailles qui vous tiennent enfermée, ces verrous et ces grilles, ces misérables gardiens qui vous observent, me mettent en fureur. Comment avez-vous perdu la douce liberté dont jouissaient vos ancêtres? Votre mère, qui était si chaste, ne donnait à son mari, pour garant de sa vertu, que sa vertu même. Ils vivaient heureux, l'un et l'autre, dans une confiance mutuelle, et la simplicité de leurs moeurs était pour eux une richesse plus précieuse mille fois que le faux éclat dont vous semblez jouir dans cette maison somptueuse. En perdant votre religion, vous avez perdu votre liberté, votre bonheur et cette précieuse égalité qui fait l'honneur de votre sexe. Mais ce qu'il y a de pis encore, c'est que vous êtes, non pas la femme, car vous ne pouvez l'être, mais l'esclave d'un esclave qui a été dégradé de l'humanité. - Ah! mon frère, dit-elle, respectez mon époux, respectez la religion que j'ai embrassée. Selon cette religion, je n'ai pu vous entendre, ni vous parler sans crime. - Quoi, ma soeur! lui dis-je tout transporté, vous la croyez donc véritable, cette religion? - Ah! dit-elle, qu'il me serait avantageux qu'elle ne le fût pas! Je fais pour elle un trop grand sacrifice pour que je puisse ne la pas croire; et si mes doutes..." Дня три-четыре спустя я снова просил свидания с сестрой. Варвару-евнуху очень не хотелось меня пускать, но, не говоря уже о том, что подобного рода мужья, не в пример другим, не имеют на жен большого влияния, он безумно любил мою сестру и ни в чем не мог ей отказать. Я свиделся с ней вновь в том же месте, при тех же покрывалах и в присутствии двух рабов, что вынудило меня снова прибегнуть к нашему особому языку. "Сестра моя, - сказал я ей, - почему не могу я видеть тебя иначе, как при таких обстоятельствах? Стены, в которых ты заперта, замки и решетки, гнусные сторожа, присматривающие за тобою, - все это приводит меня в бешенство. Как случилось, что ты утратила сладостную свободу, которой наслаждались твои предки? Единственным залогом добродетели твоей матери, - а она была так целомудренна! - являлась для ее мужа сама эта добродетель. Они жили счастливо, взаимно доверяя друг другу, и простота их нравов была для них богатством, в тысячу раз более ценным, чем ложный блеск, которым ты, как видно, наслаждаешься в этом роскошном жилище. Отрекшись от своей веры, ты потеряла свободу, счастье и то драгоценное равенство, которое делает честь твоему полу. Но еще хуже то, что ты не жена, потому что и не можешь ею быть, а ты рабыня раба, лишенного человеческих свойств". - "Ах, брат мой! - воскликнула она, - относись с уважением к моему супругу, относись с уважением к вере, которую я приняла: согласно ей, я совершаю преступление, что слушаю тебя и разговариваю с тобою". - "Как, сестра моя! - вскричал я вне себя, - ты, стало быть, считаешь эту религию истинной?" - "Ах, как хорошо было бы для меня, если бы она не была истинной! - отвечала сестра. - Но я должна считать ее истинной, ибо слишком велика жертва, которую я ей приношу..."
A ces mots, elle se tut. "Oui, vos doutes, ma soeur, sont bien fondés, quels qu'ils soient. Qu'attendez-vous d'une religion qui vous rend malheureuse dans ce monde-ci et ne vous laisse point d'espérance pour l'autre? Songez que la nôtre est la plus ancienne qui soit au monde; qu'elle a toujours fleuri dans la Perse, et n'a pas d'autre origine que cet empire, dont les commencements ne sont point connus; que ce n'est que le hasard qui y a introduit le mahométisme; que cette secte y a été établie, non par la voie de la persuasion, mais de la conquête. Si nos princes naturels n'avaient pas été faibles, vous verriez régner encore le culte de ces anciens mages. Transportez-vous dans ces siècles reculés: tout vous parlera du magisme, et rien de la secte mahométane, qui, plusieurs milliers d'années après, n'était pas même dans son enfance. - Mais, dit-elle, quand ma religion serait plus moderne que la vôtre, elle est au moins plus pure, puisqu'elle n'adore que Dieu; au lieu que vous adorez encore le soleil, les étoiles, le feu, et même les éléments. - Je vois, ma soeur, que vous avez appris parmi les musulmans à calomnier notre sainte religion. Nous n'adorons ni les astres ni les éléments, et nos pères ne les ont jamais adorés: jamais ils ne leur ont élevé des temples; jamais ils ne leur ont offert des sacrifices; ils leur ont seulement rendu un culte religieux, mais inférieur, comme à des ouvrages et des manifestations de la divinité. Mais, ma soeur, au nom de Dieu, qui nous éclaire, recevez ce livre sacré que je vous porte; c'est le livre de notre législateur Zoroastre; lisez-le sans prévention; recevez dans votre coeur les rayons de lumière qui vous éclaireront en le lisant; souvenez-vous de vos pères qui ont si longtemps honoré le soleil dans la ville sainte de Balk; et, enfin, souvenez-vous de moi, qui n'espère de repos, de fortune, de vie, que de votre changement." Je la quittai tout transporté, et la laissai seule décider la plus grande affaire que je pusse avoir de ma vie. Тут она умолкла. "Да, твои сомнения, сестра, весьма основательны, в чем бы они ни заключались. Чего ждешь ты от веры, которая делает тебя несчастной на этом свете и не дает тебе никаких надежд на блаженство в жизни будущей? Подумай: ведь наша вера - древнейшая из всех на свете; она искони процветала в Персии, она возникла одновременно с нашим государством, начало которого теряется в веках; магометанство же появилось у нас случайно и упрочилось не путем убеждения, а благодаря завоеванию. Если бы наши законные государи не были слабы, то и сейчас все еще господствовал бы у нас культ древних магов. Перенесись мыслью в те далекие века: все в них говорит о магии, а не о магометанской секте, которая и спустя несколько тысячелетий была еще только в младенческом состоянии". - "Но даже если моя религия, - сказала она, - и моложе твоей, она чище, так как почитает только бога; вы же поклоняетесь, кроме того, солнцу, звездам, огню и даже стихиям", - "Вижу, сестра, что ты научилась у мусульман клеветать на нашу святую веру. Мы не поклоняемся ни светилам, ни стихиям, и отцы наши никогда им не поклонялись, никогда не воздвигали в их честь храмов, никогда не приносили им жертв, хоть и воздавали им поклонение, но поклонение низшего порядка, как созданиям и проявлениям божества. Но, сестра, во имя бога, просвещающего нас, возьми священную книгу, которую я тебе принес: это книга нашего законодателя Зороастра; прочти ее без предубеждения, раскрой свое сердце лучам света, которые будут озарять тебя во время чтения; помни об отцах наших, столь долго чтивших Солнце в священном городе Балке{288}, помни, наконец, обо мне, который лишь от перемены твоего положения ожидает покоя, счастья, жизни". Я покинул сестру в крайнем смятении и предоставил ей наедине решить важнейший вопрос моей жизни.
J'y retournai deux jours après; je ne lui parlai point; j'attendis dans le silence l'arrêt de ma vie ou de ma mort. "Vous êtes aimé, mon frère, me dit-elle, et par une guèbre. J'ai longtemps combattu. Mais, dieux! que l'amour lève de difficultés! que je suis soulagée! Je ne crains plus de vous trop aimer; je puis ne mettre point de bornes à mon amour; l'excès même en est légitime. Ah! que ceci convient bien à l'état de mon coeur! Mais vous, qui avez su rompre les chaînes que mon esprit s'était forgées, quand romprez-vous celles qui me lient les mains? Dès ce moment, je me donne à vous. Faites voir, par la promptitude avec laquelle vous m'accepterez, combien ce présent vous est cher. Mon frère, la première fois que je pourrai vous embrasser, je crois que je mourrai dans vos bras." Я вернулся через два дня; я не говорил ни слова и молча ждал ее приговора: жизнь или смерть? "Ты любим, брат мой, - сказала она мне, - и любим огнепоклонницей. Я долго боролась. Но, боги! Как просто любовь устраняет все затруднения! Как мне стало легко! Я уже не боюсь чересчур любить тебя; я могу не ставить пределов моей любви: даже избыток ее будет законен. Ах, как это отвечает состоянию моего сердца! Ты порвал цепи, которыми окован был мой ум; но когда же порвешь ты узы, связывающие мне руки? Отныне я отдаюсь тебе. Пусть быстрота, с которой ты добьешься меня, покажет, насколько тебе дорог этот дар. Брат мой, мне кажется, что я умру в твоих объятиях в первый же раз, как обниму тебя".
Je n'exprimerais jamais bien la joie que je sentis à ces paroles: je me crus et je me vis, en effet, en un instant, le plus heureux de tous les hommes; je vis presque accomplir tous les désirs que j'avais formés en vingt-cinq ans de vie, et évanouir tous les chagrins qui me l'avaient rendue si laborieuse. Mais, quand je me fus un peu accoutumé à ces douces idées, je trouvai que je n'étais pas si près de mon bonheur que je me l'étais figuré tout à coup, quoique j'eusse surmonté le plus grand de tous les obstacles. Il fallait surprendre le vigilance de ses gardiens. Je n'osais confier à personne le secret de ma vie. Je n'avais que ma soeur; elle n'avait que moi. Si je manquais mon coup, je courais le risque d'être empalé; mais je ne voyais pas de peine plus cruelle que de le manquer. Nous convînmes qu'elle m'enverrait demander une horloge que son père lui avait laissée, et que j'y mettrais dedans une lime pour scier les jalousies d'une fenêtre qui donnait dans la rue, et une corde nouée pour descendre; que je ne la verrais plus dorénavant; mais que j'irais toutes les nuits sous cette fenêtre attendre qu'elle pût exécuter son dessein. Je passai quinze nuits entières sans voir personne, parce qu'elle n'avait pas trouvé le temps favorable. Enfin la seizième, j'entendis une scie qui travaillait. De temps en temps, l'ouvrage était interrompu, et, dans ces intervalles, ma frayeur était inexprimable. Après une heure de travail, je la vis qui attachait la corde; elle se laissa aller, et glissa dans mes bras. Je ne connus plus le danger, et je restai longtemps sans bouger de là. Je la conduisis hors de la ville, où j'avais un cheval tout prêt; je la mis en croupe derrière moi et m'éloignai, avec toute la promptitude imaginable, d'un lieu qui pouvait nous être si funeste. Nous arrivâmes avant le jour chez un guèbre, dans un lieu désert où il était retiré, vivant frugalement du travail de ses mains; nous ne jugeâmes pas à propos de rester chez lui, et, par son conseil, nous entrâmes dans une épaisse forêt, et nous nous mîmes dans le creux d'un vieux chêne, jusques à ce que le bruit de notre évasion se fût dissipé. Nous vivions tous deux dans ce séjour écarté, sans témoins, nous répétant sans cesse que nous nous aimerions toujours, attendant l'occasion que quelque prêtre guèbre pût faire la cérémonie du mariage prescrite par nos livres sacrés. Никогда не выразить мне радости, которую я ощутил при этих словах. Мне показалось, что я мгновенно превратился в счастливейшего из людей, да я и действительно стал им; я видел, что почти исполнились все желания, которые питал я в течение двадцати пяти лет, и рассеялись все печали, делавшие жизнь столь тяжкой. Но когда я немного освоился с этими сладостными мыслями, я понял, что хотя я и преодолел самое большое препятствие, я все же не так близок к счастью, как сразу вообразил. Нужно было обмануть бдительность ее стражей. Я не осмеливался никому доверить тайну моей жизни. У меня не было никого, кроме сестры, у нее - никого, кроме меня. В случае неудачи мне грозило быть посаженным на кол, но неудача сама по себе казалась мне жесточайшим из всех наказаний. Мы условились, что сестра пришлет ко мне за часами, которые оставил ей в наследство отец, а я положу в них пилку, чтобы перепилить решетки окна, выходящего на улицу, и веревку с узлами, чтобы спуститься вниз; что мы впредь не будем видаться, но я каждую ночь буду подходить к тому окну в ожидании благоприятной минуты для исполнения ее намерения. Я тщетно прождал пятнадцать ночей, так как она не могла найти подходящего времени. Наконец, на шестнадцатую ночь я услышал скрип пилки. Время от времени скрип прекращался, и в эти промежутки меня охватывал неописуемый ужас. Через час работа окончилась, и я увидел, что сестра привязывает веревку; она спустилась по ней и скользнула в мои объятия. Я перестал сознавать опасность и долго стоял, не двигаясь с места. Затем я вывел ее из города, туда, где у меня была припасена оседланная лошадь; я посадил сестру позади себя и помчался с величайшей, какая только была возможна, быстротой прочь от места, которое могло стать столь роковым для нас. Еще до рассвета мы прискакали к соплеменнику, который жил в пустынном уголке, скудно питаясь плодами своих трудов. Мы считали неразумным оставаться у него; по его совету, мы углубились в густой лес и спрятались в дупле старого дуба. Так мы жили, пока не заглох шум, вызванный нашим исчезновением. Мы жили в этом уединенном убежище совсем одни, беспрестанно твердя друг другу, что любви нашей не будет конца, и ожидали случая, когда какой-нибудь жрец-огнепоклонник совершит над нами обряд, предписанный нашими священными книгами.
"Ma soeur, lui dis-je, que cette union est sainte! La nature nous avait unis; notre sainte loi va nous unir encore." Enfin un prêtre vint calmer notre impatience amoureuse. Il fit, dans la maison du paysan, toutes les cérémonies du mariage; il nous bénit et nous souhaita mille fois toute la vigueur de Gustaspe et la sainteté de l'Hohoraspe. Bientôt après, nous quittâmes la Perse, où nous n'étions pas en sûreté, et nous nous retirâmes en Géorgie. Nous y vécûmes un an, tous les jours plus charmés l'un de l'autre; mais, comme mon argent allait finir, et que je craignais la misère pour ma soeur, non pas pour moi, je la quittai pour aller chercher quelque secours chez nos parents. Jamais adieu ne fut plus tendre. Mais mon voyage me fut non seulement inutile, mais funeste: car, ayant trouvé, d'un côté, tous nos biens confisqués, de l'autre, mes parents presque dans l'impuissance de me secourir, je ne rapportai d'argent précisément que ce qu'il fallait pour mon retour. Mais quel fut mon désespoir! Je ne trouvai plus ma soeur. Quelques jours avant mon arrivée, des Tartares avaient fait une incursion dans la ville où elle était, et, comme ils la trouvèrent belle, ils la prirent, et la vendirent à des Juifs qui allaient en Turquie, et ne laissèrent qu'une petite fille dont elle était accouchée quelques mois auparavant. Je suivis ces Juifs et les joignis à trois lieues de là. Mes prières, mes larmes, furent vaines: ils me demandèrent toujours trente tomans, et ne se relâchèrent jamais d'un seul. Après m'être adressé à tout le monde, avoir imploré la protection des prêtres turcs et chrétiens, je m'adressai à un marchand arménien, je lui vendis ma fille, et me vendis aussi pour trente-cinq tomans. J'allai aux Juifs, je leur donnai trente tomans et portai les cinq autres à ma soeur, que je n'avais pas encore vue: "Vous êtes libre, lui dis-je, ma soeur, et je puis vous embrasser. Voilà cinq tomans que je vous porte. J'ai du regret qu'on ne m'ait pas acheté davantage. - Quoi! dit-elle, vous vous êtes vendu? - Oui, lui dis-je. - Ah! malheureux; qu'avez-vous fait? N'étais-je pas assez infortunée, sans que vous travaillassiez à me le rendre davantage? Votre liberté me consolait, et votre esclavage va me mettre au tombeau. Ah! mon frère, que votre amour est cruel! Et ma fille? je ne la vois point. - Je l'ai vendue aussi", lui dis-je. Nous fondîmes tous deux en larmes et n'eûmes pas la force de nous rien dire. "Сестра моя, - говорил я ей, - как свят наш союз! Нас соединила Природа, теперь нас соединит еще и наш святой закон". Наконец, явился жрец и утолил наше любовное нетерпение. В крестьянской хижине он совершил все положенные брачные обряды; он благословил нас и тысячу раз пожелал нам крепость Гистаспа и святость Огораспа{289}. Вскоре после того мы покинули Персию, где не чувствовали себя в безопасности, и переселились в Грузию. Мы прожили там год и день ото дня все больше восторгались друг другом. Но мои деньги приходили к концу, а так как я боялся бедности - не для себя, а для сестры, то я оставил ее и отправился искать помощи у родственников. Прощание наше было на редкость нежно. Однако путешествие мое вышло не только бесполезным, но и пагубным для меня: во-первых, оказалось, что все наше имущество у нас отнято; во-вторых, родственники почти не могли помочь мне, и я получил от них ровно столько, сколько мне нужно было на обратную дорогу. Но каково же было мое отчаяние: я не нашел сестры на прежнем месте! За несколько дней до моего возвращения татары совершили набег на город, где она жила, и так как она им приглянулась, они увели ее с собой и продали евреям, отправлявшимся в Турцию; они оставили мне только дочку, которую она родила за несколько месяцев до того. Я пустился вдогонку за евреями и настиг их в трех милях от города. Тщетны были мои мольбы, мои слезы; евреи требовали у меня тридцать туманов{290} и не уступали ни одного. Я обращался с просьбами решительно ко всем, молил о защите и турецких и христианских священников и, наконец, обратился к одному купцу армянину; я продал ему свою дочь и самого себя в придачу за тридцать пять туманов. Потом пошел к евреям, отдал им тридцать туманов, а остальные пять понес к сестре, которой еще не видел. "Ты свободна, сестра моя, - сказал я ей, - и я могу снова обнять тебя: вот я принес тебе пять туманов; жаль, что за меня не дали больше". - "Как! - воскликнула она, - ты продал себя?" - "Да", - ответил я. "Ах, безумец! Что же ты сотворил! Неужели я и без того недостаточно была несчастна, что ты сделал меня еще несчастнее! Я утешалась только тем, что ты свободен, а твоя неволя сведет меня в могилу. Ах, брат мой! Как жестока твоя любовь! А где же моя дочка? Я ее не вижу". - "Я и ее продал", - сказал я. Мы оба залились слезами и не в силах были произнести ни слова.
Enfin j'allai trouver mon maître, et ma soeur y arriva presque aussitôt que moi. Elle se jeta à ses genoux. "Je vous demande, dit-elle, la servitude, comme les autres vous demandent la liberté. Prenez-moi. Vous me vendrez plus cher que mon mari." Ce fut alors qu'il se fit un combat qui arracha les larmes des yeux de mon maître. "Malheureux! dit-elle, as-tu pensé que je pusse accepter ma liberté aux dépens de la tienne? Seigneur, vous voyez deux infortunés qui mourront si vous nous séparez. Je me donne à vous. Payez-moi. Peut-être que cet argent et mes services pourront quelque jour obtenir de vous ce que je n'ose vous demander. Il est de votre intérêt de ne nous point séparer: comptez que je dispose de sa vie." L'Arménien était un homme doux, qui fut touché de nos malheurs. "Servez-moi l'un et l'autre avec fidélité et avec zèle, et je vous promets que, dans un an, je vous donnerai votre liberté. Je vois que vous ne méritez, ni l'un ni l'autre, les malheurs de votre condition. Si, lorsque vous serez libres, vous êtes aussi heureux que vous le méritez, si la fortune vous rit, je suis certain que vous me satisferez de la perte que je souffrirai." Nous embrassâmes tous deux ses genoux, et le suivîmes dans son voyage. Nous nous soulagions l'un et l'autre dans les travaux de la servitude, et j'étais charmé lorsque j'avais pu faire l'ouvrage qui était tombé à ma soeur. Наконец, я отправился к своему господину, и сестра пришла к нему почти одновременно со мной. Она бросилась к его ногам. "Я молю вас о рабстве, как другие молят о свободе, - говорила она. - Возьмите меня! Вы продадите меня дороже, чем моего мужа". Тогда началась между нами борьба, исторгшая слезы из глаз моего господина. "Несчастный! - говорила она, - неужели ты думал, что я могу принять свободу ценою твоей собственной? Господин, пред вами двое страдальцев, которые умрут, если вы их разлучите. Я отдаю себя в ваше распоряжение. Заплатите мне: может быть, эти деньги и моя преданность смогут когда-нибудь заслужить то, о чем я не смею вас просить. В вашей выгоде - не разлучать нас: не забывайте, что я располагаю его жизнью". Армянин был человек добрый; наши горести тронули его. "Служите мне оба с верностью и усердием, и я обещаю, что через год верну вам свободу. Я вижу, что ни ты, ни он не заслуживаете обрушившихся на вас бедствий. Если, получив свободу, вы будете счастливы, как вы того достойны; если судьба вам улыбнется, я уверен, что вы мне вернете понесенный мною убыток". Мы припали к его коленям и последовали за ним в его странствии. Мы помогали друг другу в исполнении наших невольничьих обязанностей, и я бывал в восторге, когда мне удавалось выполнить урок, назначенный моей сестре.
La fin de l'année arriva; notre maître tint sa parole et nous délivra. Nous retournâmes à Tefflis. Là je trouvai un ancien ami de mon père, qui exerçait avec succès la médecine dans cette ville; il me prêta quelque argent avec lequel je fis quelque négoce. Quelques affaires m'appelèrent ensuite à Smyrne, où je m'établis. J'y vis depuis six ans, et j'y jouis de la plus aimable et de la plus douce société du monde: l'union règne dans ma famille, et je ne changerais pas ma condition pour celle de tous les rois du monde. J'ai été assez heureux pour retrouver le marchand arménien à qui je dois tout, et je lui ai rendu des services signalés. Год подходил к концу; наш господин сдержал слово и отпустил нас. Мы возвратились в Тифлис. Там я повстречал старого друга моего отца, который успешно занимался в этом городе врачеванием; он одолжил мне немного денег, и я открыл небольшую торговлю. Дела привели меня затем в Смирну, где я и поселился. Я живу здесь уже шесть лет и наслаждаюсь самым любезным и приятным обществом в мире; в семье моей царит согласие, и я не променяю своего положения на положение всех царей, какие только есть на свете. Мне посчастливилось разыскать армянского купца, которому я всем обязан, и я оказал ему значительные услуги".
De Smyrne, le 27 de la lune de Gemmadi 2, 1714. Из Смирны, месяца Джеммади 2, 21-го дня, 1714 года

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Lettre LXVIII. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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J'allai l'autre jour dîner chez un homme de robe, qui m'en avait prié plusieurs fois. Après avoir parlé de bien des choses, je lui dis: "Monsieur, il me paraît que votre métier est bien pénible. - Pas tant que vous vous l'imaginez, répondit-il: de la manière dont nous le faisons, ce n'est qu'un amusement. - Mais quoi? n'avez-vous pas toujours la tête remplie des affaires d'autrui? N'êtes-vous pas toujours occupé de choses qui ne sont point intéressantes? - Vous avez raison; ces choses ne sont point intéressantes: car nous nous y intéressons si peu que rien, et cela même fait que le métier n'est pas si fatigant que vous dites." Quand je vis qu'il prenait la chose d'une manière si dégagée, je continuai, et lui dis: На днях я обедал у одного судьи, который приглашал меня уже несколько раз. Поговоривши о разных разностях, я сказал ему: "Сударь! Мне кажется, что ваше ремесло - очень трудное". - "Не такое уж трудное, как вам кажется, - ответил он, - мы занимаемся им так, что оно в сущности является просто развлечением". - "Позвольте! Разве голова у вас не набита всегда чужими делами? Разве вы не заняты постоянно совсем неинтересными вещами?" - "Вы правы: это вещи совсем не интересные, потому что мы ими вовсе и не интересуемся; оттого-то наше ремесло не столь утомительно, как вы думаете". Услыхав такой развязный ответ, я продолжал:
"Monsieur, je n'ai point vu votre cabinet. - Je le crois: car je n'en ai point. Quand je pris cette charge, j'eus besoin d'argent pour la payer; je vendis ma bibliothèque, et le libraire qui la prit, d'un nombre prodigieux de volumes, ne me laissa que mon livre de raison. Ce n'est pas que je les regrette: nous autres juges ne nous enflons point d'une vaine science. Qu'avons-nous à faire de tous ces volumes de lois? Presque tous les cas sont hypothétiques et sortent de la règle générale. - Mais ne serait-ce pas, Monsieur, lui dis-je, parce que vous les en faites sortir? Car enfin, pourquoi chez tous les peuples du monde y aurait-il des lois si elles n'avaient pas leur application? et comment peut-on les appliquer si on ne les sait pas? - Si vous connaissiez le Palais, reprit le magistrat, vous ne parleriez pas comme vous faites: nous avons des livres vivants, qui sont les avocats; ils travaillent pour nous et se chargent de nous instruire. - Et ne se chargent-ils pas aussi quelquefois de vous tromper? lui repartis-je. Vous ne feriez donc pas mal de vous garantir de leurs embûches: ils ont des armes avec lesquelles ils attaquent votre équité; il serait bon que vous en eussiez aussi pour la défendre, et que vous n'allassiez pas vous mettre dans la mêlée, habillés à la légère, parmi des gens cuirassés jusques aux dents." "Сударь! Я не видел вашего кабинета". - "Еще бы! У меня его и нет. Когда я купил эту должность, мне нужны были деньги, чтобы заплатить за нее, и я продал свою библиотеку, а книгопродавец, купивший ее, из всех моих многочисленных книг оставил мне одну только приходо-расходную. Впрочем, я о книгах и не тужу: мы, судьи, не чванимся излишней ученостью. На что нам все эти тома законов? Почти все казусы гипотетичны и выходят из рамок общих правил". - "Не оттого ли они и выходят из этих рамок, сударь, - заметил я, - что вы сами их оттуда выводите? А то зачем бы у всех народов мира существовали бы законы, если бы им не было приложения? И как можно применять законы, не зная их?" - "Если бы вы знали судебную палату, - возразил судья, - вы бы так не говорили: у нас есть живые книги - адвокаты: они работают за нас и берут на себя труд нас учить". - "А не берут они на себя иной раз труд надувать вас? - возразил я. - Вам не мешало бы остерегаться их плутней. У них имеется оружие, с которым они нападают на вашу справедливость; было бы неплохо, чтобы и у вас было оружие для ее защиты и чтобы вы не ввязывались в драку, одетые налегке, в то время как враги ваши закованы в броню с ног до головы".
De Paris, le 13 de la lune de Chahban 1714. Из Парижа месяца Шахбана 18-го дня, 1714 года

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Lettre LXIX. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Tu ne te serais jamais imaginé que je fusse devenu plus métaphysicien que je ne l'étais: cela est pourtant, et tu en seras convaincu quand tu auras essuyé ce débordement de ma philosophie. Ты бы никогда не подумал, что я стану еще большим метафизиком, чем был прежде; а между тем это так, и ты в этом убедишься, когда выслушаешь нижеследующие мои философские излияния.
Les philosophes les plus sensés qui ont réfléchi sur la nature de Dieu ont dit qu'il était un être souverainement parfait; mais ils ont extrêmement abusé de cette idée: ils ont fait une énumération de toutes les perfections différentes que l'homme est capable d'avoir et d'imaginer, et en ont chargé l'idée de la divinité, sans songer que souvent ces attributs s'entrempêchent, et qu'ils ne peuvent subsister dans un même sujet sans se détruire. Самые рассудительные из философов, размышлявших о природе бога, говорили, что он - существо всесовершенное; но они чрезвычайно злоупотребляли этим понятием: они перечисляли все совершенства, которые человек может иметь и представлять себе, и наделяли ими понятие о божестве, не задумываясь над тем, что часто эти свойства друг друга исключают и не могут быть присущи одному и тому же субъекту, взаимно не уничтожая друг друга.
Les poètes d'Occident disent qu'un peintre, ayant voulu faire le portrait de la déesse de la beauté, assembla les plus belles Grecques et prit de chacune ce qu'elle avait de plus agréable, dont il fit un tout pour ressembler à la plus belle de toutes les déesses. Si un homme en avait conclu qu'elle était blonde et brune, qu'elle avait les yeux noirs et bleus, qu'elle était douce et fière, il aurait passé pour ridicule. Западные поэты рассказывают, будто некий живописец{292}, вознамерившись создать изображение богини красоты, собрал самых красивых гречанок и от каждой взял все, что в ней было самого пленительного, а из всего этого создал целое, которое должно было походить на прекраснейшую из богинь. Если бы кто-нибудь заключил отсюда, что она была одновременно и блондинка и брюнетка, что глаза у нее были и черные и голубые, что она была и смиренна и горда, его бы подняли на смех.
Souvent Dieu manque d'une perfection qui pourrait lui donner une grande imperfection; mais il n'est jamais limité que par lui-même: il est lui-même sa nécessité. Ainsi, quoique Dieu soit tout-puissant, il ne peut pas violer ses promesses, ni tromper les hommes. Souvent même l'impuissance n'est pas dans lui, mais dans les choses relatives; et c'est la raison pourquoi il ne peut pas changer l'essence des choses. Богу часто не хватает какого-нибудь совершенства, которое придало бы ему великое несовершенство; но он всегда ограничен только самим собою; он сам себе необходимость. Так, например, хотя бог и всемогущ, он не может ни нарушать своих обещаний, ни обманывать людей. Часто это бессилие заключается даже не в нем самом, но в относящихся к данному случаю вещах; вот почему он не может изменить сущности вещей.
Ainsi il n'y a pas sujet de s'étonner que quelques-uns de nos docteurs aient osé nier la prescience infinie de Dieu, sur ce fondement qu'elle est incompatible avec sa justice. Именно поэтому некоторые наши ученые осмеливаются отрицать безграничность божественного предвидения, основываясь на том, что оно несовместимо с его справедливостью.
Quelque hardie que soit cette idée, la métaphysique s'y prête merveilleusement. Selon ses principes, il n'est pas possible que Dieu prévoie les choses qui dépendent de la détermination des causes libres, parce que ce qui n'est point arrivé n'est point, et, par conséquent, ne peut être connu: car le rien, qui n'a point de propriétés, ne peut être aperçu. Dieu ne peut pas lire dans une volonté qui n'est point, et voir dans l'âme une chose qui n'existe point en elle: car, jusques à ce qu'elle se soit déterminée, cette action qui la détermine n'est point en elle. По их мнению, совершенно невозможно, чтобы бог предвидел то, что зависит от действия свободных причин, так как того, что не произошло, нет, а следовательно, его и знать нельзя, ибо ничто не имеет свойств и не может быть воспринимаемо. Бог не может читать в несуществующей воле и видеть в душе то, чего в ней нет, ибо действие, определяющее волю, не содержится в ней, пока не состоялось само это определение.
L'âme est l'ouvrière de sa détermination; mais il y a des occasions où elle est tellement indéterminée qu'elle ne sait pas même de quel côté se déterminer. Souvent même elle ne le fait que pour faire usage de sa liberté; de manière que Dieu ne peut voir cette détermination par avance, ni dans l'action de l'âme, ni dans l'action que les objets font sur elle. Душа - исполнительница того, что ее определяет, но бывают случаи, когда она до такой степени ничем не определяется, что сама не знает, в какую сторону определиться. Часто она решается на это только затем, чтобы воспользоваться своей свободой; поэтому бог не может заранее предвидеть, чем определятся ее проявления, ни в движениях души, ни в действии, оказываемом на нее предметами.
Comment Dieu pourrait-il prévoir les choses qui dépendent de la détermination des causes libres? Il ne pourrait les voir que de deux manières: par conjecture, ce qui est contradictoire avec la prescience infinie; ou bien il les verrait comme des effets nécessaires qui suivraient infailliblement d'une cause qui les produirait de même, ce qui est encore plus contradictoire: car l'âme serait libre par la supposition, et, dans le fait, elle ne le serait pas plus qu'une boule de billard n'est libre de se remuer, lorsqu'elle est poussée par une autre. Как может бог предвидеть вещи, зависящие от определения их свободными причинами? Это возможно только двумя способами: или путем догадки, что противоречит безграничному предвидению, или при помощи предположения, что это вещи необходимые и непреложно вытекающие из самой производящей их причины; а это заключает в себе еще большее противоречие, ибо при этом душа предполагается свободной, на самом же деле она не свободнее бильярдного шара, когда его толкает другой шар.
Ne crois pas pourtant que je veuille borner la science de Dieu. Comme il fait agir les créatures à sa fantaisie, il connaît tout ce qu'il veut connaître. Mais, quoiqu'il puisse voir tout, il ne se sert pas toujours de cette faculté: il laisse ordinairement à la créature la faculté d'agir ou de ne pas agir, pour lui laisser celle de mériter ou de démériter; c'est pour lors qu'il renonce au droit qu'il a d'agir sur elle et de la déterminer. Mais, quand il veut savoir quelque chose, il le sait toujours, parce qu'il n'a qu'à vouloir qu'elle arrive comme il la voit, et déterminer les créatures conformément à sa volonté. C'est ainsi qu'il tire ce qui doit arriver du nombre des choses purement possibles, en fixant par ses décrets les déterminations futures des esprits, et les privant de la puissance qu'il leur a donnée d'agir ou de ne pas agir. Не думай, однако, что эти ученые намереваются ограничить божье всеведение. Заставляя свои творения поступать, как ему вздумается, бог знает все, что хочет знать. Но, хотя он может все видеть, он не всегда пользуется этой своей способностью: обычно он предоставляет творению свободу поступать так или иначе, чтобы оставить ему возможность заслужить награду или наказание, и в таких-то случаях он отказывается от права воздействовать на человека и определять его поступки. Но когда он хочет что-нибудь знать, то всегда знает, ибо ему стоит только захотеть, и уже все случается, как ему нужно, и поступки его творений определяются его волей. Таким образом, он извлекает то, что должно произойти, из числа вещей только возможных, твердо намечая своим изволением будущие решения умов и лишая их предоставленной им ранее возможности поступать или не поступать по своему собственному усмотрению.
Si l'on peut se servir d'une comparaison dans une chose qui est au-dessus des comparaisons: un monarque ignore ce que son ambassadeur fera dans une affaire importante; s'il le veut savoir, il n'a qu'à lui ordonner de se comporter d'une telle manière, et il pourra assurer que la chose arrivera comme il la projette. Если позволительно прибегнуть к сравнению в вопросе, стоящем выше всяких сравнений, то бывает, что и монарх не знает, как поступит его посол в каком-нибудь важном деле, но, если он хочет это знать, ему стоит только повелеть послу поступить так, а не иначе, и он может быть уверен, что дело произойдет именно так, как он предначертал.
L'Alcoran et les livres des Juifs s'élèvent sans cesse contre le dogme de la prescience absolue: Dieu y paraît partout ignorer la détermination future des esprits, et il semble que ce soit la première vérité que Moise ait enseignée aux hommes. Алкоран и еврейская библия беспрестанно восстают против догмата абсолютного всеведения: в их изображении бог как будто совсем не знает будущего направления умов, и это, по-видимому, первая истина, преподанная людям Моисеем.
Dieu met Adam dans le Paradis terrestre, à condition qu'il ne mangera point d'un certain fruit: précepte absurde dans un être qui connaîtrait les déterminations futures des âmes; car enfin un tel être peut-il mettre des conditions à ses grâces sans les rendre dérisoires? C'est comme si un homme qui aurait su la prise de Bagdat disait à un autre: "Je vous donne cent tomans si Bagdat n'est pas pris." Ne ferait-il pas là une bien mauvaise plaisanterie? Бог поселил Адама в земном раю под условием, что он не будет вкушать от известного плода. Но разве могло бы существо, которому известны все будущие решения душ, ставить условия для своих милостей? Ведь это все равно, как если бы кто-нибудь, зная, что Багдад взят, сказал бы другому: "Я дам тебе сто туманов, если Багдад не взят". Ведь это было бы просто дурною шуткой!
Mon cher Rhédi, pourquoi tant de philosophie? Dieu est si haut que nous n'apercevons pas même ses nuages. Nous ne le connaissons bien que dans ses préceptes. Il est immense, spirituel, infini. Que sa grandeur nous ramène à notre faiblesse. S'humilier toujours, c'est l'adorer toujours. Любезный мой Реди! Зачем столько умствований! Бог так высоко, что мы не видим даже окружающих его облаков. Мы хорошо знаем его только по его заветам. Он безграничен, духовен, бесконечен. Пусть же его величие напоминает нам о нашей слабости. Постоянно смиряться перед ним - значит постоянно поклоняться ему.
De Paris, le dernier de la lune de Chahban 1714. Из Парижа, в последний день месяца Шахбана 1714 года

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Lettre LXX. Zélis à Usbek, à Paris/Зели к Узбеку в Париж

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Soliman, que tu aimes, est désespéré d'un affront qu'il vient de recevoir. Un jeune étourdi, nommé Suphis, recherchait depuis trois mois sa fille en mariage; il paraissait content de la figure de la fille, sur le rapport et la peinture que lui en avaient faits les femmes qui l'avaient vue dans son enfance; on était convenu de la dot, et tout s'était passé sans aucun incident. Hier, après les premières cérémonies, la fille sortit à cheval, accompagnée de son eunuque, et couverte, selon la coutume, depuis la tête jusques aux pieds. Mais, dès qu'elle fut arrivée devant la maison de son mari prétendu, il lui fit fermer la porte, et il jura qu'il ne la recevrait jamais si on n'augmentait la dot. Les parents accoururent, de côté et d'autre, pour accommoder l'affaire, et, après bien de la résistance, Soliman convint de faire un petit présent à son gendre. Les cérémonies du mariage s'accomplirent, et l'on conduisit la fille dans le lit avec assez de violence; mais, une heure après, cet étourdi se leva furieux, lui coupa le visage en plusieurs endroits, soutenant qu'elle n'était pas vierge, et la renvoya à son père. On ne peut pas être plus frappé qu'il l'est de cette injure. Il y a des personnes qui soutiennent que cette fille est innocente. Les pères sont bien malheureux d'être exposés à de tels affronts. Si ma fille recevait un pareil traitement, je crois que j'en mourrais de douleur. Твой любимый Сулейман в отчаянии от только что нанесенного ему оскорбления. Некий вертопрах, по имени Суфиз, целые три месяца сватался к его дочери; казалось, юноше нравится наружность девушки, о которой он судил по рассказам и описаниям женщин, знавших ее в детстве; условились насчет приданого, и все шло гладко. Вчера, после совершения первых обрядов, девушка отправилась к нему верхом в сопровождении евнуха и закутанная, по обычаю, с ног до головы. Но едва она подъехала к дому своего нареченного, как последний велел запереть двери и заявил, что ни за что не примет ее, если приданое не будет увеличено. С обеих сторон сбежались родственники, чтобы уладить дело, и после долгих споров Сулейман согласился сделать еще один маленький подарок своему зятю. Брачные обряды были завершены, и девушку почти насильно отвели в постель. Но час спустя вертопрах вскочил в бешенстве, изрезал ей лицо, крича, что она не девственна, и отослал ее обратно к отцу. Это оскорбление совершенно сразило старика. Некоторые уверяют, что девушка невинна. Такие оскорбления - великое несчастье для отцов! Если бы так поступили с моей дочерью, я бы, кажется, умерла от горя.
Adieu. Прощай.
Du sérail de Fatmé, le 9 de la lune de Gemmadi 1, 1714. Из сераля Фатимы, месяца Джеммади 1{294}, 9-го дня, 1714 года

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Lettre LXXI. Usbek à Zélis/Узбек к Зели

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Je plains Soliman, d'autant plus que le mal est sans remède, et que son gendre n'a fait que se servir de la liberté de la loi. Je trouve cette loi bien dure d'exposer ainsi l'honneur d'une famille aux caprices d'un fou. Мне жаль Сулеймана, тем более что беда непоправима и что его зять только воспользовался правом, которое предоставляет ему закон. Я нахожу этот закон, ставящий честь семьи в зависимость от блажи какого-нибудь сумасброда, крайне жестоким.
On a beau dire que l'on a des indices certains pour connaître la vérité, c'est une vieille erreur dont on est aujourd'hui revenu parmi nous; et nos médecins donnent des raisons invincibles de l'incertitude de ces preuves. Il n'y a pas jusqu'aux chrétiens qui ne les regardent comme chimériques, quoiqu'elles soient clairement établies par leurs livres sacrés et que leur ancien législateur en ait fait dépendre l'innocence ou la condamnation de toutes les filles. Что бы ни говорили о том, будто существуют определенные признаки, по которым можно узнать правду, наши врачи неопровержимо изобличают недостоверность этих доказательств. Даже христиане считают эти приметы вздорными, хотя они ясно установлены в книгах их древнего законодателя{294}.
J'apprends avec plaisir le soin que tu te donnes de l'éducation de la tienne. Dieu veuille que son mari la trouve aussi belle et aussi pure que Fatima. Qu'elle ait dix eunuques pour la garder; qu'elle soit l'honneur et l'ornement du sérail où elle est destinée; qu'elle n'ait sur sa tête que des lambris dorés et ne marche que sur des tapis superbes; et, pour comble de souhaits, puissent mes yeux la voir dans toute sa gloire! Я с удовольствием узнаю о том, с какою заботливостью ты воспитываешь свою дочь. Дай бог, чтобы муж нашел ее столь же прекрасной и чистой, как Фатима; чтобы у нее было десять евнухов для охраны, чтобы она стала честью и украшением сераля, для которого она предназначена; чтобы над головой ее были только раззолоченные потолки; чтобы она ступала только по роскошным коврам! И в довершение всех моих пожеланий да будет мне суждено видеть ее во всем ее величии!
De Paris, le 5 de la lune de Chalval 1714. Из Парижа, месяца Шальвала 5-го дня, 1714 года

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Lettre LXXII. Rica à Ibben, à***/Рика к Узбеку в ***

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Je me trouvai l'autre jour dans une compagnie où je vis un homme bien content de lui. Dans un quart d'heure, il décida trois questions de morale, quatre problèmes historiques et cinq points de physique. Je n'ai jamais vu un décisionnaire si universel: son esprit ne fut jamais suspendu par le moindre doute. On laissa les sciences; on parla des nouvelles du temps; il décida sur les nouvelles du temps. Je voulus l'attraper, et je dis en moi-même: "Il faut que je me mette dans mon fort; je vais me réfugier dans mon pays." Je lui parlai de la Perse. Mais, à peine lui eus-je dit quatre mots, qu'il me donna deux démentis, fondés sur l'autorité de MM. Tavernier et Chardin. "Ah! bon Dieu! dis-je en moi-même, quel homme est-ce là? Il connaîtra tout à l'heure les rues d'Ispahan mieux que moi!" Mon parti fut bientôt pris: je me tus, je le laissai parler, et il décide encore. На днях мне довелось быть в обществе, где я встретил на редкость самодовольного человека. В четверть часа он разрешил три вопроса морали, четыре исторических проблемы и пять физических задач. Я никогда не видывал столь разностороннего мастера по части любых вопросов: его ум ни на мгновение не затруднялся какими бы то ни было сомнениями. Перестали говорить о науках и заговорили о текущих новостях: он и тут высказывал безапелляционные суждения. Я хотел его поймать и подумал: "Нужно коснуться того, в чем я всего сильнее, - прибегну к своему отечеству". Я заговорил с ним о Персии, но не успел произнести и нескольких слов, как он дважды меня опроверг, опираясь на авторитет господ Тавернье{295} и Шардена{295}. "Ах ты пропасть! - подумал я, - что же это за человек! Ведь сейчас окажется, что он и улицы испаганские знает лучше моего". Я сразу принял решение: замолчал, предоставив ему разглагольствовать, и он продолжает решать все сплеча и посейчас.
De Paris, le 8 de la lune de Zilcadé 1715. Из Парижа, месяца Зилькаде 8-го дня, 1715 года

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Lettre LXXIII. Rica à***/Рика к ***

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J'ai oui parler d'une espèce de tribunal qu'on appelle l'académie française. Il n'y en a point de moins respecté dans le monde: car on dit qu'aussitôt qu'il a décidé, le peuple casse ses arrêts et lui impose des lois qu'il est obligé de suivre. Я слышал о своего рода судилище, именуемом Французской академией. Нет на свете другого учреждения, которое бы так мало уважали: говорят, что едва оно примет какое-нибудь решение, как народ отменяет его, а сам предписывает Академии законы, которые ей приходится соблюдать.
Il y a quelque temps que, pour fixer son autorité, il donna un code de ses jugements. Cet enfant de tant de pères était presque vieux quand il naquit, et, quoiqu'il fût légitime, un bâtard, qui avait déjà paru, l'avait presque étouffé dans sa naissance. Несколько времени тому назад Академия, ради утверждения своего авторитета, выпустила свод своих постановлений{295}. Это детище столь многих отцов было уже в день своего рождения почти стариком, и, хотя оно являлось законным ребенком, незаконное дитя{295}, появившееся на свет немного раньше, чуть не задушило его.
Ceux qui le composent n'ont d'autres fonctions que de jaser sans cesse; l'éloge va se placer comme de lui-même dans leur babil éternel, et, sitôt qu'ils sont initiés dans ses mystères, la fureur du panégyrique vient les saisir et ne les quitte plus. У тех, кто составляет это учреждение, нет других обязанностей, кроме беспрерывной болтовни; похвала как бы сама собою примешивается к их вечной стрекотне, и как только человека посвятят в тайны Академии, так страсть к панегирикам овладевает им, и притом на всю жизнь.
Ce corps a quarante têtes, toutes remplies de figures, de métaphores et d'antithèses; tant de bouches ne parlent que par exclamation; ses oreilles veulent toujours être frappées par la cadence et l'harmonie. Pour les yeux, il n'en est pas question: il semble qu'il soit fait pour parler, et non pas pour voir. Il n'est point ferme sur ses pieds: car le temps, qui est son fléau, l'ébranle à tous les instants et détruit tout ce qu'il a fait. On a dit autrefois que ses mains étaient avides. Je ne t'en dirai rien, et je laisse décider cela à ceux qui le savent mieux que moi. У этого тела сорок голов{296}, битком набитых иносказаниями, метафорами и антитезами; эти многочисленные уста глаголят почти что одними восклицаниями, а уши хотят упиваться только размеренной речью и гармонией. Что касается глаз, то о них и речи нет: кажется, будто это тело создано только для того, чтобы говорить, а не для того, чтобы видеть Оно отнюдь не твердо на ногах, ибо время - его бич - поминутно сотрясает его до основания и уничтожает все, что оно сделало. Когда-то говорили, что у него руки загребущие. Тут уж я ничего тебе не скажу и предоставлю судить тем, кто знает это лучше меня.
Voilà des bizarreries, que l'on ne voit point dans notre Perse. Nous n'avons point l'esprit porté à ces établissements singuliers et bizarres; nous cherchons toujours la nature dans nos coutumes simples et nos manières naives. В нашей Персии таких странностей нет, ***. Нашему уму чуждо влечение к столь удивительным и чудным учреждениям: в своих обычаях и наивных нравах мы всегда стремимся к естественности.
De Paris, le 27 de la lune de Zilhagé 1715. Из Парижа, месяца Зильхаже 21-го дня, 1715 года

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Lettre LXXIV. Usbek à Rica, à***/Узбек к Рике в ***

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Il y a quelques jours qu'un homme de ma connaissance me dit: "Je vous ai promis de vous produire dans les bonnes maisons de Paris: je vous mène à présent chez un grand seigneur qui est un des hommes du royaume qui représente le mieux." Недавно один знакомый сказал мне: "Я обещал ввести вас в хорошие парижские дома; сегодня я поведу вас к вельможе из числа тех, которые лучше всего представляют наше королевство".
"Que veut dire cela, Monsieur? Est-ce qu'il est plus poli, plus affable que les autres? - Non, me dit-il. - Ah! j'entends! il fait sentir à tous les instants la supériorité qu'il a sur tous ceux qui l'approchent. Si cela est, je n'ai que faire d'y aller: je la lui passe tout entière, et je prends condamnation." "Что это значит, сударь? Что же, он вежливее, приветливее других?" - "Нет", - сказал он. "Ага! Понимаю: он ежеминутно дает окружающим чувствовать свое превосходство. Если это так, мне незачем туда идти: тут я ему целиком уступаю превосходство и примиряюсь с этим".
Il fallut pourtant marcher, et je vis un petit homme si fier, il prit une prise de tabac avec tant de hauteur, il se moucha si impitoyablement, il cracha avec tant de flegme, il caressa ses chiens d'une manière si offensante pour les hommes, que je ne pouvais me lasser de l'admirer. "Ah! bon Dieu! dis-je en moi-même, si, lorsque j'étais à la cour de Perse, je représentais ainsi, je représentais un grand sot!" Il aurait fallu, Rica, que nous eussions eu un bien mauvais naturel pour aller faire cent petites insultes à des gens qui venaient tous les jours chez nous nous témoigner leur bienveillance: ils savaient bien que nous étions au-dessus d'eux, et, s'ils l'avaient ignoré, nos bienfaits le leur auraient appris chaque jour. N'ayant rien à faire pour nous faire respecter, nous faisions tout pour nous rendre aimables: nous nous communiquions aux plus petits; au milieu des grandeurs, qui endurcissent toujours, ils nous trouvaient sensibles; ils ne voyaient que notre coeur au-dessus d'eux: nous descendions jusqu'à leurs besoins. Mais, lorsqu'il fallait soutenir la majesté du prince dans les cérémonies publiques lorsqu'il fallait faire respecter la nation aux étrangers lorsque, enfin, dans les occasions périlleuses, il fallait animer les soldats, nous remontions cent fois plus haut que nous n'étions descendus: nous ramenions la fierté sur notre visage, et l'on trouvait quelquefois que nous représentions assez bien. Пойти все же пришлось, и я увидел щупленького человечка, который был до того надменен, брал понюшку табаку с таким высокомерием, так неумолимо сморкался, так невозмутимо плевал и так оскорбительно для людей ласкал своих собачек, что я просто не мог ему надивиться. "О господи! - подумал я, - если, находясь при персидском дворе, я так представительствовал, я представлял собой изрядного дурака!" Только обладая крайне дурным характером, могли бы мы, Рика, наносить столько мелких оскорблений людям, которые каждый день являлись к нам, чтобы изъявить свое доброжелательство; они прекрасно знали, что мы стоим выше их, а если бы и не знали, им бы ежедневно напоминали об этом наши благодеяния. Нам не было нужды заставлять людей уважать нас, зато мы делали все, чтобы нас уважали; мы входили в общение с самыми незначительными людьми; несмотря на окружавшие нас почести, от которых люди всегда черствеют, мы проявляли к ним сочувствие; только сердцем мы стояли выше их: мы снисходили к их нуждам. Но когда надо было поддерживать величие государя во время торжественных церемоний, когда приходилось внушать иностранцам уважение к нашей нации, когда, наконец, в опасных обстоятельствах приходилось воодушевлять солдат, мы умели подниматься на высоту, в сотни раз большую той, с какой мы спускались; мы умели тогда принимать гордое выражение лица, и иной раз окружающие находили, что мы достаточно представительны.
De Paris, le 10 de la lune de Saphar 1715. Из Парижа, месяца Сафара 10-го дня, 1715 года

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Lettre LXXV. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Il faut que je te l'avoue: je n'ai point remarqué chez les chrétiens cette persuasion vive de leur religion qui se trouve parmi les musulmans. Il y a bien loin chez eux de la profession à la croyance, de la croyance à la conviction, de la conviction à la pratique. La religion est moins un sujet de sanctification qu'un sujet de disputes qui appartient à tout le monde: les gens de cour, les gens de guerre, les femmes mêmes s'élèvent contre les ecclésiastiques, et leur demandent de leur prouver ce qu'ils sont résolus de ne pas croire. Ce n'est pas qu'ils se soient déterminés par raison, et qu'ils aient pris la peine d'examiner la vérité ou la fausseté de cette religion qu'ils rejettent: ce sont des rebelles qui ont senti le joug et l'ont secoué avant de l'avoir connu. Aussi ne sont-ils pas plus fermes dans leur incrédulité que dans leur foi; ils vivent dans un flux et reflux qui les porte sans cesse de l'un à l'autre. Un d'eux me disait un jour: "Je crois l'immortalité de l'âme par semestre; mes opinions dépendent absolument de la constitution de mon corps: selon que j'ai plus ou moins d'esprits animaux, que mon estomac digère bien ou mal, que l'air que je respire est subtil ou grossier, que les viandes dont je me nourris sont légères ou solides, je suis spinoziste, socinien, catholique, impie ou dévot. Quand le médecin est auprès de mon lit, le confesseur me trouve à son avantage. Je sais bien empêcher la religion de m'affliger quand je me porte bien; mais je lui permets de me consoler quand je suis malade: lorsque je n'ai plus rien à espérer d'un côté, la religion se présente et me gagne par ses promesses; je veux bien m'y livrer, et mourir du côté de l'espérance." Должен тебе признаться, что я не замечал у христиан тех живых религиозных убеждений, какие находишь у магометан. У христиан большое расстояние от исповедования веры до подлинных верований, от этих последних - до убежденности и от убежденности - до исполнения религиозных обрядов. У них религия служит не столько предметом священного почитания, сколько предметом споров, доступных всем и каждому: придворные, военные, даже женщины восстают против духовенства и требуют от него, чтобы оно доказало им то, во что они заранее решили не верить. Не то, чтобы разум привел их к этому и чтобы они взяли на себя труд исследовать истинность или ложность отвергаемой ими религии: это просто-напросто бунтовщики, которые почувствовали ярмо и решили стряхнуть его с себя еще прежде, чем с ним познакомились. Поэтому они столь же нетверды в своем неверии, как и в вере; они живут приливами и отливами, беспрестанно увлекающими их от одного состояния к другому. Кто-то сказал мне однажды: "Я верю в бессмертие души по полугодиям; мои убеждения зависят исключительно от самочувствия: в зависимости от того, много ли во мне жизненных соков, хорошо или плохо переваривает желудок, дышу ли я легким или тяжелым воздухом, питаюсь ли удобоваримым или тяжелым мясом, я бываю спинозистом, социнианином{297}, католиком, безбожником или верующим. Когда у моей постели сидит врач, духовник всегда найдет меня в наилучшем для него душевном состоянии. Когда я здоров, то прекрасно сопротивляюсь гнету религии, зато я позволяю ей утешать меня, как только захвораю. Если мне уже больше не на что надеяться от другой стороны, является религия и завладевает мною с помощью своих обещаний; я охотно им поддаюсь, чтобы умереть в стане тех, кто сулит мне надежду".
Il y a longtemps que les princes chrétiens affranchirent tous les esclaves de leurs Etats, parce que, disaient-ils, le christianisme rend tous les hommes égaux. Il est vrai que cet acte de religion leur était très utile: ils abaissaient par là les seigneurs, de la puissance desquels ils retiraient le bas peuple. Ils ont ensuite fait des enquêtes dans des pays où ils ont vu qu'il leur était avantageux d'avoir des esclaves: ils ont permis d'en acheter et d'en vendre, oubliant ce principe de religion qui les touchait tant. Que veux-tu que je te dise? Vérité dans un temps, erreur dans un autre. Que ne faisons-nous comme les chrétiens? Nous sommes bien simples de refuser des établissements et des conquêtes faciles dans des climats, heureux, parce que l'eau n'y est pas assez pure pour nous laver selon les principes du saint Alcoran. Христианские государи уже давно освободили рабов в своих владениях, потому что, говорят они, христианство считает всех людей равными. Правда, этот благочестивый поступок был для монархов очень выгоден: благодаря ему они подорвали могущество дворян, ибо освободили простой народ из-под их власти. Вслед за тем они завоевали некоторые страны, где, по их расчету, выгодно иметь рабов; они разрешили покупать и продавать людей, забыв о предписаниях религии, которые их так растрогали. Что же мне сказать тебе? То, что в одно время бывает правдой, в другое оказывается заблуждением. Почему бы и нам не поступать, как христиане? Мы простачки, раз отказываемся от поселений и легких завоеваний в прекрасных странах (Магометане не задаются целью захватить Венецию потому, что они не нашли бы там воды для омовений) только потому, что там вода недостаточно чиста для омовений, предписанных святым Алкораном!
Je rends grâces au Dieu tout-puissant, qui a envoyé Hali, son grand prophète, de ce que je professe une religion qui se fait préférer à tous les intérêts humains, et qui est pure comme le ciel, dont elle est descendue. Благодарю всемогущего бога, который послал нам великого пророка своего, Али, за то, что я исповедую религию, стоящую выше всех человеческих интересов и чистую, как небо, с которого она снизошла.
De Paris, le 13 de la lune de Saphar 1715. Из Парижа, месяца Сафара 13-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXVI. Usbek à son ami Ibben, à Smyrne/Узбек к своему другу Иббену в Смирну

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Les lois sont furieuses en Europe contre ceux qui se tuent eux-mêmes: on les fait mourir, pour ainsi dire, une seconde fois; ils sont traînés indignement par les rues; on les note d'infamie; on confisque leurs biens. В Европе законы против самоубийц беспощадны. Их, так сказать, предают смерти вторично: тела их с позором волокут по улицам, самоубийц объявляют негодяями, отчуждают их имущество.
Il me paraît, Ibben, que ces lois sont bien injustes. Quand je suis accablé de douleur, de misère, de mépris, pourquoi veut-on m'empêcher de mettre fin à mes peines, et me priver cruellement d'un remède qui est en mes mains? Мне кажется, Иббен, что эти законы крайне несправедливы. Если я удручен горем, нищетою, презрением, почему мешают мне положить конец всем мукам и жестоко лишают меня лекарства, которым я располагаю?
Pourquoi veut-on que je travaille pour une société, dont je consens de n'être plus? que je tienne, malgré moi, une convention qui s'est faite sans moi? La société est fondée sur un avantage mutuel. Mais lorsqu'elle me devient onéreuse, qui m'empêche d'y renoncer? La vie m'a été donnée comme une faveur; je puis donc la rendre lorsqu'elle ne l'est plus: la cause cesse; l'effet doit donc cesser aussi. Почему хотят, чтобы я трудился для общества, к которому я не желаю больше принадлежать; чтобы я, вопреки своей воле, соблюдал соглашение, заключенное без меня? Общество основано на взаимной выгоде. Но когда оно становится для меня обременительным, что помешает мне от него отказаться? Жизнь дарована мне как милость: следовательно, я могу вернуть ее, когда она перестает быть благодеянием; если прекращается причина, должно прекратиться и действие.
Le prince veut-il que je sois son sujet, quand je ne retire point les avantages de la sujétion? Mes concitoyens peuvent-ils demander ce partage inique de leur utilité et de mon désespoir? Dieu, différent de tous les bienfaiteurs, veut-il me condamner à recevoir des grâces qui m'accablent? Неужели государь хочет, чтобы я оставался его подданным, когда я не получаю никакой выгоды от этого подданства? Разве мои сограждане могут требовать такого несправедливого раздела, когда им будет доставаться выгода, а мне - отчаяние? Неужели бог, в отличие от всех иных благодетелей, осуждает меня на то, чтобы я принимал тягостные для меня милости?
Je suis obligé de suivre les lois, quand je vis sous les lois. Mais, quand je n'y vis plus, peuvent-elles me lier encore? Я обязан повиноваться законам, покуда живу под их охраной. Но разве могут они меня связывать, когда я этой охраной больше не пользуюсь?
Mais, dira-t-on, vous troublez l'ordre de la Providence. Dieu a uni votre âme avec votre corps, et vous l'en séparez. Vous vous opposez donc à ses desseins, et vous lui résistez. Однако, скажут мне, ты нарушаешь порядок, установленный провидением. Бог соединил твою душу с телом, а ты разъединяешь их: следовательно, ты восстаешь против его предначертаний и сопротивляешься его воле.
Que veut dire cela? Troublé-je l'ordre de la Providence, lorsque je change les modifications de la matière et que je rends carrée une boule que les premières lois du mouvement, c'est-à-dire les lois de la création et de la conservation, avaient faite ronde? Non, sans doute: je ne fais qu'user du droit qui m'a été donné, et, en ce sens, je puis troubler à ma fantaisie toute la nature, sans que l'on puisse dire que je m'oppose à la Providence. Что значат эти слова? Разве я нарушаю порядок, установленный провидением, когда изменяю виды материи и придаю форму квадрата шару, который основными законами движения, то есть законами созидания и сохранения, был сотворен круглым? Разумеется, нет: я только пользуюсь данным мне правом, и в таком смысле я могу, если мне вздумается, перевернуть всю природу, и никто не может сказать, что я восстаю против провидения.
Lorsque mon âme sera séparée de mon corps, y aura-t-il moins d'ordre et moins d'arrangement dans l'univers? Croyez-vous que cette nouvelle combinaison soit moins parfaite et moins dépendante des lois générales? que le monde y ait perdu quelque chose? et que les ouvrages de Dieu soient moins grands, ou plutôt moins immenses? Разве меньше будет порядка и благоустройства в мире, после того как моя душа отделится от тела? Или вы думаете, что это новое сочетание будет менее совершенным и меньше будет связано с общими законами, что мир что-нибудь от этого потеряет и что создания божий станут из-за этого менее внушительными или, лучше сказать, менее величественными?
Pensez-vous que mon corps, devenu un épi de blé, un ver, un gazon, soit changé en un ouvrage de la nature moins digne d'elle? et que mon âme, dégagée de tout ce qu'elle avait de terrestre, soit devenue moins sublime? Думаете ли вы, что мое тело, превратившись в хлебный колос, в червя, в былинку, станет произведением природы, менее достойным ее? И что моя душа, освобожденная от всего, что было в ней земного, сделается менее возвышенной?
Toutes ces idées, mon cher Ibben, n'ont d'autre source que notre orgueil: nous ne sentons point notre petitesse, et, malgré qu'on en ait, nous voulons être comptés dans l'univers, y figurer, et y être un objet important. Nous nous imaginons que l'anéantissement d'un être aussi parfait que nous dégraderait toute la nature, et nous ne concevons pas qu'un homme de plus ou de moins dans le monde - que dis-je? - tous les hommes ensemble, cent millions de têtes comme la nôtre, ne sont qu'un atome subtil et délié, que Dieu n'aperçoit qu'à cause de l'immensité de ses connaissances. Источник всех этих заблуждений, дорогой Иббен, - только наша гордыня: мы не сознаем нашего ничтожества, и, как бы ни были мы ничтожны, мы хотим иметь какое-то значение во вселенной, играть в ней роль, и притом немалую. Мы воображаем, будто уничтожение столь ценного существа, какое мы собою представляем, умалит природу, и не понимаем, что будет ли на свете одним человеком больше или меньше - да что я говорю! - будут ли существовать даже все люди, вместе взятые, вся сотня миллионов таких планет, как наша, - все это только бесконечно малый и ничтожный атом, который бог и замечает-то лишь потому, что всеведение его беспредельно.
De Paris, le 15 de la lune de Saphar 1715. Из Парижа, месяца Сафара 15-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXVII. Ibben à Usbek, à Paris/Иббен к Узбеку в Париж

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Mon cher Usbek, il me semble que, pour un vrai musulman, les malheurs sont moins des châtiments que des menaces. Ce sont des jours bien précieux que ceux qui nous portent à expier les offenses. C'est le temps des prospérités qu'il faudrait abréger. Que servent toutes ces impatiences, qu'à faire voir que nous voudrions être heureux indépendamment de celui qui donne les félicités parce qu'il est la félicité même? Дорогой Узбек! Мне думается, что для истинного мусульманина несчастья - не столько кара, сколько грозные предупреждения. Драгоценны те дни, в которые мы искупаем свои прегрешения! Сокращать следовало бы дни благоденствия. К чему вся наша нетерпеливость, как не к тому, чтобы показать, что нам хотелось бы быть счастливыми независимо от того, кто дарует нам блаженство потому, что он сам блаженство?
Si un être est composé de deux êtres, et que la nécessité de conserver l'union marque plus la soumission aux ordres du créateur, on en a pu faire une loi religieuse. Si cette nécessité de conserver l'union est un meilleur garant des actions des hommes, on en a pu faire une loi civile. Так как всякое существо состоит из двух существ и так как сохранение этого союза наиболее отвечает покорности велениям творца, то отсюда стало возможным вывести закон религии. А поскольку это сохранение союза является наилучшим залогом человеческой деятельности, то отсюда стало возможно вывести закон гражданский.
De Smyrne, le dernier jour de la lune de Saphar 1715 Из Венеции, в последний день месяца Сафара 1715 года.

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Lettre LXXVIII. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Je t'envoie la copie d'une lettre qu'un Français qui est en Espagne a écrite ici: je crois que tu seras bien aise de la voir. Посылаю тебе копию с письма, которое прислал сюда некий француз, проживающий в Испании; думаю, что оно доставит тебе удовольствие.
Je parcours depuis six mois l'Espagne et le Portugal, et je vis parmi des peuples qui, méprisant tous les autres, font aux seuls Français l'honneur de les hair. "Полгода разъезжаю я по Испании и Португалии и живу среди народов, которые, презирая все остальные, одним только французам оказывают честь ненавидеть их.
La gravité est le caractère brillant des deux nations; elle se manifeste principalement de deux manières; par les lunettes et par la moustache. Выдающейся чертой характера обоих здешних народов является серьезность; она проявляется преимущественно в двух видах: в очках и в усах.
Les lunettes font voir démonstrativement que celui qui les porte est un homme consommé dans les sciences et enseveli dans de profondes lectures, à un tel point que sa vue en est affaiblie; et tout nez qui en est orné ou chargé peut passer, sans contredit, pour le nez d'un savant. Очки свидетельствуют о том, что их носитель - человек, преуспевший в науках и до такой степени погруженный в книги, что зрение его ослабело; поэтому всякий нос, украшенный или отягощенный очками, сходит здесь за нос ученого.
Quant à la moustache, elle est respectable par elle-même, et indépendamment des conséquences; quoiqu'on ne laisse pas quelquefois d'en tirer de grandes utilités pour le service du prince et l'honneur de la nation, comme le fit bien voir un fameux général portugais dans les Indes: car, se trouvant avoir besoin d'argent, il se coupa une de ses moustaches et envoya demander aux habitants de Goa vingt mille pistoles sur ce gage; elles lui furent prêtées d'abord, et, dans la suite, il retira sa moustache avec honneur. Что же касается усов, то они почтенны сами по себе, независимо от обстоятельств; все же люди не упускают случая извлечь из них большую пользу для службы государю и для славы отечества, как это наглядно доказал в Индии один знаменитый португальский генерал (Хуан де Кастро{300}.): нуждаясь в деньгах, он отрезал себе один ус и послал его жителям Гоа{300}, прося у них под сей залог двадцать тысяч пистолей; те одолжили ему эти деньги, а впоследствии генерал с честью выкупил свой ус.
On conçoit aisément que des peuples graves et flegmatiques comme ceux-là peuvent avoir de l'orgueil: aussi en ont-ils. Ils le fondent ordinairement sur deux choses bien considérables. Ceux qui vivent dans le continent de l'Espagne et du Portugal se sentent le coeur extrêmement élevé, lorsqu'ils sont ce qu'ils appellent de vieux chrétiens , c'est-à-dire qu'ils ne sont pas originaires de ceux à qui l'Inquisition a persuadé dans ces derniers siècles d'embrasser la religion chrétienne. Ceux qui sont dans les Indes ne sont pas moins flattés lorsqu'ils considèrent qu'ils ont le sublime mérite d'être, comme ils disent, hommes de chair blanche . Легко понять, что такие глубокомысленные и флегматичные народы должны обладать гордостью: зато и горды же они! Обыкновенно они основывают свою спесь на двух чрезвычайно важных вещах. Обитатели самой Испании и Португалии весьма гордятся тем, что они, по их выражению, старые христиане, то есть происходят не от тех, кого инквизиция в течение последних столетий убедила принять христианство. Живущие же в Индии не менее горды тем, что обладают высоким преимуществом быть, как они говорят, людьми белой кожи.
Il n'y a jamais eu, dans le sérail du Grand Seigneur, de sultane si orgueilleuse de sa beauté que le plus vieux et le plus vilain mâtin ne l'est de la blancheur olivâtre de son teint, lorsqu'il est dans une ville du Mexique, assis sur sa porte, les bras croisés. Un homme de cette conséquence, une créature si parfaite, ne travaillerait pas pour tous les trésors du monde, et ne se résoudrait jamais, par une vile et mécanique industrie, de compromettre l'honneur et la dignité de sa peau. Ни одна султанша в гареме нашего повелителя никогда так не кичилась своей красотой, как гордится оливковым цветом лица какой-нибудь старый, безобразный грубиян, вечно сидящий сложа руки на пороге своего домика в каком-нибудь мексиканском городишке. Такой важный человек, такое совершенное создание ни за какие сокровища мира не станет работать и никогда не решится умалить честь и достоинство своей колеи каким-нибудь низким, грубым ремеслом.
Car il faut savoir que, lorsqu'un homme a un certain mérite en Espagne, comme, par exemple, quand il peut ajouter aux qualités dont je viens de parler celle d'être le propriétaire d'une grande épée, ou d'avoir appris de son père l'art de faire jurer une discordante guitare, il ne travaille plus: son honneur s'intéresse au repos de ses membres. Celui qui reste assis dix heures par jour obtient précisément la moitié plus de considération qu'un autre qui n'en reste que cinq, parce que c'est sur les chaises que la noblesse s'acquiert. Надо заметить, что если испанец обладает известными заслугами, если, например, вдобавок к тем преимуществам, о которых я только что говорил, он является собственником огромной шпаги или научился у своего отца искусству бренчать на расстроенной гитаре, так он уж и вовсе не работает: его честь требует, чтобы тело оставалось в полном покое. Того, кто просиживает по десяти часов на дню, не сходя с места, уважают вдвое больше того, кто сидит только пять часов, ибо благородство, оказывается, добывают, восседая на стульях.
Mais, quoique ces invincibles ennemis du travail fassent parade d'une tranquillité philosophique, ils ne l'ont pourtant pas dans le coeur: car ils sont toujours amoureux. Ils sont les premiers hommes du monde pour mourir de langueur sous la fenêtre de leurs maîtresses, et tout Espagnol qui n'est pas enrhumé ne saurait passer pour galant. Однако, хоть эти заядлые враги труда и хвастаются философским спокойствием, в глубине души они вовсе не спокойны, потому что всегда влюблены. Они - первые на свете мастера умирать от любовного томления под окнами возлюбленных, и испанец без насморка уже не может считаться человеком галантным.
Ils sont premièrement dévots, et secondement jaloux. Ils se garderont bien d'exposer leurs femmes aux entreprises d'un soldat criblé de coups ou d'un magistrat décrépit; mais ils les enfermeront avec un novice fervent, qui baisse les yeux, ou un robuste Franciscain, qui les élève. Они, во-первых, набожны, во-вторых, ревнивы. Они весьма остерегутся предоставить своих жен предприимчивости какого-нибудь израненного вояки или дряхлого судьи, зато смело запрут их с любым робко потупляющим взоры послушником или дюжим францисканцем-воспитателем.
Ils permettent à leurs femmes de paraître avec le sein découvert; mais ils ne veulent pas qu'on leur voie le talon, et qu'on les surprenne par le bout des pieds. Они позволяют женам появляться с открытой грудью, но не желают, чтобы у них был виден хотя бы кончик ноги.
On dit partout que les rigueurs de l'amour sont cruelles. Elles le sont encore plus pour les Espagnols: les femmes les guérissent de leurs peines; mais elles ne font que leur en faire changer, et il leur reste souvent un long et fâcheux souvenir d'une passion éteinte. Говорят, что любовные муки всегда жестоки. Но у испанцев они жестоки до крайности; женщины исцеляют их от этих мук, но заменяют одни муки другими, и об угасшей страсти у испанцев часто остается долгое и досадное воспоминание.
Ils ont de petites politesses qui, en France, paraîtraient mal placées: par exemple, un capitaine ne bat jamais son soldat sans lui en demander la permission, et l'Inquisition ne fait jamais brûler un Juif sans lui faire ses excuses. У них приняты разные мелкие проявления учтивости, которые во Франции показались бы неуместными: офицер, например, никогда не поколотит солдата, не спросив у него на то разрешения, а инквизиция никогда не сожжет еврея, предварительно перед ним не извинившись.
Les Espagnols qu'on ne brûle pas paraissent si attachés à l'inquisition, qu'il y aurait de la mauvaise humeur de la leur ôter. Je voudrais seulement qu'on en établît une autre, non pas contre les hérétiques, mais contre les hérésiarques qui attribuent à de petites pratiques monacales la même efficacité qu'aux sept sacrements, qui adorent tout ce qu'ils vénèrent, et qui sont si dévots qu'ils sont à peine chrétiens. Те испанцы, которых не жгут на кострах, по-видимому, так привязаны к инквизиции, что было бы просто нехорошо отнять ее у них. Мне бы только хотелось, чтобы учредили еще и вторую инквизицию - не для еретиков, а для ересиархов, которые приписывают мелким монашеским обрядам то же значение, что и самим таинствам, для людей, которые обоготворяют все, что они почитают, и до того набожны, что их едва ли можно считать христианами.
Vous pourrez trouver de l'esprit et du bon sens chez les Espagnols; mais n'en cherchez point dans leurs livres. Voyez une de leurs bibliothèques, les romans d'un côté, et les scolastiques de l'autre. Vous diriez que les parties en ont été faites, et le tout rassemblé, par quelque ennemi secret de la raison humaine. Легко встретить у испанцев и ум и здравый смысл, но не ищите этого в их книгах. Взгляните на какую-нибудь их библиотеку: на романы, с одной стороны, и на схоластические сочинения - с другой. Вы скажете, что их писал и подбирал какой-то тайный враг человеческого разума.
Le seul de leurs livres qui soit bon est celui qui a fait voir le ridicule de tous les autres. У испанцев только и есть одна хорошая книга{301}: та, в которой показана нелепость всех остальных.
Ils ont fait des découvertes immenses dans le Nouveau Monde, et ils ne connaissent pas encore leur propre continent: il y a sur leurs rivières tel pont qui n'a pas encore été découvert, et dans leurs montagnes des nations qui leur sont inconnues. Они совершили великие открытия в Новом свете, но до сих пор не знают своей собственной страны: есть на их реках порты, которых еще никто не открыл, а в горах - племена, которые никому неизвестны (Батуэки{301}).
Ils disent que le soleil se lève et se couche dans leur pays; mais il faut dire aussi qu'en faisant sa course, il ne rencontre que des campagnes ruinées et des contrées désertes. Они говорят, что солнце всходит и заходит в их стране, но нужно также заметить, что на своем пути оно встречает одни только разрушенные деревни и пустынные местности".
Je ne serais pas fâché, Usbek, de voir une lettre écrite à Madrid par un Espagnol qui voyagerait en France: je crois qu'il vengerait bien sa nation. Quel vaste champ pour un homme flegmatique et pensif! Je m'imagine qu'il commencerait ainsi la description de Paris: Я был бы не прочь, Узбек, взглянуть на письмо, написанное в Мадрид каким-нибудь испанцем, путешествующим по Франции; думаю, что он бы с лихвой отомстил за свой народ. Какое обширное поле для флегматичного и вдумчивого человека! Полагаю, что так начал бы он описание Парижа:
Il y a ici une maison où l'on met les fous. On croirait d'abord qu'elle est la plus grande de la Ville; non: le remède est bien petit pour le mal. Sans doute que les Français, extrêmement décriés chez leurs voisins, enferment quelques fous dans une maison, pour persuader que ceux qui sont dehors ne le sont pas. "Здесь есть дом, куда сажают сумасшедших. Можно бы предположить, что он самый большой в городе. Нет, лекарство слишком слабо в сравнении с болезнью. Несомненно, французы, пользующиеся очень дурной славой у соседей, для того запирают нескольких сумасшедших в особый дом, чтобы создать впечатление, будто те, кто находится вне этого дома, не сумасшедшие".
Je laisse là mon Espagnol. На этом я расстаюсь со своим испанцем.
Adieu, mon cher Usbek. Прощай, милый Узбек.
De Paris, le 17 de la lune de Saphar 1715. Из Парижа, месяца Сафара 17-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXIX. Le grand eunuque noir à Usbek, à Paris/Главный евнух к Узбеку в Париж

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Hier des Arméniens menèrent au sérail une jeune esclave de Circassie, qu'ils voulaient vendre. Je la fis entrer dans les appartements secrets, je la déshabillai, je l'examinai avec les regards d'un juge, et plus je l'examinai, plus je lui trouvai de grâces. Une pudeur virginale semblait vouloir les dérober à ma vue: je vis tout ce qu'il lui en coûtait pour obéir: elle rougissait de se voir nue, même devant moi, qui, exempt des passions qui peuvent alarmer la pudeur, suis inanimé sous l'empire de ce sexe, et qui, ministre de la modestie, dans les actions les plus libres, ne porte que de chastes regards et ne puis inspirer que l'innocence. Вчера какие-то армяне привели в сераль молоденькую рабыню-черкешенку, которую они хотели продать. Я отвел ее в отдельное помещение, раздел и осмотрел взглядом знатока; и чем больше я ее рассматривал, тем больше прелестей открывал в ней. Она с девственной стыдливостью старалась скрыть их от меня; я видел, чего ей стоило повиноваться мне: она краснела от своей наготы даже предо мною, кому чужды страсти, могущие вызвать стыдливость, кто не подвластен воздействию ее пола, кто служит скромности и даже в положениях самых вольных всегда взирает целомудренным взглядом и может внушать лишь невинные мысли.
Dès que je l'eus jugée digne de toi, je baissai les yeux; je lui jetai un manteau d'écarlate; je lui mis au doigt un anneau d'or; je me prosternai à ses pieds; je l'adorai comme la reine de ton coeur; je payai les Arméniens; je la dérobai à tous les yeux. Heureux Usbek! tu possèdes plus de beautés que n'en enferment tous les palais d'Orient. Quel plaisir pour toi de trouver, à ton retour, tout ce que la Perse a de plus ravissant, et de voir dans ton sérail renaître les grâces, à mesure que le temps et la possession travaillent à les détruire! Как только я решил, что она тебя достойна, я опустил глаза, набросил на нее пурпурный плащ, надел ей на палец золотое кольцо, простерся у ее ног и преклонился перед ней, как перед царицей твоего сердца. Я расплатился с армянами и укрыл ее от всех. Счастливец Узбек! Ты обладаешь столькими красавицами, сколько не найдется и во всех дворцах Востока. Как приятно тебе будет по возвращении найти у себя все, что только есть самого пленительного в Персии, и видеть, как все новые и новые прелести возникают в твоем серале, невзирая на то, что время и обладание трудятся над их разрушением!
Du sérail de Fatmé, le premier de la lune de Rebiab 1 1715. Из сераля Фатимы, месяца Ребиаба 1, 1-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXX. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Depuis que je suis en Europe, mon cher Rhédi, j'ai vu bien des gouvernements: ce n'est pas comme en Asie, où les règles de la politique se trouvent partout les mêmes. С тех пор как я в Европе, дорогой Реди, я перевидел много разных видов правления. Здесь не то, что в Азии, где государственный уклад повсюду один и тот же.
J'ai souvent recherché quel était le gouvernement le plus conforme à la raison. Il m'a semblé que le plus parfait est celui qui va à son but à moins de frais; de sorte que celui qui conduit les hommes de la manière qui convient le plus à leur penchant et à leur inclination, est le plus parfait. Я часто размышлял над тем, какое правление наиболее разумно. Мне кажется, что наиболее совершенно то, которое достигает своих целей с наименьшими издержками; так что государственное устройство, при котором людьми управляют в наибольшем соответствии с их нравами и склонностями, и есть самое совершенное.
Si, dans un gouvernement doux, le peuple est aussi soumis que dans un gouvernement sévère, le premier est préférable, puisqu'il est plus conforme à la raison, et que la sévérité est un motif étranger. Если при мягком управлении народ настолько же послушен, как при строгом, то следует предпочесть первое; значит, оно более разумно, а строгость тут ни при чем.
Compte, mon cher Rhédi, que dans un Etat, les peines plus ou moins cruelles ne font pas que l'on obéisse plus aux lois. Dans les pays où les châtiments sont modérés, on les craint comme dans ceux où ils sont tyranniques et affreux. Имей в виду, любезный мой Реди, что более или менее суровые наказания, налагаемые государством, не содействуют большему повиновению законам. Последних так же боятся в тех странах, где наказания умеренны, как и в тех, где они тираничны и жестоки.
Soit que le gouvernement soit doux, soit qu'il soit cruel, on punit toujours par degrés: on inflige un châtiment plus ou moins grand à un crime plus ou moins grand. L'imagination se plie d'elle-même aux moeurs du pays où l'on est: huit jours de prison ou une légère amende frappent autant l'esprit d'un Européen, nourri dans un pays de douceur, que la perte d'un bras intimide un Asiatique. Ils attachent un certain degré de crainte à un certain degré de peine, et chacun le partage à sa façon: le désespoir de l'infamie vient désoler un Français condamné à une peine qui n'ôterait pas un quart d'heure de sommeil à un Turc. Мягко ли правление, или жестоко, всюду существуют разные степени наказания: за более или менее тяжкое преступление налагается более или менее тяжкая кара. Воображение само собою приспособляется к нравам данной страны: недельное тюремное заключение или небольшой штраф так же действуют на европейца, воспитанного в стране, где управление мягко, как потеря руки - на азиата. С известной степенью наказания у обоих связывается известная степень страха, но каждый испытывает этот страх по-своему: француз придет в отчаяние от бесчестья, связанного с наказанием, на которое он осужден, между тем как у турка мысль о таком наказании не отняла бы и нескольких минут сна.
D'ailleurs je ne vois pas que la police, la justice et l'équité soient mieux observées en Turquie, en Perse, chez le Mogol, que dans les républiques de Hollande, de Venise, et dans l'Angleterre même; je ne vois pas qu'on y commette moins de crimes, et que les hommes, intimidés par la grandeur des châtiments, y soient plus soumis aux lois. Кроме того, я не замечаю, чтобы полиция, правосудие и справедливость более уважались в Турции, в Персии, в стране Великого Могола, чем в Голландской или Венецианской республиках и даже в самой Англии. Я не замечаю, чтобы на Востоке совершалось меньше преступлений и чтобы там люди из-за страха перед наказанием больше подчинялись законам.
je remarque, au contraire, une source d'injustice et de vexations au milieu de ces mêmes Etats. Зато я вижу, что в этих государствах источник несправедливостей и притеснений - само государство.
je trouve même le prince, qui est la loi même, moins maître que partout ailleurs. Я нахожу даже, что там монархи - это воплощение закона - меньше являются господами своей страны, чем во всех других местах.
je vois que, dans ces moments rigoureux, il y a toujours des mouvements tumultueux, où personne n'est le chef, et que, quand une fois l'autorité violente est méprisée, il n'en reste plus assez à personne pour la faire revenir; Я вижу, что в трудные времена там всегда возникает брожение, которым никто не предводительствует, и что когда насильственная верховная власть бывает сметена, ни у кого уж не оказывается достаточно авторитета, чтобы восстановить ее;
Que le désespoir même de l'impunité confirme le désordre et le rend plus grand; что самое сознание безнаказанности только укрепляет и увеличивает беспорядок;
Que, dans ces Etats, il ne se forme point de petite révolte, et qu'il n'y a jamais d'intervalle entre le murmure et la sédition; что в таких государствах никогда не бывает мелких бунтов, а ропот недовольства сразу переходит в восстание;
Qu'il ne faut point que les grands événements y soient préparés par de grandes causes: au contraire, le moindre accident produit une grande révolution, souvent aussi imprévue de ceux qui la font, que de ceux qui la souffrent. что великие события вовсе не подготовляются там великими причинами, а, напротив, малейший случай вызывает великий переворот, часто совершенно неожиданный как для тех, кто производит его, так и для тех, кто является его жертвами.
Lorsqu'Osman, empereur des Turcs, fut déposé, aucun de ceux qui commirent cet attentat ne songeait à le commettre: ils demandaient seulement en suppliant qu'on leur fit justice sur quelque grief; une voix, qu'on n'a jamais connue, sortit de la foule par hasard, le nom de Mustapha fut prononcé, et soudain Mustapha fut empereur. Когда был свергнут с престола турецкий император Осман{304}, никто из участников этого мятежа и не думал совершать его: государя только молили исправить какую-то несправедливость, но чей-то навсегда оставшийся неизвестным голос раздался из толпы, имя Мустафы{304} было произнесено, и Мустафа вдруг стал императором.
De Paris, le 2 de la lune de Rébiab 1, 1715. Из Парижа, месяца Ребиаба 1, 2-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXXI. Nargum, envoyé de Perse en Moscovie, à Usbek, à Paris/Наргум, персидский посол в Московии, к Узбеку в Париж

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De toutes les nations du monde, mon cher Usbek, il n'y en a pas qui ait surpassé celle des Tartares par la gloire ou par la grandeur des conquêtes. Ce peuple est le vrai dominateur de l'univers: tous les autres semblent être faits pour le servir; il est également le fondateur et le destructeur des empires; dans tous les temps, il a donné sur la terre des marques de sa puissance; dans tous les âges, il a été le fléau des nations. Из всех народов мира, дражайший мой Узбек, ни один не превзошел татар славою и величием завоеваний. Этот народ - настоящий повелитель вселенной: все другие как будто созданы, чтобы служить ему. Он в равной мере и основатель и разрушитель империй; во все времена являл он миру свое могущество, во все эпохи был он бичом народов.
Les Tartares ont conquis deux fois la Chine et ils la tiennent encore sous leur obéissance. Татары дважды завоевали Китай{304} и до сих пор еще держат его в повиновении.
Ils dominent sur les vastes pays qui forment l'empire du Mogol. Они властвуют над обширными пространствами, составляющими империю Великого Могола.
Maîtres de la Perse, ils sont assis sur le trône de Cyrus et de Gustaspe. Ils ont soumis la Moscovie. Sous le nom de Turcs, ils ont fait des conquêtes immenses dans l'Europe, l'Asie et l'Afrique, et ils dominent sur ces trois parties de l'univers. Они владыки Персии{304}, они восседают на троне Кира и Гистаспа. Они покорили Московию. Под именем турок они произвели огромные завоевания в Европе, Азии и Африке и господствуют над тремя частями света.
Et, pour parler de temps plus reculés, c'est d'eux que sont sortis quelques-uns des peuples qui ont renversé l'empire romain. А если говорить о временах более отдаленных, то именно от татар произошли некоторые из народов, разгромивших Римскую империю.
Qu'est-ce que les conquêtes d'Alexandre, en comparaison de celles de Genghis-Khan? Что представляют собою завоевания Александра по сравнению с завоеваниями Чингисхана?
Il n'a manqué à cette victorieuse nation que des historiens, pour célébrer la mémoire de ses merveilles. Этому победоносному народу не хватало только историков, которые бы прославили память о его чудесных подвигах.
Que d'actions immortelles ont été ensevelies dans l'oubli! Que d'empires par eux fondés, dont nous ignorons l'origine! Cette belliqueuse nation, uniquement occupée de sa gloire présente, sûre de vaincre dans tous les temps, ne songeait point à se signaler dans l'avenir par la mémoire de ses conquêtes passées. Сколько бессмертных деяний погребено в забвении! Сколько было татарами основано государств, истории которых мы не знаем! Этот воинственный народ, занятый только своей сегодняшней славой, уверенный в вечной своей непобедимости, нимало не позаботился о том, чтобы увековечить память о своих прошлых завоеваниях.
De Moscou, le de la lune de Rébiab 1715. Из Москвы, месяца Ребиаба 1, 4-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXXII. Rica à Ibben, à Smyrne/Рика к Иббену в Смирну

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Quoique les Français parlent beaucoup, il y a cependant parmi eux une espèce de dervis taciturnes qu'on appelle chartreux . On dit qu'ils se coupent la langue en entrant dans le couvent, et on souhaiterait fort que tous les autres dervis se retranchassent de même tout ce que leur profession leur rend inutile. Хотя французы и очень много болтают, у них тем не менее есть молчаливые дервиши, которых называют картезианцами{305}. Говорят, будто при вступлении в монастырь они отрезают себе языки; хорошо бы, если бы и все прочие дервиши отрезали себе все, что бесполезно для их ремесла.
A propos de gens taciturnes, il y en a de bien plus singuliers que ceux-là, et qui ont un talent bien extraordinaire. Ce sont ceux qui savent parler sans rien dire, et qui amusent une conversation, pendant deux heures de temps, sans qu'il soit possible de les déceler, d'être leur plagiaire, ni de retenir un mot de ce qu'ils ont dit. Кстати, есть люди и еще подиковиннее, чем молчальники, и отличаются они необыкновенным талантом. Это люди, умеющие говорить так, чтобы ничего не сказать; они занимают вас часа два таким разговором, что невозможно понять, о чем они собственно ведут речь, невозможно ни повторить, что они сказали, ни удержать в памяти хотя бы одно сказанное ими слово.
Ces sortes de gens sont adorés des femmes; mais ils ne le sont pas tant que d'autres, qui ont reçu de la nature l'aimable talent de sourire à propos, c'est-à-dire à chaque instant, et qui portent la grâce d'une joyeuse approbation sur tout ce qu'elles disent. Людей такого сорта женщины обожают; но еще больше обожают они все же тех, кого природа наделила приятным даром улыбаться кстати, то есть улыбаться беспрестанно, и кто имеет преимущество возбуждать веселое одобрение, что бы они ни сказали.
Mais ils sont au comble de l'esprit lorsqu'ils savent entendre finesse à tout et trouver mille petits traits ingénieux dans les choses les plus communes. Однако верхом остроумия считается умение всюду находить тонкости и открывать множество очаровательных черточек в самых обыденных вещах.
J'en connais d'autres, qui se sont bien trouvés d'introduire dans les conversations des choses inanimées et d'y faire parler leur habit brodé, leur perruque blonde, leur tabatière, leur canne et leurs gants. Il est bon de commencer de la rue à se faire écouter par le bruit du carrosse et du marteau, qui frappe rudement la porte: cet avant-propos prévient pour le reste du discours, et, quand l'exorde est beau, il rend supportables toutes les sottises qui viennent ensuite, mais qui, par bonheur, arrivent trop tard. Знаю я и таких, которые ухитряются вовлекать в разговор даже неодушевленные предметы и предоставлять слово вместо себя своему расшитому кафтану, белокурому парику, табакерке, трости и перчаткам. Хорошо, если вас начинают слушать, когда вы еще на улице, когда еще слышен только стук вашей кареты и молотка, крепко колотящего в дверь: такое предисловие предвосхищает весь последующий разговор, а когда вступление удачно, оно искупает все дальнейшие глупости, и можно только радоваться, что глупости расступились перед ним!
Je te promets que ces petits talents, dont on ne fait aucun cas chez nous, servent bien ici ceux qui sont assez heureux pour les avoir, et qu'un homme de bon sens ne brille guère devant eux. Уверяю тебя, что все эти нисколько у нас не ценимые мелкие таланты оказывают немалые услуги тем, кто наделен ими, и что рядом с такими людьми человек здравомыслящий отнюдь не блещет.
De Paris, le 6 de la lune de Rébiab 1715. Из Парижа, месяца Ребиаба 2, 6-го дня, 1715 года

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Lettre LXXXIII. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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S'il y a un Dieu, mon cher Rhédi, il faut nécessairement qu'il soit juste: car, s'il ne l'était pas, il serait le plus mauvais et le plus imparfait de tous les êtres. Любезный Реди! Если бог существует, то он непременно должен быть справедливым, ибо в противном случае он был бы самым дурным и несовершенным изо всех существ.
La justice est un rapport de convenance, qui se trouve réellement entre deux choses; ce rapport est toujours le même, quelque être qui le considère, soit que ce soit Dieu, soit que ce soit un ange, ou enfin que ce soit un homme. Справедливость - это соотношение между вещами: оно всегда одно и то же, какое бы существо его ни рассматривало, будь то бог, будь то ангел или, наконец, человек.
Il est vrai que les hommes ne voient pas toujours ces rapports; souvent même, lorsqu'ils les voient, ils s'en éloignent; et leur intérêt est toujours ce qu'ils voient le mieux. La justice élève sa voix; mais elle a peine à se faire entendre dans le tumulte des passions. Правда, люди не всегда улавливают его, больше того: нередко они, видя это соотношение, уклоняются от него; лучше всего видят они собственную выгоду. Справедливость возвышает свой голос, но он заглушается шумом страстей.
Les hommes peuvent faire des injustices, parce qu'ils ont intérêt de les commettre et qu'ils préfèrent leur propre satisfaction à celle des autres. C'est toujours par un retour sur eux-mêmes qu'ils agissent: nul n'est mauvais gratuitement. Il faut qu'il y ait une raison qui déterminé, et cette raison est toujours une raison d'intérêt. Люди могут совершать несправедливости, потому что они извлекают из этого выгоду и потому что свое собственное благополучие предпочитают благополучию других: они всегда считаются только с собственными интересами. Понапрасну никто не делает зла: к этому должна побуждать какая-нибудь причина, а такой причиной неизменно является корысть.
Mais il n'est pas possible que Dieu fasse jamais rien d'injuste; dès qu'on suppose qu'il voit la justice, il faut nécessairement qu'il la suive, car, comme il n'a besoin de rien, et qu'il se suffit à lui-même, il serait le plus méchant de tous les êtres, puisqu'il le serait sans intérêt. Но совершенно невозможно, чтобы бог делал что-нибудь несправедливое: раз мы предполагаем, что ему известна справедливость, он необходимо должен ей следовать, ибо, ни в чем не нуждаясь и довлея самому себе, он оказался бы самым злым изо всех существ, если бы совершал несправедливости хотя бы и безо всякой выгоды для себя.
Ainsi, quand il n'y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la justices; c'est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet être dont nous avons une si belle idée, et qui, s'il existait, serait nécessairement juste. Libres que nous serions du joug de la religion, nous ne devrions pas l'être de celui de l'équité. Следовательно, если бы бога не было, мы все же должны были бы всегда любить справедливость, то есть напрягать все усилия к тому, чтобы походить на то существо, которое мы представляем себе столь совершенным и которое, если бы существовало, было бы по необходимости справедливым. Как бы ни были мы свободны от ига Религии, мы не должны были бы быть свободными от ига Справедливости.
Voilà, Rhédi, ce qui m'a fait penser que la justice est éternelle et ne dépend point des conventions humaines; et, quand elle en dépendrait, ce serait une vérité terrible, qu'il faudrait se dérober à soi-même. Вот какие соображения, Реди, убеждают меня в том, что справедливость вечна и отнюдь не зависит от человеческих законов. А если бы зависела, то это было бы такой ужасной истиной, которую нам следовало бы скрывать от самих себя.
Nous sommes entourés d'hommes plus forts que nous; ils peuvent nous nuire de mille manières différentes; les trois quarts du temps ils peuvent le faire impunément. Quel repos pour nous de savoir qu'il y a dans le coeur de tous ces hommes un principe intérieur qui combat en notre faveur et nous met à couvert de leurs entreprises! Мы окружены людьми, которые сильнее нас; они могут вредить нам на тысячи ладов, и притом в большинстве случаев безнаказанно. Какое же успокоение для нас сознавать, что есть в сердцах человеческих некое внутреннее начало, которое постоянно борется за нас и ограждает нас от их козней!
Sans cela nous devrions être dans une frayeur continuelle; nous passerions devant les hommes comme devant les lions, et nous ne serions jamais assurés un moment de notre bien, de notre honneur et de notre vie. Если бы этого не было, нам пришлось бы жить в непрерывном страхе: мы проходили бы мимо людей, как если бы то были львы, и ни на миг не были бы уверены в своем имуществе, чести и жизни.
Toutes ces pensées m'animent contre ces docteurs qui représentent Dieu comme un être qui fait un exercice tyrannique de sa puissance; qui le font agir d'une manière dont nous ne voudrions pas agir nous-mêmes, de peur de l'offenser; qui le chargent de toutes les imperfections qu'il punit en nous, et, dans leurs opinions contradictoires, le représentent tantôt comme un être mauvais, tantôt comme un être qui hait le mal et le punit. Все эти мысли зарождают во мне возмущение против тех ученых, которые изображают бога существом, тиранически пользующимся своим могуществом, приписывают ему действия, которых мы и сами не хотели бы совершать, наделяют его всеми несовершенствами, за которые он нас наказывает, и в своих противоречивых утверждениях представляют его то существом злым, то существом, ненавидящим зло и наказующим его.
Quand un homme s'examine, quelle satisfaction pour lui de trouver qu'il a le coeur juste ce plaisir, tout sévère qu'il est, doit le ravir . il voit son être autant au-dessus de ceux qui ne l'ont pas, qu'il se voit au-dessus des tigres et des ours. Oui, Rhédi, si j'étais sûr de suivre toujours inviolablement cette équité que j'ai devant les yeux, je me croirais le premier des hommes. Какое удовлетворение испытывает человек, когда, заглянув в собственное сердце, убеждается, что оно у него справедливое! Как бы ни было сурово само по себе это удовольствие, оно должно восхищать человека: он видит, что стоит настолько же выше тех, у кого нет такого сердца, насколько стоит он выше тигров и медведей. Да, Реди, если бы я был уверен в том, что всегда и неуклонно следую справедливости, которую вижу перед собою, я почел бы себя первым из людей.
De Paris, le premier de la lune de Gemmadi 1, 1715. Из Парижа, месяца Джеммади 1, 1-го дня, 1715 года

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Lettre LXXXIV. Rica à***/Рика к ***

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Je fus hier aux Invalides. J'aimerais autant avoir fait cet établissement, si j'étais prince, que d'avoir gagné trois batailles: on y trouve partout la main d'un grand monarque. Je crois que c'est le lieu le plus respectable de la terre. Я был вчера во Дворце Инвалидов{307}. Будь я государем, мне было бы приятнее основать такое учреждение, чем выиграть целых три сражения. Там везде чувствуется рука великого монарха. Мне кажется, что это самое почтенное место на Земле.
Quel spectacle de voir rassemblées dans un même lieu toutes ces victimes de la patrie, qui ne respirent que pour la défendre, et qui, se sentant le même coeur, et non pas la même force, ne se plaignent que de l'impuissance où elles sont de se sacrifier encore pour elle! Что за зрелище представляют собою эти собранные в одно место жертвы Отчизны, которые только и живут мыслью о ее защите и жалуются лишь на то, что не могут вновь принести себя в жертву, так как сердца их остались прежними, но силы уже не те!
Quoi de plus admirable que de voir ces guerriers débiles, dans cette retraite, observer une discipline aussi exacte que s'ils y étaient contraints par la présence d'un ennemi, chercher leur dernière satisfaction dans cette image de la guerre, et partager leur coeur et leur esprit entre les devoirs de la religion et ceux de l'art militaire! Что может быть удивительнее этих дряхлых воинов, соблюдающих в этом убежище такую же строгую дисциплину, к какой принуждало их присутствие неприятеля; ищущих последнего удовлетворения в этом подобии военной службы и разделяющих сердце и ум между религиозными и воинскими обязанностями!
Je voudrais que les noms de ceux qui meurent pour la patrie fussent conservés dans les temples, et écrits dans des registres qui fussent comme la source de la gloire et de la noblesse. Мне хотелось бы, чтобы имена людей, павших за Родину, сохранялись в храмах и вносились в особые списки, которые были бы источником славы и благородства.
De Paris, le 15 de la lune de Gemmadi 1, 1715. Из Парижа, месяца Джеммади 1, 15-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXXV. Usbek à Mirza, à Ispahan/Узбек к Мирзе в Испагань

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Tu sais, Mirza, que quelques ministres de Chah Soliman avaient formé le dessein d'obliger tous les Arméniens de Perse de quitter le royaume ou de se faire mahométans, dans la pensée que notre empire serait toujours pollué, tandis qu'il garderait dans son sein ces infidèles. Ты знаешь, Мирза, что некоторые из министров Шах-Солимана{307} возымели намерение принудить всех персидских армян либо покинуть страну, либо принять магометанство; они думали, что наша империя будет нечистой до тех пор, пока в ее лоне пребывают неверные.
C'était fait de la grandeur persane, si, dans cette occasion, l'aveugle dévotion avait été écoutée. Если бы в данном случае вняли слепому благочестию, персидскому величию пришел бы конец.
On ne sait comment la chose manqua: ni ceux qui firent la proposition, ni ceux qui la rejetèrent, n'en connurent les conséquences; le hasard fit l'office de la raison et de la politique, et sauva l'empire d'un péril plus grand que celui qu'il aurait pu courir de la perte d'une bataille et de la prise de deux villes. Неизвестно, почему это дело не осуществилось; ни те, кто внес это предложение, ни те, кто его отверг, не сознавали его последствий: случай исполнил обязанности разума и политики и спас империю от большей опасности, чем та, которой она могла бы подвергнуться из-за проигрыша какой-нибудь битвы или сдачи двух городов.
En proscrivant les Arméniens on pensa détruire en un seul jour tous les négociants et presque tous les artisans du royaume. Je suis sûr que le grand Chah Abas aurait mieux aimé se faire couper les deux bras que de signer un ordre pareil, et qu'en envoyant au Mogol et aux autres rois des Indes ses sujets les plus industrieux, il aurait cru leur donner la moitié de ses Etats. Изгоняя армян, рассчитывали в один день упразднить в государстве всех купцов и почти всех ремесленников. Я уверен, что великий Шах-Аббас{307} предпочел бы дать себе отрубить обе руки, чем подписать подобный указ, и что, отсылая самых трудолюбивых своих подданных к Великому Моголу и другим индийским царям, он почел бы, что отдает им половину своих владений.
Les persécutions que nos mahométans zélés ont faites aux guèbres les ont obligés de passer en foule dans les Indes, et ont privé la Perse de cette nation si appliquée au labourage, et qui seule, par son travail, était en état de vaincre la stérilité de nos terres. Преследования, которым наши ревностные магометане подвергали огнепоклонников, вынудили последних толпами уходить в Индию и лишили Персию этого трудолюбивейшего земледельческого народа, который один только мог преодолеть бесплодие наших полей.
Il ne restait à la dévotion qu'un second coup à faire: c'était de ruiner l'industrie: moyennant quoi l'empire tombait de lui-même, et, avec lui, par une suite nécessaire, cette même religion qu'on voulait rendre si florissante. Рьяному благочестию оставалось нанести Персии только еще один удар: разрушить промышленность. Тогда империя пала бы сама собой, а вместе с нею, следовательно, пала бы и та религия, процветания которой надеялись этим достигнуть.
S'il faut raisonner sans prévention, je ne sais pas, Mirza, s'il n'est pas bon que dans un Etat il y ait plusieurs religions. Если рассуждать без предубеждений, то я не знаю, Мирза, не лучше ли, чтобы в государстве существовало несколько религий?
On remarque que ceux qui vivent dans des religions tolérées se rendent ordinairement plus utiles à leur patrie que ceux qui vivent dans la religion dominante; parce que, éloignés des honneurs, ne pouvant se distinguer que par leur opulence et leurs richesses, ils sont portés à acquérir par leur travail et à embrasser les emplois de la société les plus pénibles. Замечено, что люди, исповедующие религии, только терпимые государственною властью, оказываются обычно более полезными для отечества, чем те, которые принадлежат к господствующей вере, потому что первые лишены почестей и, имея возможность отличаться только пышностью и богатством, стремятся приобретать их трудом и берут на себя самые тяжкие общественные обязанности.
D'ailleurs, comme toutes les religions contiennent des préceptes utiles à la société, il est bon qu'elles soient observées avec zèle. Or qu'y a-t-il de plus capable d'animer ce zèle que leur multiplicité? К тому же все без исключения вероучения содержат в себе полезные для общества правила; поэтому хорошо, когда они усердно соблюдаются. А что же может больше возбуждать это усердие, как не многочисленность религий?
Ce sont des rivales qui ne se pardonnent rien. La jalousie descend jusqu'aux particuliers: chacun se tient sur ses gardes et craint de faire des choses qui déshonoreraient son parti et l'exposeraient aux mépris et aux censures impardonnables du parti contraire. Это соперницы, ничего не прощающие друг другу. Ревность их передается и отдельным лицам: каждый держится настороже и остерегается таких поступков, которые могут нанести бесчестие его лагерю и подвергнуть оный презрению или беспощадной критике противников.
Aussi a-t-on toujours remarqué qu'une secte nouvelle introduite dans un Etat était le moyen le plus sûr pour corriger tous les abus de l'ancienne. Поэтому всегда замечалось, что появление в государстве новой секты - вернейшее средство исправить заблуждения прежней.
On a beau dire qu'il n'est pas de l'intérêt du prince de souffrir plusieurs religions dans son Etat. Quand toutes les sectes du monde viendraient s'y rassembler, cela ne lui porterait aucun préjudice, parce qu'il n'y en a aucune qui ne prescrive l'obéissance et ne prêche la soumission. Напрасно говорят, будто не в интересах монарха терпеть в своем государстве несколько вероучений. Даже если бы все секты мира собрались в нем, это не нанесло бы ему ни малейшего ущерба, ибо нет такой секты, которая не предписывала бы повиновения и не проповедовала бы покорности.
J'avoue que les histoires sont remplies de guerres de religion. Mais, qu'on y prenne bien garde: ce n'est point la multiplicité des religions qui a produit ces guerres, c'est l'esprit d'intolérance, qui animait celle qui se croyait la dominante; c'est cet esprit de prosélytisme que les Juifs ont pris des Egyptiens, et qui, d'eux, est passé, comme une maladie épidémique et populaire, aux mahométans et aux chrétiens; c'est, enfin, cet esprit de vertige, dont les progrès ne peuvent être regardés que comme une éclipse entière de la raison humaine. Согласен, история полна религиозных войн. Но причина этому - не множество религий, а дух нетерпимости, которым бывала охвачена религия, считавшая себя господствующей, тот дух прозелитизма, который евреи заимствовали у египтян и который, как заразная, повальная болезнь, перешел от них к магометанам и христианам; наконец, тот дух заблуждения, развитие коего нельзя считать не чем иным, как полным затмением человеческого разума.
Car, enfin, quand il n'y aurait pas de l'inhumanité à affliger la conscience des autres; quand il n'en résulterait aucun des mauvais effets qui en germent à milliers, il faudrait être fou pour s'en aviser. Celui qui veut me faire changer de religion ne le fait sans doute que parce qu'il ne changerait pas la sienne, quand on voudrait l'y forcer: il trouve donc étrange que je ne fasse pas une chose qu'il ne ferait pas lui-même, peut-être pour l'empire du monde. Словом, если бы даже не было бесчеловечно угнетать чужую совесть, если бы даже не проистекало из этого дурных последствий, которые в угнетении коренятся во множестве, то и тогда лишь глупец может не понимать, в чем тут дело. Тот, кто хочет заставить меня переменить веру, делает это несомненно потому, что сам не переменил бы свою, если бы его стали к этому принуждать. Следовательно, такой человек находит странным, что я не делаю того, чего он сам не сделал бы, может быть, за власть над целым миром.
De Paris, le 26 de la lune de Gemmadi, 2 1715. Из Парижа, месяца Джеммади 1, 26-го дня, 1715 года

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Lettre LXXXVI. Rica à***/Рика к ***

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Il semble ici que les familles se gouvernent toutes seules. Le mari n'a qu'une ombre d'autorité sur sa femme, le père sur ses enfants, le maître sur ses esclaves. La justice se mêle de tous leurs différends, et sois sûr qu'elle est toujours contre le mari jaloux, le père chagrin, le maître incommode. Здешние семьи, кажется, управляются сами собою. У мужа только тень власти над женою, у отца - над детьми, у господина - над рабами. Во все их несогласия вмешивается правосудие, и будь уверен, что оно всегда настроено против ревнивого мужа, раздражительного отца, придирчивого господина.
J'allai l'autre jour dans le lieu où se rend la justice. Avant d'y arriver, il faut passer sous les armes d'un nombre infini de jeunes marchandes, qui vous appellent d'une voix trompeuse. Ce spectacle, d'abord, est assez riant; mais il devient lugubre lorsqu'on entre dans les grandes salles, où l'on ne voit que des gens dont l'habit est encore plus grave que la figure. Enfin, on entre dans le lieu sacré où se révèlent tous les secrets des familles, et où les actions les plus cachées sont mises au grand jour. Намедни я зашел в то место, где отправляется правосудие. Прежде чем туда доберешься, приходится пройти под огнем множества молоденьких торговок, зазывающих тебя вкрадчивым голоском. Вначале это зрелище кажется довольно забавным, но оно становится зловещим, когда войдешь в большие залы, где встречаешь людей, одеяние которых еще мрачнее их лиц. Наконец, входишь в святилище, где раскрываются семейные тайны и выплывают на свет божий самые темные делишки.
Là, une fille modeste vient avouer les tourments d'une virginité trop longtemps gardée, ses combats et sa douloureuse résistance. Elle est si peu fière de sa victoire, qu'elle menace toujours d'une défaite prochaine, et, pour que son père n'ignore plus ses besoins, elle les expose à tout le peuple. Вот скромная девушка описывает страдания, причиняемые ей слишком долго сохраняемой девственностью, говорит о своей борьбе и мучительном сопротивлении. Она так мало гордится своей стойкостью, что грозит скорым падением, и, дабы отец не оставался в неведении относительно ее нужд, она выкладывает их перед всем народом.
Une femme effrontée vient ensuite exposer les outrages qu'elle a faits à son époux comme une raison d'en être séparée. Вот является бесстыжая женщина и перечисляет в качестве повода к разводу все оскорбления, которые она нанесла мужу.
Avec une modestie pareille, une autre vient dire qu'elle est lasse de porter le titre de femme sans en jouir: elle vient révéler les mystères cachés dans la nuit du mariage; elle veut qu'on la livre aux regards des experts les plus habiles, et qu'une sentence la rétablisse dans tous les droits de la virginité. Il y en a même qui osent défier leurs maris, et leur demander en public un combat que les témoins rendent si difficiles: épreuve aussi flétrissante pour la femme qui la soutient, que pour le mari qui y succombe. Другая столь же скромная дама заявляет, что ей надоело только довольствоваться званием женщины, а не наслаждаться им: она разоблачает тайны, скрытые во тьме брачной ночи, и требует, чтобы ее подвергли осмотру самых опытных экспертов и чтобы судебное решение восстановило ее во всех правах девственницы. Бывают и такие, что осмеливаются бросать вызов мужьям и требуют у них публичного состязания, весьма затруднительного в присутствии посторонних: такое испытание столь же позорно для женщины, подвергающейся ему, сколь и для мужа, унизившегося до него.
Un nombre infini de filles, ravies ou séduites, font les hommes beaucoup plus mauvais qu'ils ne sont. L'amour fait retentir ce tribunal: on n'y entend parler que de pères irrités, de filles abusées, d'amants infidèles et de maris chagrins. Бесчисленное множество изнасилованных или соблазненных девушек изображают мужчин гораздо худшими, чем они есть на самом деле. Громкий голос любви гулко раздается под сводами этого судилища: там только и разговору, что о разгневанных отцах, обманутых дочерях, неверных любовниках и оскорбленных мужьях.
Par la loi qui y est observée, tout enfant né pendant le mariage est censé d'être au mari. Il a beau avoir de bonnes raisons pour ne pas le croire: la loi le croit pour lui et le soulage de l'examen et des scrupules. По здешним законам, всякий ребенок, рожденный в браке, считается принадлежащим мужу. Последний может иметь сколько угодно веских оснований не верить этому. Закон верит за него и избавляет его от расследования и сомнений.
Dans ce tribunal, on prend les voix à la majeure mais on dit qu'on a reconnu, par expérience, qu'il vaudrait mieux les recueillir à la mineure. Et cela est assez naturel: car il y a très peu d'esprits justes, et tout le monde convient qu'il y en a une infinité de faux. В этом судилище дела решаются большинством голосов, но, говоря, все давно уже убедились по опыту, что лучше было бы решать их по меньшинству. И это правильно: ведь людей справедливых очень мало, и никто не отрицает, что несправедливых куда больше.
De Paris, le premier de la lune de Gemmadi 1715. Из Парижа, месяца Джеммади 2, 1-го дня, 1715 года.

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Lettre LXXXVII. Rica à***/Рика к ***

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On dit que l'homme est un animal sociable. Sur ce pied-là, il me paraît qu'un Français est plus homme qu'un autre: c'est l'homme par excellence, car il semble être fait uniquement pour la société. Говорят, что человек - животное общительное. С этой точки зрения мне кажется, что француз больше человек, чем кто-либо другой: он человек по преимуществу, так как и создан-то, по-видимому, исключительно для общества.
Mais j'ai remarqué parmi eux des gens qui non seulement sont sociables, mais sont eux-mêmes la société universelle. Ils se multiplient dans tous les coins; ils peuplent en un moment les quatre quartiers d'une ville. Cent hommes de cette espèce abondent plus que deux mille citoyens; ils pourraient réparer, aux yeux des étrangers, les ravages de la peste ou de la famine. On demande dans les écoles si un corps peut être en un instant en plusieurs lieux; ils sont une preuve de ce que les philosophes mettent en question. Но я заметил среди французов таких людей, которые не только общительны, но представляют сами собою целое общество. Они пролезают во все уголки, они в одно и то же время населяют все городские кварталы. Сотня таких людей наполняет город больше, чем две тысячи граждан; в глазах иностранцев они могут заполнить пустоту, оставленную чумою или голодом. В школах спрашивают, может ли одно и то же тело одновременно находиться в нескольких местах: эти господа являют собою доказательство возможности того явления, кое философы ставят под вопрос.
Ils sont toujours empressés, parce qu'ils ont l'affaire importante de demander à tous ceux qu'ils voient, où ils vont, et d'où ils viennent. Они всегда спешат, потому что заняты важным делом: спрашивают у всех встречных, куда те идут и откуда.
On ne leur ôterait jamais de la tête qu'il est de la bienséance de visiter chaque jour le public en détail, sans compter les visites qu'ils font en gros dans les lieux où l'on s'assemble. Mais, comme la voie en est trop abrégée, elles sont comptées pour rien dans les règles de leur cérémonial. У них никак не выбьешь из головы, что приличие будто бы требует ежедневного посещения всех знакомых в розницу, не считая визитов, которые делаются оптом в тех местах, где происходят собрания. Но так как дорога в такие собрания слишком коротка, то парижане не применяют их в расчет при соблюдении своего церемониала.
Ils fatiguent plus les portes des maisons à coups de marteau, que les vents et les tempêtes. Si l'on allait examiner la liste de tous les portiers, on y trouverait chaque jour leur nom estropié de mille manières en caractères suisses. Ils passent leur vie à la suite d'un enterrement, dans des compliments de condoléances ou dans des félicitations de mariage. Le roi ne fait point de gratification à quelqu'un de ses sujets qu'il ne leur en coûte une voiture, pour lui en aller témoigner leur joie. Enfin, ils reviennent chez eux, bien fatigués, se reposer pour pouvoir reprendre le lendemain leurs pénibles fonctions. Стуком молотков они наносят дверям больше урона, чем ветры и бури. Если бы кто-нибудь вздумал просматривать у привратников книги, в которых записывают посетителей, он ежедневно находил бы там все те же имена, исковерканные швейцарами на тысячу ладов. Всю жизнь эти люди либо плетутся за чьим-нибудь гробом, выражая соболезнование, либо поздравляют кого-нибудь по случаю бракосочетания. Стоит королю наградить кого-либо из подданных, чтобы они разорились на карету и съездили поздравить награжденного. Наконец они в изнеможении возвращаются домой и отдыхают, чтобы назавтра снова приняться за свои тяжелые обязанности.
Un d'eux mourut l'autre jour de lassitude, et on mit cette épitaphe sur son tombeau: "C'est ici que repose celui qui ne s'est jamais reposé. Il s'est promené à cinq cent trente enterrements. Il s'est réjoui de la naissance de deux mille six cent quatre-vingts enfants. Les pensions dont il a félicité ses amis, toujours en des termes différents, montent à deux millions six cent mille livres; le chemin qu'il a fait sur le pavé, à neuf mille six cents stades; celui qu'il a fait dans la campagne, à trente-six. Sa conversation était amusante: il avait un fonds tout fait de trois cent soixante-cinq contes; il possédait, d'ailleurs, depuis son jeune âge, cent dix-huit apophtegmes tirés des Anciens qu'il employait dans les occasions brillantes. Il est mort enfin à la soixantième année de son âge. Je me tais, voyageur. Car comment pourrais-je achever de te dire ce qu'il a fait et ce qu'il a vu?" Один из них умер на днях от усталости, и на его могиле начертали следующую эпитафию: "Здесь покоится тот, кто никогда не ведал покоя. Он прогулялся в пятистах тридцати похоронных шествиях. Он порадовался рождению двух тысяч шестисот восьмидесяти младенцев. Пенсии, с которыми он, - всегда в разных выражениях, - поздравил своих друзей, достигают в общей сложности двух миллионов шестисот тысяч ливров. Расстояние, пройденное им по городским мостовым, равняется девяти тысячам шестистам стадиям, а пройденное в деревне - тридцати шести. Разговор его был всегда занимателен; в запасе у него имелось триста шестьдесят пять рассказов; кроме того, с юности он овладел ста восемнадцатью изречениями древних, которые и пускал в ход в соответствующих случаях. Он скончался на шестидесятом году жизни. Я умолкаю, путник! Где же мне рассказать тебе обо всем, что он делал и что видел!"
De Paris, le 3 de la lune de Gemmadi 2, 1715. Из Парижа месяца Джеммади 2, 3-го дня, 1715 года

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Lettre LXXXVIII. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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A Paris, règnent la liberté et l'égalité. La naissance, la vertu, le mérite même de la guerre, quelque brillant qu'il soit, ne sauve pas un homme de la foule dans laquelle il est confondu. La jalousie des rangs y est inconnue. On dit que le premier de Paris est celui qui a les meilleurs chevaux à son carrosse. В Париже царствуют свобода и равенство. Ни происхождение, ни добронравие, ни даже военные заслуги, как бы блестящи они ни были, не выделяют человека из толпы. Местничество тут неизвестно. Говорят, что в Париже тот человек первый, у кого лучше выезд.
Un grand seigneur est un homme qui voit le roi, qui parle aux ministres, qui a des ancêtres, des dettes et des pensions. S'il peut, avec cela, cacher son oisiveté par un air empressé, ou par un feint attachement pour les plaisirs, il croit être le plus heureux de tous les hommes. Вельможа - это лицо, которое лицезрит короля, беседует с министрами и у кого имеются предки, долги и пенсии. Если вдобавок он умеет скрывать свою праздность за хлопотливым видом или за притворною склонностью к развлечениям, то он считает себя счастливейшим из людей.
En Perse, il n'y a de grand que ceux à qui le monarque donne quelque part au gouvernement. Ici, il y a des gens qui sont grands par leur naissance; mais ils sont sans crédit. Les rois font comme ces ouvriers habiles qui, pour exécuter leurs ouvrages, se servent toujours des machines les plus simples. В Персии вельможами являются только те, кому монарх предоставляет большее или меньшее участие в управлении. Здесь же есть вельможи по происхождению, но никаким влиянием они не пользуются. Короли поступают подобно искусным мастеровым, которые для работы всегда пользуются самым простым инструментом.
La faveur est la grande divinité des Français. Le ministre est le grand-prêtre, qui lui offre bien des victimes. Ceux qui l'entourent ne sont point habillés de blanc: tantôt sacrificateurs et tantôt sacrifiés, ils se dévouent eux-mêmes à leur idole avec tout le peuple. Королевская милость - высшее божество у французов. Министр - это великий жрец, приносящий верховному божеству обильные жертвы. Окружающие его не носят белых одежд: то они приносят жертвы, то их самих приносят в жертву, и вместе со всем народом они покорствуют своему идолу.
De Paris, le 9 de la lune de Gemmadi 2, 1715. Из Парижа, месяца Джеммади 2, 9-го дня, 1715 года

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Lettre LXXXIX. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Le désir de la gloire n'est point différent de cet instinct que toutes les créatures ont pour leur conservation. Il semble que nous augmentons notre être lorsque nous pouvons le porter dans la mémoire des autres: c'est une nouvelle vie que nous acquérons, et qui nous devient aussi précieuse que celle que nous avons reçue du ciel. Желание славы ничем не отличается от инстинкта самосохранения, свойственного всем созданиям. Мы как бы умножаем свое существо, когда можем запечатлеть его в памяти других: мы приобретаем таким образом новую жизнь, и она становится для нас столь же драгоценной, как и полученная от неба.
Mais, comme tous les hommes ne sont pas également attachés à la vie, ils ne sont pas aussi également sensibles à la gloire. Cette noble passion est bien toujours gravée dans leur coeur; mais l'imagination et l'éducation la modifient de mille manières. Но подобно тому как не все люди в равной мере привязаны к жизни, так и не все они одинаково чувствительны к славе. Эта благородная страсть, конечно, всегда живет в нашем сердце, но воображение и воспитание видоизменяют ее на тысячу ладов.
Cette différence, qui se trouve d'homme à homme, se fait encore plus sentir de peuple à peuple. Разница, существующая в этом отношении между отдельными людьми, еще явственнее обнаруживается между народами.
On peut poser pour maxime que, dans chaque Etat, le désir de la gloire croît avec la liberté des sujets et diminue avec elle: la gloire n'est jamais compagne de la servitude. Можно принять за твердо установленную истину, что в каждом государстве желание славы растет вместе со свободой его подданных и ослабевает вместе с нею же: слава никогда не бывает спутницей рабства.
Un homme de bon sens me disait l'autre jour: "On est, en France, à bien des égards, plus libre qu'en Perse; aussi y aime-t-on plus la gloire. Cette heureuse fantaisie fait faire à un Français avec plaisir et avec goût ce que votre sultan n'obtient de ses sujets qu'en leur mettant sans cesse devant les yeux les supplices et les récompenses. Один здравомыслящий человек сказал мне недавно: "Во Франции люди во многих отношениях свободнее, чем в Персии; поэтому и славу у нас ценят больше. Эта благодетельная страсть побуждает француза с удовольствием и охотно делать то, чего ваш султан добивается от своих подданных только тем, что беспрестанно угрожает им казнями и манит наградами.
"Aussi, parmi nous, le prince est-il jaloux de l'honneur du dernier de ses sujets. Il y a pour le maintenir des tribunaux respectables: c'est le trésor sacré de la nation, et le seul dont le souverain n'est pas le maître, parce qu'il ne peut l'être, sans choquer ses intérêts. Ainsi, si un sujet se trouve blessé dans son honneur par son prince, soit par quelque préférence, soit par la moindre marque de mépris, il quitte sur-le-champ sa cour, son emploi, son service, et se retire chez lui. Поэтому у нас государь печется о чести даже последнего из своих подданных. Для ограждения ее у нас существуют достойные уважения судилища: честь - это священное сокровище нации, единственное, над которым государь не является властелином, ибо не может им быть без вреда для собственных интересов. Так что если какой-нибудь подданный сочтет себя оскорбленным благодаря ли предпочтению, оказанному государем другому лицу, благодаря ли малейшему знаку неуважения, он немедленно покидает двор, оставляет должность и службу и удаляется к себе.
"La différence qu'il y a des troupes françaises aux vôtres, c'est que les unes, composées d'esclaves naturellement lâches, ne surmontent la crainte de la mort que par celle du châtiment: ce qui produit dans l'âme un nouveau genre de terreur qui la rend comme stupide; au lieu que les autres se présentent aux coups avec délice et bannissent la crainte par une satisfaction qui lui est supérieure. Разница между французскими войсками и вашими заключается в том, что ваши войска, составленные из рабов, низких по самой природе своей, преодолевают страх смерти только благодаря страху перед наказанием, отчего в душе у них пробуждается новый вид ужаса, доводящий их до отупения; а наши солдаты с радостью подставляют себя под удары и побеждают страх благодаря нравственному удовлетворению, которое выше страха.
"Mais le sanctuaire de l'honneur, de la réputation et de la vertu, semble être établi dans les républiques et dans les pays où l'on peut prononcer le mot de patrie. A Rome, à Athènes, à Lacédémone, l'honneur payait seul les services les plus signalés. Une couronne de chêne ou de laurier, une statue, un éloge, était une récompense immense pour une bataille gagnée ou une ville prise. Но святилище чести, славы и добродетели особенно утвердилось в республиках и в тех странах, где можно произносить слово отечество. В Риме, в Афинах, в Лакедемоне наградою за самые выдающиеся заслуги был только почет. Венок из дубовых или лавровых листьев, статуя, похвальная речь служили величайшей наградой за выигранное сражение или завоеванный город.
"Là, un homme qui avait fait une belle action se trouvait suffisamment récompensé par cette action même. Il ne pouvait voir un de ses compatriotes qu'il ne ressentît le plaisir d'être son bienfaiteur; il comptait le nombre de ses services par celui de ses concitoyens. Tout homme est capable de faire du bien à un homme; mais c'est ressembler aux dieux que de contribuer au bonheur d'une société entière. Там человек, совершивший благородный поступок, считал самый этот поступок достаточным для себя вознаграждением. Видя любого из соотечественников, он испытывал удовольствие от сознания, что облагодетельствовал его: он считал свои заслуги по числу своих сограждан. Каждому дано делать добро другому; а содействовать счастью целого общества значит уподобиться богам.
"Or cette noble émulation ne doit-elle point être entièrement éteinte dans le coeur de vos Persans, chez qui les emplois et les dignités ne sont que des attributs de la fantaisie du souverain? La réputation et la vertu y sont regardées comme imaginaires, si elles ne sont accompagnées de la faveur du prince, avec laquelle elles naissent et meurent de même. Un homme qui a pour lui l'estime publique n'est jamais sûr de ne pas être déshonoré demain: le voilà aujourd'hui général d'armée; peut-être que le prince le va faire son cuisinier, et qu'il ne lui laissera plus à espérer d'autre éloge que celui d'avoir fait un bon ragoût." Но это благородное соревнование совершенно угашено в сердцах ваших соотечественников, у которых должности и почести не что иное, как проявление прихоти государя. У вас не придают ни малейшего значения громкой славе и добродетели, если они не сопровождаются благосклонностью повелителя, вместе с которою они рождаются и умирают. У вас человек, пользующийся всеобщим уважением, никогда не бывает уверен, что завтра его не постигнет бесчестье. Сегодня он во главе армии, но может случиться, что государь назначит его своим поваром и лишит его надежды на всякую другую похвалу, кроме как за хорошо приготовленный плов".
De Paris, le 15 de la lune de Gemmadi 2, 1715. Из Парижа, месяца Джеммади 2, 15-го дня, 1715 года.

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Lettre XC. Usbek au même, à Smyrne/Узбек к нему же в Смирну

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De cette passion générale que la nation française a pour la gloire, il s'est formé dans l'esprit des particuliers un certain je ne sais quoi, qu'on appelle point d'honneur. C'est proprement le caractère de chaque profession; mais il est plus marqué chez les gens de guerre, et c'est le point d'honneur par excellence. Il me serait bien difficile de te faire sentir ce que c'est: car nous n'en avons point précisément d'idée. Из этой страсти к славе, свойственной всей французской нации, в умах отдельных лиц сложилось некое весьма щепетильное понятие о чести. Это понятие, собственно говоря, присуще любой профессии, но особенно резко проявляется оно у военных; у них оно принимает наиболее законченную форму. Мне очень трудно дать тебе почувствовать, что это такое, потому что у нас нет об этом точного представления.
Autrefois, les Français, surtout les nobles, ne suivaient guère d'autres lois que celles de ce point d'honneur: elles réglaient toute la conduite de leur vie, et elles étaient si sévères qu'on ne pouvait sans une peine plus cruelle que la mort, je ne dis pas les enfreindre, mais en éluder la plus petite disposition. В былые времена французы, в особенности дворяне, подчинялись только тем законам, которые предписывались этим понятием чести: эти законы определяли все их поведение и были так строги, что под страхом еще более жестокого наказания, чем самая смерть, нельзя было не только их преступать - уж и не говорю об этом, - но даже чуть-чуть от них уклоняться.
Quand il s'agissait de régler les différends, elles ne prescrivaient guère qu'une manière de décision, qui était le duel, qui tranchait toutes les difficultés. Mais ce qu'il y avait de mal, c'est que souvent le jugement se rendait entre d'autres parties que celles qui y étaient intéressées. Когда приходилось улаживать какое-нибудь столкновение, эти законы предписывали только один способ решения: дуэль. Она начисто разрешала все затруднения. Но плохо было то, что зачастую решение вопроса предоставлялось не тем лицам, которые были в нем заинтересованы.
Pour peu qu'un homme fût connu d'un autre, il fallait qu'il entrât dans la dispute, et qu'il payât de sa personne, comme s'il avait été lui-même en colère. Il se sentait toujours honoré d'un tel choix et d'une préférence si flatteuse; et tel qui n'aurait pas voulu donner quatre pistoles à un homme pour le sauver de la potence, lui et toute sa famille, ne faisait aucune difficulté d'aller risquer pour lui mille fois sa vie. Достаточно тебе было просто быть знакомым с одним из поссорившихся, чтобы быть обязанным вмешаться в распрю и платиться собственной персоной, как если бы ты сам был оскорблен. Такой знакомый считал для себя честью, если на нем останавливался выбор и ему оказывалось столь лестное предпочтение, и тот самый человек, который не дал бы другому и четырех пистолей, чтобы спасти от виселицы его самого и всю его семью, нисколько не затруднялся тысячи раз рисковать жизнью за своего знакомца.
Cette manière de décider était assez mal imaginée car, de ce qu'un homme était plus adroit ou plus fort qu'un autre, il ne s'ensuivait pas qu'il eût de meilleures raisons. Подобный способ решения споров нельзя назвать удачным, потому что из того, что один человек ловчее или сильнее другого, еще не следует, что правда на его стороне.
Aussi les rois l'ont-ils défendue sous des peines très sévères; mais c'est en vain: l'honneur, qui veut toujours régner, se révolte, et il ne reconnaît point de lois. Поэтому короли и запретили дуэль под страхом строжайших наказаний, но тщетно: Честь, всегда стремящаяся царствовать, бунтует и не признает никаких законов.
Ainsi les Français sont dans un état bien violent car les mêmes lois de l'honneur obligent un honnête homme de se venger quand il a été offensé; mais, d'un autre côté, la justice le punit des plus cruelles peines lorsqu'il se venge. Si l'on suit les lois de l'honneur, on périt sur un échafaud; si l'on suit celles de la justice, on est banni pour jamais de la société des hommes. Il n'y a donc que cette cruelle alternative, ou de mourir, ou d'être indigne de vivre. Таким образом, французы оказались в весьма затруднительном положении: законы Чести обязывают порядочного человека отомстить за оскорбление, а, с другой стороны, правосудие карает его самым жестоким образом, если он за себя отомстит. Если следуешь законам Чести, гибнешь на эшафоте; если подчинишься законам правосудия, тебя навсегда изгонят из общества. Остается, стало быть, только жестокая альтернатива: либо умереть, либо сделаться недостойным жизни.
De Paris, le 18 de la lune de Gemmadi 2, 1715. Из Парижа, месяца Джеммади 2, 18-го дня, 1715 года

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Lettre XCI. Usbek à Rustan, à Ispahan/Узбек к Рустану в Испагань

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Il paraît ici un personnage travesti en ambassadeur de Perse, qui se joue insolemment des deux plus grands rois du monde. Il apporte au monarque des Français des présents que le nôtre ne saurait donner à un roi d'Irimette ou de Géorgie, et, par sa lâche avarice, il a flétri la majesté des deux empires. Здесь появился человек, переодетый персидским послом, нагло надувающий двух величайших в мире монархов. Он подносит французскому королю такие подарки, которые наш повелитель не решился бы предложить даже государю маленькой Имеретии или Грузии; своей подлой скаредностью он оскорбил величие обоих государств.
Il s'est rendu ridicule devant un peuple qui prétend être le plus poli de l'Europe, et il a fait dire en Occident que le roi des rois ne domine que sur des barbares. Он сделался посмешищем народа, считающего себя самым учтивым в Европе, и дал Западу повод говорить, что царь царей повелевает только варварами.
Il a reçu des honneurs qu'il semblait avoir voulu se faire refuser lui-même, et, comme si la cour de France avait eu plus à coeur la grandeur persane que lui, elle l'a fait paraître avec dignité devant un peuple dont il est le mépris. Ему оказали почести, хотя, судя по его поведению, он хотел бы, чтобы ему в них было отказано, а французский двор, как будто больше его принимая к сердцу величие Персии, поддержал его достоинство перед лицом народа, которому он внушил одно презрение.
Ne dis point ceci à Ispahan: épargne la tête d'un malheureux. Je ne veux pas que nos ministres le punissent de leur propre imprudence et de l'indigne choix qu'ils ont fait. Не рассказывай об этом в Испагани: пощади голову несчастного. Я не хочу, чтобы наши министры наказали его за их же собственную неосторожность и недостойный выбор.
De Pans, le 4 dernier de la lune de Gemmadi 1715. Из Парижа, в последний день месяца Джеммади 2, 1715 года

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Lettre XCII. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Le monarque qui a si longtemps régné n'est plus. Il a bien fait parler des gens pendant sa vie; tout le monde s'est tu à sa mort. Ferme et courageux dans ce dernier moment, il a paru ne céder qu'au destin. Ainsi mourut le grand Chah Abas, après avoir rempli toute la terre de son nom. Монарха, царствовавшего так долго, не стало (Он скончался 1 сентября 1715 года). При жизни о нем много говорили; когда он умер, все замолчали. Твердый и мужественный в этот последний час, он, казалось, покорился только судьбе. Так умирал великий Шах-Аббас, после того как наполнил вселенную своим именем.
Ne crois pas que ce grand événement n'ait fait faire ici que des réflexions morales. Chacun a pensé à ses affaires, et à prendre ses avantages dans ce changement. Le roi, arrière-petit-fils du monarque défunt, n'ayant que cinq ans, un prince, son oncle, a été déclaré régent du royaume. Не воображай, что это великое событие послужило здесь поводом только к нравственным размышлениям. Всякий подумал о своих делах и о том, какие ему выгоды извлечь из этой перемены. Королю, правнуку усопшего монарха, всего пять лет от роду, поэтому принц, его дядя{314}, объявлен Регентом королевства.
Le feu roi avait fait un testament qui bornait l'autorité du régent. Ce prince habile a été au Parlement, et, y exposant tous les droits de sa naissance, il a fait casser la disposition du monarque, qui, voulant se survivre à lui-même, semblait avoir prétendu régner encore après sa mort. Усопший монарх оставил завещание, которым ограничивал власть Регента. Но ловкий принц отправился в парламент и, предъявив там свои права, добился отмены распоряжения государя, который, казалось, хотел пережить самого себя и притязал на царствование даже и после смерти.
Les parlements ressemblent à ces ruines que l'on foule aux pieds, mais qui rappellent toujours l'idée de quelque temple fameux par l'ancienne religion des peuples. Ils ne se mêlent guère plus que de rendre la justice, et leur autorité est toujours languissante, à moins que quelque conjoncture imprévue ne vienne lui rendre la force et la vie. Ces grands corps ont suivi le destin des choses humaines: ils ont cédé au temps, qui détruit tout, à la corruption des moeurs, qui a tout affaibli, à l'autorité suprême, qui a tout abattu. Парламенты похожи на те развалины, которые хоть и попирает нога человека, а они все же наводят на мысль о каком-нибудь храме, прославленном некогда древней религией народов. Парламенты уже ни во что не вмешиваются, кроме отправления правосудия, и их авторитет все более и более умаляется, если только какое-нибудь непредвиденное стечение обстоятельств не вернет им силу и жизнь. Эти великие учреждения разделили судьбу всего человеческого: они отступили перед все разрушающим временем, все подтачивающей порчей нравов, все подавившей монаршей властью.
Mais le régent, qui a voulu se rendre agréable au peuple, a paru d'abord respecter cette image de la liberté publique, et, comme s'il avait pensé à relever de terre le temple et l'idole, il a voulu qu'on les regardât comme l'appui de la monarchie et le fondement de toute autorité légitime. Однако Регент, стремясь заслужить народное расположение, сначала, казалось, относился с уважением к этому образу общественной свободы и, словно собираясь поднять поверженный храм и идола, хотел, чтобы их считали опорой монархии и основой всякой законной власти.
De Paris, le de la lune de Rhégeb 1715. Из Парижа, месяца Реджеба 4-го дня, 1715 года.

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Lettre XCIII. Usbek à son frère, Santon au monastère de Casbin/Узбек к своему брату, отшельнику Каввинского монастыря

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Je m'humilie devant toi, sacré santon, et je me prosterne; je regarde les vestiges de tes pieds comme la prunelle de mes yeux. Ta sainteté est si grande qu'il semble que tu aies le coeur de notre saint prophète; tes austérités étonnent le ciel même; les anges t'ont regardé du sommet de la gloire et ont dit: "Comment est-il encore sur la terre, puisque son esprit est avec nous et vole autour du trône qui est soutenu par les nuées?" Смиренно преклоняюсь пред тобою, святой отшельник, и простираюсь во прах: следы ног твоих для меня дороже зеницы моих очей. Твоя святость столь велика, словно ты обладаешь сердцем нашего святого пророка: подвижничеству твоему дивится самое небо; ангелы взирают на тебя с вершины славы и глаголят: "Почему он еще на земле, когда дух его с нами и витает вокруг престола, стоящего на облаках?"
Et comment ne t'honorerais-je pas, moi qui ai appris de nos docteurs que les dervis, même infidèles, ont toujours un caractère de sainteté, qui les rend respectables aux vrais croyants, et que Dieu s'est choisi, dans tous les coins de la terre, des âmes plus pures que les autres, qu'il a séparées du monde impie, afin que leurs mortifications et leurs prières ferventes suspendissent sa colère prête à tomber sur tant de peuples rebelles? И как же мне не почитать тебя, мне, узнавшему от наших ученых, что даже неверным дервишам всегда присуща святость, внушающая правоверным уважение, и что бог избрал на служение себе во всех концах земли самые чистые души и отделил их от нечестивого мира, дабы их подвижничество и пламенные молитвы умеряли гнев его, готовый разразиться над столькими мятежными народами.
Les chrétiens disent des merveilles de leurs premiers santons, qui se réfugièrent à milliers dans les déserts affreux de la Thébaide et eurent pour chefs Paul, Antoine et Pacôme. Si ce qu'ils en disent est vrai, leurs vies sont aussi pleines de prodiges que celles de nos plus sacrés immaums. Ils passaient quelquefois dix ans entiers sans voir un seul homme, mais ils habitaient la nuit et le jour avec des démons; ils étaient sans cesse tourmentés par ces esprits malins: ils les trouvaient au lit; ils les trouvaient à table; jamais d'asile contre eux. Si tout ceci est vrai, santon vénérable, il faudrait avouer que personne n'aurait jamais vécu en plus mauvaise compagnie. Христиане рассказывают чудеса о своих первых подвижниках, которые тысячами удалялись в страшные пустыни Фиваиды; во главе их стояли Павел{315}, Антоний{315} и Пахомий{315}. Если то, что о них рассказывают, правда, то жития их столь же полны чудесами, как и жития самых святых наших имамов. Иногда по целых десять лет не видели они ни одного человека; зато дни и ночи проводили они с демонами; эти лукавые духи беспрестанно мучили их; пустынники находили их у себя на ложе, встречали за столом - невозможно было от них скрыться. Если все это правда, почтенный отшельник, то нужно признать, что никогда и никому еще не приходилось жить в таком скверном обществе.
Les chrétiens sensés regardent toutes ces histoires comme une allégorie bien naturelle, qui nous peut servir à nous faire sentir le malheur de la condition humaine. En vain cherchons-nous dans le désert un état tranquille: les tentations nous suivent toujours; nos passions, figurées par les démons, ne nous quittent point encore; ces monstres du coeur, ces illusions de l'esprit, ces vains fantômes de l'erreur et du mensonge, se montrent toujours à nous pour nous séduire et nous attaquent jusque dans les jeûnes et les cilices, c'est-à-dire jusque dans notre force même. Здравомыслящие христиане относятся ко всем этим историям как к аллегориям, которые должны разъяснить нам, сколь плачевна участь человека. Тщетно ищем мы спокойствия в пустыне: искушения преследуют нас всюду; страсти, представляющиеся в обличье демонов, не оставляют нас; эти чудовища нашего сердца, эти обманы ума, эти пустые призраки лжи и заблуждения постоянно являются нам, чтобы соблазнять нас, и нападают на нас даже во время поста, даже когда на нас надета власяница, то есть когда мы всего сильнее.
Pour moi, santon vénérable, je sais que l'envoyé de Dieu a enchaîné Satan et l'a précipité dans les abîmes; il a purifié la terre, autrefois pleine de son empire, et l'a rendue digne du séjour des anges et des prophètes. Что касается меня, высокочтимый отшельник, то я знаю, что посланец божий сковал сатану и низверг его в бездну: он очистил землю, некогда подвластную сатане, и сделал ее достойной пребывания на ней ангелов и пророков.
De Paris, le 9 de la lune de Chahban 1715. Из Парижа, месяца Шахбана 9-го дня, 1715 года

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Lettre XCIV. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Je n'ai jamais oui parier du droit public qu'on n'ait commencé par rechercher soigneusement quelle est l'origine des sociétés, ce qui me paraît ridicule. Si les hommes n'en formaient point, s'ils se quittaient et se fuyaient les uns les autres, il faudrait en demander la raison, et chercher pourquoi ils se tiennent séparés. Mais ils naissent tous liés les uns aux autres; un fils est né auprès de son père, et il s'y tient: voilà la société, et la cause de la société. Мне никогда не приходилось слышать разговоров о государственном праве, чтобы при этом собеседники не начинали тщательно доискиваться, как возникло общество. Мне это кажется смешным. Вот если бы люди не создали общества, если бы они избегали друг друга и рассеивались в разные стороны, тогда следовало бы спросить о причине такого явления и искать объяснения их отчужденности. Но люди с самого рождения связаны между собою; сын родился подле отца и подле него остался: вот вам и общество и причина его возникновения.
Le droit public est plus connu en Europe qu'en Asie; cependant on peut dire que les passions des princes, la patience des peuples, la flatterie des écrivains, en ont corrompu tous les principes. Государственное право более известно в Европе, чем в Азии; однако можно сказать, что страсти монархов, долготерпение народов, лесть писателей извратили все его принципы.
Ce droit, tel qu'il est aujourd'hui, est une science qui apprend aux princes jusqu'à quel point ils peuvent violer la justice sans choquer leurs intérêts. Quel dessein, Rhédi, de vouloir, pour endurcir leur conscience, mettre l'iniquité en système, d'en donner des règles, d'en former des principes et d'en tirer des conséquences! В том виде, в каком оно находится сейчас, это право является наукой, которая учит государей, до каких пределов могут они нарушать справедливость, Не нанося ущерба собственным интересам. Что же это за назначение для науки, Реди, - возводить несправедливость в систему, устанавливать для нее правила, определять ее принципы, извлекать из нее следствия, - и все это только для того, чтобы приглушить совесть монархов!
La puissance illimitée de nos sublimes sultans, qui n'a d'autre règle qu'elle-même, ne produit pas plus de monstres que cet art indigne qui veut faire plier la justice, tout inflexible qu'elle est. Неограниченная власть наших высоких султанов, для которой не существует иного закона, кроме нее самой, порождает не больше чудовищ, чем эта недостойная наука, стремящаяся сломить справедливость, которая должна быть непреклонна.
On dirait, Rhédi, qu'il y a deux justices toutes différentes: l'une qui règle les affaires des particuliers, qui règne dans le droit civil; l'autre qui règle les différends qui surviennent de peuple à peuple, qui tyrannise dans le droit public: comme si le droit public n'était pas lui-même un droit civil, non pas à la vérité d'un pays particulier, mais du monde. Можно бы сказать, Реди, что существуют две совершенно различных справедливости: одна управляет делами частных лиц и царствует в гражданском праве, а другая - устраняет распри, возникающие между народами, и тиранствует в праве государственном. Как будто государственное право не является и правом гражданским, - только не одной какой-нибудь страны, а всего мира.
je t'expliquerai dans une autre lettre mes pensées là-dessus. Свои мысли об этом я изложу тебе в следующем письме.
De Paris, le premier de la lune de Zilhagé 1716. Из Парижа, месяца Зильхаже 1-го дня, 1716 года.

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Lettre XCV. Usbek au même/Узбек к нему же

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Les magistrats doivent rendre la justice de citoyen à citoyen. Chaque peuple la doit rendre lui-même de lui à un autre peuple. Dans cette seconde distribution de justice, on ne peut employer d'autres maximes que dans la première. Судьи должны разрешать тяжбы между отдельными гражданами. Каждый народ должен сам разрешать свои споры с другим народом. При отправлении этого второго вида правосудия не должно быть других правил, чем при отправлении первого.
De peuple à peuple, il est rarement besoin de tiers pour juger, parce que les sujets de disputes sont presque toujours clairs et faciles à terminer. Les intérêts de deux nations sont ordinairement si séparés qu'il ne faut qu'aimer la justice pour la trouver; on ne peut guère se prévenir dans sa propre cause. Надобность в третейском судье между двумя народами ощущается очень редко, потому что предмет спора почти всегда ясен и легко разрешим. Обычно интересы двух наций бывают так различны, что нужно только любить справедливость, чтобы установить, на чьей она стороне; нельзя быть предубежденным в своем собственном деле.
Il n'en est pas de même des différends qui arrivent entre particuliers. Comme ils vivent en société, leurs intérêts sont si mêlés et si confondus, il y en a de tant de sortes différentes, qu'il est nécessaire qu'un tiers débrouille ce que la cupidité des parties cherche à obscurcir. Иной случай, когда распря возникает между отдельными лицами. Так как они живут в обществе, их интересы бывают настолько спутаны и перемешаны, несогласия столь разнообразны, что необходимо, чтобы кто-нибудь третий разобрался в том, что старается затемнить алчность враждующих сторон.
Il n'y a que deux sortes de guerres justes: les unes qui se font pour repousser un ennemi qui attaque; les autres, pour secourir un allié qui est attaqué. Существует только два вида справедливых войн: те, что предпринимаются для того, чтобы отразить нападение неприятеля, и вторые - чтобы помочь союзнику, подвергшемуся нападению.
Il n'y aurait point de justice de faire la guerre pour des querelles particulières du prince, à moins que le cas ne fût si grave qu'il méritât la mort du prince ou du peuple qui l'a commis. Ainsi un prince ne peut faire la guerre parce qu'on lui aura refusé un honneur qui lui est dû, ou parce qu'on aura eu quelque procédé peu convenable à l'égard de ses ambassadeurs, et autres choses pareilles; non plus qu'un particulier ne peut tuer celui qui lui refuse la préséance. La raison en est que, comme la déclaration de guerre doit être un acte de justice, dans laquelle il faut toujours que la peine soit proportionnée à la faute, il faut voir si celui à qui on déclare la guerre mérite la mort: car faire la guerre à quelqu'un, c'est vouloir le punir de mort. Было бы несправедливо начинать войну из-за личных раздоров государей, если только случай не настолько серьезен, что из-за него стоит предать смерти виновного государя или народ. Поэтому государь не может начать войну из-за того, что ему отказали в подобающих ему почестях или обошлись непочтительно с его послом и тому подобное; точно так же частное лицо не может убить того, кто отказывает ему в первенстве. Объявление войны должно быть актом справедливости, причем наказание должно быть соразмерно вине; поэтому нужно предварительно убедиться, заслуживает ли смерти тот, кому объявляют войну; ибо воевать с кем-нибудь значит иметь намерение наказать его смертью.
Dans le droit public, l'acte de justice le plus sévère, c'est la guerre; puisqu'elle peut avoir l'effet de détruire la société. В государственном праве самым суровым актом правосудия является война, потому что результатом ее может быть разрушение общества.
Les représailles sont du second degré. C'est une loi que les tribunaux n'ont pu s'empêcher d'observer, de mesurer la peine par le crime. На втором месте стоит отмщение. Соразмерять наказание с преступлением - закон, которого никакие суды не могли обойти.
Un troisième acte de justice est de priver un prince des avantages qu'il peut tirer de nous, proportionnant toujours la peine à l'offense. Третий акт правосудий состоит в том, чтобы лишить государя тех преимуществ, которые он может извлечь из нас; здесь опять-таки наказание должно быть соразмерно вине.
Le quatrième acte de justice, qui doit être le plus fréquent, est la renonciation à l'alliance du peuple dont on a à se plaindre. Cette peine répond à celle du bannissement, que les tribunaux ont établie pour retrancher les coupables de la société. Ainsi un prince à l'alliance duquel nous renonçons est retranché de notre société et n'est plus un des membres qui la composent. Четвертый акт правосудия, который должен применяться чаще других, заключается в отказе от союза с народом, подающим повод к жалобам. Это наказание соответствует изгнанию, установленному судами с целью удаления виновного из общества. Таким образом, государь, от союза с которым мы отказываемся, исключается из нашего общества и перестает быть одним из его членов.
On ne peut pas faire de plus grand affront à un prince que de renoncer à son alliance, ni lui faire de plus grand honneur que de la contracter. Il n'y a rien, parmi les hommes, qui leur soit plus glorieux et même plus utile que d'en voir d'autres toujours attentifs à leur conservation. Нельзя нанести большего оскорбления государю, чем отказавшись от союза с ним, и нельзя оказать ему большей чести, чем заключив с ним союз. Нет ничего славнее и даже полезнее для людей, как видеть, что другие неизменно дорожат сохранением с ними хороших отношений.
Mais, pour que l'alliance nous lie, il faut qu'elle soit juste: ainsi une alliance faite entre deux nations pour en opprimer une troisième n'est pas légitime, et on peut la violer sans crime. Но чтобы союз нас действительно связывал, он должен быть справедлив: например, союз, заключенный двумя нациями в целях притеснения третьей, незаконен, и его можно нарушить, не совершая этим преступления.
Il n'est pas même de l'honneur et de la dignité du prince de s'allier avec un tyran. On dit qu'un monarque d'Egypte fit avertir le roi de Samos de sa cruauté et de sa tyrannie, et le somma de s'en corriger. Не согласно с честью и достоинством государя вступать в союз с тираном. Рассказывают, что один фараон указывал самосскому царю{318} на его жестокость и тиранство и убеждал его исправиться.
Comme il ne le fit pas, il lui envoya dire qu'il renonçait à son amitié et à son alliance. Когда же тот не послушался, фараон известил его об отказе от его дружбы и от союза с ним.
La conquête ne donne point un droit par elle-même: lorsque le peuple subsiste, elle est un gage de la paix et de la réparation du tort; et, si le peuple est détruit ou dispersé, elle est le monument d'une tyrannie. Завоевание само по себе не дает никаких прав. Если население завоеванной страны уцелело, то завоевание должно служить залогом мира и восстановления справедливости; если же народ уничтожен или рассеян, завоевание становится памятником тирании.
Les traités de paix sont si sacrés parmi les hommes qu'il semble qu'ils soient la voix de la nature qui réclame ses droits. Ils sont tous légitimes lorsque les conditions en sont telles que les deux peuples peuvent se conserver; sans quoi, celle des deux sociétés qui doit périr, privée de sa défense naturelle par la paix, la peut chercher dans la guerre. Мирные договоры столь священны для людей, что являются как бы голосом природы, заявляющей свои права. Они всегда законны, когда условия их таковы, что оба заключивших их народа сохраняют неприкосновенность; в противном случае то из двух обществ, которому предстоит гибель, так как оно лишено естественной защиты в мирных условиях, может искать защиты в войне.
Car la nature, qui a établi les différents degrés de force et de faiblesse parmi les hommes, a encore souvent égalé la faiblesse à la force par le désespoir. Ибо природа, установившая среди людей различия в силе и слабости, часто с помощью отчаяния уравнивает силу слабых с могуществом сильных.
Voilà, cher Rhédi, ce que j'appelle le droit public. Voilà le droit des gens, ou plutôt celui de la raison. Вот, любезный Реди, что я называю государственным правом. Вот тебе право людей, или, вернее, право человеческого разума.
De Paris, le 4 de la lune de Zilhagé 1716. Из Парижа, месяца Зильхаже 4-го дня, 1716 года

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Lettre XCVI. Le premier eunuque à Usbek, à Paris/Первый евнух к Узбеку в Париж

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Il est arrivé ici beaucoup de femmes jaunes du royaume de Visapour; j'en ai acheté une pour ton frère le gouverneur de Mazendéran, qui m'envoya il y a un mois son commandement sublime et cent tomans. Сюда прибыло много желтых женщин из королевства Висапур{318}. Я купил одну для твоего брата, мазандаранского губернатора{318}, который месяц тому назад прислал мне свое высочайшее повеление и сто туманов.
Je me connais en femmes, d'autant mieux qu'elles ne me surprennent pas, et qu'en moi les yeux ne sont point troublés par les mouvements du coeur. Я знаю толк в женщинах, тем более что им не обворожить меня и что волнения страсти меня не ослепляют.
Je n'ai jamais vu de beauté si régulière et si parfaite ses yeux brillants portent la vie sur son visage, et relèvent l'éclat d'une couleur qui pourrait effacer tous les charmes de la Circassie. Я никогда не встречал столь правильной и совершенной красоты: ее блестящие глаза придают жизнь лицу и подчеркивают восхитительный цвет кожи, пред которым меркнут все прелести страны черкесов.
Le premier eunuque d'un négociant d'Ispahan la marchandait avec moi; mais elle se dérobait dédaigneusement à ses regards et semblait chercher les miens, comme si elle avait voulu me dire qu'un vil marchand n'était pas digne d'elle, et qu'elle était destinée à un plus illustre époux. Ее торговал одновременно со мною главный евнух некоего испаганского купца, но она презрительно отворачивалась от его взоров и, казалось, искала моих, словно желая сказать мне, что гнусный купец недостоин ее и что она предназначена для более знатного супруга.
Je te l'avoue, je sens en moi-même une joie secrète quand je pense aux charmes de cette belle personne: il me semble que je la vois entrer dans le sérail de ton frère; je me plais à prévoir l'étonnement de toutes ses femmes: la douleur impérieuse des unes; l'affliction muette, mais plus douloureuse, des autres; la consolation maligne de celles qui n'espèrent plus rien; et l'ambition irritée de celles qui espèrent encore. Признаюсь тебе, я ощущаю тайную радость, когда думаю о прелестях этой красавицы: я представляю себе, как она входит в сераль твоего брата; я с удовольствием предугадываю удивление всех его жен, надменную печаль одних, немую, но тем более тяжкую скорбь других, злорадное самоутешение тех, кому уже не на что больше надеяться, и уязвленное самолюбие тех, кто еще питает надежду.
Je vais, d'un bout du royaume à l'autre, faire changer tout un sérail de face. Que de passions je vais émouvoir! Que de craintes et de peines je prépare! Находясь здесь, я переверну весь сераль на другом конце государства. Сколько страстей вызову я! Сколько причиню страхов и горестей!
Cependant, dans le trouble du dedans, le dehors ne sera pas moins tranquille: les grandes révolutions seront cachées dans le fond du coeur; les chagrins seront dévorés et les joies, contenues; l'obéissance ne sera pas moins exacte, et la règle moins inflexible; la douceur, toujours contrainte de paraître, sortira du fond même du désespoir. А между тем, несмотря на внутреннее смятение, наружно все будет казаться по-прежнему спокойным: великие перевороты затаятся в глубине сердца; печали будут подавлены, радость сдержана; послушание будет таким же беспрекословным и правила столь же непреклонными; из самых глубин отчаяния возникнет кротость, как всегда, вынужденная.
Nous remarquons que, plus nous avons de femmes sous nos yeux, moins elles nous donnent d'embarras. Une plus grande nécessité de plaire, moins de facilité de s'unir, plus d'exemples de soumission: tout cela leur forme des chaînes. Les unes sont sans cesse attentives sur les démarches des autres: il semble que, de concert avec nous, elles travaillent à se rendre plus dépendantes; elles font une partie de notre ouvrage et nous ouvrent les yeux quand nous les fermons. Que dis-je? Elles irritent sans cesse le maître contre leurs rivales, et elles ne voient pas combien elles se trouvent près de celles qu'on punit. Мы замечаем, что чем больше женщин у нас под надзором, тем меньше они доставляют нам хлопот. Большая необходимость нравиться, меньшая легкость сближения, больше примеров покорности, - из всего этого слагаются их цепи. Одни неустанно следят за каждым шагом других, как будто все они сообща с нами стараются усилить собственную зависимость; они выполняют часть нашей работы и открывают нам глаза, когда мы их закрываем. Да что я говорю! Они беспрестанно восстанавливают своего господина против соперниц, и сами не замечают, как близки они к тем, кто подвергается наказанию.
Mais tout cela, magnifique seigneur, tout cela n'est rien sans la présence du maître. Que pouvons nous faire avec ce vain fantôme d'une autorité qui ne se communique jamais tout entière? Nous ne représentons que faiblement la moitié de toi-même: nous ne pouvons que leur montrer une odieuse sévérité. Toi, tu tempères la crainte par les espérances; plus absolu quand tu caresses, que tu ne l'es quand tu menaces. Но все это, блистательный повелитель, ничто, когда господин отсутствует. Что можем мы сделать при помощи пустого призрака власти, раз она никогда не выпадает на нашу долю целиком? Мы только в слабой степени представляем половину тебя самого: мы можем проявлять по отношению к женщинам только ненавистную им строгость. Ты же умеряешь страх надеждами; ты полновластнее, когда ласкаешь, чем когда грозишь.
Reviens donc, magnifique seigneur, reviens dans ces lieux porter partout les marques de ton empire. Viens adoucir des passions désespérées; viens ôter tout prétexte de faillir; viens apaiser l'amour qui murmure, et rendre le devoir même aimable; viens, enfin, soulager tes fidèles eunuques d'un fardeau qui s'appesantit chaque jour. Вернись же, блистательный повелитель, вернись к нам, чтобы повсюду утвердить свое владычество. Приди и успокой мятежные страсти, приди и отними всякий предлог к падению; приди, чтобы успокоить ропщущую любовь и скрасить самый долг; приди, наконец, чтобы облегчить твоим верным евнухам бремя, становящееся день ото дня все более тяжелым.
Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Zilhagé 1716. Из испаганского сераля, месяца Зильхаже 8-го дня, 1716 года

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Lettre XCVII. Usbek à Hassein, dervis de la montagne de Jaron/Узбек к Гассейну, дервишу Ярронской горы

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O toi, sage dervis, dont l'esprit curieux brille de tant de connaissances, écoute ce que je vais te dire. О ты, мудрый дервиш, чей любознательный ум блещет столькими знаниями, послушай, что я скажу тебе.
Il y a ici des philosophes qui, à la vérité, n'ont point atteint jusqu'au faîte de la sagesse orientale: ils n'ont point été ravis jusqu'au trône lumineux; ils n'ont ni entendu les paroles ineffables dont les concerts des anges retentissent, ni senti les formidables accès d'une fureur divine; mais, laissés à eux-mêmes, privés des saintes merveilles, ils suivent dans le silence les traces de la raison humaine. Есть здесь философы, не достигшие, правда, вершин восточной мудрости, не вознесенные к сияющему престолу, не внимавшие неизъяснимым словам, что звучат в хорах ангельских, не почувствовавшие на себе грозных проявлений божественного гнева: они предоставлены самим себе и не удостоены святых чудес, зато они идут в тишине по следам человеческого разума.
Tu ne saurais croire jusqu'où ce guide les a conduits. Ils ont débrouillé le chaos et ont expliqué, par une mécanique simple, l'ordre de l'architecture divine. L'auteur de la nature a donné du mouvement à la matière: il n'en a pas fallu davantage pour produire cette prodigieuse variété d'effets que nous voyons dans l'univers. Ты и представить себе не можешь, как далеко завел их этот вожатый. Они распутали хаос и с помощью простой механики объяснили основы божественного зодчества. Творец природы наделил материю движением, и этого было достаточно, чтобы произвести то изумительное разнообразие, которое мы видим во вселенной.
Que les législateurs ordinaires nous proposent des lois pour régler les sociétés des hommes; des lois aussi sujettes au changement que l'esprit de ceux qui les proposent, et des peuples qui les observent: ceux-ci ne nous parlent que des lois générales, immuables, éternelles, qui s'observent sans aucune exception, avec un ordre, une régularité et une promptitude infinie, dans l'immensité des espaces. Пускай обыкновенные законодатели предлагают нам законы для упорядочения человеческих обществ - законы, настолько же подверженные изменениям, насколько изменчив ум предлагающих и ум народов, их соблюдающих! А философы говорят нам о законах всеобщих, незыблемых, вечных, которые соблюдаются без всяких изъятий, в безграничном пространстве, с бесконечным порядком, последовательностью и быстротой.
Et que crois-tu, homme divin, que soient ces lois? Tu t'imagines peut-être qu'entrant dans le conseil de l'Eternel, tu vas être étonné par la sublimité des mystères; tu renonces par avance à comprendre, tu ne te proposes que d'admirer. Что же, по-твоему, представляют собою эти законы, божественный человек? Может быть, ты надеешься, что, войдя в совет всевышнего, просто изумишься возвышенности этих тайн, и поэтому заранее отказываешься понимать и собираешься только удивляться?
Mais tu changeras bientôt de pensée: elles n'éblouissent point par un faux respect; leur simplicité les a fait longtemps méconnaître, et ce n'est qu'après bien des réflexions qu'on en a vu toute la fécondité et toute l'étendue. Но скоро ты переменишь свое мнение: эти тайны не ослепляют своею мнимой значительностью; они долго оставались непознанными вследствие своей простоты, и только после долгих размышлений люди поняли всю их плодотворность и широчайшее значение.
La première est que tout corps tend à décrire une ligne droite, à moins qu'il ne rencontre quelque obstacle qui l'en détourne; et la seconde, qui n'en est qu'une suite, c'est que tout corps qui tourne autour d'un centre tend à s'en éloigner, parce que, plus il en est loin, plus la ligne qu'il décrit approche de la ligne droite. Первая из них та, что всякое тело стремится двигаться по прямой линии, если только не встречает какого-нибудь препятствия, отклоняющего его с пути; а вторая, являющаяся всего лишь следствием первой, состоит в том, что всякое тело, вращающееся вокруг какого-нибудь центра, стремится удалиться от него, потому что чем дальше оно от этого центра, тем более приближается к прямой описываемая им линия.
Voilà, sublime dervis, la clef de la nature; voilà des principes féconds, dont on tire des conséquences à perte de vue. Вот ключ к природе, дивный дервиш; вот плодотворные начала, из которых выводятся необозримые следствия.
La connaissance de cinq ou six vérités a rendu leur philosophie pleine de miracles, et leur a fait faire presque autant de prodiges et de merveilles que tout ce qu'on nous raconte de nos saints prophètes. Познание пяти-шести истин преисполнило чудесами науку этих философов и дало им возможность произвести почти столько же чудес и удивительных вещей, сколько рассказывается про наших святых пророков.
Car, enfin, je suis persuadé qu'il n'y a aucun de nos docteurs qui n'eût été embarrassé, si on lui eût dit de peser dans une balance tout l'air qui est autour de la terre, ou de mesurer toute l'eau qui tombe chaque année sur sa surface, et qui n'eût pensé plus de quatre fois avant de dire combien de lieues le son fait dans une heure, quel temps un rayon de lumière emploie à venir du soleil à nous; combien de toises il y a d'ici à Satume; quelle est la courbe selon laquelle un vaisseau doit être taillé pour être le meilleur voilier qu'il soit possible. Я уверен, что нет у нас такого ученого, который не попал бы в затруднительное положение, если бы ему предложили свесить на весах воздух, окружающий землю, или измерить количество воды, ежегодно падающей на ее поверхность, и который крепко не задумался бы, прежде чем сказать, сколько миль в час проходит звук, сколько времени нужно лучу солнца, чтобы дойти до нас, сколько миль отсюда до Сатурна, какую кривизну следует придать корпусу корабля, чтобы он оказался лучшим из всех возможных судов.
Peut-être que, si quelque homme divin avait orné les ouvrages de ces philosophes de paroles hautes et sublimes; s'il y avait mêlé des figures hardies et des allégories mystérieuses, il aurait fait un bel ouvrage, qui n'aurait cédé qu'au saint Alcoran. Пожалуй, если бы какой-нибудь божественный человек разукрасил произведения этих философов возвышенными и дивными словами, если бы он прибавил к ним смелые Метафоры и таинственные аллегории, получилась бы прекрасная книга, которая уступала бы только святому Алкорану.
Cependant, s'il faut te dire ce que je pense, je ne m'accommode guère du style figuré. Il y a dans notre Alcoran un grand nombre de petites choses qui me paraissent toujours telles, quoiqu'elles soient relevées par la force et la vie de l'expression. Il semble d'abord que les livres inspirés ne sont que les idées divines rendues en langage humain. Au contraire, dans notre Alcoran, on trouve souvent le langage de Dieu et les idées des hommes, comme si, par un admirable caprice, Dieu y avait dicté les paroles, et que l'homme eût fourni les pensées. И все же, если уж говорить откровенно, мне не по душе иносказательный стиль. В нашем Алкоране есть много мелочей, которые всегда кажутся мне именно мелочами, хотя они очень выигрывают благодаря силе и живости выражения. Казалось бы, боговдохновенные книги заключают в себе не что иное, как божественные мысли, изложенные человеческим языком. А между тем в нашем Алкоране то и дело находишь божеский язык, а мысли человеческие, как будто по какой-то удивительной прихоти бог диктовал слова, а человек поставлял мысли.
Tu diras peut-être que je parle trop librement de ce qu'il y a de plus saint parmi nous; tu croiras que c'est le fruit de l'indépendance où l'on vit dans ce pays. Non: grâces au Ciel, l'esprit n'a pas corrompu le coeur, et, tandis que je vivrai, Hali sera mon prophète. Ты скажешь, пожалуй, что я слишком вольно рассуждаю о том, что есть у нас самого святого; подумаешь, что это плод независимости, какою отличаются люди здешней страны. Нет, - благодарение небу! - ум не развратил моего сердца, и, пока я жив, Али будет моим пророком.
De Paris, le 10 de la lune de Chahban 1716. Из Парижа, месяца Шахбана 15-го дня, 1716 года.

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Lettre XCVIII. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Il n'y a point de pays au monde où la fortune soit si inconstante que dans celui-ci. Il arrive tous les dix ans des révolutions qui précipitent le riche dans la misère et enlèvent le pauvre, avec des ailes rapides, au comble des richesses. Celui-ci est étonné de sa pauvreté; celui-là l'est de son abondance. Le nouveau riche admire la sagesse de la Providence; le pauvre, l'aveugle fatalité du destin. Нет места на земле, где фортуна была бы столь непостоянна, как здесь. Каждые десять лет происходят здесь перевороты, которые повергают богача в нищету и на быстрых крыльях возносят нищего на вершины богатства. Один удивляется своей бедности, другой - своему изобилию. Новоявленный богач поражается мудрости провидения, бедняк - роковой слепоте судьбы.
Ceux qui lèvent les tributs nagent au milieu des trésors: parmi eux, il y a peu de Tantales. Ils commencent pourtant ce métier par la dernière misère; ils sont méprisés comme de la boue pendant qu'ils sont pauvres; quand ils sont riches, on les estime assez: aussi ne négligent-ils rien pour acquérir de l'estime. Откупщики утопают в сокровищах; Танталов среди них сыщется немного. А между тем они принимаются за это ремесло, находясь в крайней нищете; пока они бедны, их презирают, как мразь; когда они богаты, им оказывают некоторое уважение; зато они ничем и не пренебрегают, чтобы приобрести его.
Ils sont à présent dans une situation bien terrible. On vient d'établir une chambre qu'on appelle de justice , parce qu'elle va leur ravir tout leur bien. Ils ne peuvent ni détourner ni cacher leurs effets: car on les oblige de les déclarer au juste, sous peine de la vie. Ainsi on les fait passer par un défilé bien étroit: je veux dire entre la vie et leur argent. Pour comble d'infortune, il y a un ministre connu par son esprit, qui les honore de ses plaisanteries et badine sur toutes les délibérations du Conseil. On ne trouve pas tous les jours des ministres disposés à faire rire le peuple, et l'on doit savoir bon gré à celui-ci de l'avoir entrepris. В настоящее время они в ужасном положении. Только что учреждена палата, названная палатой Справедливости{321}, потому что она собирается лишить их всего имущества. Откупщики не могут ни перевести своего состояния на чужое имя, ни скрыть его, потому что их под страхом смертной казни обязывают подать о нем точные сведения. Таким образом, их прогоняют сквозь весьма узкое ущелье: я хочу сказать - между жизнью и деньгами. В довершение бед есть тут министр{322}, известный своим остроумием, который удостаивает их шуточками и балагурит над всеми постановлениями Государственного совета. Не каждый день встретишь министра, расположенного смешить народ, и нужно быть благодарными этому министру за то, что он взялся за такое дело.
Le corps des laquais est plus respectable en France qu'ailleurs; c'est un séminaire de grands seigneurs: il remplit le vide des autres états. Ceux qui le composent prennent la place des grands malheureux, des magistrats ruinés, des gentilshommes tués dans les fureurs de la guerre; et, quand ils ne peuvent pas suppléer par eux-mêmes, ils relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les terres montagneuses et arides. Сословие лакеев уважается во Франции больше чем где бы то ни было: это питомник вельмож; он заполняет пустоту в других сословиях. Принадлежащие к лакейскому сословию люди занимают места вельмож-несчастливцев, разорившихся чиновников, дворян, убитых на кровопролитной войне. А если они не могут заполнить пробелы лично, они спасают знатные семьи с помощью своих дочерей, приданое коих является чем-то вроде навоза, удобряющего гористые и безводные земли.
Je trouve, Ibben, la Providence admirable dans la manière dont elle a distribué les richesses: si elle ne les avait accordées qu'aux gens de bien, on ne les aurait pas assez distinguées de la vertu, et on n'en aurait plus senti tout le néant. Mais, quand on examine qui sont les gens qui en sont les plus chargés, à force de mépriser les riches, on vient enfin à mépriser les richesses. Я нахожу, Иббен, что провидение превосходно распределило богатства: если бы оно даровало их только хорошим людям, то трудно было бы отличить добродетель от богатства и почувствовать все ничтожество денег. Но когда видишь, что за люди в избытке наделены богатством, начинаешь так презирать богачей, что в конце концов становится для тебя презренным и само богатство.
De Paris, le 26 de la lune de Maharram 1717. Из Парижа, месяца Махаррама 26-го дня, 1716 года

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Lettre XCIX. Rica à Rhédi, à Venise/Рика к Реди в Венецию

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Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été. Ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver. Mais, surtout, on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode. Я несказанно дивлюсь причудам французской моды. Парижане уже забыли, как одевались этим летом, и совсем не знают, как будут одеваться зимой. И прямо-таки невозможно представить себе, во что обходится человеку одеть жену по моде.
Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers, et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé. Что толку точно описывать тебе их наряды и украшения? Новая мода сведет на нет все мои старания, как сводит на нет работу всех поставщиков, и все переменится прежде, чем ты получишь мое письмо.
Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l'habit avec lequel elle est peinte lui paraît étranger: il s'imagine que c'est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu'une de ses fantaisies. Если женщина уедет на полгода из Парижа в деревню, она вернется оттуда настолько отставшей от моды, как если бы прожила там тридцать лет. Сын не узнает своей матери на портрете: таким странным кажется ему платье, в котором она изображена; ему кажется, будто это какая-то американка или что художнику просто вздумалось пофантазировать.
Quelquefois les coiffures montent insensiblement, et une révolution les faits descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même. Dans un autre, c'étaient les pieds qui occupaient cette place les talons faisaient un piédestal qui les tenait en l'air. Qui pourrait le croire? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d'eux ce changement, et les règles de leur art ont été asservies à ces caprices. On voit quelquefois sur un visage une quantité prodigieuse de mouches, et elles disparaissent toutes le lendemain. Autrefois, les femmes avaient de la taille et des dents; aujourd'hui, il n'en est pas question. Dans cette changeante nation, quoi qu'en disent les mauvais plaisants, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères. Иногда прически мало-помалу становятся все выше и выше, как вдруг какой-то переворот превращает их в совсем низкие. Было время, когда прически достигали такой огромной вышины, что лицо женщины приходилось посередине ее особы. Другой раз на середине оказывались ноги: каблуки превращались в пьедестал, поддерживавший их в воздухе. Кто поверит, что архитекторам не раз приходилось повышать, понижать или расширять двери в зависимости от требований дамских причесок, и правилам строительного искусства приходилось подчиняться этим капризам; иной раз видишь на чьем-нибудь лице неимоверное количество мушек, а на другой день все они уже исчезают. Прежде у женщин были тонкие талии и острые язычки - теперь об этом нет и помину. У столь переменчивой нации, что ни говори, насмешники, дочери сложены иначе, чем матери.
Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes: les Français changent de moeurs selon l'âge de leur roi. Le monarque pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s'il l'avait entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la Cour, la Cour à la Ville, la Ville, aux provinces. L'âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres. С манерами и образом жизни дело обстоит так же, как с модами: французы меняют нравы сообразно с возрастом их короля. Монарх мог бы даже, если бы захотел, привить народу серьезность. Государь придает свой характер двору, двор - столице, столица - провинции. Душа властелина - форма, по которой отливаются все другие.
De Paris, le 8 de la lune de Saphar 1717. Из Парижа, месяца Самара 8-го дня, 1717 года.

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Lettre C. Rica au même/Рика к нему же

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Je te parlais l'autre jour de l'inconstance prodigieuse des Français sur leurs modes. Cependant il est inconcevable à quel point ils en sont entêtés: ils y rappellent tout; c'est la règle avec laquelle ils jugent de tout ce qui se fait chez les autres nations: ce qui est étranger leur paraît toujours ridicule. Je t'avoue que je ne saurais guère ajuster cette fureur pour leurs coutumes avec l'inconstance avec laquelle ils en changeant tous les jours. Я писал тебе недавно о поразительном непостоянстве французов в вопросах моды. Вместе с тем просто непостижимо, до какой степени они на ней помешаны; они все к ней сводят, мода является мерилом, исходя из которого они судят о том, что делается у других народов: все иностранное кажется им смешным. Право, их пристрастие к своим обычаям никак не вяжется с тем непостоянством, с каким они меняют эти обычаи чуть ли не каждый день.
Quand je te dis qu'ils méprisent tout ce qui est étranger, je ne parle que des bagatelles: car, sur les choses importantes, ils semblent s'être méfiés d'eux-mêmes jusqu'à se dégrader. Ils avouent de bon coeur que les autres peuples sont plus sages, pourvu qu'on convienne qu'ils sont mieux vêtus. Ils veulent bien s'assujettir aux lois d'une nation rivale, pourvu que les perruquiers français décident en législateurs sur la forme des perruques étrangères. Rien ne leur paraît si beau que de voir le goût de leurs cuisiniers régner du septentrion au midi, et les ordonnances de leurs coiffeuses portées dans toutes les toilettes de l'Europe. Говоря, что они презирают все иностранное, я имею в виду лишь пустяки, ибо когда дело касается вещей важных, они, по-видимому, так мало себе доверяют, что дошли до полного унижения. Они охотно признают, что другие народы мудрее, лишь бы все признавали, что французы одеты лучше всех. Они согласны подчиниться законам соперничающей с ними нации, но при условии, что французские парикмахеры будут всюду законодателями по части париков. Они в полном восторге от того, что вкусы их поваров царят от севера до юга и что предписания их камеристок распространяются на будуары всей Европы.
Avec ces nobles avantages, que leur importe que le bon sens leur vienne d'ailleurs et qu'ils aient pris de leurs voisins tout ce qui concerne le gouvernement politique et civil? При таких благородных преимуществах какое им дело до того, что здравый смысл приходит к ним со стороны и что они заимствовали у соседей все, что относится к политическому и гражданскому управлению?
Qui peut penser qu'un royaume, le plus ancien et le plus puissant de l'Europe, soit gouverné, depuis plus de dix siècles, par des lois qui ne sont pas faites pour lui? Si les Français avaient été conquis, ceci ne serait pas difficile à comprendre; mais ils sont les conquérants. Кто бы мог подумать, что самое древнее и самое могущественное королевство в Европе вот уже более десяти столетий управляется законами, созданными вовсе не для него{323}? Если бы французы были кем-нибудь завоеваны, понять это было бы нетрудно, но ведь они сами завоеватели!
Ils ont abandonné les lois anciennes, faites par leurs premiers rois dans les assemblées générales de la nation; et ce qu'il y a de singulier, c'est que les lois romaines, qu'ils ont prises à la place, étaient en partie faites et en partie rédigées par des empereurs contemporains de leurs législateurs. Они отреклись от древних законов, составленных их первыми королями на всенародных собраниях, и, что особенно странно, приняли взамен римские законы, которые были частью написаны, частью кодифицированы императорами, жившими одновременно с их собственными законодателями.
Et, afin que l'acquisition fût entière, et que tout le bon sens leur vint d'ailleurs, ils ont adopté toutes les constitutions des papes et en ont fait une nouvelle partie de leur droit: nouveau genre de servitude. А чтобы заимствование было полным, чтобы всякий здравый смысл пришел к ним извне, они приняли и все папские установления и сделали из них новый отдел своего права: еще новый вид рабства.
Il est vrai que, dans les derniers temps, on a rédigé par écrit quelques statuts des villes et des provinces; mais ils sont presque tous pris du droit romain. Правда, за последнее время составлено несколько городских и земских уложений; но почти все они заимствованы из римского права.
Cette abondance de lois adoptées et, pour ainsi dire, naturalisées, est si grande qu'elle accable également la justice et les juges. Mais ces volumes de lois ne sont rien en comparaison de cette armée effroyable de glossateurs, de commentateurs, de compilateurs: gens aussi faibles par le peu de justesse de leur esprit qu'ils sont forts par leur nombre prodigieux. Законов заимствованных и, так сказать, получивших право гражданства такое множество, что оно в равной мере подавляет и правосудие и судей. Но все эти томы законов еще ничто в сравнении с неисчислимыми полчищами толкователей, комментаторов, компиляторов - людей, настолько же беспомощных по их умственным способностям, насколько они сильны своей поразительной многочисленностью.
Ce n'est pas tout. Ces lois étrangères ont introduit des formalités dont l'excès est la honte de la raison humaine. Il serait assez difficile de décider si la forme s'est rendue plus pernicieuse lorsqu'elle est entrée dans la jurisprudence, ou lorsqu'elle s'est logée dans la médecine; si elle a fait plus de ravages sous la robe d'un jurisconsulte que sous le large chapeau d'un médecin; et si, dans l'une, elle a plus ruiné de gens qu'elle n'en a tué dans l'autre. Это еще не все. Чужие законы ввели всевозможные формальности, крайности которых - срам для человеческого разума. Трудно решить, где формализм более опасен: в юриспруденции или в медицине; где он натворил больше опустошений - под мантией ли юриста, или под широкополой шляпой врача, и разорил ли он больше людей с помощью юриспруденции, чем убил их при посредстве медицины.
De Paris, le 17 de la lune de Saphar 1717. Из Парижа, месяца Сафара 12-го дня, 1717 года

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Lettre CI. Usbek à***/Узбек к ***

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On parle toujours ici de la Constitution. J'entrai l'autre jour dans une maison où je vis d'abord un gros homme avec un teint vermeil, qui disait d'une voix forte: "J'ai donné mon mandement; je n'irai point répondre à tout ce que vous dites; mais lisez-le, ce mandement, et vous verrez que j'y ai résolu tous vos doutes. J'ai bien sué pour le faire, dit-il en portant la main sur le front: j'ai eu besoin de toute ma doctrine, et il m'a fallu lire bien des auteurs latins. - Je le crois, dit un homme qui se trouva là: car c'est un bel ouvrage, et je défierais bien ce jésuite qui vient si souvent vous voir d'en faire un meilleur. - Lisez-le donc, reprit-il, et vous serez plus instruit sur ces matières dans un quart d'heure que si je vous en avais parlé toute la journée." Здесь все говорят о Конституции{324}. На днях я зашел в один дом и прежде всего увидел какого-то румяного толстяка, говорившего громким голосом: "Я подал докладную записку; не стану отвечать на все, что вы сказали; прочтите эту записку, и увидите, что я разрешил все ваши сомнения. Я изрядно попотел над ней, - добавил он, проводя рукою по лбу, - мне пришлось пустить в ход всю свою ученость и перечитать уйму римских авторов". - "Еще бы! - вставил другой гость, - ведь это - прекрасное произведение, и я сомневаюсь, чтобы тот иезуит, который так часто у вас бывает, мог бы написать лучше". - "Прочтите же, - сказал первый, - и вы в четверть часа лучше ознакомитесь с этим предметом, чем если бы я целый день говорил вам о нем".
Voilà comment il évitait d'entrer en conversation et de commettre sa suffisance. Mais, comme il se vit pressé, il fut obligé de sortir de ses retranchements, et il commença à dire théologiquement force sottises, soutenu d'un dervis qui les lui rendait très respectueusement. Quand deux hommes qui étaient là lui niaient quelque principe, il disait d'abord: "Cela est certain: nous l'avons jugé ainsi, et nous sommes des juges infaillibles. - Et comment, lui dis-je alors, êtes-vous des juges infaillibles? - Ne voyez-vous pas, reprit-il, que le Saint-Esprit nous éclaire? - Cela est heureux, lui répondis-je: car, de la manière dont vous avez parlé aujourd'hui, je reconnais que vous avez grand besoin d'être éclairé." Вот как избегал он вступить в разговор и подвергнуть испытанию свою самоуверенность. Но его все-таки прижали к стене, и волей-неволей ему пришлось заговорить; тут он начал выкладывать всякие богословские глупости, причем его поддерживал какой-то дервиш, весьма почтительно ему поддакивая. Когда двое из присутствовавших отвергали какой-нибудь его довод, он прежде всего говорил: "Это не подлежит никакому сомнению: мы так решили, а мы - судьи непогрешимые". - "Позвольте, - сказал я тогда, - а почему, собственно говоря, вы непогрешимы?" - "Да разве вы не видите, - возразил он, - что нас просвещает святой дух?" - "Вот это хорошо, - ответил я ему, - ведь по всему, что вы сегодня говорили, видно, что вы весьма нуждаетесь в просвещении".
De Paris, le 18 de la lune de Rébiab, 1, 1717. Из Парижа, месяца Ребиаба 1, 18-го дня, 1717 года.

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Lettre CII. Usbek à Ibben, à Smyrne/Узбек к Иббену в Смирну

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Les plus puissants Etats de l'Europe sont ceux de l'empereur, des rois de France, d'Espagne et d'Angleterre. L'Italie et une grande partie de l'Allemagne sont partagées en un nombre infini de petits Etats, dont les princes sont, à proprement parler, les martyrs de la souveraineté. Nos glorieux sultans ont plus de femmes que quelques-uns de ces princes n'ont de sujets. Ceux d'Italie, qui ne sont pas si unis, sont plus à plaindre: leurs Etats sont ouverts comme des caravanséras, où ils sont obligés de loger les premiers qui viennent; il faut donc qu'ils s'attachent aux grands princes et leur fassent part de leur frayeur plutôt que de leur amitié. Самые могущественные государства Европы - это государства императора и королей французского, испанского и английского. Италия и большая часть Германии раздроблены на бесчисленное множество мелких государств, правители которых, по правде говоря, мученики власти. У наших славных султанов больше жен, чем у некоторых из этих государей - подданных. Особенно достойны сочувствия итальянские князья, которые еще меньше связаны между собою: их государства, как караван-сараи, открыты для всех, и они обязаны давать у себя приют первому попавшемуся; поэтому итальянским князьям приходится искать покровительства у крупных государей и делиться с ними скорее своими опасениями, чем дружбой.
La plupart des gouvernements d'Europe sont monarchiques, ou plutôt sont ainsi appelés: car je ne sais pas s'il y en a jamais eu véritablement de tels; au moins est-il difficile qu'ils aient subsisté longtemps dans leur pureté. C'est un état violent, qui dégénère toujours en despotisme ou en république: la puissance ne peut jamais être également partagée entre le peuple et le prince; l'équilibre est trop difficile à garder. Il faut que le pouvoir diminue d'un côté pendant qu'il augmente de l'autre; mais l'avantage est ordinairement du côté du prince, qui est à la tête des armées. Большая часть европейских правительств монархические, или, вернее, они так называются, ибо я сомневаюсь, существовали ли когда-нибудь действительно монархические правительства; во всяком случае, трудно допустить, чтобы они могли долго пребывать в чистом виде. Эта форма правления насильственная, и она скоро перерождается либо в деспотию, либо в республику: власть никогда не может быть поровну разделена между народом и государем; равновесие трудно сохранять: власть неизбежно уменьшается с одной стороны и соответственно увеличивается - с другой; но преимущество обычно бывает на стороне государя, ибо он стоит во главе армии.
Aussi le pouvoir des rois d'Europe est-il bien grand, et on peut dire qu'ils l'ont tel qu'ils le veulent. Mais ils ne l'exercent point avec tant d'étendue que nos sultans: premièrement, parce qu'ils ne veulent point choquer les moeurs et la religion des peuples; secondement, parce qu'il n'est pas de leur intérêt de le porter si loin. И действительно, власть европейских королей очень велика, можно даже сказать, что они обладают ею в той степени, в какой сами хотят. Но они не пользуются ею так широко, как наши султаны, - во-первых, потому, что не хотят затрагивать нравов и религии народов, а во-вторых, потому, что им невыгодно простирать ее столь далеко.
Rien ne rapproche plus nos princes de la condition de leurs sujets que cet immense pouvoir qu'ils exercent sur eux; rien ne les soumet plus aux revers et aux caprices de la fortune. Ничто не приближает так наших повелителей к их подданным, как осуществляемая ими огромная власть; ничто так не подвергает их переворотам и превратностям судьбы.
L'usage où ils sont de faire mourir tous ceux qui leur déplaisent, au moindre signe qu'ils font, renverse la proportion qui doit être entre les fautes et les peines, qui est comme l'âme des Etats et l'harmonie des empires; et cette proportion, scrupuleusement gardée par les princes chrétiens, leur donne un avantage infini sur nos sultans. Их обыкновение сразу же предавать смерти всякого, кто им не угоден, нарушает равновесие, которое должно быть между преступлением и наказанием и которое является как бы душою государств и гармонией империй; это равновесие, тщательно соблюдаемое христианскими государями, дает им безграничное преимущество перед нашими султанами.
Un Persan qui, par imprudence ou par malheur, s'est attiré la disgrâce du prince, est sûr de mourir: la moindre faute ou le moindre caprice le met dans cette nécessité. Mais, s'il avait attenté à la vie de son souverain, s'il avait voulu livrer ses places aux ennemis, il en serait quitte aussi pour perdre la vie: il ne court donc pas plus de risque dans ce dernier cas que dans le premier. Персиянин, по неосторожности или по несчастной случайности навлекший на себя гнев государя, уверен, что его постигнет смерть: малейшая его ошибка или прихоть повелителя неизбежно влекут за собою такой исход. А если персиянин покусится на жизнь своего государя или предаст врагам его крепости, он точно так же лишится жизни: следовательно, в этом последнем случае он подвергается не большему риску, чем в первом.
Aussi, dans la moindre disgrâce, voyant la mort certaine, et ne voyant rien de pis, il se porte naturellement à troubler l'Etat et à conspirer contre le souverain: seule ressource qui lui reste. Поэтому при малейшей немилости, предвидя неизбежность смерти и зная, что хуже ничего быть не может, персиянин естественно начинает заводить смуту в государстве и составлять заговор против монарха: это единственное средство, которое ему остается.
Il n'en est pas de même des grands d'Europe, à qui la disgrâce n'ôte rien que la bienveillance et la faveur. Ils se retirent de la cour et ne songent qu'à jouir d'une vie tranquille et des avantages de leur naissance. Comme on ne les fait guère périr que pour le crime de lèse-majesté, ils craignent d'y tomber, par la considération de ce qu'ils ont à perdre et du peu qu'ils ont à gagner: ce qui fait qu'on voit peu de révoltes, et peu de princes qui périssent d'une mort violente. Иначе обстоит дело с европейскими вельможами, которых немилость государя лишает только его благосклонности и расположения. Они удаляются от двора и помышляют лишь о том, чтобы наслаждаться спокойной жизнью и преимуществами своего происхождения. Их казнят только за оскорбление величества, поэтому они стараются воздержаться от этого преступления, принимая во внимание, как много они при этом потеряют и как мало выиграют. Оттого возмущения здесь редки, и мало государей погибает насильственной смертью.
Si, dans cette autorité illimitée qu'ont nos princes, ils n'apportaient pas tant de précautions pour mettre leur vie en sûreté, ils ne vivraient pas un jour; et, s'ils n'avaient à leur solde un nombre innombrable de troupes pour tyranniser le reste de leurs sujets, leur empire ne subsisterait pas un mois. Если бы при той неограниченной власти, какою обладают наши правители, они не принимали стольких предосторожностей, чтобы обезопасить свою жизнь, они и дня бы не прожили, а если бы они не держали на жалованье бесчисленного количества солдат, чтобы тиранствовать над остальными подданными, власть их не продержалась бы и месяца.
Il n'y a que quatre ou cinq siècles qu'un roi de France prit des gardes, contre l'usage de ces temps-là, pour se garantir des assassins qu'un petit prince d'Asie avait envoyés pour le faire périr: jusque-là, les rois avaient vécu tranquilles au milieu de leurs sujets, comme des pères au milieu de leurs enfants. Только четыре-пять веков тому назад французский король завел себе, вопреки тогдашним обычаям, телохранителей, чтобы уберечься от убийц, подосланных к нему незначительным азиатским государем: до тех пор короли жили спокойно среди своих подданных, как отцы среди детей.
Bien loin que les rois de France puissent, de leur propre mouvement, ôter la vie à un de leurs sujets, comme nos sultans, ils portent, au contraire, toujours avec eux la grâce de tous les criminels: il suffit qu'un homme ait été assez heureux pour voir l'auguste visage de son prince, pour qu'il cesse d'être indigne de vivre. Ces monarques sont comme le soleil, qui porte partout la chaleur et la vie. Французские короли не только не могут по собственному произволу лишать жизни кого-либо из своих подданных, как наши султаны, но, наоборот, они всегда несут с собою милость для преступников. Если человеку посчастливится увидеть августейшее лицо государя, этого достаточно, чтобы он перестал быть недостойным жизни. Эти монархи подобны солнцу, всюду несущему тепло и жизнь.
De Paris, le 8 de la lune de Rébiab 2, 1717. Из Парижа, месяца Ребиаба 2, 8-го дня, 1717 года.

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Lettre CIII. Usbek au même/Узбек к нему же

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Pour suivre l'idée de ma dernière lettre, voici à peu près ce que me disait, l'autre jour, un Européen assez sensé. Чтобы продолжить то, о чем я писал последний раз, расскажу тебе приблизительно, что говорил мне на днях один довольно здравомыслящий европеец:
"Le plus mauvais parti que les princes d'Asie aient pu prendre, c'est de se cacher comme ils font. Ils veulent se rendre plus respectables; mais ils font respecter la royauté, et non pas le roi, et attachent l'esprit des sujets à un certain trône, et non pas à une certaine personne. "Самое худшее, что только могли выдумать азиатские государи, это прятаться, как они это делают. Они хотят внушить большее к себе уважение, но на деле внушают уважение лишь к королевскому сану, а не к самому королю, и привязанность подданных относится к трону, а не к определенному лицу, его занимающему.
"Cette puissance invisible qui gouverne est toujours la même pour le peuple. Quoique dix rois, qu'il ne connaît que de nom, se soient égorgés l'un après l'autre, il ne sent aucune différence; c'est comme s'il avait été gouverné successivement par des esprits. Невидимая власть, управляющая народом, остается для него всегда одной и той же. Хотя бы целых десять известных ему только по имени государей перерезали друг друга, народ не почувствует ни малейшей разницы, - все равно как если бы им последовательно управляли десять духов.
"Si le détestable parricide de notre grand roi Henri IV avait porté ce coup sur un roi des Indes, maître du sceau royal et d'un trésor immense, qui aurait semblé amassé pour lui, il aurait pris tranquillement les rênes de l'empire sans qu'un seul homme eût pensé à réclamer son roi, sa famille et ses enfants. Если бы гнусный убийца нашего великого короля Генриха IV{327} направил свой удар вместо него на какого-нибудь индийского царя и овладел королевской печатью и несметными сокровищами, как будто именно для него накопленными, он мог бы спокойно взять в свои руки бразды правления, и никто из подданных и не подумал бы возмущаться судьбой короля, его семьи и детей.
"On s'étonne de ce qu'il n'y a presque jamais de changement dans le gouvernement des princes d'Orient. D'où vient cela, si ce n'est de ce qu'il est tyrannique et affreux? Люди удивляются: отчего это никогда не происходит изменений в правлении восточных государей? Да оттого, что управление их тиранично и жестоко.
"Les changements ne peuvent être faits que par le prince, ou par le peuple. Mais, là, les princes n'ont garde d'en faire, parce que, dans un si haut degré de puissance, ils ont tout ce qu'ils peuvent avoir: s'ils changeaient quelque chose, ce ne pourrait être qu'à leur préjudice. Изменения могут быть произведены либо государем, либо народом. Но там государи избегают что-либо менять, так как, обладая столь великой властью, они располагают всем, что только можно; если бы они изменили что-либо, то это могло бы нанести им только ущерб.
"Quant aux sujets, si quelqu'un d'eux forme quelque résolution, il ne saurait l'exécuter sur l'Etat: il faudrait qu'il contrebalançât tout à coup une puissance redoutable et toujours unique; le temps lui manque, comme les moyens; mais il n'a qu'à aller à la source de ce pouvoir, et il ne lui faut qu'un bras et qu'un instant. Что касается подданных, то, если кто-нибудь из них и примет какое-нибудь решение относительно государственных дел, выполнить его он не сможет, так как тогда ему нужно было бы что-то противопоставить страшной и всегда единой власти; для этого у него нет ни времени, ни средств. Зато стоит ему лишь добраться до источника этой власти, и тогда ему достаточно одной руки и одного мгновения.
"Le meurtrier monte sur le trône, pendant que le monarque en descend, tombe et va expirer à ses pieds. Убийца восходит на престол, в то время как монарх сходит с него, падает и испускает дух у ног бунтовщика.
"Un mécontent, en Europe, songe à entretenir quelque intelligence secrète, à se jeter chez les ennemis, à se saisir de quelque place, à exciter quelques vains murmures parmi les sujets. Un mécontent, en Asie, va droit au prince, étonne, frappe, renverse; il en efface jusqu'à l'idée: dans un instant, l'esclave et le maître; dans un instant, usurpateur et légitime. В Европе недовольные думают, как бы завести какие-нибудь тайные сношения, обратиться к неприятелю, захватить какую-нибудь крепость, возбудить ропот среди подданных. В Азии недовольный идет прямо к государю, захватывает его врасплох, наносит удар и низвергает; он истребляет даже самую мысль о нем; в одно и то же мгновение он раб и господин, в одно и то же мгновение - узурпатор и законный монарх.
"Malheureux le roi qui n'a qu'une tête! Il semble ne réunir sur elle toute sa puissance que pour indiquer au premier ambitieux l'endroit où il la trouvera tout entière." Несчастен такой государь, ибо у него только одна голова на плечах! Он словно лишь для того сосредоточивает на ней все свое могущество, чтобы указать первому попавшемуся честолюбцу, где найти это могущество все целиком".
De Paris, le 17 de la lune de Rébiab 2, 1717. Из Парижа, месяца Ребиаба 2, 17-го дня, 1717 года.

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Lettre CIV. Usbek au même/Узбек к нему же

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Tous les peuples d'Europe ne sont pas également soumis à leurs princes: par exemple, l'humeur impatiente des Anglais ne laisse guère à leur roi le temps d'appesantir son autorité; la soumission et l'obéissance sont les vertus dont ils se piquent le moins. Ils disent là-dessus des choses bien extraordinaires. Selon eux, il n'y a qu'un lien qui puisse attacher les hommes, qui est celui de la gratitude: un mari, une femme, un père et un fils ne sont liés entre eux que par l'amour qu'ils se portent, ou par les bienfaits qu'ils se procurent, et ces motifs divers de reconnaissance sont l'origine de tous les royaumes et de toutes les sociétés. Не все европейские народы одинаково подчиняются своим государям: например, нетерпеливый нрав англичан никогда не дает их королю возможности упрочить свою власть; покорность и повиновение - добродетели, на которые они притязают меньше всего. На сей счет они высказывают самые диковинные суждения. По их мнению, одна только связь может соединять людей, а именно благодарность: муж, жена, отец и сын связаны между собою только любовью, которую они питают друг к другу, или благодеяниями, которые они друг другу оказывают; и различные поводы для признательности являются источником возникновения всех государств и всех обществ.
Mais, si un prince, bien loin de faire vivre ses sujets heureux, veut les accabler et les détruire, le fondement de l'obéissance cesse: rien ne les lie, rien ne les attache à lui; et ils rentrent dans leur liberté naturelle. Ils soutiennent que tout pouvoir sans bornes ne saurait être légitime, parce qu'il n'a jamais pu avoir d'origine légitime. Car nous ne pouvons pas, disent-ils, donner à un autre plus de pouvoir sur nous que nous n'en avons nous-mêmes. Or nous n'avons pas sur nous-mêmes un pouvoir sans bornes: par exemple, nous ne pouvons pas nous ôter la vie. Personne n'a donc, concluent-ils, sur la terre un tel pouvoir. Но если государь, вместо того чтобы обеспечить подданным счастливую жизнь, вздумает их угнетать или истреблять, повод к повиновению прекращается: подданных ничто больше не соединяет с государем, ничто не привязывает к нему, и они возвращаются к своей естественной свободе. Англичане утверждают, что неограниченная власть не может быть законной, потому что происхождение ее ни в каком случае не могло быть законным. Ибо мы не можем, говорят они, дать другому больше власти над нами, чем сколько имеем ее сами. А ведь у нас нет над собою неограниченной власти: мы не можем, например, лишать себя жизни. Стало быть, заключают они, никто на земле не имеет такой власти.
Le crime de lèse-majesté n'est autre chose, selon eux, que le crime que le plus faible commet contre le plus fort en lui désobéissant, de quelque manière qu'il lui désobéisse. Aussi le peuple d'Angleterre qui se trouva le plus fort contre un de leurs rois, déclaratif que c'était un crime de lèse-majesté à un prince de faire la guerre à ses sujets. Ils ont donc grande raison quand ils disent que le précepte de leur Alcoran qui ordonne de se soumettre aux puissances n'est pas bien difficile à suivre, puisqu'il leur est impossible de ne le pas observer; d'autant que ce n'est pas au plus vertueux qu'on les oblige de se soumettre, mais à celui qui est le plus fort. По понятиям англичан, оскорбление величества есть не что иное, как преступление, совершаемое более слабым против более сильного и выражающееся в неповиновении этому последнему, в чем бы оно ни заключалось. Поэтому английский народ, оказавшись сильнее одного из своих королей, объявил, что государь, начавший войну против своего народа, повинен в оскорблении величества{328}. Следовательно, они вполне правы, когда говорят, что им нетрудно следовать предписанию их Алкорана, повелевающего им повиноваться властям, так как и невозможно этому предписанию не подчиняться; тем паче что их обязывают повиноваться не наиболее добродетельному, а наиболее сильному.
Les Anglais disent qu'un de leurs rois, ayant vaincu et fait prisonnier un prince qui lui disputait la couronne, voulut lui reprocher son infidélité et sa perfidie: "Il n'y a qu'un moment, dit le prince infortuné, qu'il vient d'être décidé lequel de nous deux est le traître." Англичане рассказывают, что один из их королей, победив и взяв в плен государя, который оспаривал у него корону, вздумал упрекать его за неверность и измену. "Да ведь всего только мгновение тому назад, - ответил ему незадачливый государь, - выяснилось, кто из нас двоих изменник".
Un usurpateur déclare rebelles tous ceux qui n'ont point opprimé la patrie comme lui; et, croyant qu'il n'y a pas de lois là où il ne voit point de juges, il fait révérer comme des arrêts du ciel les caprices du hasard et de la fortune. Узурпатор объявляет мятежниками всех, кто не угнетал Отечество подобно ему, и, думая, что нет закона там, где не видно судей, приказывает почитать, как веления неба, прихоти случайности и фортуны.
De Paris, le 20 de la lune de Rébiab 2, 1717. Из Парижа, месяц Ребиаба 2, 20-го дня, 1717 года

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Lettre CV. Rhédi à Usbek, à Paris/Реди к Узбеку в Париж

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Tu m'as beaucoup parlé, dans une de tes lettres, des sciences et des arts cultivés en Occident. Tu me vas regarder comme un barbare; mais je ne sais si l'utilité que l'on en retire dédommage les hommes du mauvais usage que l'on en fait tous les jours. В одном из писем ты много говорил мне о науках и искусствах, процветающих на Западе. Считай меня варваром, но я не уверен, что извлекаемая из них польза искупает то дурное употребление, которое ежедневно из них делается.
J'ai oui dire que la seule invention des bombes avait ôté la liberté à tous les peuples de l'Europe. Les princes, ne pouvant plus confier la garde des places aux bourgeois, qui, à la première bombe, se seraient rendus, ont eu un prétexte pour entretenir de gros corps de troupes réglées, avec lesquelles ils ont, dans la suite, opprimé leurs sujets. Я слышал, что уже одно только изобретение бомб отняло свободу у всех народов Европы. Государи, не имея больше возможности доверить защиту укреплений горожанам, которые сдались бы после первой же бомбы, получили предлог для содержания больших постоянных армий, с помощью которых начали притеснять подданных.
Tu sais que, depuis l'invention de la poudre, il n'y a plus de places imprenables; c'est-à-dire, Usbek, qu'il n'y a plus d'asile sur la terre contre l'injustice et la violence. Ты знаешь, что с тех пор как изобретен порох, нет больше неприступных крепостей; иными словами, Узбек, нет больше на земле убежища от несправедливости и насилий.
Je tremble toujours qu'on ne parvienne à la fin à découvrir quelque secret qui fournisse une voie plus abrégée pour faire périr les hommes, détruire les peuples et les nations entières. Я содрогаюсь при мысли, что в конце концов откроют какой-нибудь секрет, при помощи которого станет еще легче уничтожать людей и истреблять целые народы.
Tu as lu les historiens; fais-y bien attention presque toutes les monarchies n'ont été fondées que sur l'ignorance des arts, et n'ont été détruites que parce qu'on les a trop cultivés. L'ancien empire de Perse peut nous en fournir un exemple domestique. Ты читал историков; обрати внимание: почти все государства держались только невежеством и разрушались лишь потому, что процветание искусств достигало в них слишком высокой степени. В этом отношении наша древняя персидская империя может служить красноречивым примером.
Il n'y a pas longtemps que je suis en Europe; mais j'ai oui parler à des gens sensés des ravages de la chimie: il semble que ce soit un quatrième fléau qui ruine les hommes et les détruit en détail, mais continuellement; tandis que la guerre, la peste, la famine, les détruisent en gros, mais par intervalles. Я в Европе недавно, но слышал от осведомленных людей об опустошениях, которые причиняет химия. По-видимому, она является четвертым бичом, разоряющим людей и уничтожающим их понемногу, но беспрестанно, в то время как война, моровая язва, голод уничтожают их во множестве, зато с перерывами.
Que nous a servi l'intention de la boussole et la découverte de tant de peuples, qu'à nous communiquer leurs maladies, plutôt que leurs richesses? L'or et l'argent avaient été établis, par une convention générale, pour être le prix de toutes les marchandises et un gage de leur valeur, par la raison que ces métaux étaient rares et inutiles à tout autre usage: que nous importait-il donc qu'ils devinssent plus communs, et que, pour marquer la valeur d'une denrée, nous eussions deux ou trois signes au lieu d'un? Cela n'en était que plus incommode. К чему послужило нам изобретение компаса и открытие множества новых племен, как не к тому, что к нам перешли от них не столько их богатства, сколько болезни? По общему соглашению, золото и серебро должны были определять стоимость любых товаров и служить залогом их ценности, так как эти металлы были редки и не годились для какого бы то ни было иного употребления. Зачем же нужно было, чтобы они стали менее редки и чтобы для обозначения стоимости какой-нибудь снеди у нас было два-три денежных знака вместо одного? От этого произошло только неудобство.
Mais, d'un autre côté, cette invention a été bien pernicieuse aux pays qui ont été découverts. Les nations entières ont été détruites, et les hommes qui ont échappé à la mort ont été réduits à une servitude si rude que le récit en fait frémir les musulmans. С другой стороны, обнаружение золота стало крайне пагубным для вновь открытых стран. Целые народы были истреблены, а люди, избежавшие смерти, попали в такое жестокое рабство, что мусульман приводит в содрогание один только рассказ о них.
Heureuse l'ignorance des enfants de Mahomet! Aimable simplicité, si chérie de notre saint prophète, vous me rappelez toujours la naiveté des anciens temps et la tranquillité qui régnait dans le coeur de nos premiers pères! Блаженно невежество детей Магомета! Милая простота, столь любезная нашему пророку, ты всегда напоминаешь мне простодушие первобытных времен и спокойствие, царившее в сердцах наших праотцев.
De Venise, le 5 de la lune de Rhamazan 1717. Из Венеции, месяца Рамазана 5-го дня, 1717 года

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Lettre CVI. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Ou tu ne penses pas ce que tu dis, ou bien tu fais mieux que tu ne penses. Tu as quitté ta patrie pour t'instruire, et tu méprises toute instruction. Tu viens pour te former dans un pays où l'on cultive les beaux-arts, et tu les regardes comme pernicieux. Te le dirai-je, Rhédi? Je suis plus d'accord avec toi que tu ne l'es avec toi-même. Или ты совсем не думаешь того, что говоришь, или поступаешь лучше, чем думаешь. Ты оставил отечество, чтобы учиться, а презираешь всякую науку; ты приехал получать образование в страну, где насаждаются искусства, а считаешь их пагубными. Сказать тебе правду, Реди? Я больше согласен с тобою, чем ты сам.
As-tu bien réfléchi à l'état barbare et malheureux où nous entraînerait la perte des arts? Il n'est pas nécessaire de se l'imaginer: on peut le voir. Il y a encore des peuples sur la terre chez lesquels un singe passablement instruit pourrait vivre avec honneur: il s'y trouverait à peu près à la portée des autres habitants; on ne lui trouverait point l'esprit singulier, ni le caractère bizarre; il passerait tout comme un autre et serait même distingué par sa gentillesse. Подумал ли ты о том варварском и жалком состоянии, в которое повергла бы нас утрата искусств? Нет необходимости представлять себе это: это можно видеть воочию. Еще существуют на Земле народы, среди которых какая-нибудь сносно вышколенная обезьяна могла бы жить с честью. Она была бы почти на одном уровне с прочими обитателями; никто не находил бы ее образ мыслей странным, а характер причудливым; жила бы она, как все другие, да еще чего доброго выделялась бы миловидностью.
Tu dis que les fondateurs des empires ont presque tous ignoré les arts. Je ne te nie pas que des peuples barbares n'aient pu, comme des torrents impétueux, se répandre sur la terre et couvrir de leurs armées féroces les royaumes les plus policés. Mais, prends-y garde, ils ont appris les arts ou les ont fait exercer aux peuples vaincus; sans cela, leur puissance aurait passé comme le bruit du tonnerre et des tempêtes. Ты говоришь, что почти все основатели империй не знали искусств. Не буду отрицать: варварские народы разливались по земле, как неукротимые потоки, и заполонили своими свирепыми армиями самые благоустроенные государства, но не упускай из виду, что они научились искусствам или приучали к ним покоренные народы; иначе их власть исчезла бы, как гул грома и бурь.
Tu crains, dis-tu, que l'on n'invente quelque manière de destruction plus cruelle que celle qui est en usage. Non: si une si fatale invention venait à se découvrir, elle serait bientôt prohibée par le droit des gens; et le consentement unanime des nations ensevelirait cette découverte. Il n'est point de l'intérêt des princes de faire des conquêtes par de pareilles voies ils doivent chercher des sujets, et non pas des terres. Ты говоришь, что боишься, как бы не изобрели какого-нибудь еще более жестокого, чем теперешний, способа истребления. Нет. Если бы обнаружилось такое роковое открытие, оно вскоре было бы запрещено человеческим правом и по единодушному соглашению народов было бы похоронено. Отнюдь не в интересах государей добиваться завоеваний такими путями: они должны искать подданных, а не пространства.
Tu te plains de l'invention de la poudre et des bombes; tu trouves étrange qu'il n'y ait plus de place imprenable: c'est-à-dire que tu trouves étrange que les guerres soient aujourd'hui terminées plus tôt qu'elles ne l'étaient autrefois. Ты жалуешься на изобретение пороха и бомб, находишь странным, что нет больше неприступных крепостей, иными словами, ты находишь странным, что в наше время войны кончаются скорее, чем прежде.
Tu dois avoir remarqué, en lisant les histoires, que, depuis l'invention de la poudre, les batailles sont beaucoup moins sanglantes qu'elles ne l'étaient, parce qu'il n'y a presque plus de mêlée. Читая исторические сочинения, ты не мог не заметить, что со времени изобретения пороха сражения сделались гораздо менее кровопролитными, чем бывали раньше, потому что теперь почти не бывает рукопашных схваток.
Et quand il se serait trouvé quelque cas particulier où un art aurait été préjudiciable, doit-on pour cela le rejeter? Penses-tu, Rhédi, que la religion que notre saint prophète a apportée du Ciel soit pernicieuse, parce qu'elle servira un jour à confondre les perfides chrétiens? И если бы оказалось, что данное искусство в каком-нибудь отдельном случае привело к предосудительным последствиям, то следует ли из-за этого его отвергнуть? Или ты думаешь, Реди, что религия, принесенная с неба нашим пророком, пагубна потому, что ей предназначено в один прекрасный день пристыдить и покорить вероломных христиан?
Tu crois que les arts amollissent les peuples et, par là, sont cause de la chute des empires. Tu parles de la ruine de celui des anciens Perses, qui fut l'effet de leur mollesse. Mais il s'en faut bien que cet exemple décide, puisque les Grecs, qui les vainquirent tant de fois, et les subjuguèrent, cultivaient les arts avec infiniment plus de soin qu'eux. Ты считаешь, что искусства расслабляют народы и поэтому влекут за собою падение империй. Ты говоришь о крушении империи древних персов, явившемся следствием их изнеженности. Но этот пример ровно ничего не доказывает, потому что неоднократно побеждавшие и подчинившие их себе греки с гораздо большим рвением развивали искусства, чем они.
Quand on dit que les arts rendent les hommes efféminés, on ne parle pas du moins des gens qui s'y appliquent, puisqu'ils ne sont jamais dans l'oisiveté, qui, de tous les vices, est celui qui amollit le plus le courage. Когда говорят, что искусства изнеживают людей, то во всяком случае не имеют в виду тех, кто ими занимается, потому что люди эти никогда не бывают праздными, а праздность больше всех пороков ослабляет мужество.
Il n'est donc question que de ceux qui en jouissent. Mais, comme, dans un pays policé, ceux qui jouissent des commodités d'un art sont obligés d'en cultiver un autre, à moins de se voir réduits à une pauvreté honteuse, il suit que l'oisiveté et la mollesse sont incompatibles avec les arts. Следовательно, речь идет только о тех, кто пользуется искусствами. Но так как в благоустроенном государстве люди, наслаждающиеся радостями, которые доставляются каким-нибудь искусством, обязаны и сами заниматься каким-нибудь искусством, чтобы не впасть в постыдную нищету, то из этого следует, что праздность и изнеженность с искусствами несовместимы.
Paris est peut-être la ville du monde la plus sensuelle, et où l'on raffine le plus sur les plaisirs; mais c'est peut-être celle où l'on mène une vie plus dure. Pour qu'un homme vive délicieusement, il faut que cent autres travaillent sans relâche. Une femme s'est mis dans la tête qu'elle devait paraître à une assemblée avec une certaine parure; il faut que, dès ce moment, cinquante artisans ne dorment plus et n'aient plus le loisir de boire et de manger: elle commande, et elle est obéie plus promptement que ne serait notre monarque, parce que l'intérêt est le plus grand monarque de la terre. Париж, пожалуй, самый чувственный город на свете, город, где удовольствия всего утонченнее, но в то же время в нем, пожалуй, и живется тяжелее. Чтобы один человек жил наслаждаясь, нужно, чтобы сотня других работала не покладая рук. Какая-нибудь женщина вобьет себе в голову, что ей необходимо появиться на балу в определенном наряде, и с этой минуты пятьдесят ремесленников перестанут спать, и у них не будет времени даже попить и поесть: она повелевает, и ей повинуются куда проворнее, чем даже нашему монарху, ибо выгода - величайший монарх на земле.
Cette ardeur pour le travail, cette passion de s'enrichir, passe de condition en condition, depuis les artisans jusques aux grands. Personne n'aime à être plus pauvre que celui qu'il vient de voir immédiatement au-dessous de lui. Vous voyez à Paris un homme qui a de quoi vivre jusqu'au jour du jugement, qui travaille sans cesse et court risque d'accourcir ses jours, pour amasser, dit-il, de quoi vivre. Этим пылом в работе, этой страстью к обогащению охвачены все общественные слои, от ремесленников до вельмож. Никто не хочет быть беднее человека, стоящего непосредственно ниже его. В Париже встречаются люди, у которых средств хватит, чтобы прожить до самого Страшного суда, а они, не боясь сократить свои дни, беспрерывно трудятся, чтобы, по их словам, было на что жить.
Le même esprit gagne la nation: on n'y voit que travail et qu'industrie. Où est donc ce peuple efféminé dont tu parles tant? Весь народ охвачен этим духом: всюду видишь труд и изворотливость. Где же то изнеженное население, о котором ты столько говоришь?
Je suppose, Rhédi, qu'on ne souffrît dans un royaume que les arts absolument nécessaires à la culture des terres, qui sont pourtant en grand nombre, et qu'on en bannît tous ceux qui ne servent qu'à la volupté ou à la fantaisie; je le soutiens: cet Etat serait un des plus misérables qu'il y eût au monde. Предположим, Реди, что в каком-нибудь королевстве допускаются только такие искусства, которые совершенно необходимы для обработки земли - а таких искусств, между прочим, очень много, - все же прочие, которые служат только наслаждению и прихотям, изгнаны. Я утверждаю, что такое государство было бы одним из самых жалких в мире.
Quand les habitants auraient assez de courage pour se passer de tant de choses qu'ils doivent à leurs besoins, le peuple dépérirait tous les jours, et l'Etat deviendrait si faible qu'il n'y aurait si petite puissance qui ne pût le conquérir. Если бы даже его подданные имели достаточно мужества, чтобы обходиться без столь большого количества вещей, необходимых для удовлетворения их потребностей, народ хирел бы с каждым днем, и государство настолько ослабело бы, что его могла бы завоевать любая незначительная держава.
Il me serait aisé d'entrer dans un long détail, et de te faire voir que les revenus des particuliers cesseraient presque absolument, et, par conséquent, ceux du prince. Il n'y aurait presque plus de relation de facultés entre les citoyens; on verrait finir cette circulation de richesses et cette progression de revenus qui vient de la dépendance où sont les arts les uns des autres: chaque particulier vivrait de sa terre et n'en retirerait que ce qu'il lui faut précisément pour ne pas mourir de faim. Mais comme ce n'est pas quelquefois la vingtième partie des revenus d'un Etat, il faudrait que le nombre des habitants diminuât à proportion, et qu'il n'en restât que la vingtième partie. Было бы легко распространиться на этот счет и доказать тебе, что в таком случае доходы частных лиц почти совсем прекратились бы, а следовательно, прекратились бы и доходы монарха. Не было бы почти никакой связи между способностями граждан; кончился бы оборот капиталов и рост доходов, которые происходят от той зависимости, в какой находятся друг к другу искусства; каждый человек жил бы плодами своей земли и извлекал бы из нее ровно столько, сколько нужно, чтобы не умереть с голоду. Но так как доходы с земли составляют иной раз только одну двадцатую общих доходов государства, то число жителей соответственно уменьшилось бы и осталась бы только двадцатая их часть.
Fais bien attention jusqu'où vont les revenus de l'industrie. Un fonds ne produit annuellement à son maître que la vingtième partie de sa valeur; mais, avec une pistole de couleur, un peintre fera un tableau qui lui en vaudra cinquante. On en peut dire de même des orfèvres, des ouvriers en laine, en soie, et de toutes sortes d'artisans. Обрати внимание, каких размеров достигают доходы от промышленности. Капитал, вложенный в землю, приносит владельцу всего-навсего двадцатую часть своей стоимости, а художник, затратив красок на один пистоль, напишет картину, которая принесет ему пятьдесят пистолей. То же можно сказать о золотых дел мастерах, о мастерах, изготовляющих шерстяные или шелковые ткани, и обо всех вообще ремесленниках.
De tout ceci, on doit conclure, Rhédi, que, pour qu'un prince soit puissant, il faut que ses sujets vivent dans les délices; il faut qu'il travaille à leur procurer toutes sortes de superfluités, avec autant d'attention que les nécessités de la vie. Из всего этого следует, Реди, что для того, чтобы какой-нибудь государь обладал могуществом, нужно, чтобы его подданные жили в довольстве, нужно, чтобы он стремился доставлять им всевозможные излишества с такой же заботливостью, как и предметы первой необходимости.
De Paris, le 14 de la lune de Chalval 1717. Из Парижа, месяца Шальвала 14-го дня, 1717 года

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Lettre CVII. Rica à Ibben, à Smyrne/Рика к Иббену в Смирну

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J'ai vu le jeune monarque. Sa vie est bien précieuse à ses sujets. Elle ne l'est pas moins à toute l'Europe, par les grands troubles que sa mort pourrait produire. Mais les rois sont comme les dieux, et, pendant qu'ils vivent, on doit les croire immortels. Sa physionomie est majestueuse, mais charmante; une belle éducation semble concourir avec un heureux naturel, et promet déjà un grand prince. Я видел юного Монарха{332}. Подданные весьма дорожат его жизнью, как и вся Европа, потому что смерть его могла бы привести к большим осложнениям. Но короли подобны богам, и пока они живы, их следует считать бессмертными. У него величественное, но милое лицо: хорошее воспитание, по-видимому, идет рука об руку со счастливыми природными данными, и он уже сейчас подает надежду стать выдающимся государем.
On dit que l'on ne peut jamais connaître le caractère des rois d'Occident jusques à ce qu'ils aient passé par les deux grandes épreuves de leur maîtresse et de leur confesseur. On verra bientôt l'un et l'autre travailler à se saisir de l'esprit de celui-ci, et il se livrera pour cela de grands combats: car, sous un jeune prince, ces deux puissances sont toujours rivales; mais elles se concilient et se réunissent sous un vieux. Sous un jeune prince, le dervis a un rôle bien difficile à soutenir: la force du roi fait sa faiblesse; mais l'autre triomphe également de sa faiblesse et de sa force. Говорят, что характер западных монархов нельзя узнать до тех пор, пока они не пройдут через два великих испытания: любовницу и духовника. Вскоре эти две силы будут стараться овладеть умом короля, и из-за этого между ними возникнет упорная борьба, ибо при юном государе они всегда соперничают, а при старом - приходят к соглашению и объединяются. При молодом государе дервишу выпадает нелегкая задача, так как сила короля - это слабость дервиша, зато любовница торжествует одинаково и над его слабостью и над силой.
Lorsque j'arrivai en France, je trouvai le feu roi absolument gouverné par les femmes, et, cependant, dans l'âge où il était, je crois que c'était le monarque de la terre qui en avait le moins besoin. J'entendis un jour une femme qui disait: "Il faut que l'on fasse quelque chose pour ce jeune colonel: sa valeur m'est connue; j'en parlerai au ministre." Une autre disait: "Il est surprenant que ce jeune abbé ait été oublié; il faut qu'il soit évêque: il est homme de naissance, et je pourrais répondre de ses moeurs." Il ne faut pas pourtant que tu t'imagines que celles qui tenaient ces discours fussent des favorites du prince; elles ne lui avaient peut-être pas parlé deux fois en leur vie: chose pourtant très facile à faire chez les princes européens. Mais c'est qu'il n'y a personne qui ait quelque emploi à la cour, dans Paris ou dans les provinces, qui n'ait une femme par les mains de laquelle passent toutes les grâces et quelquefois les injustices qu'il peut faire. Ces femmes ont toutes des relations les unes avec les autres et forment une espèce de république dont les membres toujours actifs se secourent et se servent mutuellement: c'est comme un nouvel Etat dans l'Etat; et celui qui est à la cour, à Paris, dans les provinces, qui voit agir des ministres, des magistrats, des prélats, s'il ne connaît les femmes qui les gouvernent, est comme un homme qui voit bien une machine qui joue, mais qui n'en connaît point les ressorts. Когда я приехал во Францию, покойным королем полновластно управляли женщины, а между тем, если принять во внимание его возраст, я думаю, что он нуждался в них меньше всех других монархов в мире. Однажды я слышал, как некая дама говорила: "Надо что-нибудь сделать для этого молодого полковника; храбрость его мне известна, поговорю о нем с министром". Другая говорила: "Удивительно, что этого молоденького аббата забыли: нужно, чтобы он стал епископом; он благородного происхождения, а за нравственность его я ручаюсь". Однако не думай, что дамы, державшие такие речи, были фаворитками государя: они, может быть, с ним и двух раз в жизни не беседовали, а поговорить с европейскими государями не так уж трудно. Но суть в том, что всякий имеющий какую-нибудь придворную должность, в Париже или в провинции, действует при помощи какой-нибудь женщины, через руки которой проходят все оказываемые им милости, а иногда и несправедливости. Все эти женщины тесно связаны между собою и составляют своего рода республику, граждане которой проявляют усиленную деятельность, постоянно друг другу помогают и оказывают взаимные услуги. Это как бы государство в государстве; и всякий, кто служит при дворе, в столице, или в провинции и видит, как действуют министры, чиновники, прелаты, но не знает, какие женщины ими управляют, похож на человека, который хоть и видит машину в действии, но не имеет понятия об ее двигателях.
Crois-tu, Ibben, qu'une femme s'avise d'être la maîtresse d'un ministre pour coucher avec lui? Quelle idée! C'est pour lui présenter cinq ou six placets tous les matins, et la bonté de leur naturel paraît dans l'empressement qu'elles ont de faire du bien à une infinité de gens malheureux qui leur procurent cent mille livres de rente. Может быть, ты полагаешь, Иббен, что женщина решается стать любовницей министра, чтобы с ним спать? Ничуть не бывало! Она становится его любовницей для того, чтобы каждое утро подносить ему пять-шесть прошений. Природное мягкосердечие этих особ выражается в том усердии, с каким они делают добро множеству несчастных, которые доставляют им взамен сотни тысяч ливров ежегодного дохода.
On se plaint, en Perse, de ce que le royaume est gouverné par deux ou trois femmes. C'est bien pis en France, où les femmes en général gouvernent, et non seulement prennent en gros, mais même se partagent en détail toute l'autorité. В Персии жалуются на то, что государством управляют две-три женщины. Гораздо хуже обстоит дело во Франции, где управляют женщины вообще и где они не только присваивают себе целиком всю власть, но и делят ее между собою по частям.
De Paris, le dernier de la lune de Chalval 1717. Из Парижа, в последний день месяца Шальвала 1717 года.

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Lettre CVIII. Usbek à***/Узбек к ***

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Il y a une espèce de livres que nous ne connaissons point en Perse, et qui me paraissent ici fort à la mode: ce sont les journaux. La paresse se sent flattée en les lisant: on est ravi de pouvoir parcourir trente volumes en un quart d'heure. Существует род книг, совершенно неизвестный в Персии, зато, по-видимому, очень модный здесь: это журналы. Чтение их потворствует лености: люди очень довольны, что в четверть часа могут пробежать тридцать томов.
Dans la plupart des livres, l'auteur n'a pas fait les compliments ordinaires que les lecteurs sont aux abois: il les fait entrer à demi morts dans une matière noyée au milieu d'une mer de paroles. Celui-ci veut s'immortaliser par un in-douze ; celui-là, par un in-quarto ; un autre, qui a de plus belles inclinations, vise à l'in-folio . Il faut donc qu'il étende son sujet à proportion; ce qu'il fait sans pitié, comptant pour rien la peine du pauvre lecteur, qui se tue à réduire ce que l'auteur a pris tant de peine à amplifier. В большинстве книг автор не успеет еще закончить обычных вступлений, как читатель уже оказывается при последнем издыхании: к самой сути, утопающей в целом море слов, читатель приступает уже полумертвым. Один писатель рассчитывает обессмертить свое имя с помощью книги форматом в двенадцатую долю листа, другой - в четвертую, третий, у кого более высокое призвание, метит на in-folio: следовательно, он должен елико возможно растянуть свою тему; он так и делает без милосердия, ни во что не ставя труд бедного читателя, который выбивается из сил, чтобы сократить то, что автор так старательно раздул.
Je ne sais, quel mérite il y a à faire de pareils ouvrages: j'en ferais bien autant, si je voulais ruiner ma santé et un libraire. Не знаю, в чем заслуга сочинителей такого рода книг: мне нетрудно было бы написать что-нибудь в этом роде, если бы я вздумал испортить себе здоровье и разорить книгопродавца.
Le grand tort qu'ont les journalistes, c'est qu'ils ne parlent que des livres nouveaux; comme si la vérité était jamais nouvelle. Il me semble que, jusqu'à ce qu'un homme ait lu tous les livres anciens, il n'a aucune raison de leur préférer les nouveaux. Большой недостаток журналистов в том, что они говорят только о новых книгах, как будто истина всегда только в новизне. Мне кажется, что, пока не прочтешь всех старых книг, нет никаких оснований предпочитать им новые.
Mais, lorsqu'ils s'imposent la loi de ne parler que des ouvrages encore tout chauds de la forge, ils s'en imposent un autre, qui est d'être très ennuyeux. Ils n'ont garde de critiquer les livres dont ils font les extraits, quelque raison qu'ils en aient; et, en effet, quel est l'homme assez hardi pour vouloir se faire dix ou douze ennemis tous les mois? Но, взяв за правило рассуждать только о свежеиспеченных сочинениях, журналисты тем самым берут за правило писать чрезвычайно скучно. Они не смеют критиковать книги, из которых делают извлечения, хотя бы и имели полное к тому основание; и действительно, где же найдется человек, настолько смелый, чтобы наживать себе ежемесячно десять-двенадцать врагов?
La plupart des auteurs ressemblent aux poètes, qui souffriront une volée de coups de bâton sans se plaindre; mais qui, peu jaloux de leurs épaules, le sont si fort de leurs ouvrages qu'ils ne sauraient soutenir la moindre critique. Il faut donc bien se donner de garde de les attaquer par un endroit si sensible, et les journalistes le savent bien. Ils font donc tout le contraire. Ils commencent par louer la matière qui est traitée: première fadeur. De là, ils passent aux louanges de l'auteur; louanges forcées: car ils ont affaire à des gens qui sont encore en haleine, tout prêts à se faire faire raison, et à foudroyer à coups de plume un téméraire journaliste. Большинство авторов похоже на поэтов, которые безропотно вынесут целый град палочных ударов, но, будучи равнодушны к своим плечам, до такой степени неравнодушны к своим произведениям, что не выносят ни малейшей критики. Вот и приходится остерегаться, как бы не задеть у них столь чувствительную струнку; и журналисты хорошо это знают. Поэтому они поступают прямо наоборот. Они начинают с того, что хвалят тему сочинения - это первая пошлость; затем переходят к похвалам автору - похвалам вынужденным, потому что они имеют дело с людьми, у которых еще не прошел первый пыл и которые вполне готовы постоять за себя и разгромить дерзкого журналиста.
De Paris, le 5 de la lune de Zilcadé 1718. Из Парижа, месяца Зилькаде 5-го дня, 1718 года.

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Lettre CIX. Rica à***/Рика к ***

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L'université de Paris est la fille aînée des rois de France, et très aînée: car elle a plus de neuf cents ans, aussi rêve-t-elle quelquefois. Парижский университет - старший сын французских королей и даже очень старый: ему больше девятисот лет; поэтому он иной раз заговаривается.
On m'a conté qu'elle eut, il y a quelque temps, un grand démêlé avec quelques docteurs, à l'occasion de la lettre Q, qu'elle voulait que l'on prononçât comme un K. La dispute s'échauffa si fort que quelques-uns furent dépouillés de leurs biens. Il fallut que le Parlement terminât le différend, et il accorda permission, par un arrêt solennel, à tous les sujets du roi de France, de prononcer cette lettre à leur fantaisie. Il faisait beau voir les deux corps de l'Europe les plus respectables occupés à décider du sort d'une lettre de l'alphabet. Мне рассказывали, что в прошлом веке у него произошла ужасная потасовка с несколькими учеными из-за буквы q (Он говорит о случае с Рамусом{334}), потому что он хотел, чтобы ее произносили как k. Спор разгорелся до того, что кое-кто лишился своего имущества. Парламенту пришлось вмешаться, чтобы положить конец распре: он торжественным постановлением разрешил подданным французского короля произносить эту букву, как им будет угодно. Любопытно было бы посмотреть, как два наиболее почтенных учреждения Европы занимались решением судьбы одной буквы!
Il semble, mon cher, que les têtes des plus grands hommes s'étrécissent lorsqu'elles sont assemblées et que, là où il y a plus de sages, il y ait aussi moins de sagesse. Les grands corps s'attachent toujours si fort aux minuties, aux vains usages, que l'essentiel ne va jamais qu'après. J'ai oui dire qu'un roi d'Aragon ayant assemblé les états d'Aragon et de Catalogne, les premières séances s'employèrent à décider en quelle langue les délibérations seraient conçues; la dispute était vive, et les états se seraient rompus mille fois, si l'on n'avait imaginé un expédient, qui était que la demande serait faite en langage catalan et la réponse en aragonais. Мне кажется, дорогой ***, что головы даже самых великих людей тупеют, когда они соберутся вместе, и что там, где больше всего мудрецов, меньше всего мудрости. Крупные учреждения всегда так привязываются к мелочам и пустым формальностям, что существенное отходит у них на второй план. Я слыхал, что когда некий арагонский король созвал съезд представителей Арагона и Каталонии (Это было в 1610 году), то первые заседания ушли на то, чтобы решить, на каком языке будут вестись прения; спорили горячо, и представители чуть-чуть не разошлись, если бы кому-то не пришло в голову предложить следующий выход: запросы вносить на каталонском наречии, а ответы давать - на арагонском.
De Paris, le 25 de la lune de Zilhagé 1718. Из Парижа, месяца Зильхаже 25-го дня, 1718 года.

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Lettre CX. Rica à***/Рика к ***

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Le rôle d'une jolie femme est beaucoup plus grave que l'on ne pense: il n'y a rien de plus sérieux que ce qui se passe le matin à sa toilette, au milieu de ses domestiques; un général d'armée n'emploie pas plus d'attention à placer sa droite, ou son corps de réserve, qu'elle en met à poster une mouche, qui peut manquer, mais dont elle espère ou prévoit le succès. Роль красивой женщины гораздо труднее, чем думают. Нет ничего значительнее того, что происходит по утрам за ее туалетом, когда она окружена горничными: иной главнокомандующий не больше раздумывает над тем, как расположить свой правый фланг или резервы, чем она ломает голову над тем, куда прилепить мушку, которая может оказаться не на месте, а ведь дама ждет от нее успеха или даже уверена в нем.
Quelle gêne d'esprit, quelle attention pour concilier sans cesse les intérêts de deux rivaux, pour paraître neutre à tous les deux, pendant qu'elle est livrée à l'un et à l'autre, et se rendre médiatrice sur tous les sujets de plainte qu'elle leur donne! Сколько нужно усилий ума, сколько предусмотрительности, чтобы постоянно примирять интересы двух соперников; чтобы казаться посторонней для обоих, в то время как она принадлежит и тому и другому; чтобы служить посредницей во всех жалобах, к которым она сама же дает повод!
Quelle occupation pour faire succéder et renaître les parties de plaisir, et prévenir tous les accidents qui pourraient les rompre! Сколько хлопот, чтобы распределять и устраивать всяческие развлечения и предупреждать все, что может их расстроить!
Avec tout cela, la plus grande peine n'est pas de se divertir; c'est de le paraître: ennuyez-les tant que vous voudrez, elles vous le pardonneront, pourvu que l'on puisse croire qu'elles se sont réjouies. При всем этом главная трудность состоит не в том, чтобы развлекаться, а в том, чтобы казаться развлекающейся. Какую бы скуку вы светским дамам ни преподнесли, они вам ее простят, лишь бы со стороны казалось, что им весело.
Je fus, il y a quelques jours, d'un souper que des femmes firent à la campagne. Dans le chemin, elles disaient sans cesse: "Au moins, il faudra bien nous divertir." Несколько дней тому назад я был приглашен на ужин, устроенный дамами за городом. По пути туда они без умолку твердили: "По крайней мере повеселимся как следует".
Nous nous trouvâmes assez mal assortis et, par conséquent, assez sérieux. "Il faut avouer, dit une de ces femmes, que nous nous divertissons bien: il n'y a pas aujourd'hui dans Paris une partie si gaie que la nôtre." Comme l'ennui me gagnait, une femme me secoua et me dit: "Eh bien! ne sommes-nous pas de bonne humeur? - Oui, lui répondis-je en bâillant; je crois que je crèverai à force de rire." Cependant la tristesse triomphait toujours des réflexions, et, quant à moi, je me sentis conduit, de bâillement en bâillement, dans un sommeil léthargique, qui finit tous mes plaisirs. Но общество оказалось плохо подобранным, поэтому было довольно скучно. "Право же, мы славно веселимся, - сказала одна из дам, - во всем Париже не найдется сегодня компании веселее нашей". Когда скука стала совсем одолевать меня, другая дама меня потормошила и сказала: "Ну, разве мы не в чудесном настроении?" - "Еще бы, - отвечал я зевая, - я, кажется, помру со смеху". Тем не менее уныние торжествовало над всеми этими утверждениями, а что касается меня, то я все зевал, пока не погрузился в беспробудный сон, положивший конец моему буйному веселью.
De Paris, le 11 de la lune de Maharram 1718. Из Парижа, месяца Махаррама 11-го дня, 1718 года.

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Lettre CXI. Usbek à***/Узбек к ***

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Le règne du feu roi a été si long que la fin en avait fait oublier le commencement. C'est aujourd'hui la mode de ne s'occuper que des événements arrivés dans sa minorité, et on ne lit plus que les mémoires de ces temps-là. Царствование покойного короля было так продолжительно, что под конец все забыли его начало. Теперь вошло в моду заниматься только событиями, имевшими место в эпоху его несовершеннолетия, и все заняты чтением мемуаров о том времени.
Voici le discours qu'un des généraux de la ville de Paris prononça dans un conseil de guerre, et j'avoue que je n'y comprends pas grand-chose. Вот речь, произнесенная одним из парижских генералов на военном совете. Признаюсь, я в ней ничего не понял.
Messieurs, quoique nos troupes aient été repoussées avec perte, je crois qu'il nous sera facile de réparer cet échec. J'ai six couplets de chanson tout prêts à mettre au jour, qui, je m'assure, remettront toutes choses dans l'équilibre. J'ai fait choix de quelques voix très nettes, qui, sortant de la cavité de certaines poitrines très fortes, émouvront merveilleusement le peuple. Ils sont sur un air qui a fait, jusqu'à présent, un effet tout particulier. "Господа! Хотя наши войска были оттеснены с большими потерями, я думаю, что нам легко поправить эту неудачу. У меня совсем готовы шесть куплетов песенки, которую можно пустить в ход, и они, я уверен, восстановят равновесие. Я выбрал несколько звонких голосов, которые, вырываясь из здоровенных глоток, подбодрят народ. Куплеты положены на мелодию, которая до сих пор производила отменное впечатление.
Si cela ne suffit pas, nous ferons paraître une estampe qui fera voir Mazarin pendu. Если этого будет недостаточно, мы выпустим гравюру с изображением повешенного Мазарини.
Par bonheur pour nous, il ne parle pas bien français, et il l'écorche tellement qu'il n'est pas possible que ses affaires ne déclinent. Nous ne manquons pas de faire bien remarquer au peuple le ton ridicule dont il prononce. Nous relevâmes, il y a quelques jours, une faute de grammaire si grossière qu'on en fit des farces par tous les carrefours. На наше счастье, он плохо говорит по-французски и так коверкает язык, что дела его не могут идти успешно. Мы не упускаем случая обращать внимание народа на его смешное произношение{336}. Недавно мы подметили у него такую грубую грамматическую ошибку, что над ней потешались на всех перекрестках.
J'espère qu'avant qu'il soit huit jours le peuple fera du nom de Mazarin un mot générique pour exprimer toutes les bêtes de somme et celles qui servent à tirer. Я надеюсь, что не пройдет и недели, как народ превратит имя Мазарини в нарицательное слово для обозначения всех животных вообще, и в том числе вьючных и упряжных.
Depuis notre défaite, notre musique l'a si furieusement vexé sur le péché originel que, pour ne pas voir ses partisans réduits à la moitié, il a été obligé de renvoyer tous ses pages. С тех пор, как мы потерпели поражение, наши песенки так досаждают ему первородным грехом, что ему пришлось распустить всех своих пажей, чтобы не лишиться половины своих сторонников.
Ranimez-vous donc; reprenez courage, et soyez sûrs que nous lui ferons repasser les monts à coups de sifflets. Возьмите же себя в руки, ободритесь и будьте уверены, что мы свистками прогоним его обратно за горы".
De Paris, le 4 de la lune de Chahban 1718. Из Парижа, месяца Шахбана 4-го дня, 1718 года

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Lettre CXII. Rhédi à Usbek, à Paris/Реди к Узбеку в Париж

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Pendant le séjour que je fais en Europe, je lis les historiens anciens et modernes: je compare tous les temps; j'ai du plaisir à les voir passer, pour ainsi dire, devant moi, et j'arrête surtout mon esprit à ces grands changements qui ont rendu les âges si différents des âges, et la terre si peu semblable à elle-même. Пребывая в Европе, я читаю древних и новейших историков; я сравниваю все времена; я с удовольствием наблюдаю, как они, так сказать, проходят предо мною; меня особенно занимают те великие перемены, благодаря которым века так разнятся между собою, а земля преобразилась до неузнаваемости.
Tu n'as peut-être pas fait attention à une chose qui cause tous les jours ma surprise. Comment le monde est-il si peu peuplé en comparaison de ce qu'il était autrefois? Comment la nature a-t-elle pu perdre cette prodigieuse fécondité des premiers temps? Может быть, ты не обратил внимания на одно обстоятельство, которое постоянно вызывает во мне удивление. Как это вышло, что мир так мало населен теперь по сравнению с тем, каким он был когда-то? Как могла природа лишиться своего поразительного первобытного плодородия?
Serait-elle déjà dans sa vieillesse, et tomberait-elle de langueur? Наступила ли уже ее старость? Началось ли ее увядание?
J'ai resté plus d'un an en Italie, où je n'ai vu que le débris de cette ancienne Italie, si fameuse autrefois. Quoique tout le monde habite les villes, elles sont entièrement désertes et dépeuplées: il semble qu'elles ne subsistent encore que pour marquer le lieu où étaient ces cités puissantes dont l'histoire a tant parlé. Я прожил в Италии больше года и видел вокруг себя одни лишь развалины столь славной когда-то древней страны. Хотя все живут там в городах, города эти совершенно пустынны и безлюдны: кажется, будто они все еще существуют только для того, чтобы отмечать местности, где стояли могучие города, о которых столько говорила история.
Il y a des gens qui prétendent que la seule ville de Rome contenait autrefois plus de peuple qu'un grand royaume de l'Europe n'en a aujourd'hui. Il y a eu tel citoyen romain qui avait dix et même vingt mille esclaves, sans compter ceux qui travaillaient dans les maisons de campagne; et, comme on y comptait quatre ou cinq cent mille citoyens, on ne peut fixer le nombre de ses habitants sans que l'imagination ne se révolte. Есть люди, уверяющие, что в одном только древнем городе Риме некогда жило больше народу, чем в любом большом королевстве нынешней Европы. У некоторых римских граждан было по десять и даже по двадцать тысяч рабов, не считая тех, которые работали в их поместьях. А так как в Риме насчитывалось четыреста или пятьсот тысяч граждан, то рассудок просто отказывается установить число его жителей.
Il y avait autrefois dans la Sicile de puissants royaumes et des peuples nombreux, qui en ont disparu depuis: cette île n'a plus rien de considérable que ses volcans. Некогда на Сицилии находились могущественные государства и многочисленные народы; впоследствии они исчезли, и теперь на этом острове не осталось ничего замечательного, кроме вулканов.
La Grèce est si déserte qu'elle ne contient pas la centième partie de ses anciens habitants. Греция так пустынна, что в ней не живет и сотая часть ее прежних обитателей.
L'Espagne, autrefois si remplie, ne fait voir aujourd'hui que des campagnes inhabitées; et la France n'est rien en comparaison de cette ancienne Gaule dont parle César. Испания, когда-то столь населенная, представляет собою ныне только безлюдные пространства, а Франция - ничто по сравнению с той древней Галлией, о которой повествует Цезарь.
Les pays du Nord sont fort dégarnis, et il s'en faut bien que les peuples y soient, comme autrefois, obligés de se partager et d'envoyer dehors, comme des essaims, des colonies et des nations entières chercher de nouvelles demeures. Северные страны сильно опустели, и там теперь уже далеко не то, что было прежде, когда приходилось выделять людей, точно пчелиные рои, для поисков новых мест поселения и высылать туда колонии и целые племена.
La Pologne et la Turquie en Europe n'ont presque plus de peuples. Польша и Европейская Турция теперь уже почти совсем обезлюдели.
On ne saurait trouver dans l'Amérique la cinquantième partie des hommes qui y formaient de si grands empires. В Америке не найдешь и пятидесятой части населения, которое некогда образовало там огромные государства.
L'Asie n'est guère en meilleur état. Cette Asie Mineure, qui contenait tant de puissantes monarchies et un nombre si prodigieux de grandes villes, n'en a plus que deux ou trois. Quant à la grande Asie, celle qui est soumise au Turc n'est pas plus peuplée; et, pour celle qui est sous la domination de nos rois, si on la compare à l'état florissant où elle était autrefois, on verra qu'elle n'a qu'une petite partie des habitants qui y étaient sans nombre du temps des Xerxès et des Darius. Азия отнюдь не в лучшем состоянии. В той самой Малой Азии, где находилось столько могущественных государств и так много больших городов, теперь найдется их только два-три. Что касается Азии вообще, то та ее часть, которая находится под властью турок, населена не гуще Малой Азии, а если сравнить часть, подвластную нашим государям, с цветущим состоянием, в котором она была когда-то, то станет очевидно, что в ней осталась только очень небольшая часть бесчисленного населения, жившего там во времена Ксеркса и Дария{337}.
Quant aux petits Etats qui sont autour de ces grands empires, ils sont réellement déserts: tels sont les royaumes d'Irimette, de Circassie et de Guriel. Ces princes, avec de vastes Etats, comptent à peine cinquante mille sujets. Что же касается мелких государств, расположенных вокруг этих больших империй, то они действительно пустынны: таковы царства Имеретинское, Черкесское и Гурийское. Их государи, при всей обширности своих владений, едва насчитывают тысяч пятьдесят подданных.
L'Egypte n'a pas moins manqué que les autres pays. Египет находится не в меньшем упадке, чем другие страны.
Enfin, je parcours la terre, et je n'y trouve que des délabrements: je crois la voir sortir des ravages de la peste et de la famine. Словом, мысленно обозревая Землю, я нахожу всюду полное оскудение, будто ее только что опустошили моровая язва и голод.
L'Afrique a toujours été si inconnue qu'on ne peut en parler si précisément que des autres parties du monde; mais, à ne faire attention qu'aux côtes de la Méditerranée, connues de tout temps, on voit qu'elle a extrêmement déchu de ce qu'elle était sous les Carthaginois et les Romains. Aujourd'hui ses princes sont si faibles que ce sont les plus petites puissances du monde. Африка всегда была мало исследована, и о ней нельзя говорить с такою же точностью, как о других частях света, но если обратить внимание только на известное во все времена средиземноморское ее побережье, станет ясно, что она дошла до крайней степени упадка по сравнению с тем, чем она была под властью карфагенян и римлян. В наши дни государства, расположенные по этому побережью, самые слабые на свете.
Après un calcul aussi exact qu'il peut l'être dans ces sortes de choses, j'ai trouvé qu'il y a à peine sur la terre la dixième partie des hommes qui y étaient dans les anciens temps. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est qu'elle se dépeuple tous les jours, et, si cela continue, dans dix siècles elle ne sera qu'un désert. Произведя подсчет с наибольшей точностью, какая только возможна в таких вопросах, я пришел к выводу, что теперь на земле осталась едва десятая часть людей, живших на ней в древности. И удивительно то, что ее население уменьшается с каждым днем; если так будет продолжаться, через десять столетий она превратится в пустыню.
Voilà, mon cher Usbek, la plus terrible catastrophe qui soit jamais arrivée dans le monde; mais à peine s'en est-on aperçu, parce qu'elle est arrivée insensiblement et dans le cours d'un grand nombre de siècles; ce qui marque un vice intérieur, un venin secret et caché, une maladie de langueur qui afflige la nature humaine Вот, любезный мой Узбек, самая страшная катастрофа, когда-либо случавшаяся в мире; но ее почти не ощутили, потому что она началась незаметно и совершалась в течение большого числа веков; это указывает на какой-то внутренний порок, на неведомый тайный яд, на изнурительную болезнь, снедающую человеческую природу.
De Venise, le 10 de la lune de Rhegeb 1718. Из Венеции, месяца Реджеба 10-го дня, 1718 года

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Lettre CXIII. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Le monde, mon cher Rhédi, n'est point incorruptible; les cieux mêmes ne le sont pas: les astronomes sont des témoins oculaires de leurs changements, qui sont des effets bien naturels du mouvement universel de la matière. Мир, любезный Реди, отнюдь не неизменен. Это относится даже к небесам, астрономы воочию убеждаются в происходящих там изменениях, которые являются вполне естественным следствием всеобщего движения материи.
La terre est soumise, comme les autres planètes, aux lois des mouvements; elle souffre au-dedans d'elle un combat perpétuel de ses principes: la mer et le continent semblent être dans une guerre éternelle chaque instant produit de nouvelles combinaisons. Земля, как и прочие планеты, подчинена законам движения; она страждет внутри себя самой от постоянной борьбы ее собственных составных частей: море и материк ведут между собою вечную войну; с каждым мгновением возникают новые сочетания.
Les hommes, dans une demeure si sujette aux changements, sont dans un état aussi incertain: cent mille causes peuvent agir, capables de les détruire, et, à plus forte raison, d'augmenter ou de diminuer leur nombre. Живя на планете, столь подверженной изменениям, люди находятся в довольно неустойчивом положении: могут возникнуть сотни тысяч причин, способных уничтожить их и тем более увеличить или уменьшить их число.
Je ne te parlerai pas de ces catastrophes particulières, si communes chez les historiens, qui ont détruit des villes et des royaumes entiers; il y en a de générales, qui ont mis bien des fois le genre humain à deux doigts de sa perte. Я уже не говорю о тех отдельных катастрофах, о которых так часто упоминают историки и которые разрушили целые города и королевства; случаются и всеобщие катаклизмы, не раз ставившие род людской на край гибели.
Les histoires sont pleines de ces pestes universelles qui ont tour à tour désolé l'univers. Elles parlent d'une, entre autres, qui fut si violente qu'elle brûla jusques à la racine des plantes, et se fit sentir dans tout le monde connu, jusques à l'empire du Catay; un degré de plus de corruption aurait, peut-être dans un seul jour, détruit toute la nature humaine. История полна рассказов о моровых язвах, неоднократно опустошавших вселенную. Она рассказывает, в частности, о язве, которая так свирепствовала, что до корней выжгла растения и дала себя знать по всему свету, вплоть до самой Китайской империи: будь яд чуть-чуть посильнее, весь род человеческий был бы, вероятно, изничтожен в один день.
Il n'y a pas deux siècles que la plus honteuse de toutes les maladies se fit sentir en Europe, en Asie et en Afrique; elle fit, dans très peu de temps, des effets prodigieux: c'était fait des hommes si elle avait continué ses progrès avec la même furie. Accablés de maux dès leur naissance, incapables de soutenir le poids des charges de la société, ils auraient péri misérablement. Не прошло еще и двух столетий с тех пор, как постыднейшая из болезней распространилась по Европе, Азии и Африке; в самое короткое время она достигла удивительного распространения: если бы она продолжала развиваться с таким же неистовством, людям пришел бы конец. Удрученные с самого рождения всякими недугами, неспособные выносить тягость общественных обязанностей, они погибли бы самым жалким образом.
Qu'aurait-ce été si le venin eût été un peu plus exalté? Et il le serait devenu sans doute si l'on n'avait été assez heureux pour trouver un remède aussi puissant que celui qu'on a découvert. Peut-être que cette maladie, attaquant les parties de la génération, aurait attaqué la génération même. Что случилось бы, если бы яд был еще немного сильнее? И он стал бы сильнее, если бы, к счастью, не открыли могущественного лекарства{339}. Может быть, эта болезнь, поразив органы размножения, подорвала бы и самое размножение.
Mais pourquoi parler de la destruction qui aurait pu arriver au genre humain? N'est-elle pas arrivée, en effet, et le Déluge ne le réduisit-il pas à une seule famille? Но к чему говорить об истреблении, которому могло бы подвергнуться человечество? Ведь истребление и в действительности имело место. Ведь свел же потоп весь род людской к одной семье?
Il y a des philosophes qui distinguent deux créations: celle des choses et celle de l'homme. Ils ne peuvent comprendre que la matière et les choses créées n'aient que six mille ans; que Dieu ait différé pendant toute l'éternité ses ouvrages et n'ait usé que d'hier de sa puissance créatrice. Serait-ce parce qu'il ne l'aurait pas pu, ou parce qu'il ne l'aurait pas voulu? Mais, s'il ne l'a pas pu dans un temps, il ne l'a pas pu dans l'autre. C'est donc parce qu'il ne l'a pas voulu. Mais, comme il n'y a point de succession dans Dieu, si l'on admet qu'il ait voulu quelque chose une fois, il l'a voulue toujours et dès le commencement. Некоторые философы различают два творения: творение вещей и творение человека. Они не могут постичь, что материя и сотворенные вещи насчитывают только шесть тысяч лет, что бог целую вечность медлил со своими трудами и лишь недавно осуществил свое творческое всемогущество. Потому ли это случилось, что он не мог, или потому, что он не хотел? Но если бы он не мог этого сделать в одно время, то не мог бы сделать и в другое. Значит, он не хотел. Но так как над богом не властна последовательность во времени, то, допустив, что однажды он чего-нибудь захотел, мы должны принять, что он хотел этого всегда и с самого начала.
Cependant tous les historiens nous parlent d'un premier père. Ils nous font voir la nature humaine naissante. N'est-il pas naturel de penser qu'Adam fut sauvé d'un malheur commun, comme Noé le fut du Déluge, et que ces grands événements ont été fréquents sur la terre depuis la création du monde? Однако все историки говорят нам об одном родоначальнике. Они рассказывают о том, как зародилась человеческая природа. Философы предполагают, что Адам был так же спасен от какого-нибудь всеобщего бедствия, как Ной от потопа, и что со времени создания мира такие великие катаклизмы не раз случались на Земле.
Mais toutes les destructions ne sont pas violentes nous voyons plusieurs parties de la terre se lasser de fournir à la subsistance des hommes. Que savons-nous si la terre entière n'a pas des causes générales, lentes et imperceptibles, de lassitude? Но не все разрушения бывают стихийны: мы видим, что во многих местах Земля как бы устает производить нужные для человека плоды. Почем знать, может быть, существуют общие, медленно действующие и неуловимые причины, изнуряющие всю Землю?
J'ai été bien aise de te donner ces idées générales avant de répondre plus particulièrement à ta lettre sur la diminution des peuples arrivée depuis dix-sept à dix-huit siècles. Je te ferai voir, dans une lettre suivante, qu'indépendamment des causes physiques, il y en a de morales qui ont produit cet effet. Я рад, что мог изложить тебе эти общие мысли, прежде чем подробнее ответить на твое письмо об уменьшении народонаселения, случившемся за семнадцать - восемнадцать веков. В следующем письме я докажу тебе, что независимо от физических причин это было вызвано и причинами нравственными.
De Paris, le 8 de la lune de Chahban 1718. Из Парижа, месяца Шахбана 8-го дня, 1718 года

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Lettre CXIV. Usbek au même/Узбек к нему же

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Tu cherches la raison pourquoi la terre est moins peuplée qu'elle ne l'était autrefois, et, si tu y fais bien attention, tu verras que la grande différence vient de celle qui est arrivée dans les moeurs. Ты ищешь причины, почему Земля населена меньше прежнего, но вглядись пристальнее, и ты увидишь, что эта великая перемена явилась следствием той, которая произошла в нравах.
Depuis que la religion chrétienne et la mahométane ont partagé le monde romain, les choses sont bien changées: il s'en faut de beaucoup que ces deux religions soient aussi favorables à la propagation de l'espèce que celle de ces maîtres de l'univers. С тех пор как христианская и магометанская религии поделили между собою римский мир, все очень переменилось: обе эти религии далеко не в такой степени благоприятствуют размножению человеческого рода, как религия римлян - этих владык Вселенной.
Dans cette dernière, la polygamie était défendue et, en cela, elle avait un très grand avantage sur la religion mahométane. Le divorce y était permis; ce qui lui en donnait un autre, non moins considérable, sur la chrétienne. Римская религия воспрещала многоженство и в этом отношении имела большое преимущество перед магометанской. Развод ею допускался; это давало ей не меньшее преимущество перед христианством.
Je ne trouve rien de si contradictoire que cette pluralité des femmes permises par le saint Alcoran, et l'ordre de les satisfaire donné dans le même livre. "Voyez vos femmes, dit le Prophète, parce que vous leur êtes nécessaires comme leurs vêtements, et qu'elles vous sont nécessaires comme vos vêtements." Voilà un précepte qui rend la vie d'un véritable musulman bien laborieuse. Celui qui a les quatre femmes établies par la Loi, ou seulement autant de concubines ou d'esclaves, ne doit-il pas être accablé de tant de vêtements? Я не знаю ничего противоречивее, чем множество жен, разрешенное святым Алкораном, а с другой стороны содержащееся там же повеление удовлетворять их. "Блюдите ваших жен, - говорит пророк, - потому что вы нужны им, как одежда, и потому что они нужны вам, как ваша одежда". Вот наставление, принуждающее любого истинного мусульманина изрядно трудиться. Всякого, у кого есть четыре жены, установленные законом, и хотя бы столько же наложниц или рабынь, такое количество одежд не может не обременять!
"Vos femmes sont vos labourages, dit encore le Prophète; approchez-vous donc de vos labourages, faites du bien pour vos âmes, et vous le trouverez un jour." "Ваши жены - пашни ваши, - говорит затем пророк. - Прильните к пашням вашим; творите благо вашим душам и некогда вы обрящете его".
Je regarde un bon musulman comme un athlète destiné à combattre sans relâche; mais qui, bientôt faible et accablé de ses premières fatigues, languit dans le champ même de la victoire, et se trouve, pour ainsi dire, enseveli sous ses propres triomphes. Добрый мусульманин представляется мне атлетом, которому суждено бороться без передышки; но, скоро ослабев и согнувшись под бременем усталости, он чахнет на том самом поле, где одержал столько побед, и оказывается, так сказать, погребенным под собственными своими триумфами.
La nature agit toujours avec lenteur, et pour ainsi dire, avec épargne: ses opérations ne sont jamais violentes; jusque dans ses productions, elle veut de la tempérance; elle ne va jamais qu'avec règle et mesure; si on la précipite, elle tombe bientôt dans la langueur; elle emploie toute la force qui lui reste à se conserver, perdant absolument sa vertu productrice et sa puissance générative. Природа всегда действует неторопливо и, если можно так выразиться, бережно: ее действия никогда не бывают насильственны, в ее произведениях всегда сказывается умеренность; она поступает всегда по правилам и соразмерно; если же ее понуждают, она скоро истощается и всю оставшуюся силу употребляет на самосохранение, совершенно теряя при этом производительную способность и творческую мощь.
C'est dans cet état de défaillance que nous met toujours ce grand nombre de femmes plus propre à nous épuiser qu'à nous satisfaire. Il est très ordinaire parmi nous de voir un homme dans un sérail prodigieux avec un très petit nombre d'enfants. Ces enfants mêmes sont, la plupart du temps, faibles et malsains, et se sentent de la langueur de leur père. В такое-то состояние упадка и приводит нас большое число женщин; оно способно скорее истощить нас, чем доставить удовлетворение. Весьма обычно встретить у нас в многолюдном серале человека, имеющего мало детей; и дети эти зачастую бывают хилыми и болезненными, на них сказывается расслабленность их отцов.
Ce n'est pas tout: ces femmes obligées à une continence forcée ont besoin d'avoir des gens pour les garder, qui ne peuvent être que des eunuques: la religion, la jalousie et la raison même ne permettent pas d'en laisser approcher d'autres. Ces gardiens doivent être en grand nombre, soit afin de maintenir la tranquillité au-dedans, parmi les guerres que ces femmes se font sans cesse, soit pour empêcher les entreprises du dehors. Ainsi un homme qui a dix femmes ou concubines n'a pas trop d'autant d'eunuques pour les garder. Mais quelle perte pour la société que ce grand nombre d'hommes morts dès leur naissance! Quelle dépopulation ne doit-il pas s'en suivre! Это еще не все: для этих женщин, осужденных на принудительное воздержание, требуются надзиратели, а ими могут быть только евнухи; регалия, ревность, да и разум не позволяют подпускать к женщинам других мужчин. Надзирателей должно быть много как для того, чтобы поддерживать порядок внутри сераля во время беспрестанных склок, которые происходят между женщинами, так и для предупреждения покушений извне. Значит, тому, у кого есть десять жен или наложниц, приходится держать столько же евнухов для надзора за ними. А какая потеря для общества это множество людей, мертвых с самого рождения! Какую убыль в населении должно это вызывать!
Les filles esclaves qui sont dans le sérail, pour servir avec les eunuques ce grand nombre de femmes, y vieillissent presque toujours dans une affligeante virginité: elles ne peuvent pas se marier pendant qu'elles y restent, et leurs maîtresses, une fois accoutumées à elles, ne s'en défont presque jamais. Девушки-рабыни, живущие в серале и вместе с евнухами обслуживающие это большое количество женщин, почти всегда доживают до старости в прискорбной девственности; пока они в серале, они не могут выйти замуж, а их госпожи, привыкнув к ним, почти никогда их не отпускают.
Voilà comment un seul homme occupe à ses plaisirs tant de sujets de l'un et de l'autre sexe, les fait mourir pour l'Etat, et les rend inutiles à la propagation de l'espèce. Вот так-то один человек ради своего удовольствия держит при себе столько людей обоего пола; для государства они мертвы и к продолжению рода непригодны.
Constantinople et Ispahan sont les capitales des deux plus grands empires du monde: c'est là que tout doit aboutir, et que les peuples, attirés de mille manières, se rendent de toutes parts. Cependant elles périssent d'elles-mêmes, et elles seraient bientôt détruites, si les souverains n'y faisaient venir, presque à chaque siècle, des nations entières pour les repeupler. J'épuiserai ce sujet dans une autre lettre. Константинополь и Испагань - столицы двух величайших мировых империй: это средоточие всего, и туда со всех концов земли стекаются люди, привлекаемые самыми разнообразными приманками. Между тем оба эти города погибают сами собой и скоро бы исчезли, если бы государи почти каждое столетие не переселяли туда целые народы. В следующем письме я вернусь к этому предмету.
De Paris, le 13 de la lune de Chahban 1718. Из Парижа, месяца Шахбана 13-го дня, 1718 года.

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Lettre CXV. Usbek au même/Узбек к нему же

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Les Romains n'avaient pas moins d'esclaves que nous; ils en avaient même plus; mais ils en faisaient un meilleur usage. У римлян было рабов не меньше нашего; было даже больше, но римляне лучше ими пользовались.
Bien loin d'empêcher, par des voies forcées, la multiplication de ces esclaves, ils la favorisaient au contraire de tout leur pouvoir: ils les associaient le plus qu'ils pouvaient par des espèces de mariages. Par ce moyen, ils remplissaient leurs maisons de domestiques de tous les sexes, de tous les âges, et l'Etat d'un peuple innombrable. Они не только не мешали размножению рабов, применяя насильственные меры, а, напротив, всячески поощряли их к этому, стараясь соединять их чем-то вроде брака. Таким способом римляне обеспечивали себя слугами мужского и женского пола разных возрастов, а государство - бесчисленным народом.
Ces enfants, qui faisaient à la longue la richesse d'un maître, naissaient sans nombre autour de lui; il était seul chargé de leur nourriture et de leur éducation; les pères, libres de ce fardeau, suivaient uniquement le penchant de la nature, et multipliaient, sans craindre une trop nombreuse famille. Дети, из которых со временем составлялось богатство их хозяина, рождались вокруг него в неисчислимом множестве. На нем одном лежала забота об их пропитании и воспитании: отцы, освобожденные от этой тяготы, следовали только влечению природы и размножались, не опасаясь обременить себя большой семьей.
Je t'ai dit que, parmi nous, tous les esclaves sont occupés à garder nos femmes, et à rien de plus; qu'ils sont, à l'égard de l'Etat, dans une perpétuelle léthargie; de manière qu'il faut restreindre à quelques hommes libres, à quelques chefs de famille, la culture des arts et des terres, lesquels même s'y donnent le moins qu'ils peuvent. Как я уже говорил, у нас рабы заняты только надзором за нашими женами и больше ничем; по отношению к государству они пребывают в состоянии постоянной спячки, так что занятия искусствами и земледелием ограничиваются небольшим кругом свободных людей и отцов семейства, которые, со своей стороны, стараются заниматься ими возможно меньше.
Il n'en était pas de même chez les Romains: la République se servait avec un avantage infini de ce peuple d'esclaves. Chacun d'eux avait son pécule, qu'il possédait aux conditions que son maître lui imposait; avec ce pécule, il travaillait et se tournait du côté où le portait son industrie. Celui-ci faisait valoir la banque, celui-là se donnait au commerce de la mer; l'un vendait des marchandises en détail; l'autre s'appliquait à quelque art mécanique, ou bien affermait et faisait valoir des terres. Mais il n'y en avait aucun qui ne s'attachât de tout son pouvoir à faire profiter ce pécule, qui lui procurait, en même temps, l'aisance dans la servitude présente et l'espérance d'une liberté future. Cela faisait un peuple laborieux, animait les arts et l'industrie. Не так было у римлян. Республика извлекала бесконечные выгоды из этого множества рабов. Каждый из них располагал личным имуществом, которым владел на условиях, поставленных господином; он работал с помощью собственных инструментов, занимаясь тем, к чему чувствовал способность. У одного был банк, другой вел заморскую торговлю, третий держал мелочную лавочку, четвертый занимался каким-нибудь ремеслом или арендовал землю и добивался повышения ее доходности, но не было такого, кто бы не старался изо всех сил увеличить свое достояние, приносившее ему довольство в его нынешнем подневольном положении и надежду на освобождение в будущем. Все это создавало трудолюбивый народ и поднимало искусства и промышленность.
Ces esclaves, devenus riches par leurs soins et leur travail, se faisaient affranchir, et devenaient citoyens. La république se réparait sans cesse et recevait dans son sein de nouvelles familles, à mesure que les anciennes se détruisaient. Разбогатев своим трудом и хлопотами, рабы откупались на волю и становились гражданами. Республика постоянно обновлялась и принимала в свое лоно все новые и новые семьи, по мере того как распадались старые.
J'aurai peut-être, dans mes lettres suivantes, occasion de te prouver que, plus il y a d'hommes dans un Etat, plus le commerce y fleurit; je prouverai aussi facilement que, plus le commerce y fleurit, plus le nombre des hommes y augmente: ces deux choses s'entraident et se favorisent nécessairement. Может быть, в последующих письмах мне представится случай доказать тебе, что чем больше население государства, тем больше процветает в нем торговля; так же легко я докажу, что чем больше процветает торговля, тем больше увеличивается и население: эти две вещи всегда взаимно помогают и споспешествуют друг другу.
Si cela est, combien ce nombre prodigieux d'esclaves, toujours laborieux, devait-il s'accroître et s'augmenter! L'industrie et l'abondance les faisaient naître, et eux, de leur côté, faisaient naître l'abondance et l'industrie. А раз это так, то до какой же степени должно было увеличиваться и возрастать число этих всегда трудолюбивых рабов! Их порождали промышленность и изобилие, а они, с своей стороны, порождали изобилие и промышленность.
De Paris, le 16 de la lune de Chahban 1718. Из Парижа, месяца Шахбана 16-го дня, 1718 года

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Lettre CXVI. Usbek au même/Узбек к нему же

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Nous avons, jusques ici, parlé des pays mahométans, et cherché la raison pourquoi ils sont moins peuplés que ceux qui étaient soumis à la domination des Romains. Examinons à présent ce qui a produit cet effet chez les chrétiens. До сих пор мы говорили только о магометанских странах и доискивались причины, почему они населены меньше тех, которые были подчинены римскому владычеству. Исследуем теперь, чем было вызвано такое же явление у христиан.
Le divorce était permis dans la religion paienne, et il fut défendu aux chrétiens. Ce changement, qui parut d'abord de si petite conséquence, eut insensiblement des suites terribles, et telles qu'on peut à peine les croire. В языческой религии развод был разрешен, а христиане его запретили. Это изменение, казавшееся сначала несущественным, исподволь повлекло за собою такие ужасные последствия, что даже поверить трудно.
On ôta non seulement toute la douceur du mariage, mais aussi l'on donna atteinte à sa fin: en voulant resserrer ses noeuds, on les relâcha; et, au lieu d'unir les coeurs, comme on le prétendait, on les sépara pour jamais. Этим не только отняли у брака всю его сладость, но подорвали и самую его основу; желая скрепить его узы, их ослабили и, вместо того чтобы, как рассчитывали, соединить сердца, их навсегда разлучили.
Dans une action si libre, et où le coeur doit avoir tant de part, on mit la gêne, la nécessité et la fatalité du destin même. On compta pour rien les dégoûts, les caprices et l'insociabilité des humeurs; on voulut fixer le coeur, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus variable et de plus inconstant dans la nature; on attacha sans retour et sans espérance des gens accablés l'un de l'autre et presque toujours mal assortis; et l'on fit comme ces tyrans, qui faisaient lier des hommes vivants à des corps morts. В дело, которое должно быть таким свободным и в котором сердце должно принимать столь большое участие, внесли стеснение, принуждение и даже роковую неизбежность судьбы. Сочли за ничто отвращение, своеволие, несходство характеров; вздумали сковать сердце, то есть то, что является самым изменчивым и непостоянным в природе; безвозвратно и безнадежно связали вместе людей, тяготящихся друг другом и зачастую не подходящих один к другому; поступили, как те тираны, которые приказывали связывать живых людей с мертвецами.
Rien ne contribuait plus à l'attachement mutuel que la faculté du divorce: un mari et une femme étaient portés à soutenir patiemment les peines domestiques, sachant qu'ils étaient maîtres de les faire finir, et ils gardaient souvent ce pouvoir en main toute leur vie sans en user, par cette seule considération qu'ils étaient libres de le faire. Ничто так не содействовало взаимной привязанности, как возможность развода: мужу и жене легко было переносить тяготы домашней жизни, ибо они знали, что в их власти покончить с ними, и часто, имея всю жизнь эту возможность, они не пользовались ею только потому, что были вольны это сделать.
Il n'en est pas de même des chrétiens, que leurs peines présentes désespèrent pour l'avenir. Ils ne voient dans les désagréments du mariage que leur durée et, pour ainsi dire, leur éternité: de là viennent les dégoûts, les discordes, les mépris, et c'est autant de perdu pour la postérité. A peine a-t-on trois ans de mariage qu'on en néglige l'essentiel; on passe ensemble trente ans de froideur; il se forme des séparations intestines aussi fortes et peut-être plus pernicieuses que si elles étaient publiques; chacun vit et reste de son côté; et tout cela au préjudice des races futures. Bientôt un homme, dégoûté d'une femme éternelle, se livrera aux filles de joie: commerce honteux et si contraire à la société, lequel, sans remplir l'objet du mariage, n'en représente tout au plus que les plaisirs. Иначе обстоит дело у христиан, которых настоящие их печали заставляют отчаиваться и в будущем; в невзгодах супружества они только и видят, что их продолжительность и, так сказать, вечность. Отсюда возникают отвращение, ссоры, неуважение, и от этого страдает потомство. Не проживут люди в браке и трех лет, как уже пренебрегают самым существенным в нем, и живут потом тридцать лет, относясь друг к другу с полным равнодушием; между мужем и женой создается внутренний разлад, столь же глубокий и, может быть, еще более пагубный, чем если бы он был гласным: каждый живет сам по себе, - и все это в ущерб будущим поколениям. Вскоре муж, которому опротивела связанная с ним навеки жена, обращается к женщинам легкого поведения - возникают отношения, постыдные и противообщественные, не соответствующие назначению брака и состоящие, самое большее, лишь в чувственных наслаждениях.
Si, de deux personnes ainsi liées, il y en a une qui n'est pas propre au dessein de la nature et à la propagation de l'espèce, soit par son tempérament soit par son âge, elle ensevelit l'autre avec elle, et la rend aussi inutile qu'elle l'est elle-même. Если одно из двух связанных таким образом лиц неспособно к выполнению природного назначения и продолжению рода, по темпераменту ли, по возрасту ли, оно заживо хоронит с собою и другое, и делает его столь же бесполезным.
Il ne faut donc pas s'étonner si l'on voit chez les chrétiens tant de mariages fournir un si petit nombre de citoyens. Le divorce est aboli; les mariages mal assortis ne se raccommodent plus; les femmes ne passent plus, comme chez les Romains, successivement dans les mains de plusieurs maris, qui en tiraient, dans le chemin, le meilleur parti qu'il était possible. Следовательно, нечего и удивляться тому, что у христиан такое большое количество браков доставляет столь малое число граждан. Развод уничтожен; неудачные браки неисправимы; женщины не переходят последовательно, как это было у римлян, от одного мужа к другому, причем мужья извлекали из них по пути все лучшее.
J'ose le dire: si, dans une république comme Lacédémone, où les citoyens étaient sans cesse gênés par des lois singulières et subtiles, et dans laquelle il n'y avait qu'une famille, qui était la république, il avait été établi que les maris changeassent de femmes tous les ans, il en serait né un peuple innombrable. Осмелюсь утверждать: если бы в такой республике, как Лакедемон, где граждан постоянно стесняли странные и хитроумные законы и где не было другой семьи, кроме самой республики, было бы установлено, чтобы ежегодно меняли жен, то от этого народилось бы бесчисленное количество детей.
Il est assez difficile de faire bien comprendre la raison qui a porté les chrétiens à abolir le divorce. Le mariage, chez toutes les nations du monde, est un contrat susceptible de toutes les conventions, et on n'en a dû bannir que celles qui auraient pu en affaiblir l'objet. Mais les chrétiens ne le regardent pas dans ce point de vue; aussi ont-ils bien de la peine à dire ce que c'est. Ils ne le font pas consister dans le plaisir des sens; au contraire, comme je te l'ai déjà dit, il semble qu'ils veulent l'en bannir autant qu'ils peuvent; mais c'est une image, une figure et quelque chose de mystérieux que je ne comprends point. Трудно объяснить причину, заставившую христиан отменить развод. У всех народов мира брак является договором, допускающим всевозможные условия, за исключением таких, которые могли бы ослабить самую его сущность. Христиане же не смотрят на брак с этой точки зрения, и потому им очень трудно сказать, что же он собою представляет. Они не допускают, чтобы он заключался только в чувственных наслаждениях; напротив, как я уже тебе говорил, они как будто стараются исключить эти наслаждения, насколько только возможно; он у них лишь какой-то образ, символ, что-то странное, чего я не понимаю.
De Paris, le 19 de la lune de Chahban 1718. Из Парижа, месяца Шахбана 19-го дня, 1718 года

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Lettre CXVII. Usbek au même/Узбек к нему же

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La prohibition du divorce n'est pas la seule cause de la dépopulation des pays chrétiens. Le grand nombre d'eunuques qu'ils ont parmi eux n'en est pas une moins considérable. Запрещение развода - не единственная причина уменьшения населенности христианских стран. Не менее важно в этом отношении и то, что среди христиан есть много евнухов.
Je parle des prêtres et des dervis de l'un et de l'autre sexe, qui se vouent à une continence éternelle: c'est chez les chrétiens la vertu par excellence; en quoi je ne les comprends pas, ne sachant ce que c'est qu'une vertu dont il ne résulte rien. Я имею в виду священников и дервишей обоего пола, обрекающих себя на вечное воздержание: у христиан это считается высшей добродетелью, чего я просто не понимаю, ибо какая же это добродетель, раз она не дает никаких плодов?
Je trouve que leurs docteurs se contredisent manifestement, quand ils disent que le mariage est saint, et que le célibat, qui lui est opposé, l'est encore davantage; sans compter qu'en fait de préceptes et de dogmes fondamentaux, le bien est toujours le mieux. Я нахожу, что их ученые впадают в явное противоречие, говоря, что брак свят, а противопоставляемое ему безбрачие еще святее, - не говоря уже о том, что в деле предписаний и догматов хорошее всегда бывает наилучшим.
Le nombre de gens faisant profession de célibat est prodigieux. Les pères y condamnaient autrefois les enfants dès le berceau; aujourd'hui ils s'y vouent eux-mêmes dès l'âge de quatorze ans ce qui revient à peu près à la même chose. Поразительно число людей, превращающих безбрачие в профессию. В былое время отцы обрекали на него своих детей еще с колыбели; теперь дети сами обрекают себя с четырнадцати лет, что почти одно и то же.
Ce métier de continence a anéanti plus d'hommes que les pestes et les guerres les plus sanglantes n'ont jamais fait. On voit dans chaque maison religieuse une famille éternelle, où il ne naît personne, et qui s'entretient aux dépens de toutes les autres. Ces maisons sont toujours ouvertes comme autant de gouffres où s'ensevelissent les races futures. Промысел безбрачия уничтожил больше людей, чем все моровые язвы и самые кровопролитные войны. В каждом монастыре видишь вечную семью, в которой никто не родится и которая существует за счет остальных семей. Монастыри зияют, точно бездны, где погребаются будущие поколения.
Cette politique est bien différente de celle des Romains, qui établissaient des lois pénales contre ceux qui se refusaient aux lois du mariage, et voulaient jouir d'une liberté si contraire à l'utilité publique. Такая политика весьма отличается от политики римлян, издававших суровые законы против тех, кто уклонялся от брака и стремился к наслаждению свободой, противной общественной пользе.
Je ne te parle ici que des pays catholiques. Dans la religion protestante, tout le monde est en droit de faire des enfants; elle ne souffre ni prêtres, ni dervis; et si, dans l'établissement de cette religion, qui ramenait tout aux premiers temps, ses fondateurs n'avaient été accusés sans cesse d'intempérance, il ne faut pas douter qu'après avoir rendu la pratique du mariage universelle, ils n'en eussent encore adouci le joug, et achevé d'ôter toute la barrière qui sépare, en ce point, le Nazaréen et Mahomet. Я говорю здесь только о католических странах. Протестантская религия всем предоставляет право производить на свет детей. Она не терпит ни священников, ни дервишей, и если бы при учреждении этой религии, все возвращающей к временам первобытного христианства, ее основателей не обвиняли беспрестанно в невоздержности, они, несомненно, разрешив брак всем, еще смягчили бы его тягость и уничтожили бы все преграды, которые в этом отношении отделяют Назарея от Магомета.
Mais, quoi qu'il en soit, il est certain que la religion donne aux protestants un avantage infini sur les catholiques. Но как бы там ни было, религия протестантов дает им бесконечные преимущества перед католиками.
J'ose le dire: dans l'état présent où est l'Europe, il n'est pas possible que la religion catholique y subsiste cinq cents ans. Смею утверждать, что при настоящем состоянии Европы католическая религия не просуществует и пятисот лет.
Avant l'abaissement de la puissance d'Espagne, les catholiques étaient beaucoup plus forts que les protestants. Ces derniers sont peu à peu parvenus à un équilibre. Les protestants deviendront tous les jours plus riches et plus puissants, et les catholiques plus faibles. До ослабления могущества Испании католики были гораздо сильнее протестантов. Последним мало-помалу удалось достигнуть равновесия. Протестанты день ото дня будут становиться богаче и могущественнее, а католики - ослабевать.
Les pays protestants doivent être et sont réellement plus peuplés que les catholiques: d'où il suit, premièrement, que les tributs y sont plus considérables, parce qu'ils augmentent à proportion du nombre de ceux qui les payent; secondement, que les terres y sont mieux cultivées; enfin, que le commerce y fleurit davantage, parce qu'il y a plus de gens qui ont une fortune à faire, et qu'avec plus de besoins, on y a plus de ressources pour les remplir. Quand il n'y a que le nombre de gens suffisants pour la culture des terres, il faut que le commerce périsse; et, lorsqu'il n'y a que celui qui est nécessaire pour entretenir le commerce, il faut que la culture des terres manque: c'est-à-dire, il faut que tous les deux tombent en même temps, parce que l'on ne s'attache jamais à l'un que ce ne soit aux dépens de l'autre. Протестантские страны должны быть населеннее католических, и это действительно так и есть. Отсюда следует: во-первых, что налоги там значительнее, так как они увеличиваются соответственно числу плательщиков; во-вторых, что земли там лучше обрабатываются; наконец, что и торговля процветает сильнее, потому что там больше людей, которым нужно разбогатеть, и, при большем количестве потребностей, больше средств для их удовлетворения. Когда в стране численность населения достаточна только для земледелия, торговля неизбежно погибает, а когда людей лишь столько, сколько нужно для поддержания торговли, страдает земледелие; иными словами одновременно приходят в упадок оба, потому что населению приходится заниматься одним в ущерб другому.
Quant aux pays catholiques, non seulement la culture des terres y est abandonnée, mais même l'industrie y est pernicieuse: elle ne consiste qu'à apprendre cinq ou six mots d'une langue morte. Dès qu'un homme a cette provision par-devers lui, il ne doit plus s'embarrasser de sa fortune: il trouve dans le cloître une vie tranquille, qui, dans le monde, lui aurait coûté des sueurs et des peines. Что касается стран католических, то не только земледелие в них заброшено, но и образованность стоит на краю гибели: она заключается только в том, чтобы научиться пяти-шести словам какого-нибудь мертвого языка. Когда человек запасется этим, ему нет больше нужды беспокоиться о своем благосостоянии; он находит в монастыре безмятежную жизнь, которая в миру стоила бы ему немало усилий и трудов.
Ce n'est pas tout: les dervis ont en leurs mains presque toutes les richesses de l'Etat; c'est une société de gens avares, qui prennent toujours et ne rendent jamais; ils accumulent sans cesse des revenus pour acquérir des capitaux. Tant de richesses tombent, pour ainsi dire, en paralysie: plus de circulation, plus de commerce, plus d'arts, plus de manufactures. Это еще не все. Дервиши держат в своих руках почти все богатства государства: это скопище скряг, всегда берущих и никогда не отдающих; они беспрестанно накопляют доходы, чтобы сколотить капитал. Все эти богатства оказываются, если можно так выразиться, в параличе: нет больше оборотов, нет коммерции, нет ремесел и мануфактур.
Il n'y a point de prince protestant qui ne lève sur ses peuples beaucoup plus d'impôts que le pape n'en lève sur ses sujets; cependant ces derniers sont pauvres, pendant que les autres vivent dans l'opulence. Le commerce ranime tout chez les uns, et le monachisme porte la mort partout chez les autres. Любой протестантский государь получает больше налогов со своих народов, чем получает их папа со своих подданных; тем не менее последние бедны, между тем как первые живут в полном довольстве. У одних все оживляет торговля, у других все умерщвляет монашество.
De Paris, le 26 de la lune de Chahban 1718. Из Парижа, месяца Шахбана 26-го дня, 1718 года.

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Lettre CXVIII. Usbek au même/Узбек к нему же

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Nous n'avons plus rien à dire de l'Asie et de l'Europe. Passons à l'Afrique. On ne peut guère parler que de ses côtes, parce qu'on ne connaît pas l'intérieur. Нам нечего больше сказать об Азии и Европе. Перейдем к Африке. Можно говорить только о ее берегах, потому что внутренние ее области не исследованы.
Celles de Barbarie, où la religion mahométane est établie, ne sont plus si peuplées qu'elles étaient du temps des Romains, par les raisons que je t'ai déjà dites. Quant aux côtes de Guinée, elles doivent être furieusement dégarnies depuis deux cents ans que les petits rois, ou chefs des villages, vendent leurs sujets aux princes de l'Europe pour les porter dans leurs colonies en Amérique. Варварийское побережье, где утвердилось магометанство, не населено уже так, как то было во времена римлян, по причинам, о которых я уже говорил. Что касается берегов Гвинеи, то они, вероятно, страшно опустошены вот уже лет двести, с тех пор как тамошние царьки или деревенские старшины стали продавать своих подданных европейским государям для отправки их в американские колонии.
Ce qu'il y a de singulier, c'est que cette Amérique, qui reçoit tous les ans de nouveaux habitants, est elle-même déserte, et ne profite point des pertes continuelles de l'Afrique. Ces esclaves, qu'on transporte dans un autre climat, y périssent à milliers, et les travaux des mines, où l'on occupe sans cesse et les naturels du pays et les étrangers, les exhalaisons malignes qui en sortent, le vif-argent, dont il faut faire un continuel usage, les détruisent sans ressource. А особенно удивительно, что Америка, ежегодно получающая столько новых обитателей, сама пустынна, и постоянная убыль африканского населения ничуть не идет ей впрок. Рабы, переселенные в иной климат, погибают там тысячами, а рудокопные работы, на которых применяется труд и туземцев и чужестранцев, вредные испарения, выделяющиеся из рудников, ртуть, к которой приходится все время прибегать, беспощадно их губят.
Il n'y a rien de si extravagant que de faire périr un nombre innombrable d'hommes pour tirer du fond de la terre l'or et l'argent: ces métaux d'eux-mêmes absolument inutiles, et qui ne sont des richesses que parce qu'on les a choisis pour en être les signes. Нет ничего бессмысленнее, чем губить несчетное множество людей для того, чтобы извлекать из недр земли золото и серебро - металлы, сами по себе совершенно бесполезные и только потому представляющие ценность, что их избрали мерилом ценности.
De Paris, le dernier de la lune de Chahban 1718. Из Парижа в последний день месяца Шахбана 1718 года

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Lettre CXIX. Usbek au même/Узбек к нему же

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La fécondité d'un peuple dépend quelquefois des plus petites circonstances du monde; de manière qu'il ne faut souvent qu'un nouveau tour dans son imagination pour le rendre beaucoup plus nombreux qu'il n'était. Плодовитость народа зависит порою от самых незначительных обстоятельств, так что иной раз бывает достаточно какой-нибудь новой игры воображения, чтобы народ стал гораздо многочисленнее, чем был.
Les Juifs, toujours exterminés et toujours renaissants, ont réparé leurs pertes et leurs destructions continuelles, par cette seule espérance qu'ont parmi eux toutes les familles, d'y voir naître un roi puissant qui sera le maître de la terre. Евреи, которых постоянно истребляли, постоянно вновь возрождались, восстанавливая свои потери и разрушения единственно в силу надежды, теплящейся у них в каждой семье, - надежды на то, что родится у них могучий царь, который станет властелином Земли.
Les anciens rois de Perse n'avaient tant de milliers de sujets qu'à cause de ce dogme de la religion des mages, que les actes les plus agréables à Dieu que les hommes pussent faire, c'était de faire un enfant, labourer un champ et planter un arbre. Древние персидские цари только потому и имели несметные тысячи подданных, что религия магов учила, что наиболее угодные богу людские дела - произвести на свет ребенка, возделать поле и посадить дерево.
Si la Chine a dans son sein un peuple si prodigieux, cela ne vient que d'une certaine manière de penser: car, comme les enfants regardent leurs pères comme des dieux; qu'ils les respectent comme tels dès cette vie; qu'ils les honorent après leur mort par des sacrifices, dans lesquels ils croient que leurs âmes, anéanties dans le Tien, reprennent une nouvelle vie: chacun est porté à augmenter une famille si soumise dans cette vie, et si nécessaire dans l'autre. Если в Китае так велико народонаселение, то это лишь следствие определенного воззрения: там дети относятся к отцам как к богам, воздают им божеские почести в этой жизни, а после смерти почитают, принося им жертвы, благодаря которым, как они верят, души усопших, уничтоженные в Тиене{346}, воспринимают новую жизнь; поэтому каждый китаец стремится увеличить свою семью, столь покорную в этой жизни и столь полезную в будущей.
D'un autre côté, les pays des mahométans deviennent tous les jours déserts à cause d'une opinion, qui, toute sainte qu'elle est, ne laisse pas d'avoir des effets très pernicieux lorsqu'elle est enracinée dans les esprits. Nous nous regardons comme des voyageurs qui ne doivent penser qu'à une autre patrie: les travaux utiles et durables, les soins pour assurer la fortune de nos enfants, les projets qui tendent au-delà d'une vie courte et passagère, nous paraissent quelque chose d'extravagant. Tranquilles pour le présent, sans inquiétude pour l'avenir, nous ne prenons la peine ni de réparer les édifices publics, ni de défricher les terres incultes, ni de cultiver celles qui sont en état de recevoir nos soins: nous vivons dans une insensibilité générale, et nous laissons tout faire à la Providence. С другой стороны, государства магометанские с каждым днем становятся все безлюднее вследствие мнения, которое, как бы ни было оно свято, все же влечет за собою крайне гибельные последствия, если оно глубоко укоренилось в умах. Мы считаем себя путниками, которым надлежит помышлять только о другом отечестве: полезная и долговечная работа, забота об обеспечении будущности наших детей, замыслы, выходящие за пределы краткой и преходящей жизни, представляются нам чем-то нелепым. Равнодушные к настоящему, не беспокоясь о будущем, мы не берем на себя труда ни поддерживать общественные здания, ни распахивать невозделанные земли, ни обрабатывать те, которые уже дают плоды; мы живем в полной бесчувственности и во всем полагаемся на провидение.
C'est un esprit de vanité qui a établi chez les Européens l'injuste droit d'aînesse, si défavorable à la propagation, en ce qu'il porte l'attention d'un père sur un seul de ses enfants, et détourne ses yeux de tous les autres; en ce qu'il l'oblige, pour rendre solide la fortune d'un seul, de s'opposer à l'établissement de plusieurs; enfin, en ce qu'il détruit l'égalité des citoyens qui en fait toute l'opulence. Дух тщеславия установил у европейцев несправедливое право старшинства, столь неблагоприятное для продолжения рода, ибо оно побуждает отца все внимание уделять только одному ребенку и отвлекает его от других, вынуждает его противиться благосостоянию нескольких детей, чтобы обеспечить благосостояние старшего, разрушает, наконец, гражданское равенство, на котором зиждется процветание общества.
De Paris, le 4 de la lune de Rhamazan 1718. Из Парижа, месяца Рамазана 4-го дня, 1718 года

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Lettre CXX. Usbek au même/Узбек к нему же

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Les pays habités par les sauvages sont ordinairement peu peuplés, par l'éloignement qu'ils ont presque tous pour le travail et la culture de la terre. Cette malheureuse aversion est si forte que, lorsqu'ils font quelque imprécation contre quelqu'un de leurs ennemis, ils ne lui souhaitent autre chose que d'être réduit à labourer un champ; croyant qu'il n'y a que la chasse et la pêche qui soient un exercice noble et digne d'eux. Страны, обитаемые дикарями, бывают обычно мало населенными вследствие того, что почти все дикари чуждаются земледелия. Это злополучное отвращение у них настолько сильно, что когда они проклинают своих врагов, то только того им и желают, чтобы те вынуждены были заниматься земледелием, ибо сами они считают, что только охота и рыболовство - занятия благородные и достойные человека.
Mais, comme il y a souvent des années où la chasse et la pêche rendent très peu, ils sont désolés par des famines fréquentes; sans compter qu'il n'y a pas de pays si abondant en gibier et en poisson qu'il puisse donner la subsistance à un grand peuple, parce que les animaux fuient toujours les endroits trop habités. Но так как выпадают годы, когда охота и рыболовство приносят очень мало, дикарям зачастую приходится голодать, не говоря уже о том, что нет стран, настолько богатых дичью и рыбой, чтобы они могли доставлять пропитание большому народу, ибо животные всегда уходят из густо населенных мест.
D'ailleurs, les bourgades de sauvages, au nombre de deux ou trois cents habitants, détachées les unes des autres, ayant des intérêts aussi séparés que ceux de deux empires, ne peuvent pas se soutenir, parce qu'elles n'ont pas la ressource des grands Etats, dont toutes les parties se répondent et se secourent mutuellement. Кроме того, поселения дикарей, насчитывающие двести - триста душ и расположенные вдали друг от друга, причем их интересы так же различны, как интересы каких-нибудь двух империй, не в состоянии друг другу помогать, потому что не располагают возможностями больших государств, все части которых связаны одна с другой и взаимно друг друга поддерживают.
Il y a chez les sauvages une autre coutume qui n'est pas moins pernicieuse que la première: c'est la cruelle habitude où sont les femmes de se faire avorter, afin que leur grossesse ne les rende pas désagréables à leurs maris. Есть у дикарей еще и другой обычай, не менее пагубный: это зверский обычай женщин вытравлять плод, чтобы не стать противными мужу во время беременности.
Il y a ici des lois terribles contre ce désordre; elles vont jusques à la fureur. Toute fille qui n'a point été déclarer sa grossesse au magistrat est punie de mort si son fruit périt; la pudeur et la honte, les accidents mêmes ne l'excusent pas. Здесь существуют насчет этого извращения страшные законы, доходящие до жестокости. Всякая девушка, не заявившая властям о своей беременности, наказывается смертью, если ее плод погибнет. Ни стыдливость, ни страх позора, ни несчастная случайность не служат ей оправданием.
De Paris, le 9 de la lune de Rhamazan 1718. Из Парижа, месяца Рамазана 9-го дня, 1718 года

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Lettre CXXI. Usbek au même/Узбек к нему же

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L'effet ordinaire des colonies est d'affaiblir les pays d'où on les tire, sans peupler ceux où on les envoie. Следствием колонизации обычно бывает ослабление стран, высылающих колонии, причем не заселяются и страны колонизуемые.
Il faut que les hommes restent où ils sont: il y a des maladies qui viennent de ce qu'on change un bon air contre un mauvais; d'autres qui viennent précisément de ce qu'on en change. Людям следует оставаться на своих местах: существуют болезни, происходящие от перемены хорошего воздуха на дурной, и такие, которые вызываются просто переменой климата.
L'air se charge, comme les plantes, des particules de la terre de chaque pays. Il agit tellement sur nous que notre tempérament en est fixé. Lorsque nous sommes transportés dans un autre pays, nous devenons malades. Les liquides étant accoutumés à une certaine consistance, les solides, à une certaine disposition, tous les deux, à un certain degré de mouvement, n'en peuvent plus souffrir d'autres, et ils résistent à un nouveau pli. Воздух, как и растения, насыщен в каждой стране частицами ее почвы. Он до такой степени действует на нас, что им определяется наш темперамент. Перенесясь в другую страну, мы заболеваем. Так как жидкие элементы нашего организма привыкли к определенной консистенции, а твердые - к известному распорядку, то и тем, и другим свойственна определенная степень движения; иной они уже не выносят и всячески сопротивляются новым условиям.
Quand un pays est désert, c'est un préjugé de quelque vice particulier de la nature du terrain ou du climat. Ainsi, quand on ôte les hommes d'un ciel heureux pour les envoyer dans un tel pays, on fait précisément le contraire de ce qu'on se propose. Если страна безлюдна, то это является следствием какого-нибудь особого порока в свойствах почвы и климата. И когда в такую страну переселяют людей из благодатного климата, то поступают как раз обратно тому, чего намеревались достигнуть.
Les Romains savaient cela par expérience: ils reléguaient tous les criminels en Sardaigne, et ils y faisaient passer des Juifs. Il fallut se consoler de leur perte; chose que le mépris qu'ils avaient pour ces misérables rendait très facile. Римляне знали это по опыту: они отправляли всех преступников на Сардинию и туда же переселяли евреев. Приходилось мириться с их потерей, но римлянам это было нетрудно ввиду презрения, которое они питали к этим несчастным.
Le grand Chah Abas, voulant ôter aux Turcs le moyen d'entretenir de grosses armées sur les frontières, transporta presque tous les Arméniens hors de leur pays, et en envoya plus de vingt mille familles dans la province de Guilan, qui périrent presque toutes en très peu de temps. Великий Шах-Аббас, стремясь лишить турок возможности содержать большие армии на границах, выселил почти всех армян из их страны и послал в провинцию Гилянь{348} больше двадцати тысяч семейств, которые в короткое время почти все погибли.
Tous les transports de peuple faits à Constantinople n'ont jamais réussi. Попытки переселять людей, делавшиеся в Константинополе, никогда не удавались.
Ce nombre prodigieux de nègres dont nous avons parlé n'a point rempli l'Amérique. Огромное количество негров, о которых мы говорили выше, нисколько не наполнило Америку.
Depuis la destruction des Juifs sous Adrien, la Palestine est sans habitants. Со времени истребления евреев при Адриане{348} Палестина остается безлюдной.
Il faut donc avouer que les grandes destructions sont presque irréparables, parce qu'un peuple qui manque à un certain point reste dans le même état; et si, par hasard, il se rétablit, il faut des siècles pour cela. Итак, следует признать, что великие избиения почти непоправимы, потому что народ, численность которого падает ниже известного уровня, прозябает потом в том же положении, а если он паче чаяния и возродится, то для этого нужны века.
Que si, dans un état de défaillance, la moindre des circonstances dont je t'ai parlé vient à concourir, non seulement il ne se répare pas, mais il dépérit tous les jours et tend à son anéantissement. Если же к состоянию упадка прибавится еще хотя бы малейшее из тех обстоятельств, о которых я тебе говорил, народ не только никогда не возродится, но будет чахнуть день ото дня и клониться к полному вымиранию.
L'expulsion des Maures d'Espagne se fait encore sentir comme le premier jour: bien loin que ce vide se remplisse, il devient tous les jours plus grand. Изгнание мавров из Испании{348} и поныне дает себя знать, как и в первые дни: образовавшаяся пустота не только не заполняется, но все время растет.
Depuis la dévastation de l'Amérique, les Espagnols, qui ont pris la place de ses anciens habitants, n'ont pu la repeupler; au contraire, par une fatalité que je ferais mieux de nommer une justice divine, les destructeurs se détruisent eux-mêmes, et se consument tous les jours. Со времени опустошения Америки испанцам, занявшим место ее древних обитателей, так и не удалось вновь ее заселить: наоборот, благодаря какому-то року, который лучше бы назвать божественной справедливостью, истребители сами себя истребляют и изводятся с каждым днем.
Les princes ne doivent donc point songer à repeupler de grands pays par des colonies. Je ne dis pas qu'elles ne réussissent quelquefois: il y a des climats si heureux que l'espèce s'y multiplie toujours: témoins ces îles qui ont été peuplées par des malades que quelques vaisseaux y avaient abandonnés, et qui y recouvraient aussitôt la santé. Следовательно, государям отнюдь не следует надеяться заселить с помощью колоний большие пространства. Я не отрицаю, иной раз это удается: бывают такие счастливые в климатическом отношении места, что люди там неуклонно размножаются: свидетельством этому служат острова (Узбек говорит, вероятно, об острове Бурбон{348}), куда некоторые корабли высадили больных, а больные сразу же там выздоровели, и вскоре население островов разрослось.
Mais, quand ces colonies réussiraient, au lieu d'augmenter la puissance, elles ne feraient que la partager, à moins qu'elles n'eussent très peu d'étendue, comme sont celles que l'on envoie pour occuper quelque place pour le commerce. Но даже если бы колонии преуспевали, то, вместо того чтобы увеличить могущество метрополии, они бы только его раздробили, за исключением тех случаев, когда колонии очень невелики по занимаемому ими пространству, как те, например, которые высылаются, чтобы занять какую-нибудь точку для торговли.
Les Carthaginois avaient, comme les Espagnols, découvert l'Amérique ou, au moins, de grandes îles dans lesquelles ils faisaient un commerce prodigieux; mais, quand ils virent le nombre de leurs habitants diminuer, cette sage république défendit à ses sujets ce commerce et cette navigation. Карфагеняне, так же как и испанцы, открыли Америку, или по крайней мере большие острова, и вели там обширную торговлю. Но когда они заметили, что число обитателей Карфагена при этом уменьшается, мудрое правительство республики запретило своим подданным снаряжать суда для этой торговли.
J'ose le dire: au lieu de faire passer les Espagnols dans les Indes, il faudrait faire repasser les Indiens et les métis en Espagne; il faudrait rendre à cette monarchie tous ses peuples dispersés; et, si la moitié seulement de ces grandes colonies se conservait, l'Espagne deviendrait la puissance de l'Europe la plus redoutable. Я осмеливаюсь утверждать, что, вместо того чтобы направлять в Индию испанцев, следовало бы переселить в Испанию индийцев и метисов; нужно было бы вернуть этому государству все его рассеянные повсюду народы, и если бы сохранилась только половина жителей его больших колоний, то Испания сделалась бы самой грозной державой в Европе.
On peut comparer les empires à un arbre dont les branches trop étendues ôtent tout le suc du tronc, et ne servent qu'à faire de l'ombrage. Империи можно сравнить с деревом, слишком разросшиеся ветви которого высасывают весь сок из ствола и способны только бросать тень.
Rien n'est plus propre à corriger les princes de la fureur des conquêtes lointaines que l'exemple des Portugais et des Espagnols. Пример испанцев и португальцев лучше всего может излечить государей от страсти к далеким завоеваниям.
Ces deux nations, ayant conquis avec une rapidité inconcevable des royaumes immenses, plus étonnées de leurs victoires que les peuples vaincus de leur défaite, songèrent aux moyens de les conserver; et prirent, chacun pour cela, une voie différente. Эти две нации, с непостижимой быстротой покорив необъятные государства и больше удивившись своим победам, чем побежденные - своему поражению, задумались о средствах к их сохранению и избрали для этого каждая свой путь.
Les Espagnols, désespérant de retenir les nations vaincues dans la fidélité, prirent le parti de les exterminer, et d'y envoyer d'Espagne des peuples fidèles. Jamais dessein horrible ne fut plus ponctuellement exécuté. On vit un peuple, aussi nombreux que tous ceux de l'Europe ensemble, disparaître de la terre à l'arrivée de ces barbares, qui semblèrent, en découvrant les Indes, n'avoir pensé qu'à découvrir aux hommes quel était le dernier période de la cruauté. Испанцы, не надеясь удержать побежденные народы в повиновении, решили истребить их и послать на их место из Испании верных людей. Ужасный план был выполнен с необыкновенной точностью. На глазах у всех народ, по численности равнявшийся всем народам Европы, вместе взятым, исчез с лица земли при появлении этих варваров, которые, открывая Индию, задавались, казалось, только целью показать, до каких пределов может быть доведена жестокость.
Par cette barbarie, ils conservèrent ce pays sous leur domination. Juge par là combien les conquêtes sont funestes, puisque les effets en sont tels: car enfin, ce remède affreux était unique. Comment auraient-ils pu retenir tant de millions d'hommes dans l'obéissance? Comment soutenir une guerre civile de si loin? Que seraient-ils devenus, s'ils avaient donné le temps à ces peuples de revenir de l'admiration où ils étaient de l'arrivée de ces nouveaux dieux, et de la crainte de leurs foudres? Благодаря такому варварству испанцы сохранили эту страну под своим владычеством. Суди по этому, насколько пагубны завоевания, раз они приводят к таким следствиям: ведь в конце концов это ужасное средство было единственным. Как бы иначе могли они удержать в повиновении столько миллионов людей? Как можно было вести гражданскую войну из такой дали? Что бы с ними сталось, если бы они дали этим народам время прийти в себя от удивления, вызванного появлением новых богов, и оправиться от страха перед их громовыми стрелами?
Quant aux Portugais, ils prirent une voie tout opposée: ils n'employèrent pas les cruautés. Aussi furent-ils bientôt chassés de tous les pays qu'ils avaient découverts. Les Hollandais favorisèrent la rébellion de ces peuples, et en profitèrent. Что касается португальцев, то они избрали противоположный путь - они не проявили жестокости. Зато вскоре их выгнали из всех открытых ими стран. Голландцы поддерживали восстание этих народов и воспользовались им.
Quel prince envierait le sort de ces conquérants? Qui voudrait de ces conquêtes à ces conditions? Les uns en furent aussitôt chassés; les autres en firent des déserts, et rendirent leur propre pays un désert encore. Какой государь позавидует участи этих завоевателей? Кто пожелает делать завоевание при таких условиях? Одни тотчас же были прогнаны из завоеванных земель, другие превратили их в пустыню, да и собственную страну также.
C'est le destin des héros de se ruiner à conquérir des pays qu'ils perdent soudain, ou à soumettre des nations qu'ils sont obligés eux-mêmes de détruire; comme cet insensé qui se consumait à acheter des statues qu'il jetait dans la mer et des glaces qu'il brisait aussitôt. Такова уж судьба героев - разоряться, покоряя страны, которые они сразу же теряют, или подчинять себе народы, которые сами же они потом вынуждены уничтожать; они напоминают безумца, разорявшегося на покупку статуй, которые он бросал в море, и зеркал, которые тут же разбивал.
De Paris, le 18 de la lune de Rhamazan 1718. Из Парижа, месяца Рамазана 18-го дня, 1718 года

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Lettre CXXII. Usbek au même/Узбек к нему же

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La douceur du gouvernement contribue merveilleusement à la propagation de l'espèce. Toutes les républiques en sont une preuve constante, et, plus que toutes, la Suisse et la Hollande, qui sont les deux plus mauvais pays de l'Europe, si l'on considère la nature du terrain, et qui cependant sont les plus peuplés. Мягкость управления удивительно способствует размножению человеческого рода. Все республики являются постоянным доказательством этого, особенно Швейцария и Голландия - две самые плохие страны в Европе с точки зрения почвы и тем не менее самые населенные.
Rien n'attire plus les étrangers que la liberté et l'opulence qui la suit toujours: l'une se fait rechercher par elle-même, et nous sommes conduits par nos besoins dans les pays où l'on trouve l'autre. Ничто так не привлекает иностранцев, как свобода и всегда сопутствующее ей богатство: первая привлекательна сама по себе, а потребности наши всегда влекут нас в богатые страны.
L'espèce se multiplie dans un pays où l'abondance fournit aux enfants, sans rien diminuer de la subsistance des pères. Люди размножаются в тех краях, где изобилие дает возможность прокормить детей, не уменьшая благосостояния отцов.
L'égalité même des citoyens, qui produit ordinairement de l'égalité dans les fortunes, porte l'abondance et la vie dans toutes les parties du corps politique, et la répand partout. Само гражданское равенство, обычно влекущее за собою и равенство состояний, вносит изобилие и жизнь во все части политического тела и распространяет их всюду.
Il n'en est pas de même des pays soumis au pouvoir arbitraire: le prince, les courtisans et quelques particuliers possèdent toutes les richesses, pendant que tous les autres gémissent dans une pauvreté extrême. Иное дело в странах, подчиненных произволу: там государь, придворные и некоторое количество частных лиц владеют всеми богатствами, в то время как все остальные стонут, живя в крайней бедности.
Si un homme est mal à son aise, et qu'il sente qu'il fera des enfants plus pauvres que lui, il ne se mariera pas; ou, s'il se marie, il craindra d'avoir un trop grand nombre d'enfants, qui pourraient achever de déranger sa fortune, et qui descendraient de la condition de leur père. Если человек находится в трудных обстоятельствах и предвидит, что дети у него будут еще беднее, он не женится, а если и женится, будет опасаться обзавестись слишком большим количеством детей, которые окончательно разорят его и сами опустятся ниже отца.
J'avoue que le rustique ou paysan, étant une fois marié, peuplera indifféremment, soit qu'il soit riche, soit qu'il soit pauvre; cette considération ne le touche pas: il a toujours un héritage sûr à laisser à ses enfants, qui est son hoyau, et rien ne l'empêche de suivre aveuglément l'instinct de la nature. Я согласен, что простолюдин или крестьянин, раз уж он женился, станет размножаться независимо от того, богат ли он, или беден: такое соображение его не заботит, так как у него всегда есть что оставить в наследство детям, а именно - мотыка, и ничто не мешает ему слепо следовать велению природы.
Mais à quoi sert dans un Etat ce nombre d'enfants qui languissent dans la misère? Ils périssent presque tous à mesure qu'ils naissent; ils ne prospèrent jamais; faibles et débiles, ils meurent en détail de mille manières, tandis qu'ils sont emportés en gros par les fréquentes maladies populaires que la misère et la mauvaise nourriture produisent toujours; ceux qui en échappent atteignent l'âge viril sans en avoir la force, et languissent tout le reste de leur vie. Но к чему государству вся эта масса детей, томящихся в нищете? Почти все они погибают по мере того, как рождаются; в жизни их ожидают одни лишь горести: слабые и хилые, они умирают поодиночке от тысячи причин, а частые повальные болезни, вызываемые нищетой и дурной пищей, уносят их во множестве. Те же, кому удастся избежать смерти, даже в зрелом возрасте не входят в силу и чахнут всю жизнь.
Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement si elles ne sont bien cultivées: chez les peuples misérables, l'espèce perd, et même quelquefois dégénère. Люди - как растения, которые плохо растут, если за ними нет хорошего ухода: у народов бедных порода мельчает, а иногда и вовсе вырождается.
La France peut fournir un grand exemple de tout ceci. Dans les guerres passées, la crainte où étaient tous les enfants de famille d'être enrôlés dans la milice les obligeait de se marier, et cela dans un âge trop tendre et dans le sein de la pauvreté. De tant de mariages, il naissait bien des enfants, que l'on cherche encore en France, et que la misère, la famine et les maladies en ont fait disparaître. Франция может служить великим примером всего этого. Во время прошлых войн страх быть зачисленным в ополчение вынуждал юношей жениться, и притом в очень нежном возрасте и находясь в бедности. От этих браков родилось много детей, которых тщетно было бы разыскивать во Франции, так как нищета, голод и болезни истребили их.
Que si, dans un ciel aussi heureux, dans un royaume aussi policé que la France, on fait de pareilles remarques, que sera-ce dans les autres Etats? Так вот, если подобные вещи замечаются в таком благодатном климате, в таком благоустроенном королевстве, как Франция, то что же делается в других государствах?
De Paris, le 23 de la lune de Rhamazan 1718. Из Парижа, месяца Рамазана 23-го дня, 1718 года

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Lettre CXXIII. Usbek au Mollak Méhémet-Ali, gardien des trois tombeaux à Com/Узбек к мулле Мегемету-Али, стражу трех гробниц, в Ком

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Que nous servent les jeûnes des immaums et les cilices des mollaks? La main de Dieu s'est deux fois appesantie sur les enfants de la Loi: le soleil s'obscurcit et semble n'éclairer plus que leurs défaites; leurs armées s'assemblent, et elles sont dissipées comme la poussière. Какая нам польза от постов наших имамов и власяниц благочестивых мулл? Божья десница дважды поразила детей Закона: солнце затмилось и освещает, кажется, только их поражения; армии их собираются и рассыпаются, как прах.
L'empire des Osmanlins est ébranlé par les deux plus grands échecs qu'il ait jamais reçus: un moufti chrétien ne le soutient qu'avec peine; le grand vizir d'Allemagne est le fléau de Dieu, envoyé pour châtier les sectateurs d'Omar; il porte partout la colère du ciel irrité contre leur rébellion et leur perfidie. Империя османлисов потрясена двумя величайшими неудачами, какие только приходилось ей испытывать. Христианский муфтий{351} поддерживает ее с большим трудом. Великий визирь Германии{351} - бич божий, посланный, чтобы покарать отступников Омарова толка; он несет им гнев небесный, вызванный их возмущением и вероломством.
Esprit sacré des immaums, tu pleures nuit et jour sur les enfants du Prophète, que le détestable Omar a dévoyés; tes entrailles s'émeuvent à la vue de leurs malheurs, tu désires leur conversion, et non pas leur perte; tu voudrais les voir réunis sous l'étendard d'Hali par les larmes des saints, et non pas dispersés dans les montagnes et dans les déserts par la terreur des Infidèles. Священный дух имамов! Ночи и дни оплакиваешь ты детей Пророка, совращенных с правого пути презренным Омаром; все твое существо возмущается при виде их несчастий; ты желаешь их обращения, а не гибели; ты хотел бы, чтобы слезы праведников соединили их под знаменем Али, чтобы они не были рассеяны по горам и пустыням, куда бежали они из страха перед неверными.
De Paris, le premier de la lune de Chalval 1718. Из Парижа, месяца Шальвала 1-го дня, 1718 года

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Lettre CXXIV. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Quel peut être le motif de ces libéralités immenses que les princes versent sur leurs courtisans? Veulent-ils se les attacher? Ils leur sont déjà acquis autant qu'ils peuvent l'être; et, d'ailleurs, s'ils acquièrent quelques-uns de leurs sujets en les achetant, il faut bien, par la même raison, qu'ils en perdent une infinité d'autres en les appauvrissant. В чем заключается причина неизмеримой щедрости государей, изливаемой ими на придворных? Хотят ли они привязать их к себе? Придворные и так уж им преданы, насколько это возможно. А кроме того, если государи и привлекут к себе нескольких подданных, купив их, то тем самым они теряют бесконечное количество других, которых делают беднее.
Quand je pense à la situation des princes, toujours entourés d'hommes avides et insatiables, je ne puis que les plaindre, et je les plains encore davantage lorsqu'ils n'ont pas la force de résister à des demandes toujours onéreuses à ceux qui ne demandent rien. Когда я думаю, в каком положении находятся монархи, постоянно окруженные алчными и ненасытными людьми, я могу только пожалеть их, и жалею еще больше, если у них нет силы сопротивляться просьбам, всегда тягостным для тех, кто сам не просит ничего.
Je n'entends jamais parler de leurs libéralités, des grâces et des pensions qu'ils accordent, que je ne me livre à mille réflexions: une foule d'idées se présente à mon esprit; il me semble que j'entends publier cette ordonnance: Всякий раз, как я слышу разговоры о монаршей щедрости, о милостях, о раздаваемых пенсиях, я предаюсь размышлениям: множество мыслей теснится в моем уме; мне кажется, будто я слышу объявление такого указа:
"Le courage infatigable de quelques-uns de nos sujets à nous demander des pensions ayant exercé sans relâche notre magnificence royale, nous avons enfin cédé à la multitude des requêtes qu'ils nous ont présentées, lesquelles ont fait jusqu'ici la plus grande sollicitude du trône. Ils nous ont représenté qu'ils n'ont point manqué, depuis notre avènement à la couronne, de se trouver à notre lever; que nous les avons toujours vus sur notre passage immobiles comme des bornes; et qu'ils se sont extrêmement élevés pour regarder, sur les épaules les plus hautes, notre sérénité. Nous avons même reçu plusieurs requêtes de la part de quelques personnes du beau sexe, qui nous ont supplié de faire attention qu'il est notoire qu'elles sont d'un entretien très difficile; quelques-unes mêmes, très surannées, nous ont prié, branlant la tête, de faire attention qu'elles ont fait l'ornement de la cour des rois nos prédécesseurs, et que, si les généraux de leurs armées ont rendu l'Etat redoutable par leurs faits militaires, elles n'ont point rendu la cour moins célèbre par leurs intrigues. Ainsi, désirant traiter les suppliants avec bonté et leur accorder toutes leurs prières, nous avons ordonné ce qui suit: "Ввиду того, что неутомимая отвага, с какою некоторые из наших подданных выпрашивали у нас пенсии, беспрестанно вызывала нашу королевскую щедрость, мы, наконец, снизошли ко множеству просьб, обращенных к нам и составлявших до сих пор главную заботу престола. Эти подданные обратили наше внимание на то, что ни разу, с самого восшествия нашего на трон, они не упустили случая присутствовать на наших утренних выходах, что мы всегда видели их на нашем пути, причем они стояли неподвижно, точно столбы, и изо всех сил вытягивались, чтобы поверх более высоких плеч взирать на наше величие. Мы получили много прошений даже от особ прекрасного пола, которые молили нас обратить внимание на то обстоятельство, что содержание их требует больших расходов; некоторые из них, весьма престарелые, даже просили нас, тряся головами, принять во внимание, что они служили украшением дворов наших предшественников и что если военачальники, командовавшие армиями этих королей, своими воинскими подвигами сделали государство грозным для врагов, то и они не менее того прославили королевский двор своими происками. Посему, желая милостиво поступить с просителями и удовлетворить все их ходатайства, мы повелеваем нижеследующее:
"Que tout laboureur ayant cinq enfants retranchera journellement la cinquième partie du pain qu'il leur donne. Enjoignons aux pères de famille de faire la diminution, sur chacun d'eux, aussi juste que faire se pourra. Всякий земледелец, имеющий пятерых детей, должен ежедневно отделять одну пятую часть хлеба, который он им дает. Предлагаем отцам семейств отделять от каждого пайка совершенно одинаковое количество, по полной справедливости.
"Défendons expressément à tous ceux qui s'appliquent à la culture de leurs héritages, ou qui les ont donnés à titre de ferme, d'y faire aucune réparation, de quelque espèce qu'elle soit. Строго воспрещаем всем тем, кто занимается возделыванием своих наследственных земель или сдает их другим лицам на правах аренды, производить там какие бы то ни было улучшения.
"Ordonnons que toutes personnes qui s'exercent à des travaux vils et mécaniques, lesquelles n'ont jamais été au lever de notre majesté, n'achètent désormais d'habits à eux, à leurs femmes et à leurs enfants, que de quatre ans en quatre ans; leur interdisons, en outre, très étroitement ces petites réjouissances qu'ils avaient coutume de faire dans leurs familles les principales fêtes de l'année. Повелеваем всем, кто промышляет низким ремесленным трудом и никогда не присутствовал при наших утренних выходах, отныне покупать одежду себе, своим женам и детям не чаще, чем раз в четыре года. Кроме того, строжайше запрещаем те маленькие пирушки, которые они имеют обыкновение устраивать у себя дома в дни больших праздников.
"Et, d'autant que nous demeurons avertis que la plupart des bourgeois de nos bonnes villes sont entièrement occupés à pourvoir à l'établissement de leurs filles, lesquelles ne se sont rendues recommandables dans notre Etat que par une triste et ennuyeuse modestie, nous ordonnons qu'ils attendront à les marier jusqu'à ce qu'ayant atteint l'âge limité par les ordonnances, elles viennent à les y contraindre. Défendons à nos magistrats de pourvoir à l'éducation de leurs enfants." Нам стало известно, что большинство обывателей наших славных городов озабочено тем, как бы обеспечить и пристроить своих дочерей, ничем, кроме унылой и скучной скромности, не отличившихся перед нашим государством. Поэтому мы приказываем обывателям не выдавать дочерей замуж, пока они не достигнут предельного возраста, установленного указами, и пока отцы не будут вынуждены сделать это по необходимости. Запрещаем нашим должностным лицам заботиться о воспитании своих детей".
De Paris, le premier de la lune de Chalval 1718. Из Парижа, месяца Шальвала 1-го дня, 1718 года

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Lettre CXXV. Rica à***/Рика к ***

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On est bien embarrassé, dans toutes les religions, quand il s'agit de donner une idée des plaisirs qui sont destinés à ceux qui ont bien vécu. On épouvante facilement les méchants par une longue suite de peines dont on les menace; mais, pour les gens vertueux, on ne sait que leur promettre. Ils semble que la nature des plaisirs soit d'être d'une courte durée; l'imagination a peine à en représenter d'autres. Во всех религиях возникают большие затруднения, когда приходится дать понятие о наслаждениях, предназначенных в будущей жизни тем, кто благонравно прожил жизнь земную. Грешников легко запугать длинной чередой угрожающих им наказаний, но неизвестно, что пообещать людям добродетельным. Кажется, наслаждения по самой природе своей всегда мимолетны; воображение с трудом представляет их себе иными.
J'ai vu des descriptions du paradis capables d'y faire renoncer tous les gens de bon sens: les uns font jouer sans cesse de la flûte ces ombres heureuses; d'autres les condamnent au supplice de se promener éternellement; d'autres, enfin, qui les font rêver là-haut aux maîtresses d'ici-bas, n'ont pas cru que cent millions d'années fussent un terme assez long pour leur ôter le goût de ces inquiétudes amoureuses. Я читал такие описания рая, которые у всех здравомыслящих людей вызовут только желание отказаться от него: в одних описаниях блаженные тени без устали играют на флейтах, другие осуждают их на муку вечных прогулок, третьи, наконец, сулят, что праведники будут в небесных высотах грезить о земных любовницах, причем тут не принимается в соображение, что сто миллионов лет - срок достаточно долгий, чтобы отнять у них вкус к любовным треволнениям.
Je me souviens à ce propos d'une histoire que j'ai oui raconter à un homme qui avait été dans le pays du Mogol; elle fait voir que les prêtres indiens ne sont pas moins stériles que les autres dans les idées qu'ils ont des plaisirs du paradis. Припоминаю в связи с этим историю, слышанную мною от человека, который побывал в стране Великого Могола: из нее следует, что когда дело касается райских наслаждений, у индийских священников воображение не менее бесплодно, чем у других.
Une femme qui venait de perdre son mari vint en cérémonie chez le gouverneur de la ville lui demander la permission de se brûler; mais, comme dans les pays soumis aux mahométans, on abolit tant qu'on peut cette cruelle coutume, il la refusa absolument. Женщина, у которой только что умер муж, торжественно явилась к градоправителю с просьбой разрешить ей сжечь себя на костре, но так как в странах, подвластных магометанам, стараются искоренить этот жестокий обычай, то правитель ей решительно отказал.
Lorsqu'elle vit ses prières impuissantes, elle se jeta dans un furieux emportement. "Voyez, disait-elle, comme on est gêné! Il ne sera seulement pas permis à une pauvre femme de se brûler quand elle en a envie! A-t-on jamais vu rien de pareil? Ma mère, ma tante, mes soeurs, se sont brûlées; et, quand je vais demander permission à ce maudit gouverneur, il se fâche et se met à crier comme un enragé." Убедившись, что просьбы ее бессильны, она пришла в страшную ярость. "Смотрите, как нас притесняют, - говорила она. - Не позволяют бедной женщине даже сжечь себя, когда ей хочется! Слыхано ли что-либо подобное? Сожгли же себя моя мать, тетка, сестры! А когда я стала просить разрешения у этого проклятого правителя, так он рассердился и стал орать, как полоумный".
Il se trouva là, par hasard, un jeune bonze. "Homme infidèle, dit le gouverneur, est-ce toi qui as mis cette fureur dans l'esprit de cette femme? В это время там случайно находился молодой бонза{353}. "Нечестивец, - обратился к нему градоправитель, - уж не ты ли внушил женщине это безумие?"
- Non, dit-il, je ne lui ai jamais parlé. Mais, si elle m'en croit, elle consommera son sacrifice: elle fera une action agréable au dieu Brama. Aussi en sera-t-elle bien récompensée: car elle retrouvera dans l'autre monde son mari, et elle recommencera avec lui un second mariage. - "Нет, - отвечал тот, - я даже никогда с ней не говорил. Но если она меня послушается, она принесет себя в жертву: этим она сделает угодное богу Браме{353} и будет им щедро вознаграждена, ибо обретет на том свете своего мужа и вторично вступит с ним в брак".
- Que dites-vous? dit la femme surprise. Je retrouverai mon mari? Ah! Je ne me brûle pas. Il était jaloux, chagrin et, d'ailleurs, si vieux que, si le dieu Brama n'a point fait sur lui quelque réforme, sûrement il n'a pas besoin de moi. Me brûler pour lui?... Pas seulement le bout du doigt pour le retirer du fond des enfers. Deux vieux bonzes qui me séduisaient, et qui savaient de quelle manière je vivais avec lui, n'avaient garde de me tout dire. Mais, si le dieu Brama n'a que ce présent à me faire, je renonce à cette béatitude. Monsieur le gouverneur, je me fais mahométane. Et pour vous, dit-elle en regardant le bonze, vous pouvez, si vous voulez, aller dire à mon mari que je me porte fort bien." - "Что ты говоришь? - изумилась женщина. - Я обрету своего мужа? Ну, нет! Не буду жечься. Он был ревнивец, придира и вдобавок так стар, что если бог Брама его слегка не подправил, то я ему наверняка не нужна. Сжечь себя ради него!.. Да я и кончика пальца не обожгу, чтобы вытащить его из ада. Двое старых бонз, которые подбивали меня на это, а сами отлично знали, как мы с мужем жили, поостереглись сказать мне всю правду. Если у бога Брамы нет для меня другого подарка, кроме этого, я отказываюсь от такого блаженства. Господин правитель, я принимаю магометанство! А ты, - сказала она, обращаясь к бонзе, - можешь, если хочешь, передать моему мужу, что я как нельзя лучше чувствую себя здесь".
De Paris, le 2 de la lune de Chalval 1718. Из Парижа, месяца Шальвала 2-го дня, 1718 года

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Lettre CXXVI. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Je t'attends ici demain; cependant je t'envoie tes lettres d'Ispahan. Les miennes portent que l'ambassadeur du Grand Mogol a reçu ordre de sortir du royaume. On ajoute qu'on a fait arrêter le prince, oncle du roi, qui est chargé de son éducation; qu'on l'a fait conduire dans un château, où il est très étroitement gardé, et qu'on l'a privé de tous ses honneurs. Je suis touché du sort de ce prince, et je le plains. Хотя и жду тебя сюда завтра, все же посылаю тебе письма, прибывшие из Испагани. Мне сообщают, что посол Великого Могола{354} получил приказание покинуть пределы королевства. Прибавляют также, что арестовали принца, дядю государя{354}, на которого возложено было его воспитание: принца заключили в замок, где и держат под строгой стражей, лишив всех почестей. Участь его растрогала меня, мне его жаль.
Je te l'avoue, Usbek, je n'ai jamais vu couler les larmes de personne sans en être attendri: je sens de l'humanité pour les malheureux, comme s'il n'y avait qu'eux qui fussent hommes, et les grands mêmes, pour lesquels je trouve dans mon coeur de la dureté quand ils sont élevés, je les aime sitôt qu'ils tombent. Признаюсь тебе, Узбек, я не могу равнодушно видеть слез; я сострадаю всем несчастным, как будто только они одни - настоящие люди, и даже вельмож, к которым отношусь отрицательно, пока они в милости, я начинаю любить после их падения.
En effet, qu'ont-ils à faire, dans la prospérité, d'une inutile tendresse? Elle approche trop de l'égalité. Ils aiment bien mieux du respect, qui ne demande point de retour. Mais sitôt qu'ils sont déchus de leur grandeur, il n'y a que nos plaintes qui puissent leur en rappeler l'idée. Действительно, на что им мое расположение, когда они процветают? Оно слишком приближается к равенству. Вельможи предпочитают уважение; оно не требует взаимности. Но стоит им пасть с высоты, и одно лишь наше сострадание будет напоминать им о ней.
Je trouve quelque chose de bien naif et même de bien grand dans les paroles d'un prince qui, près de tomber entre les mains de ses ennemis, voyant ses courtisans autour de lui qui pleuraient: "Je sens, leur dit-il, à vos larmes, que je suis encore votre roi." Есть что-то простодушное и даже великое в словах одного государя, который, перед тем как отдаться в руки врагов, сказал плакавшим вокруг него придворным: "Я вижу по вашим слезам, что я все еще ваш король".
De Paris, le 3 de la lune de Chalval 1718. Из Парижа, месяца Шальвала 3-го дня, 1718 года

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Lettre CXXVII. Rica à Ibben, à Smyrne/Рика к Узбеку в Смирну

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Tu as oui parler mille fois du fameux roi de Suède. Il assiégeait une place dans un royaume qu'on nomme la Norvège ; comme il visitait la tranchée, seul avec un ingénieur, il a reçu un coup dans la tête, dont il est mort. On a fait sur-le-champ arrêter son premier ministre; les états se sont assemblés, et l'ont condamné à perdre la tête. Ты тысячу раз слышал о знаменитом шведском короле{354}. Однажды он вел осаду крепости в королевстве, называемом Норвегией. В то время как он находился вдвоем с инженером в окопе, он получил удар в голову, от которого и умер. Его первый министр{354} был немедленно арестован; собрались государственные штаты и приговорили его к отсечению головы.
Il était accusé d'un grand crime: c'était d'avoir calomnié la nation et de lui avoir fait perdre la confiance de son roi; forfait qui, selon moi, mérite mille morts. Министра обвиняли в страшном преступлении: в том, что он оклеветал народ и лишил его королевского доверия, то есть в проступке, заслуживающем, по моему мнению, тысячи смертей.
Car, enfin, si c'est une mauvaise action de noircir dans l'esprit du prince le dernier de ses sujets, qu'est-ce lorsque l'on noircit la nation entière, et qu'on lui ôte la bienveillance de celui que la Providence a établi pour faire son bonheur? В самом деле, если дурное дело - очернить в глазах государя ничтожнейшего из его подданных, то что же сказать, когда чернят целый народ и лишают его благоволения того лица, которое послано провидением, чтобы составить его счастье?
Je voudrais que les hommes parlassent aux rois comme les anges parlent à notre saint prophète. Мне бы хотелось, чтобы люди разговаривали с королями так, как ангелы говорят с нашим святым пророком.
Tu sais que, dans les banquets sacrés où le seigneur des seigneurs descend du plus sublime trône du monde pour se communiquer à ses esclaves, je me suis fait une loi sévère de captiver une langue indocile. On ne m'a jamais vu abandonner une seule parole qui pût être amère au dernier de ses sujets. Quand il m'a fallu cesser d'être sobre, je n'ai point cessé d'être honnête homme; et, dans cette épreuve de notre fidélité, j'ai risqué ma vie, et jamais ma vertu. Ты знаешь, что я поставил себе правилом держать непослушный язык на привязи во время священных пиршеств, когда царь царей сходит с самого величественного престола в мире, чтобы вступить в беседу со своими рабами. Никто никогда не слыхал, чтобы я проронил хоть единое слово, которое могло бы опорочить последнего из его подданных. Когда мне приходилось терять трезвость, я все же оставался честным человеком, и когда нашу верность таким образом подвергали испытанию, я рисковал своей жизнью, но добродетелью - никогда.
Je ne sais comment il arrive qu'il n'y a presque jamais de prince si méchant que son ministre ne le soit encore davantage. S'il fait quelque action mauvaise, elle a presque toujours été suggérée; de manière que l'ambition des princes n'est jamais si dangereuse que la bassesse d'âme de ses conseillers. Mais comprends-tu qu'un homme qui n'est que d'hier dans le ministère, qui peut-être n'y sera pas demain, puisse devenir dans un moment l'ennemi de lui-même, de sa famille, de sa patrie et du peuple qui naîtra à jamais de celui qu'il va faire opprimer? Не знаю, отчего это так бывает, но, как бы ни был суров государь, министр его почти всегда еще суровее; если государь совершает что-нибудь дурное, то почти всегда по чьему-либо наущению, так что честолюбие монархов никогда не бывает таким опасным, как душевная низость их советников. Но просто непостижимо, что человек, который только вчера стал министром, а завтра им, чего доброго, уже больше не будет, может в один миг сделаться врагом самому себе, своей семье, отечеству и потомкам тех, кого он собирается притеснять?
Un prince a des passions; le ministre les remue. C'est de ce côté-là qu'il dirige son ministère; il n'a point d'autre but, ni n'en veut connaître. Les courtisans le séduisent par leurs louanges, et lui le flatte plus dangereusement par ses conseils, par les desseins qu'il lui inspire, et par les maximes qu'il lui propose. У государя есть страсти; министр им потакает. В эту сторону и направляет он свою министерскую деятельность: у него нет другой цели, да он другой и знать не хочет. Придворные развращают государя бесконечными восхвалениями, а министр для него еще опаснее своими льстивыми советами, планами, которые он ему подсказывает, и принципами, которые он ему внушает.
De Paris, le 25 de la lune de Saphar 1719. Из Парижа, месяца Сефара 25-го дня, 1719 года

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Lettre CXXVIII. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Je passais l'autre jour sur le Pont-Neuf avec un de mes amis: il rencontra un homme de sa connaissance qu'il me dit être un géomètre, et il n'y avait rien qui n'y parût: car il était dans une rêverie profonde. Il fallut que mon ami le tirât longtemps par la manche et le secouât pour le faire descendre jusques à lui, tant il était occupé d'une courbe, qui le tourmentait peut-être depuis plus de huit jours. Ils se firent tous deux beaucoup d'honnêtetés, et s'apprirent réciproquement quelques nouvelles littéraires. Ces discours les menèrent jusque sur la porte d'un café, où j'entrai avec eux. На днях я проходил с приятелем по Новому мосту. Он повстречал знакомого, о котором сказал мне, что это геометр. Да оно и так было видно, ибо человек этот был погружен в глубокое раздумье. Моему приятелю пришлось изрядно подергать его за рукав и потрясти, чтобы он спустился на землю: до такой степени он был занят какой-то кривой, которая мучила его, быть может, уже больше недели. Они наговорили друг другу уйму любезностей и обменялись свежими новостями. За этими разговорами они дошли до дверей кофейни, куда и я вошел вместе с ними.
Je remarquai que notre géomètre y fut reçu de tout le monde avec empressement, et que les garçons du café en faisaient beaucoup plus de cas que de deux mousquetaires qui étaient dans un coin. Pour lui, il parut qu'il se trouvait dans un lieu agréable: car il dérida un peu son visage, et se mit à rire comme s'il n'avait pas eu la moindre teinture de géométrie. Я заметил, что нашего геометра все встречают радушно, а официанты уделяют ему куда больше внимания, чем двум мушкетерам, сидящим в углу. Что касается его самого, то ему, по-видимому, приятно было там находиться: морщины у него немного разгладились, и он принялся шутить, словно не имел ни малейшего отношения к геометрии.
Cependant son esprit régulier toisait tout ce qui se disait dans la conversation. Il ressemblait à celui qui, dans un jardin, coupait avec son épée la tête des fleurs qui s'élevaient au-dessus des autres: martyr de sa justesse, il était offensé d'une saillie comme une vue délicate est offensée par une lumière trop vive. Rien pour lui n'était indifférent, pourvu qu'il fût vrai. Aussi sa conversation était-elle singulière. Il était arrivé ce jour-là de la campagne avec un homme qui avait vu un château superbe et des jardins magnifiques, et il n'avait vu, lui, qu'un bâtiment de soixante pieds de long sur trente-cinq de large, et un bosquet barlong de dix arpents. Il aurait fort souhaité que les règles de la perspective eussent été tellement observées que les allées des avenues eussent paru partout de même largeur, et il aurait donné pour cela une méthode infaillible. Il parut fort satisfait d'un cadran qu'il y avait démêlé, d'une structure fort singulière, et il s'échauffa fort contre un savant qui était auprès de moi, qui malheureusement lui demanda si ce cadran marquait les heures babyloniennes. Un nouvelliste parla du bombardement du château de Fontarabie: et il nous donna soudain les propriétés de la ligne que les bombes avaient décrite en l'air, et, charmé de savoir cela, il voulut en ignorer entièrement le succès. Un homme se plaignait d'avoir été ruiné l'hiver d'auparavant par une inondation. "Ce que vous me dites là m'est fort agréable, dit alors le géomètre: je vois que je ne me suis pas trompé dans l'observation que j'ai faite, et qu'il est au moins tombé sur la terre deux pouces d'eau plus que l'année passée." Однако его точный ум измерял все, что говорилось во время беседы. Он походил на того человека{356}, который шпагою срезал в саду головки цветов, возвышавшиеся над другими: его, мученика точности, всякая острота оскорбляла, как слишком яркий свет раздражает слабое зрение. Он ко всему относился горячо, лишь бы оно было точно. Зато его разговор производил странное впечатление. В тот день он вернулся из деревни с человеком, который видел там великолепный замок и восхитительные сады; геометр же увидел только здание шестидесяти футов в длину и тридцати пяти в ширину, и рощицу площадью в десять арпанов. Ему бы хотелось, чтобы правила и перспектива были при этом соблюдены так, чтобы все аллеи были одинаковой ширины; для их планировки он дал бы непогрешимо точные указания. Ему там очень понравились часы необычного устройства, но он страшно рассердился на ученого, сидевшего рядом со мною, за то, что тот имел неосторожность спросить, не вавилонское ли они показывают время. Какой-то вестовщик заговорил о бомбардировке крепости Фуэнтарабии{356}, и геометр немедленно объяснил нам свойства линии, которую бомбы описывают в воздухе, и, придя от этого в восторг, совершенно не поинтересовался итогами самой бомбардировки. Кто-то пожаловался, что его прошлой зимою разорило наводнение. "Мне очень приятно слышать это, - сказал тогда геометр, - я вижу, что не ошибся в своем наблюдении и что осадков выпало по меньшей мере на два дюйма больше, чем в прошлом году".
Un moment après, il sortit, et nous le suivîmes. Comme il allait assez vite, et qu'il négligeait de regarder devant lui, il fut rencontré directement par un autre homme. Ils se choquèrent rudement, et de ce coup ils rejaillirent, chacun de leur côté, en raison réciproque de leur vitesse et de leurs masses. Quand ils furent un peu revenus de leur étourdissement, cet homme, portant la main sur le front, dit au géomètre: "Je suis bien aise que vous m'ayez heurté, car j'ai une grande nouvelle à vous apprendre: je viens de donner mon Horace au public. - Comment! dit le géomètre, il y a deux mille ans qu'il y est. - Vous ne m'entendez pas, reprit l'autre: c'est une traduction de cet ancien auteur que je viens de mettre au jour; il y a vingt ans que je m'occupe à faire des traductions. - Quoi! Monsieur, dit le géomètre, il y a vingt ans que vous ne pensez pas? Vous parlez pour les autres, et ils pensent pour vous? - Monsieur, dit le savant, croyez-vous que je n'aie pas rendu un grand service au public, de lui rendre la lecture des bons auteurs familière? Минуту спустя он ушел, и мы последовали за ним. Он шел довольно шибко, не глядя перед собою, и поэтому наткнулся на какого-то встречного. Они так крепко стукнулись друг об друга, что отлетели в разные стороны в соответствии с их скоростью и массой. Когда они несколько пришли в себя, встречный, поднеся руку ко лбу, сказал геометру: "Я очень рад, что вы меня толкнули, так как у меня есть для вас большая новость: только что вышел из печати мой Гораций". - "Как! - воскликнул геометр, - да ведь он издан уже две тысячи лет тому назад". - "Вы меня не поняли, - отвечал другой, - я выпустил в свет перевод этого древнего поэта: вот уже двадцать лет, как я занимаюсь переводами". - "Да что вы? - не унимался геометр. - Значит, вы уже двадцать лет не думаете, сударь? Вы говорите за других, а они за вас думают?" - "Милостивый государь! - сказал ученый, - разве вы не считаете, что я оказал большую услугу публике, сделав доступным чтение хороших писателей?"
-Je ne dis pas tout à fait cela: j'estime autant qu'un autre les sublimes génies que vous travestissez. - "Я не совсем так говорю: я не меньше всякого другого почитаю высоких гениев, которых вы переряжаете,
Mais vous ne leur ressemblerez point: car, si vous traduisez toujours, on ne vous traduira jamais. Les traductions sont comme ces monnaies de cuivre qui ont bien la même valeur qu'une pièce d'or et même sont d'un plus grand usage pour le peuple; mais elles sont toujours faibles et d'un mauvais aloi. Vous voulez, dites-vous, faire renaître parmi nous ces illustres morts, et j'avoue que vous leur donnez bien un corps; mais vous ne leur rendez pas la vie: il y manque toujours un esprit pour les animer. Que ne vous appliquez-vous plutôt à la recherche de tant de belles vérités qu'un calcul facile nous fait découvrir tous les jours?" но вы-то сами никогда на них не будете похожи, ибо сколько бы ни переводили, вас-то переводить не станут. Переводы - все равно, что медные монеты, которые могут представлять собою ту же ценность, что и червонец, и даже имеют большее хождение в народе, но они всегда неполновесны и низкопробны. Вы говорите, что хотите оживить для нас этих прославленных мертвецов. Признаю: вы даете им тело, но жизни им вы не возвратите: не хватает духа, который оживил бы их. Почему бы вам не заняться поисками прекрасных истин, которые при помощи простого вычисления можно открывать хоть каждый день?"
Après ce petit conseil, ils se séparèrent, je crois, très mécontents l'un de l'autre. После этого маленького совета они разошлись, видимо очень недовольные друг другом.
De Paris, le dernier de la lune de Rébiab 2, 1719. Из Парижа, в последний день месяца Ребиаба 2, 1719 года

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Lettre CXXIX. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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La plupart des législateurs ont été des hommes bornés, que le hasard a mis à la tête des autres, et qui n'ont presque consulté que leurs préjugés et leurs fantaisies. Большинство законодателей были людьми ограниченными, которые только случайно оказались во главе других и не считались ни с чем, кроме собственных предрассудков и бредней.
Il semble qu'ils aient méconnu la grandeur et la dignité même de leur ouvrage: ils se sont amusés à faire des institutions puériles, avec lesquelles ils se sont, à la vérité, conformés aux petits esprits, mais décrédités auprès des gens de bon sens. Кажется, будто они даже не сознавали величия и важности своего труда: они забавлялись тем, что сочиняли вздорные узаконения, и действительно угодили ими людям недалеким, зато уронили себя в глазах людей здравомыслящих.
Ils se sont jetés dans des détails inutiles; ils ont donné dans les cas particuliers, ce qui marque un génie étroit qui ne voit les choses que par parties, et n'embrasse rien d'une vue générale. Они пускались в бесполезные подробности, входили во всякие частности, а это свойственно умам узким, которые видят вещи только по частям и бессильны охватить их в целом.
Quelques-uns ont affecté de se servir d'une autre langue que la vulgaire: chose absurde pour un faiseur de lois. Comment peut-on les observer, si elles ne sont pas connues? Некоторые законодатели предпочитали пользоваться особым, а не общеупотребительным языком; для законодателя это явная нелепость. Как же соблюдать законы, когда их не знаешь?
Ils ont souvent aboli sans nécessité celles qu'ils ont trouvées établies; c'est-à-dire qu'ils ont jeté les peuples dans les désordres inséparables des changements. Часто они без всякой надобности отменяли ранее установленные законы, то есть ввергали народ в беспорядки, неразлучные с переменами.
Il est vrai que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l'esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois. Mais le cas est rare, et, lorsqu'il arrive, il n'y faut toucher que d'une main tremblante: on y doit observer tant de solennités et apporter tant de précautions que le peuple en conclue naturellement que les lois sont bien saintes, puisqu'il faut tant de formalités pour les abroger. Правда, иногда бывает необходимо изменить те или иные законы вследствие некоторой причудливости, свойственной скорее природе, чем человеческому уму. Но такие случаи редки, и если дело идет к этому, то за него следует браться крайне осмотрительно: нужно соблюдать при этом такую торжественность и принимать столько предосторожностей, чтобы народ пришел к заключению, что законы святы, раз требуется столько формальностей, чтобы их отменить.
Souvent ils les ont faites trop subtiles, et ont suivi des idées logiciennes plutôt que l'équité naturelle. Dans la suite, elles ont été trouvées trop dures, et, par un esprit d'équité, on a cru devoir s'en écarter; mais ce remède était un nouveau mal. Quelles que soient les lois, il faut toujours les suivre et les regarder comme la conscience publique, à laquelle celle des particuliers doit se conformer toujours. Часто делали законы чересчур уж хитрыми и следовали при этом скорее отвлеченным идеям, чем естественной справедливости. Подобные законы вскоре оказывались слишком суровыми, и из чувства справедливости их считали нужным обходить, но такое лекарство представляло собою новую болезнь. Каковы бы ни были законы, их всегда должно соблюдать и считать их общественною совестью, с которою совесть частных лиц должна постоянно сообразоваться.
Il faut pourtant avouer que quelques-uns d'entre eux ont eu une attention qui marque beaucoup de sagesse: c'est qu'ils ont donné aux pères une grande autorité sur leurs enfants. Rien ne soulage plus les magistrats; rien ne dégarnit plus les tribunaux; rien, enfin, ne répand plus de tranquillité dans un Etat, où les moeurs font toujours de meilleurs citoyens que les lois. Следует, однако, признать, что некоторые законодатели проявили мудрую проницательность: они дали отцам большую власть над детьми. Ничто так не облегчает правителей, ничто так не уменьшает количества преступлений, ничто, наконец, не содействует в такой мере спокойствию государства, ибо граждане воспитываются скорее нравами, чем законами.
C'est, de toutes les puissances, celle dont on abuse le moins; c'est la plus sacrée de toutes les magistratures; c'est la seule qui ne dépend pas des conventions, et qui les a même précédées. Родительской властью люди злоупотребляют меньше, чем любой другой: это самый священный из всех авторитетов, единственный, который не зависит ни от каких условий и даже предшествует последним.
On remarque que, dans les pays où l'on met dans les mains paternelles plus de récompenses et de punitions, les familles sont mieux réglées: les pères sont l'image du créateur de l'univers, qui, quoiqu'il puisse conduire les hommes par son amour, ne laisse pas de se les attacher encore par les motifs de l'espérance et de la crainte. Замечено, что в тех странах, где отцам предоставлено широкое право награждать и наказывать, семьи бывают крепче; отцы - подобие творца вселенной, который, хотя и мог бы управлять людьми посредством одной лишь любви, не упускает возможности привязывать их к себе тем, что внушает им надежду и страх.
Je ne finirai pas cette lettre sans te faire remarquer la bizarrerie de l'esprit des Français. On dit qu'ils ont retenu des lois romaines un nombre infini de choses inutiles et même pis, et ils n'ont pas pris d'elles la puissance paternelle, qu'elles ont établie comme la première autorité légitime. В заключение хочу обратить твое внимание на причудливость французского ума. Говорят, что французы заимствовали из римских законов много бесполезного и даже того хуже, но не заимствовали из них понятия об отцовской власти, установленной римлянами в качестве первейшей законной силы.
De Parts, le de la lune de Gemmadi 1719. Из Парижа, месяца Джеммади 2, 4-го дня. 1719 года.

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Lettre CXXX. Rica à***/Рика к ***

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Je te parlerai dans cette lettre d'une certaine nation qu'on appelle les nouvellistes, qui s'assemble dans un jardin magnifique, où leur oisiveté est toujours occupée. Ils sont très inutiles à l'Etat, et leurs discours de cinquante ans n'ont pas un effet différent de celui qu'aurait pu produire un silence aussi long. Cependant ils se croient considérables, parce qu'ils s'entretiennent de projets magnifiques et traitent de grands intérêts. В этом письме я поговорю с тобой о некоем племени, которое называют вестовщиками: они собираются в прекрасном саду{358}, где им всегда найдется, чем занять свою праздность. Они совершенно бесполезны государству, и от того, что они наговорят в течение пятидесяти лет, получается не больше толку, чем вышло бы, если бы они столько же времени молчали. Однако вестовщики приписывают себе огромное значение, так как они беседуют о великолепных проектах и толкуют о важных вещах.
La base de leurs conversations est une curiosité frivole et ridicule: il n'y a point de cabinet si mystérieux qu'ils ne prétendent pénétrer; ils ne sauraient consentir à ignorer quelque chose; ils savent combien notre auguste sultan a de femmes, combien il fait d'enfants toutes les années; et, quoiqu'ils ne fassent aucune dépense en espions, ils sont instruits des mesures qu'il prend pour humilier l'empereur des Turcs et celui des Mogols. Разговоры их основаны на вздорном и пустом любопытстве: нет такого тайного кабинета, в который они не притязали бы проникнуть; они ни за что не признаются, что чего-либо не знают; им известно, сколько жен у нашего августейшего султана, сколько он ежегодно производит на свет детей, и, нисколько не тратясь на соглядатаев, они тем не менее осведомлены о мерах, которые он принимает, чтобы унизить турецкого императора и повелителя моголов.
A peine ont-ils épuisé le présent qu'ils se précipitent dans l'avenir, et, marchant au-devant de la Providence, ils la préviennent sur toutes les démarches des hommes. Ils conduisent un général par la main, et, après l'avoir loué de mille sottises qu'il n'a pas faites, ils lui en préparent mille autres qu'il ne fera pas. Не успеют они исчерпать настоящее, как устремляются к будущему и, предвосхищая волю провидения, предупреждают его отношение к любым человеческим поступкам. Они руководят любым полководцем и, расхвалив его за тысячу не сделанных им глупостей, приуготовят ему множество других, которых он тоже никогда не совершит.
Ils font voler les armées comme les grues et tomber les murailles comme des cartons; ils ont des ponts sur toutes les rivières, des routes secrètes dans toutes les montagnes, des magasins immenses dans les sables brûlants; il ne leur manque que le bon sens. Армии у них летают, точно журавли, а стены рассыпаются, как картонные; на всех реках у них мосты, всюду в горах - тайные тропы, среди сыпучих песков - огромные склады: не хватает им только здравого смысла.
Il y a un homme avec qui je loge, qui reçut cette lettre d'un nouvelliste. Comme elle m'a paru singulière, je la gardai. La voici: Человек, с которым я живу в одном доме, получил следующее письмо от такого вестовщика. Оно показалось мне столь любопытным, что я его сохранил. Вот оно:
MONSIEUR, "Милостивый государь!
Je me trompe rarement dans mes conjectures sur les affaires du temps. Я редко ошибаюсь в своих предположениях о современных событиях.
Le 1er janvier 1711, je prédis que l'empereur Joseph mourrait dans le cours de l'année. Il est vrai que, comme il se portait fort bien, je crus que je me ferais moquer de moi si je m'expliquais d'une manière bien claire: ce qui fit que je me servis de termes un peu énigmatiques; mais les gens qui savent raisonner m'entendirent bien. Le 17 avril de la même année, il mourut de la petite vérole. 1 января 1711 года я предсказал, что император Иосиф{359} умрет в течение этого года. Правда, тогда он чувствовал себя превосходно, и я подумал, что надо мной будут насмехаться, если я выскажу это вполне ясно. Поэтому я пустил в ход выражения немного загадочные, но люди рассудительные отлично меня поняли. 17 апреля того же года император скончался от оспы.
Dès que la guerre fut déclarée entre l'empereur et les Turcs, j'allai chercher nos messieurs dans tous les coins des Tuileries; je les assemblai près du bassin et leur prédis qu'on ferait le siège de Belgrade, et qu'il serait pris. J'ai été assez heureux pour que ma prédiction ait été accomplie. Il est vrai que, vers le milieu du siège, je pariai cent pistoles qu'il serait pris le 18 août; il ne fut pris que le lendemain. Peut-on perdre à si beau jeu? Как только была объявлена война между императором и турками, я отправился разыскивать наших по всем закоулкам Тюильри, собрал их у фонтана и предсказал, что Белград будет осажден и взят. Мне посчастливилось, и предсказание мое оправдалось. Правда, в самый разгар осады я поспорил на сто пистолей, что город будет взят 18 августа (1717 года), а взяли его только на другой день. Какая досада проиграть такое прекрасное пари!
Lorsque je vis que la flotte d'Espagne débarquait en Sardaigne, je jugeai qu'elle en ferait la conquête; je le dis, et cela se trouva vrai. Enflé de ce succès, j'ajoutai que cette flotte victorieuse irait débarquer à Final, pour faire la conquête du Milanais. Comme je trouvai de la résistance à faire recevoir cette idée, je voulus la soutenir glorieusement: je pariai cinquante pistoles, et je les perdis encore: car ce diable d'Alberoni, malgré la foi des traités, envoya sa flotte en Sicile et trompa tout à la fois deux grands politiques, le duc de Savoie et moi. Когда мне стало известно, что испанский флот высадил десант на Сардинии, я решил, что он ее завоюет: я так и сказал, и мои слова оказались истиной. Возгордившись этим успехом, я добавил, что победоносный флот произведет высадку и в Финале{359}, дабы завоевать Миланскую область. Так как мысль эта вызывала возражения, я решил поддержать ее с честью: поспорил на пятьдесят пистолей - и снова проиграл, потому что подлец Альберони, нарушив договоры, послал испанский флот к Сицилии{359} и надул сразу двух великих политиков - герцога Савойского и меня.
Tout cela, Monsieur, me déroute si fort que j'ai résolu de prédire toujours et de ne parier jamais. Autrefois nous ne connaissions point aux Tuileries l'usage des paris, et feu M. le comte de L... ne les souffrait guère. Mais, depuis qu'une troupe de petits-maîtres s'est mêlée parmi nous, nous ne savons plus où nous en sommes: à peine ouvrons-nous la bouche pour dire une nouvelle, qu'un de ces jeunes gens propose de parier contre. Всем этим, сударь, я был приведен в такое замешательство, что решил впредь только предсказывать и никогда не держать пари. Когда-то у нас в Тюильри совсем неизвестен был этот обычай, а покойный граф де Л.{359} и вовсе не выносил пари. Но с тех пор как в нашу среду затесалась куча франтов, мы совсем сбились с толку: стоит только открыть рот, чтобы сообщить какую-нибудь новость, как уж кто-нибудь из этих вертопрахов предлагает пари.
L'autre jour, comme j'ouvrais mon manuscrit et accommodais mes lunettes sur mon nez, un de ces fanfarons, saisissant justement l'intervalle du premier mot au second, me dit: "Je parie cent pistoles que non." Je fis semblant de n'avoir pas fait d'attention à cette extravagance, et, reprenant la parole d'une voix plus forte, je dis: "M. le maréchal de*** ayant appris... - Cela est faux, me dit-il. Vous avez toujours des nouvelles extravagantes, il n'a pas le sens commun à tout cela." Намедни, только я открыл было свою рукопись и надел на нос очки, а уж некий хвастунишка, воспользовавшись паузой между первым и вторым моим словом, сказал мне: "Держу пари на сто пистолей, что - нет". Я сделал вид, что не обратил внимания на эту выходку, и, повысив голос, продолжал: "Господин маршал де ***, узнавши о том..." - "Это неправда, - сказал молокосос, - у вас всегда нелепые новости; во всем, что вы говорите, нет ни капли здравого смысла".
Je vous prie, Monsieur, de me faire le plaisir de me prêter trente pistoles: car je vous avoue que ces paris m'ont fort dérangé. Je vous envoie la copie de deux lettres que j'ai écrites au ministre. Прошу вас, милостивый государь, сделать мне удовольствие: одолжить мне тридцать пистолей, ибо, скажу вам по совести, эти пари совсем разорили меня. Посылаю вам копии с двух писем, написанных мною министру.
Je suis, etc. Имею честь быть, и проч.".

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Lettres d'un nouvelliste au Ministre/ПИСЬМА ВЕСТОВЩИКА К МИНИСТРУ

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Monseigneur, "Ваша Светлость!
Je suis le sujet le plus zélé que le roi ait jamais eu. C'est moi qui obligeai un de mes amis d'exécuter le projet que j'avais formé d'un livre pour démontrer que Louis le Grand était le plus grand de tous les princes qui ont mérité le nom de Grand. Je travaille depuis longtemps à un autre ouvrage qui fera encore plus d'honneur à notre nation, si Votre Grandeur veut m'accorder un privilège: mon dessein est de prouver que, depuis le commencement de la monarchie, les Français n'ont jamais été battus, et que ce que les historiens ont dit jusqu'ici de nos désavantages sont de véritables impostures. Je suis obligé de les redresser en bien des occasions, et j'ose me flatter que je brille surtout dans la critique. Я преданнейший слуга Его Величества. Именно я поручил одному из моих друзей осуществить возникшую у меня идею о книге, которая должна доказать, что Людовик Великий был величайшим из всех государей, заслуживших название "Великий". Я уже давно тружусь над другим произведением, которое еще больше прославит Францию, если Ваша Светлость соблаговолит выдать мне привилегию: я намереваюсь доказать, что с самого возникновения нашего государства французы никогда никем не были побеждены и что все, что говорилось до сих пор историками о наших неудачах, является самой настоящей клеветой. Мне то и дело приходится исправлять ошибки историков, и я льщу себя надеждой особенно блеснуть в критической части моего труда.
Je suis, Monseigneur, etc. Имею честь быть, Ваша Светлость, и проч.".
MONSEIGNEUR, "Ваша Светлость!
Depuis la perte que nous avons faite de M. le comte de L..., nous vous supplions d'avoir la bonté de nous permettre d'élire un président. Le désordre se met dans nos conférences, et les affaires d'Etat n'y sont pas traitées avec la même discussion que par le passé: nos jeunes gens vivent absolument sans égard pour les anciens, et entre eux sans discipline; c'est le véritable conseil de Roboam, où les jeunes imposent aux vieillards. Nous avons beau leur représenter que nous étions paisibles possesseurs des Tuileries vingt ans avant qu'ils fussent au monde; je crois qu'ils nous en chasseront à la fin, et qu'obligés de quitter ces lieux où nous avons tant de fois évoqué les ombres de nos héros français, il faudra que nous allions tenir nos conférences au Jardin du Roi, ou dans quelque lieu plus écarté. Лишившись его сиятельства графа де Л., умоляем Вас: окажите милость разрешить нам избрать нового председателя. На наших собраниях возникают беспорядки, и государственные дела не обсуждаются уже так тщательно, как прежде; наша молодежь совершенно не считается со старшими и не признает никакой дисциплины: это - сущее Ровоамово сборище{360}, где молодые люди задают тон старикам. Тщетно говорим мы им, что были мирными обладателями Тюильри еще за двадцать лет до того, как они родились; они, кажется, в конце концов нас прогонят, а мы, будучи вынуждены покинуть места, где столько раз взывали к теням наших героев, станем собираться для беседы в королевском саду или в каком-нибудь еще более уединенном месте.
Je suis, etc. Имею честь быть, и проч.".
De Paris, le 7 de la lune de Gemmadi 1719. Из Парижа, месяца Джеммади 2, 7-го дня, 1719 года

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Lettre CXXXI. Rhédi à Rica, à Paris/Реди к Рике в Париж

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Une des choses qui a le plus exercé ma curiosité en arrivant en Europe, c'est l'histoire et l'origine des républiques. Tu sais que la plupart des Asiatiques n'ont pas seulement d'idée de cette sorte de gouvernement, et que l'imagination ne les a pas servis jusques à leur faire comprendre qu'il puisse y en avoir sur la terre d'autre que le despotique. Одним из вопросов, которые особенно занимают меня по моем приезде в Европу, является история и происхождение республик. Как тебе известно, большая часть азиатов не имеет даже понятия об этом роде правления, и у них не хватило воображения представить себе, что на земле вообще возможно какое-либо иное правление, кроме деспотического.
Les premiers gouvernements que nous connaissons étaient monarchiques: ce ne fut que par hasard, et par la succession des siècles, que les républiques se formèrent. Первые известные нам правления были монархическими; только случайно и по прошествии многих веков образовались республики.
La Grèce ayant été abîmée par un déluge, de nouveaux habitants vinrent la peupler. Elle tira presque toutes ses colonies d'Egypte et des contrées de l'Asie les plus voisines; et, comme ces pays étaient gouvernés par des rois, les peuples qui en sortirent furent gouvernés de même. Mais, la tyrannie de ces princes devenant trop pesante, on secoua le joug, et du débris de tant de royaumes s'élevèrent ces républiques qui firent si fort fleurir la Grèce, seule polie au milieu des barbares. Когда потоп опустошил Грецию, ее населили новые обитатели. Почти все они вышли из Египта и ближайших азиатских областей, а так как странами этими управляли цари, то народы, вышедшие оттуда, управлялись и в Греции таким же образом. Но когда тирания этих государей стала слишком тягостна, ярмо было сброшено, и из обломков многих царств возникли те самые республики, которые принесли расцвет Греции - единственной культурной стране среди варваров.
L'amour de la liberté, la haine des rois, conserva longtemps la Grèce dans l'indépendance, et étendit au loin le gouvernement républicain. Les villes grecques trouvèrent des alliés dans l'Asie Mineure: elles y envoyèrent des colonies aussi libres qu'elles, qui leur servirent de remparts contre les entreprises des rois de Perse. Ce n'est pas tout: la Grèce peupla l'Italie; l'Italie, l'Espagne, et peut-être les Gaules. On sait que cette grande Hespérie, si fameuse chez les Anciens, était au commencement la Grèce, que ses voisins regardaient comme un séjour de félicité. Les Grecs, qui ne trouvaient point chez eux ce pays heureux, l'allèrent chercher en Italie; ceux de l'Italie, en Espagne; ceux d'Espagne, dans la Bétique ou le Portugal: de manière que toutes ces régions portèrent ce nom chez les Anciens. Ces colonies grecques apportèrent avec elles un esprit de liberté qu'elles avaient pris dans ce doux pays. Ainsi on ne voit guère, dans ces temps reculés, de monarchies dans l'Italie, l'Espagne, les Gaules. Tu verras bientôt que les peuples du Nord et d'Allemagne n'étaient pas moins libres; et, si l'on trouve des vestiges de quelque royauté parmi eux, c'est qu'on a pris pour des rois les chefs des armées ou des républiques. Любовь к свободе, ненависть к деспотам долго ограждали независимость Греции и далеко распространили республиканский образ правления. Греческие города нашли себе союзников в Малой Азии; они основали там колонии, столь же свободные, как и они сами, и эти колонии явились для них оплотом против нападений персидских царей. Это еще не все: Греция заселила Италию; Италия - Испанию и, может быть, Галлию. Известно, что великою Гесперией{361}, столь славившейся у древних, называлась вначале именно Греция, которую ее соседи считали страною счастья. Но греки, не находившие этой страны у себя, направились искать ее в Италию; итальянцы с той же целью двинулись в Испанию, испанцы - в Бетику{361} или Португалию, так что все эти области носили у древних имя Гесперии. Греческие колонии приносили с собою тот дух свободы, который они усвоили в своей прекрасной стране. Поэтому в те отдаленные времена не существовало монархий ни в Италии, ни в Испании, ни в Галлии. Ты скоро увидишь, что народы Севера и Германии были не менее свободны, и если мы и находим у них какие-то следы царской власти, то только потому, что принимаем за царей тех, кто стоял во главе армий или республик.
Tout ceci se passait en Europe; car, pour l'Asie et l'Afrique, elles ont toujours été accablées sous le despotisme, si vous en exceptez quelques villes de l'Asie Mineure dont nous avons parlé, et la république de Carthage en Afrique. Так обстояло дело в Европе; что же касается Азии и Африки, то они всегда находились под гнетом деспотизма, за исключением нескольких упомянутых мною малоазиатских городов и республики Карфагена в Африке.
Le monde fut partagé entre deux puissantes républiques, celle de Rome et celle de Carthage. Il n'y a rien de si connu que les commencements de la République romaine, et rien qui le soit si peu que l'origine de celle de Carthage. On ignore absolument la suite des princes africains depuis Didon, et comment ils perdirent leur puissance. C'eût été un grand bonheur pour le monde que l'agrandissement prodigieux de la République romaine, s'il n'y avait pas eu cette différence injuste entre les citoyens romains et les peuples vaincus; si l'on avait donné aux gouverneurs des provinces une autorité moins grande; si les lois si saintes pour empêcher leur tyrannie avaient été observées; et s'ils ne s'étaient pas servis, pour les faire taire, des mêmes trésors que leur injustice avait amassés. Мир был поделен между двумя могущественными республиками - Римской и Карфагенской. Возникновение Римской республики хорошо известно, зато о происхождении Карфагена мы не знаем решительно ничего. Совершенно не известна последовательность африканских царей после Дидоны и то, как они лишились власти. Необычайный рост Римской республики был бы великим счастьем для мира, если бы там не существовало несправедливого различия между римскими гражданами и побежденными народами, если бы правителям провинций предоставляли меньшую власть, если бы соблюдались священные законы, установленные для устранения их тирании, и если бы правители не пользовались для принижения законов теми самыми богатствами, которые они накопили благодаря своей несправедливости.
Свобода создана, по-видимому, для европейских народов, а рабство - для азиатских. Римляне тщетно предлагали каппадокийцам{362} этот драгоценный дар: низкий народ кинулся навстречу рабству с такою же поспешностью, как другие народы - навстречу свободе.
César opprima la République romaine, et la soumit à un pouvoir arbitraire. Цезарь уничтожил Римскую республику и подчинил ее самодержавной власти.
L'Europe gémit longtemps sous un gouvernement militaire et violent, et la douceur romaine fut changée en une cruelle oppression. Долго стонала Европа под властью военного и насильственного управления, и римская мягкость сменилась жестоким гнетом.
Cependant une infinité de nations inconnues sortirent du Nord, se répandirent comme des torrents dans les provinces romaines, et, trouvant autant de facilités à faire des conquêtes qu'à exercer leurs pirateries, elles démembrèrent l'empire et fondèrent des royaumes. Ces peuples étaient libres, et ils bornaient si fort l'autorité de leurs rois qu'ils n'étaient proprement que des chefs ou des généraux. Ainsi ces royaumes, quoique fondés par la force, ne sentirent point le joug du vainqueur. Lorsque les peuples d'Asie, comme les Turcs et les Tartares, firent des conquêtes, soumis à la volonté d'un seul, ils ne songèrent qu'à lui donner de nouveaux sujets et à établir par les armes son autorité violente. Mais les peuples du Nord, libres dans leur pays, s'emparant des provinces romaines, ne donnèrent point à leurs chefs une grande autorité. Quelques-uns même de ces peuples, comme les Vandales en Afrique, les Goths en Espagne, déposaient leurs rois dès qu'ils n'en étaient pas satisfaits; et, chez les autres, l'autorité du prince était bornée de mille manières différentes: un grand nombre de seigneurs la partageaient avec lui; les guerres n'étaient entreprises que de leur consentement; les dépouilles étaient partagées entre le chef et les soldats; aucun impôt en faveur du prince; les lois étaient faites dans les assemblées de la nation. Voilà le principe fondamental de tous ces Etats qui se formèrent des débris de l'empire romain. Между тем с Севера появилось множество неведомых до того народов; бурным потоком разлились они по римским провинциям, и так как завоевать эти провинции оказалось делом столь же легким, как и разграбить их, нахлынувшие народы расчленили империю и основали ряд государств. Народы эти были свободны и настолько ограничивали власть своих королей, что те были, собственно говоря, всего лишь вождями или военачальниками. Оттого образованные ими государства, хотя и зиждились на силе, вовсе не ощущали ярма победителя. Когда азиатские народы, вроде турок или татар, совершали завоевания, они, будучи сами подчинены воле одного повелителя, помышляли только о том, чтобы доставить ему новых подданных и с помощью орудия утвердить его насильственную власть. Народы же северные, будучи свободными в собственных странах, отнюдь не предоставляли своим вождям большой власти в завоеванных римских провинциях. Некоторые из этих народов, как, например, вандалы в Африке, готы в Испании, даже смещали своих королей, если были ими недовольны, у других же народов власть государя была ограничена множеством различных способов: эту власть разделяло с ним большое число сеньеров; войны предпринимались только с их согласия; военная добыча делилась между военачальником и воинами; не существовало никаких поборов в пользу государя; законы издавались народными собраниями. Вот основные начала всех этих государств, образовавшихся из обломков Римской империи.
De Venise, le 20 de la lune de Rhégeb 1719. Из Венеции, месяца Реджеба 20-го дня, 1719 года

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Lettre CXXXII. Rica à***/Рика к ***

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Je fus, il y a cinq ou six mois, dans un café; j'y remarquai un gentilhomme assez bien mis, qui se faisait écouter: il parlait du plaisir qu'il y avait de vivre à Paris; il déplorait sa situation d'être obligé d'aller languir dans la province. "J'ai, dit-il, quinze mille livres de rente en fonds de terre, et je me croirais plus heureux si j'avais le quart de ce bien-là en argent et en effets portables partout. J'ai beau presser mes fermiers et les accabler de frais de justice, je ne fais que les rendre plus insolvables; je n'ai jamais pu voir cent pistoles à la fois. Si je devais dix mille francs, on me ferait saisir toutes mes terres, et je serais à l'hôpital." Месяцев пять-шесть тому назад я сидел как-то в кофейне; я заметил там довольно хорошо одетого дворянина, которого внимательно слушали присутствующие Он говорил о том, как приятно жить в Париже, и сетовал, что обстоятельства вынуждают его прозябать в провинции. "Я получаю пятнадцать тысяч ливров годового дохода с имения, - говорил он, - но я предпочел бы иметь только четверть этого состояния, зато наличными. Как я ни прижимаю своих фермеров, как ни взыскиваю с них судебным порядком, я добиваюсь этим только того, что они становятся еще несостоятельнее: никогда мне не удавалось получить с них хоть сто пистолей сразу. А вот если бы я задолжал десять тысяч франков, мое имение описали бы и я бы пошел по миру".
Je sortis sans avoir fait grande attention à tout ce discours; mais, me trouvant hier dans ce quartier, j'entrai dans la même maison, et j'y vis un homme grave, d'un visage pâle et allongé, qui, au milieu de cinq ou six discoureurs, paraissait morne et pensif jusques à ce que, prenant brusquement la parole: "Oui, Messieurs, dit-il en haussant la voix, je suis ruiné; je n'ai plus de quoi vivre; car j'ai actuellement chez moi deux cent mille livres en billets de banque et cent mille écus d'argent. Je me trouve dans une situation affreuse: je me suis cru riche, et me voilà à l'hôpital. Au moins, si j'avais seulement une petite terre où je pusse me retirer, je serais sûr d'avoir de quoi vivre; mais je n'ai pas grand comme ce chapeau de fonds de terre." Я ушел, не обратив особого внимания на его слова, но вчера, снова очутившись около той кофейни, я вошел в нее и увидел там хмурого человека с бледным и худым лицом, который, задумавшись, мрачно сидел в кругу пяти-шести собеседников. Потом он вдруг заговорил. "Да, господа, - сказал он, возвысив голос, - я разорен{363}; мне больше нечем жить, потому что у меня в настоящее время двести тысяч ливров банковыми билетами и сто тысяч экю серебром. Я в ужасном положении; считал себя богатым и вдруг оказался ни при чем. Если бы по крайней мере у меня было именьице, куда я мог бы удалиться, то я бы знал, на что жить; но у меня нет ни клочка земли".
Je tournai par hasard la tête d'un autre côté, et je vis un autre homme qui faisait des grimaces de possédé. "A qui se fier désormais? s'écriait-il. Il y a un traître que je croyais si fort de mes amis que je lui avais prêté mon argent; et il me l'a rendu! Quelle perfidie horrible! Il a beau faire: dans mon esprit, il sera toujours déshonoré." Случайно я повернул голову и увидел другого человека, который дергался как одержимый. "Кому же отныне можно доверять? - вскричал он. - Я считал его лучшим своим другом и дал ему взаймы, а он, предатель, не вернул мне долга{363}! Какое ужасное вероломство! Что он теперь ни делай, в моих глазах он опозорен навеки".
Tout près de là était un homme très mal vêtu, qui, élevant les yeux au ciel, disait: "Dieu bénisse les projets de nos ministres! Puissé-je voir les actions à deux mille, et tous les laquais de Paris plus riches que leurs maîtres!" J'eus la curiosité de demander son nom. "C'est un homme extrêmement pauvre, me dit-on; aussi a-t-il un pauvre métier: il est généalogiste, et il espère que son art rendra si les fortunes continuent, et que tous ces nouveaux riches auront besoin de lui pour réformer leur nom, décrasser leurs ancêtres et orner leurs carrosses. Il s'imagine qu'il va faire autant de gens de qualité qu'il voudra, et il tressaillit de joie de voir multiplier ses pratiques." Тут же находился какой-то бедно одетый человек, который говорил, подняв взор к небу: "Да благословит господь планы наших министров! Пусть бы акции поднялись до двух тысяч и все лакеи оказались бы богаче своих господ!" Я полюбопытствовал узнать его имя. "Это чрезвычайно бедный человек, да и ремесло у него мало прибыльное, - отвечали мне, - он составляет генеалогии и надеется, что его искусство будет преуспевать, если люди станут богатеть; тогда все новоявленные богачи будут нуждаться в нем, чтобы подправить свои фамилии, подчистить предков и украсить гербами дверцы карет. Он рассчитывает наделать столько родовитых людей, сколько ему вздумается, и трепещет от радости, видя, что число заказчиков все растет".
Enfin je vis entrer un vieillard pâle et sec, que je reconnus pour nouvelliste avant qu'il se fût assis. Il n'était pas du nombre de ceux qui ont une assurance victorieuse contre tous les revers et présagent toujours les victoires et les trophées; c'était, au contraire, un de ces trembleurs qui n'ont que des nouvelles tristes. "Les affaires vont bien mal du côté d'Espagne, dit-il: nous n'avons point de cavalerie sur la frontière, et il est à craindre que le prince Pio, qui en a un gros corps, ne fasse contribuer tout le Languedoc." Наконец вошел бледный, сухощавый старик, в котором - не успел он еще и сесть - я сразу признал вестовщика. Он не принадлежал к числу тех, кто победоносно опровергает все неудачи и неизменно предсказывает победы и трофеи: это был, напротив, один из тех вечных нытиков, которые сообщают только печальные новости. "Плохи наши дела в Испании, - сказал он, - у нас на границе нет кавалерии; как бы князь Пио, у которого ее целый корпус, не захватил, чего доброго, весь Лангедок"{364}.
Il y avait vis-à-vis de moi un philosophe assez mal en ordre, qui prenait le nouvelliste en pitié et haussait les épaules à mesure que l'autre haussait la voix. Je m'approchai de lui, et il me dit à l'oreille: "Vous voyez que ce fat nous entretient, il y a une heure, de sa frayeur pour le Languedoc, et moi, j'aperçus hier au soir une tache dans le soleil, qui, si elle augmentait, pourrait faire tomber toute la nature en engourdissement, et je n'ai pas dit un seul mot." Напротив меня сидел какой-то философ довольно потрепанного вида; он с сожалением глядел на вестовщика и пожимал плечами, по мере того как тот повышал голос. Я подошел к нему, и он шепнул мне на ухо: "Смотрите, какой дурак! Час битый толкует нам о своих опасениях за Лангедок, а вот я заметил вчера вечером пятно на солнце, которое, если оно увеличится, погрузит всю природу в оцепенение, да и то я не проронил ни слова".
De Paris, le 17 de la lune de Rhamazan 1719. Из Парижа, месяца Рамазана 17-го дня, 1719 года.

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Lettre CXXXIII. Rica à***/Рика к ***

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J'allai l'autre jour voir une grande bibliothèque dans un couvent de dervis, qui en sont comme les dépositaires, mais qui sont obligés d'y laisser entrer tout le monde à certaines heures. На днях я осматривал большую монастырскую библиотеку; она дана дервишам как бы на сохранение, но они обязаны в известные часы допускать в нее всех желающих.
En entrant, je vis un homme grave qui se promenait au milieu d'un nombre innombrable de volumes qui l'entouraient. J'allai à lui, et le priai de me dire quels étaient quelques-uns de ces livres que je voyais mieux reliés que les autres. "Monsieur, me dit-il, j'habite ici une terre étrangère: je n'y connais personne. Bien des gens font de pareilles questions; mais vous voyez bien que je n'irai pas lire tous ces livres pour les satisfaire. J'ai mon bibliothécaire qui vous donnera satisfaction: car il s'occupe nuit et jour à déchiffrer tout ce que vous voyez là; c'est un homme qui n'est bon à rien, et qui nous est très à charge, parce qu'il ne travaille point pour le couvent. Mais j'entends l'heure du réfectoire qui sonne. Ceux qui, comme moi, sont à la tête d'une communauté, doivent être les premiers à tous les exercices." En disant cela, le moine me poussa dehors, ferma la porte, et comme s'il eût volé, disparut à mes yeux. Войдя, я увидел важного человека, который прогуливался среди бесчисленного множества томов. Я направился к нему и спросил, что представляют собою книги, выделяющиеся среди других лучшими переплетами. "Я здесь, сударь, - сказал он мне, - как в чужой стране, и никого тут не знаю. Многие задают мне подобные вопросы, но, согласитесь сами, не могу же я прочитать все эти книги, чтобы удовлетворить их любопытство. У меня есть библиотекарь, он вам все объяснит, ведь он день и ночь только тем и занят, что разбирает все, что вы здесь видите; это человек ни на что не пригодный и очень для нас обременительный, так как для монастыря он ничего не делает. Однако я слышу, что звонят к трапезе. Люди, стоящие подобно мне во главе общины, должны быть первыми во всех трудах". С этими словами монах вытолкнул меня на улицу, запер дверь и исчез из моих глаз с такой быстротой, точно улетел.
De Paris, le 21 de la lune de Rhamazan 1719. Из Парижа, месяца Рамазана 21-го дня, 1719 года.

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Lettre CXXXIV. Rica au même/Рика к нему же

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Je retournai le lendemain à cette bibliothèque, où je trouvai tout un autre homme que celui que j'avais vu la première fois: son air était simple; sa physionomie spirituelle, et son abord, très affable. Dès que je lui eus fait connaître ma curiosité, il se mit en devoir de la satisfaire, et même, en qualité d'étranger, de m'instruire. На другой день я снова отправился в библиотеку, но нашел там человека, совершенно не похожего на того, которого видел в первый раз: вид у него был простой, лицо - одухотворенное, обращение весьма приветливое. Как только я ему сообщил, что меня интересует, он счел долгом удовлетворить мое любопытство и дать мне, как иностранцу, подробнейшие разъяснения.
"Mon Père, lui dis-je, quels sont ces gros volumes qui tiennent tout ce côté de bibliothèque? - Ce sont, me dit-il, les interprètes de l'Ecriture. - Il y en a un grand nombre! lui repartis-je. Il faut que l'Ecriture fût bien obscure autrefois et bien claire à présent. Reste-t-il encore quelques doutes? Peut-il y avoir des points contestés? - S'il y en a, bon Dieu! s'il y en a! me répondit-il. Il y en a presque autant que de lignes. - Oui? lui dis-je. Et qu'ont donc fait tous ces auteurs? - Ces auteurs, me repartit-il, n'ont point cherché dans l'Ecriture ce qu'il faut croire, mais ce qu'ils croient eux-mêmes; ils ne l'ont point regardée comme un livre où étaient contenus les dogmes qu'ils devaient recevoir, mais comme un ouvrage qui pourrait donner de l'autorité à leurs propres idées. C'est pour cela qu'ils en ont corrompu tous les sens et ont donné la torture à tous les passages. C'est un pays où les hommes de toutes les sectes font des descentes et vont comme au pillage; c'est un champ de bataille où les nations ennemies qui se rencontrent livrent bien des combats, où l'on s'attaque, où l'on s'escarmouche de bien des manières. "Отец мой! - сказал я ему, - что это за толстые книги, занимающие всю эту сторону библиотеки?" - "Это все истолкования священного писания", - ответил он. "Как их много, - воскликнул я, - значит, священное писание было когда-то весьма непонятно, а теперь стало совершенно ясно. А остаются еще какие-нибудь сомнения? Есть ли еще в нем спорные места?" - "Есть ли спорные места, боже мой! Еще бы не быть! - отвечал он. - Там что ни строчка, то спорное место". - "Неужели? - сказал я. - Так что же сделали все эти толкователи?" - "Эти толкователи, - отвечал он, - искали в священном писании вовсе не того, во что нужно верить, а то, во что они сами верят; они отнеслись к нему отнюдь не как к книге, содержащей в себе догматы, которые они должны принять, а как к произведению, которое может придать вес их собственным суждениям. Потому-то они и извратили весь его смысл и исказили все изречения. Это такая область, на которую совершают набеги и грабят как только могут представители всех сект; это поле, на котором встречаются и дают друг другу сражения враждующие народы, поле, где нападают друг на друга и где происходят всевозможные потасовки.
"Tout près de là, voyez les livres ascétiques ou de dévotion; ensuite, les livres de morale, bien plus utiles; ceux de théologie, doublement inintelligibles, et par la matière qui y est traitée, et par la manière de la traiter; les ouvrages des mystiques, c'est-à-dire des dévots qui ont le coeur tendre. - Ah! mon Père, lui dis-je, un moment. N'allez pas si vite. Parlez-moi de ces mystiques. - Monsieur, me dit-il, la dévotion échauffe un coeur disposé à la tendresse, et lui fait envoyer des esprits au cerveau, qui l'échauffent de même: d'où naissent les extases et les ravissements. Cet état est le délire de la dévotion. Souvent il se perfectionne, ou plutôt dégénère en quiétisme: vous savez qu'un quiétiste n'est autre chose qu'un homme fou, dévot et libertin. Рядом с этими книгами вы видите аскетические произведения и молитвенники, за ними стоят гораздо более полезные книги о морали, а там - богословские, которые вдвойне непонятны - и по содержанию и по тому, как изложено это содержание; наконец, произведения мистиков, то есть благочестивых людей, наделенных нежным сердцем". - "Ах, отец мой! Одну минуту, не спешите так, - сказал я, - расскажите мне о мистиках". - "Сударь! - ответил он, - благочестие согревает сердце, расположенное к нежности, и посылает из него в мозг соки, в свою очередь, согревающие его; отсюда экстазы и восторги. Это - состояние исступленного благочестия. Подчас оно совершенствуется или скорее вырождается в квиетизм{365}; как вы знаете, квиетист не что иное, как человек сумасшедший, благочестивый и своевольный.
"Voyez les casuistes, qui mettent au jour les secrets de la nuit, qui forment dans leur imagination tous les monstres que le démon d'amour peut produire, les rassemblent, les comparent, et en font l'objet éternel de leurs pensées: heureux si le coeur ne se met pas de la partie et ne devient pas lui-même complice de tant d'égarements si naivement décrits et si nûment peints! А вот и казуисты; они разоблачают ночные тайны, создают в своем воображении все чудовища, какие может породить демон любви, собирают их, сравнивают их и сосредоточивают на них все внимание. И счастье еще, если сердце их не впутывается в это дело и не становится соучастником всех заблуждений, которые они так наивно расписывают и так откровенно изображают.
"Vous voyez, Monsieur, que je pense librement, et que je vous dis tout ce que je pense. Je suis naturellement naif, et plus encore avec vous qui êtes un étranger, qui voulez savoir les choses, et les savoir telles qu'elles sont. Si je voulais, je ne vous parlerais de tout ceci qu'avec admiration; je vous dirais sans cesse: "Cela est divin, cela est respectable; il y a du merveilleux." Et il en arriverait de deux choses l'une, ou que je vous tromperais, ou que je me déshonorerais dans votre esprit." Вы видите, сударь: я мыслю свободно и говорю вам все, что думаю. Я откровенен по природе, а тем более с вами, с иностранцем, желающим узнать все эти вещи, и притом узнать такими, каковы они есть. Если бы я хотел, я говорил бы обо всем этом не иначе как с восхищением, твердил бы на все лады: "Это божественно! Это достойно уважения! Это чудесно!" - и получилось бы одно из двух: либо я вас обманул бы, либо унизил бы себя в ваших глазах".
Nous en restâmes là; une affaire qui survint au dervis rompit notre conversation jusques au lendemain. На этом мы расстались: какое-то дело отвлекло дервиша, и мы отложили наш разговор до завтра.
De Paris, le 23 de la lune de Rhamazan 1719. Из Парижа, месяца Рамазана 23-го дня, 1719 года

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Lettre CXXXV. Rica au même/Рика к нему же

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Je revins à l'heure marquée, et mon homme me mena précisément à l'endroit où nous nous étions quittés. "Voici, me dit-il, les grammairiens, les glossateurs et les commentateurs. - Mon Père, lui dis-je, tous ces gens-là ne peuvent-ils pas se dispenser d'avoir du bon sens? - Oui, dit-il; ils le peuvent, et même il n'y paraît pas: leurs ouvrages n'en sont pas plus mauvais; ce qui est très commode pour eux. - Cela est vrai, lui dis-je, et je connais bien des philosophes qui feraient bien de s'appliquer à ces sortes de sciences. Я пришел в назначенный час, и мой руководитель привел меня к тому самому месту, где мы расстались. "Вот, - сказал он, - грамматисты, толкователи и комментаторы". - "Отец мой, - спросил я, - а нужен ли всем этим людям здравый смысл? Не могут ли они обходиться без него?" - "Конечно, могут, - ответил он, - и этого даже не заметишь; от отсутствия здравого смысла их произведения не становятся хуже; и это представляет для них большое удобство". - "Справедливое замечание, - сказал я. - Я знаю немало философов, которым хорошо бы заняться такого рода науками".
"- Voilà, poursuivit-il, les orateurs, qui ont le talent de persuader indépendamment des raisons, et les géomètres, qui obligent un homme, malgré lui, d'être persuadé, et le convainquent avec tyrannie. - "Вот, - продолжал он, - ораторы, обладающие талантом убеждать вопреки логике, и геометры, заставляющие человека убеждаться вопреки его воле и доказывающие ему свои положения тираническими приемами.
"Voici les livres de métaphysique, qui traitent de si grands intérêts, et dans lesquels l'infini se rencontre partout; les livres de physique, qui ne trouvent pas plus de merveilleux dans l'économie du vaste univers que dans la machine la plus simple de nos artisans; les livres de médecine, ces monuments de la fragilité de la nature et de la puissance de l'art, qui font trembler quand ils traitent des maladies même les plus légères, tant ils nous rendent la mort présente, mais qui nous mettent dans une sécurité entière quand ils parlent de la vertu des remèdes, comme si nous étions devenus immortels. Вот книги по метафизике, где рассуждают о столь высоких предметах и где всюду встречаешься с бесконечным; книги физические, которые в устройстве необъятной вселенной видят не более удивительного, чем в самой простой машине, изготовленной нашими ремесленниками; медицинские книги, эти свидетельства хрупкости природы и могущества науки; они приводят нас в содрогание даже тогда, когда говорят о самых легких болезнях, - до того близкой к нам представляют они смерть! - зато они сразу успокаивают нас, когда говорят о действиях лекарств, так что нам кажется, будто мы стали бессмертными.
"Tout près de là, sont les livres d'anatomie, qui contiennent bien moins la description des parties du corps humain que les noms barbares qu'on leur a donnés: chose qui ne guérit ni le malade de son mal, ni le médecin de son ignorance. Совсем рядом с ними стоят книги по анатомии; они содержат в себе не столько описание частей человеческого тела, сколько варварские наименования, которыми их наделили; это не излечивает ни больного от его болезни, ни врача от его невежества.
"Voici la chimie, qui habite tantôt l'Hôpital et tantôt les Petites-Maisons, comme des demeures qui lui sont également propres. Вот химия, живущая то в больнице, то в сумасшедшем доме, ибо эти жилища ей одинаково подходят.
"Voici les livres de science, ou plutôt d'ignorance occulte; tels sont ceux qui contiennent quelque espèce de diablerie: exécrables, selon la plupart des gens, pitoyables, selon moi. Tels sont encore les livres d'astrologie judiciaire. - Que dites-vous, mon Père? Les livres d'astrologie judiciaire! repartis-je avec feu. Et ce sont ceux dont nous faisons le plus de cas en Perse; ils règlent toutes les actions de notre vie, et nous déterminent dans toutes nos entreprises. Les astrologues sont proprement nos directeurs; ils font plus: ils entrent dans le gouvernement de l'Etat. - Si cela est, me dit-il, vous vivez sous un joug bien plus dur que celui de la raison. Voilà le plus étrange de tous les empires: je plains bien une famille, et encore plus une nation, qui se laisse si fort dominer par les planètes. - Nous nous servons, lui repartis-je, de l'astrologie comme vous vous servez de l'algèbre. Chaque nation a sa science, selon laquelle elle règle sa politique; tous les astrologues ensemble n'ont jamais fait tant de sottises en notre Perse qu'un seul de vos algébristes en a fait ici. Croyez-vous que le concours fortuit des astres ne soit pas une règle aussi sûre que les beaux raisonnements de votre faiseur de système? Si l'on comptait les voix là-dessus en France et en Perse, ce serait un beau sujet de triomphe pour l'astrologie; vous verriez les calculateurs bien humiliés. Quel accablant corollaire n'en pourrait-on pas tirer contre eux?" Вот книги по оккультным наукам, или вернее по оккультному невежеству: это книги, содержащие какую-то чертовщину, книги, отвратительные, по мнению большинства людей, а по-моему, просто жалкие. Таковы же и книги по астрологии". - "Что вы говорите, отец мой? Книги по астрологии! - возразил я с жаром. - А ведь мы в Персии придаем им огромное значение: ими определяются все наши поступки, все предприятия. Астрологи в сущности истинные наши руководители; больше того: они участвуют в управлении государством". - "Если так, - сказал он мне, - то вы живете под ярмом, куда более тяжелым, чем ярмо разума. Вот уж поистине странное государство! Я жалею семью и еще больше жалею народ, который дает планетам такую власть над собою". - "Мы пользуемся астрологией так же, как вы пользуетесь алгеброй, - возразил я ему. - У каждого народа особая наука, сообразуясь с которой он направляет свою политику. Все астрологи, вместе взятые, не наделали столько глупостей у нас в Персии, сколько один алгебраист натворил их у вас. Неужели вы думаете, что случайное расположение светил является менее надежным указанием, чем рассуждения вашего сочинителя систем? Если бы спросить по этому поводу всех жителей Франции и Персии, то на долю астрологии выпал бы недурной триумф; вычислители были бы основательно посрамлены. Какой пришлось бы сделать о них неблагоприятный вывод!"
Notre dispute fut interrompue, et il fallut nous quitter. Наш спор был прерван, и пришлось расстаться.
De Paris, le 26 de la lune de Rhamazan 1719. Из Парижа, месяца Рамазана 26-го дня, 1719 года

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Lettre CXXXVI. Rica au même/Рика к нему же

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Dans l'entrevue suivante, mon savant me mena dans un cabinet particulier. "Voici les livres d'histoire moderne, me dit-il. Voyez premièrement les histoires de l'Eglise et des papes, livres que je lis pour m'édifier, et qui font en moi souvent un effet tout contraire. При следующем свидании мой ученый собеседник повел меня в соседнюю комнату. "Вот книги по новой истории, - сказал он мне. - Во-первых, взгляните на историков церкви и пап: я читаю эти книги для поучения, но они часто оказывают на меня совершенно обратное действие.
"Là, ce sont ceux qui ont écrit de la décadence du formidable empire romain, qui s'était formé du débris de tant de monarchies, et sur la chute duquel il s'en forma aussi tant de nouvelles. Un nombre infini de peuples barbares, aussi inconnus que les pays qu'ils habitaient, parurent tout à coup, l'inondèrent, le ravagèrent, le dépecèrent, et fondèrent tous les royaumes que vous voyez à présent en Europe. Ces peuples n'étaient point proprement barbares, puisqu'ils étaient libres; mais ils le sont devenus depuis que, soumis pour la plupart à une puissance absolue, ils ont perdu cette douce liberté si conforme à la raison, à l'humanité et à la nature. Вот там стоят историки, писавшие о крушении огромной Римской империи, образовавшейся на обломках стольких государств и на развалинах которой создалось так много новых. Бесчисленное множество варварских народов, - столь же неизвестных, как и страны, где они жили, - нежданно появилось, наводнило Римскую империю, разграбило ее, раздробило на части и образовало те королевства, какие вы сейчас видите в Европе. Эти народы не были в полном смысле варварами, раз они были свободны; но они впали в варварство с тех пор, как, подчинившись в большинстве абсолютной власти, утратили сладостную свободу, столь согласную с разумом, человечностью и природой.
"Vous voyez ici les historiens de l'empire d'Allemagne qui n'est qu'une ombre du premier empire, mais qui est, je crois, la seule puissance qui soit sur la terre que la division n'a point affaiblie; la seule, je crois encore, qui se fortifie à mesure de ses pertes, et qui, lente à profiter des succès, devient indomptable par ses défaites. Здесь вы видите историков Германской империи, являющейся лишь тенью Римской; но она, по-моему, представляет собою единственную державу в мире, которую разграбление не ослабило; единственную, думается мне, которая крепнет по мере того, как терпит поражения; она медленно пользуется своими успехами, зато становится непобедимой благодаря поражениям.
"Voici les historiens de France, où l'on voit d'abord la puissance des rois se former, mourir deux fois, renaître de même, languir ensuite pendant plusieurs siècles; mais, prenant insensiblement des forces, accrue de toutes parts, monter à son dernier période: semblable à ces fleuves qui, dans leur course, perdent leurs eaux ou se cachent sous terre; puis, reparaissant de nouveau, grossis par les rivières qui s'y jettent, entraînent avec rapidité tout ce qui s'oppose à leur passage. Вот вам историки Франции, где мы видим сначала образование королевской власти, потом два раза - ее смерть, новое ее возрождение, затем ее прозябание в течение нескольких веков; наконец, вступление ее в последний период, после того как она мало-помалу восстановила свои силы и распространилась во все стороны; она подобна реке, которая то мелеет или скрывается под землей, то, снова появившись и расширившись благодаря притокам, быстро увлекает за собою все, что противится ее течению.
"Là, vous voyez la nation espagnole sortir de quelques montagnes; les princes mahométans subjugués aussi insensiblement qu'ils avaient rapidement conquis; tant de royaumes réunis dans une vaste monarchie, qui devint presque la seule: jusqu'à ce qu'accablée de sa propre grandeur et de sa fausse opulence, elle perdit sa force et sa réputation même et ne conserva que l'orgueil de sa première puissance. Вот тут вы видите испанский народ, родившийся среди гор; магометанских государей, столь же незаметно покоренных, сколь быстро покорили они сами; множество королевств, объединенных в обширную монархию, ставшую почти единственной и остававшуюся такой до тех пор, пока, обремененная собственным своим величием и ложным богатством, она не потеряла мощи и даже уважения, так что ей осталось только гордиться своим былым могуществом.
"Ce sont ici les historiens d'Angleterre, où l'on voit la liberté sortir sans cesse des feux de la discorde et de la sédition; le prince toujours chancelant sur un trône inébranlable; une nation impatiente, sage dans sa fureur même, et qui, maîtresse de la mer (chose inouie jusqu'alors), mêle le commerce avec l'empire. А здесь английские историки; здесь мы видим страну, где свобода развивается среди пламени раздоров и восстаний, где государь чувствует себя нетвердо на незыблемом троне, где народ нетерпеливый, но мудрый в самом своем неистовстве, стал повелителем морей (вещь, дотоле неслыханная) и сочетает торговлю с властью.
"Tout près de là sont les historiens de cette autre reine de la mer, la république de Hollande, si respectée en Europe et si formidable en Asie, où ses négociants voient tant de rois prosternés devant eux. Рядом с ними стоят историки другой царицы морей, Голландской республики, столь уважаемой в Европе и столь грозной в Азии, где перед ее купцами простирается во прахе столько царей.
"Les historiens d'Italie vous représentent une nation autrefois maîtresse du monde, aujourd'hui esclave de toutes les autres; ses princes divisés et faibles, et sans autre attribut de souveraineté qu'une vaine politique. Историки Италии представляют вам нацию, некогда повелительницу мира, а ныне рабыню всех других народов, изображают ее разобщенных между собою и слабых князей, сохранивших из всех атрибутов власти только бесплодные козни.
"Voilà les historiens des républiques: de la Suisse, qui est l'image de la liberté; de Venise, qui n'a de ressources qu'en son économie; et de Gênes, qui n'est superbe que par ses bâtiments. Вот вам историки республик: Швейцарской, этого образца свободы; Венецианской, все богатство которой заключается в бережливости; Генуэзской, блещущей только своими зданиями.
"Voici ceux du Nord et, entre autres, de la Pologne, qui use si mal de sa liberté et du droit qu'elle a d'élire ses rois, qu'il semble qu'elle veuille consoler par là les peuples ses voisins, qui ont perdu l'un et l'autre." Вот северные республики, и среди них Польша, до того дурно пользующаяся своей свободой и правом избрания королей, что она словно хочет утешить таким образом соседние народы, утратившие и то и другое".
Là-dessus nous nous séparâmes jusques au lendemain. На этом мы расстались до следующего дня.
De Paris, le 2 de la lune de Chalval 1719. Из Парижа, месяца Шальвала 2-го числа, 1719 года

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Lettre CXXXVII. Rica au même/Рика к нему же

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Le lendemain, il me mena dans un autre cabinet. На другой день он повел меня в соседнюю комнату.
Ce sont ici les poètes, me dit-il, c'est-à-dire ces auteurs dont le métier est de mettre des entraves au bon sens et d'accabler la raison sous les agréments, comme on ensevelissait autrefois les femmes sous leurs ornements et leurs parures. Vous les connaissez; ils ne sont pas rares chez les Orientaux, où le soleil plus ardent semble échauffer les imaginations mêmes. "Здесь, - сказал он, - помещаются поэты, то есть писатели, назначение которых заключается в том, чтобы ставить препоны здравому смыслу и так же обременять разум всякого рода украшениями, как некогда обременяли женщин всевозможными уборами и нарядами. Вы их знаете: они не редкость и у восточных народов, где солнце, еще более жаркое, как бы распаляет самое воображение.
"Voilà les poèmes épiques. - Eh! qu'est-ce que les poèmes épiques? - En vérité, me dit-il, je n'en sais rien; les connaisseurs disent qu'on n'en a jamais fait que deux, et que les autres qu'on donne sous ce nom ne le sont point; c'est aussi ce que je ne sais pas. Ils disent de plus qu'il est impossible d'en faire de nouveaux, et cela est encore plus surprenant. Вот здесь эпические поэмы". - "А что это такое - эпические поэмы?" - "По правде говоря, и сам не знаю; знатоки утверждают, будто их только две и было то сочинено{368} и что другие, которым придают это название, вовсе ими не являются; об этом тоже не берусь судить. Знатоки говорят даже, что сочинить новую эпическую поэму невозможно, а это еще того удивительнее.
"Voici les poètes dramatiques, qui, selon moi, sont les poètes par excellence et les maîtres des passions. Il y en a de deux sortes: les comiques, qui nous remuent si doucement, et les tragiques, qui nous troublent et nous agitent avec tant de violence. Вот тут поэты драматические; по-моему, это - поэты по преимуществу и властители страстей. Они бывают двух родов: комические, приятно нас трогающие, и трагические, волнующие и потрясающие нас.
"Voici les lyriques, que je méprise autant que j'estime les autres, et qui font de leur art une harmonieuse extravagance. А вот лирики, которых я презираю в такой же степени, в какой уважаю других; они превращают свое искусство в сладкозвучную чушь.
"On voit ensuite les auteurs des idylles et des églogues, qui plaisent même aux gens de cour par l'idée qu'ils leur donnent d'une certaine tranquillité qu'ils n'ont pas, et qu'ils leur montrent dans la condition des bergers. Далее вы видите сочинителей идиллий и эклог, которые нравятся даже придворным, ибо, рисуя пастушескую жизнь, дают им представление о безмятежном существовании, от которого придворные весьма далеки.
"De tous les auteurs que nous avons vus, voici les plus dangereux: ce sont ceux qui aiguisent les épigrammes, qui sont de petites flèches déliées qui font une plaie profonde et inaccessible aux remèdes. А вот и самые опасные из всех, каких мы с вами видели: это составители эпиграмм, - маленьких отточенных стрелок, наносящих глубокие и неизлечимые раны.
"Vous voyez ici les romans, dont les auteurs sont des espèces de poètes et qui outrent également le langage de l'esprit et celui du coeur: ils passent leur vie à chercher la nature et la manquent toujours, et leurs héros y sont aussi étrangers que les dragons ailés et les hippocentaures. Вот тут романы, авторы которых являются разновидностью поэтов и, подобно им, извращают язык и ума и сердца. Они всю жизнь охотятся за естественностью, да все попадают мимо; их герои так же далеки от природы, как далеки от нее крылатые драконы и кентавры".
"- J'ai vu, lui dis-je, quelques-uns de vos romans, et, si vous voyiez les nôtres, vous en seriez encore plus choqué. Ils sont aussi peu naturels et, d'ailleurs, extrêmement gênés par nos moeurs: il faut dix années de passion avant qu'un amant ait pu voir seulement le visage de sa maîtresse. Cependant les auteurs sont forcés de faire passer les lecteurs dans ces ennuyeux préliminaires. Or il est impossible que les incidents soient variés. On a recours à un artifice pire que le mal même qu'on veut guérir: c'est aux prodiges. Je suis sûr que vous ne trouverez pas bon qu'une magicienne fasse sortir une armée de dessous terre, qu'un héros, lui seul, en détruise une de cent mille hommes. Cependant voilà nos romans. Ces aventures froides et souvent répétées nous font languir, et ces prodiges extravagants nous révoltent." "Я читал, - сказал я ему, - кое-какие из ваших романов, а если бы вы прочитали наши, они бы еще больше вас возмутили. Они тоже мало естественны, а кроме того, им чрезвычайно вредят наши нравы: страсть должна пылать лет десять, прежде чем влюбленному удастся увидеть хотя бы лицо своей возлюбленной. Поэтому сочинители бывают вынуждены томить читателей скучными предварительными перипетиями. При этом нет никакой возможности разнообразить приключения. Сочинителям приходится прибегать к уловкам, еще худшим, чем самое зло, которое хотят устранить, то есть к чудесам. Я уверен, что вам не понравится, если какая-нибудь волшебница выведет из-под земли целую армию или если какой-нибудь герой в одиночку уничтожит стотысячное войско. Между тем наши романы именно таковы. Холодные и однообразные приключения вызывают в нас тоску, а нелепые чудеса приводят в бешенство".
De Paris, le 6 de la lune de Chalval 1719. Из Парижа, месяца Шальвала 6-го дня, 1719 года

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Lettre CXXXVIII. Ricca à Ibben, à Smyrne/Рика к Иббену в Смирну

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Les ministres se succèdent et se détruisent ici comme les saisons: depuis trois ans, j'ai vu changer quatre fois de système sur les finances. On lève aujourd'hui les tributs, en Turquie et en Perse, comme les levaient les fondateurs de ces empires; il s'en faut bien qu'il en soit ici de même. Il est vrai que nous n'y mettons pas tant d'esprit que les Occidentaux: nous croyons qu'il n'y a pas plus de différence entre l'administration des revenus du prince et celle des biens d'un particulier, qu'il y en a entre compter cent mille tomans ou en compter cent. Mais il y a ici bien plus de finesse et de mystère. Il faut que de grands génies travaillent nuit et jour; qu'ils enfantent sans cesse et avec douleur de nouveaux projets; qu'ils écoutent les avis d'une infinité de gens qui travaillent pour eux sans en être priés; qu'ils se retirent et vivent dans le fond d'un cabinet impénétrable aux grands et sacré aux petits; qu'ils aient toujours la tête remplie de secrets importants, de desseins miraculeux, de systèmes nouveaux, et qu'absorbés dans les méditations, ils soient privés de l'usage de la parole, et quelquefois même de celui de la politesse. Министры сменяют и уничтожают здесь друг друга, как времена года: в течение трех лет финансовая система переменилась у меня на глазах четыре раза. В Турции и Персии поныне взимаются те же налоги, что и при основателях этих империй; здесь далеко Не так. Правда, мы и не вкладываем в это дело столько ума, как на Западе: мы думаем, что управлять доходами государя труднее, чем управлять состоянием частного лица, лишь в той степени, в какой труднее сосчитать сто тысяч туманов, чем сотню их. Но здесь дело куда более тонкое и мудреное. Здесь над этим приходится денно и нощно трудиться умнейшим людям; они в муках вынашивают все новые и новые проекты; выслушивают бесчисленные соображения множества людей, которые помогают им, хотя никто их об этом не просит: они уединяются и живут в тиши своих кабинетов, непроницаемых для лиц высокопоставленных и священных для маленьких людей; голова у них всегда набита важными тайнами, чудесными планами, новыми системами; они так погружены в размышления, что лишаются дара слова, а иногда даже забывают и о вежливости.
Dès que le feu roi eut fermé les yeux, on pensa a établir une nouvelle administration. On sentait qu'on était mal, mais on ne savait comment faire pour être mieux. On ne s'était pas bien trouvé de l'autorité sans bornes des ministres précédents; on la voulut partager. On créa pour cet effet six ou sept conseils, et ce ministère est peut-être celui de tous qui a gouverné la France avec plus de sens. La durée en fut courte, aussi bien que celle du bien qu'il produisit. Едва только покойный король закрыл глаза, как уже начали думать о перемене правительства. Все чувствовали, что дела идут неважно, но не знали, как поступить, чтобы они шли лучше. Из неограниченной власти прежних министров ничего хорошего не вышло: решено было разделить ее между несколькими лицами. Для этого учредили шесть или семь коллегий, и эти коллегии управляли Францией с большим, может быть, смыслом, чем все им предшествовавшие, но продержались они недолго, равно как и принесенные ими плоды.
La France, à la mort du feu roi, était un corps accablé de mille maux: N... prit le fer à la main, retrancha les chairs inutiles, et appliqua quelques remèdes topiques. Mais il restait toujours un vice intérieur à guérir. Un étranger est venu, qui a entrepris cette cure: après bien des remèdes violents, il a cru lui avoir rendu son embonpoint, et il l'a seulement rendue bouffie. Когда умирал покойный король, Франция представляла собою тело, пораженное множеством болезней: Н*** взял нож{370}, отрезал ненужные ткани и приложил к больным местам соответствующие лекарства. Но оставалось еще излечить больного от недуга, таившегося внутри. Явился чужестранец{370} и принялся за лечение. Применив множество сильнодействующих снадобий, он решил, что болящий начинает полнеть, между тем как он просто распух.
Tous ceux qui étaient riches il y a six mois sont à présent dans la pauvreté, et ceux qui n'avaient pas de pain regorgent de richesses. Jamais ces deux extrémités ne se sont touchées de si près. L'étranger a tourné l'Etat comme un fripier tourne un habit: il fait paraître dessus ce qui était dessous; et ce qui était dessus, il le met à l'envers. Quelles fortunes inespérées, incroyables même à ceux qui les ont faites! Dieu ne tire pas plus rapidement les hommes du néant. Que de valets servis par leurs camarades, et peut-être demain par leurs maîtres! Все, кто еще полгода назад были богаты, сейчас ввергнуты в нищету, а те, у кого не было даже хлеба, теперь утопают в богатстве. Никогда еще эти две крайности не сходились так близко. Иностранец вывернул наизнанку государство, как старьевщик выворачивает поношенное платье: то, что было изнанкой, он сделал лицом, а из лица сделал изнанку. Какие возникли неожиданные состояния! Не верится даже тем, кому они выпали на долю! Самому богу не удалось бы так молниеносно вывести людей из небытия. Сколько появилось лакеев, которым прислуживают их недавние товарищи, а завтра будут, быть может, прислуживать и господа!
Tout ceci produit souvent des choses bizarres. Les laquais qui avaient fait fortune sous le règne passé vantent aujourd'hui leur naissance: ils rendent à ceux qui viennent de quitter leur livrée dans une certaine rue, tout le mépris qu'on avait pour eux il y a six mois; ils crient de toute leur force: "La noblesse est ruinée! Quel désordre dans l'Etat! Quelle confusion dans les rangs! On ne voit que des inconnus faire fortune!" Je te promets que ceux-ci prendront bien leur revanche sur ceux qui viendront après eux, et que, dans trente ans, ces gens de qualité feront bien du bruit. Из всего этого подчас вытекают довольно странные последствия. Лакеи, разбогатевшие при прошлом царствовании, теперь уже хвастаются своим происхождением; на тех, кто только что сбросил ливрею на известной улице{370}, они изливают все то презрение, предметом которого были сами всего полгода тому назад; они кричат изо всей мочи: "Дворянство разорено! Что за беспорядок в государстве! Какое смешение званий! В наши дни только какие-то проходимцы и богатеют!" Ручаюсь, что эти проходимцы отыграются на тех, кто явится после них, и что лет через тридцать вся эта знать наделает немало шуму.
De Paris, le premier de la lune de Zilcadé 1720. Из Парижа, месяца Зилькаде 1-го дня, 1720 года.

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Lettre CXXXIX. Rica au même/Рика к нему же

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Voici un grand exemple de la tendresse conjugale, non seulement dans une femme, mais dans une reine. La reine de Suède, voulant à toute force associer le prince son époux à la couronne, pour aplanir toutes les difficultés, a envoyé aux états une déclaration par laquelle elle se désiste de la régence en cas qu'il soit élu. Вот великий пример супружеской любви, великий не только для женщины, но и для королевы. Шведская королева{371}, желая во что бы то ни стало приобщить к короне своего супруга-принца и устранить всякие к тому препятствия, объявила государственным чинам, что, в случае его избрания, откажется от регентства.
Il y a soixante et quelques années qu'une autre reine, nommée Christine , abdiqua la couronne pour se donner tout entière à la philosophie. Je ne sais lequel de ces deux exemples nous devons admirer davantage. Лет шестьдесят с небольшим тому назад другая королева, по имени Христина{371}, отреклась от трона, чтобы всецело посвятить себя философии. Не знаю, каким из этих двух примеров больше восхищаться.
Quoique j'approuve assez que chacun se tienne ferme dans le poste où la nature l'a mis, et que je ne puisse louer la faiblesse de ceux qui, se trouvant au-dessous de leur état, le quittent comme par une espèce de désertion, je suis cependant frappé de la grandeur d'âme de ces deux princesses, et de voir l'esprit de l'une et le coeur de l'autre supérieurs à leur fortune. Christine a songé à connaître dans le temps que les autres ne songent qu'à jouir, et l'autre ne veut jouir que pour mettre tout son bonheur entre les mains de son auguste époux. Хотя я и держусь того мнения, что всякий должен крепко стоять на посту, на который его поставила судьба, и не могу одобрить слабости того, кто, считая себя не удовлетворяющим требованиям, покидает свой пост как дезертир, я все же поражен величием души двух этих принцесс и тем, что одна по своему уму, а другая по сердцу оказались выше своего положения. Христина решила отдаться науке в то время, как прочие думают только об удовольствиях, а другая пожелала наслаждаться жизнью лишь при условии, что все свое счастье она отдаст в руки августейшего супруга.
De Paris, le 27 de la lune de Maharram 1720. Из Парижа, месяца Махаррама 27-го дня, 1720 года

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Lettre CXL. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Le parlement de Paris vient d'être relégué dans une petite ville qu'on appelle Pontoise . Le Conseil lui a envoyé enregistrer ou approuver une déclaration qui le déshonore, et il l'a enregistrée d'une manière qui déshonore le Conseil. Парижский парламент только что сослан{371} в городок, носящий название Понтуаз. Совет послал ему для регистрации или одобрения какое-то позорящее парламент постановление, а парламент зарегистрировал его так, что опозорил совет.
On menace d'un pareil traitement quelques parlements du royaume. То же угрожает и еще нескольким провинциальным парламентам.
Ces compagnies sont toujours odieuses: elles n'approchent des rois que pour leur dire de tristes vérités, et, pendant qu'une foule de courtisans leur représentent sans cesse un peuple heureux sous leur gouvernement, elles viennent démentir la flatterie, et apporter aux pieds du trône les gémissements et les larmes dont elles sont dépositaires. Эти учреждения всегда ненавистны королям: парламенты обращаются к ним только с тем, чтобы высказать им печальную истину, и в то время как толпа придворных беспрестанно расписывает королям, как счастлив народ под их управлением, парламенты опровергают лесть и повергают к подножию трона стенания и слезы, которые им доверяет народ.
C'est un pesant fardeau, mon cher Usbek, que celui de la vérité, lorsqu'il faut la porter jusques aux princes. Ils doivent bien penser que ceux qui s'y déterminent y sont contraints, et qu'ils ne se résoudraient jamais à faire des démarches si tristes et si affligeantes pour ceux qui les font, s'ils n'y étaient forcés par leur devoir, leur respect, et même leur amour. Правда - тяжкое бремя, дорогой Узбек, когда ее приходится доводить до государей! Монархам следовало бы понимать, что те, кто решается на это, бывают к этому вынуждены и что они никогда не решились бы на такой печальный для них же самих и прискорбный шаг, если бы ими не повелевал долг, уважение и даже любовь.
De Paris, le 21 de la lune de Gemmadi 1, 1720. Из Парижа, месяца Джеммади 1, 21-го дня, 1720 года

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Lettre CXLI. Rica au même/Рика к нему же

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J'irai te voir sur la fin de la semaine. Que les jours couleront agréablement avec toi! Я приеду к тебе в конце недели. Как приятно будут протекать дни с тобою!
Je fus présenté, il y a quelques jours, à une dame de la cour qui avait quelque envie de voir ma figure étrangère. Je la trouvai belle, digne des regards de notre monarque et d'un rang auguste dans le lieu sacré où son coeur repose. Недавно я был представлен придворной даме, которой хотелось познакомиться с иностранцем. Это красивая женщина, достойная взоров нашего монарха и высокого положения в священном убежище, где пребывает его сердце.
Elle me fit mille questions sur les moeurs des Persans, et sur la manière de vivre des Persanes. Il me parut que la vie du sérail n'était pas de son goût, et qu'elle trouvait de la répugnance à voir un homme partagé entre dix ou douze femmes. Elle ne put voir sans envie le bonheur de l'un et sans pitié la condition des autres. Comme elle aime la lecture, surtout celle des poètes et des romans, elle souhaita que je lui parlasse des nôtres. Ce que je lui en dis redoubla sa curiosité: elle me pria de lui faire traduire un fragment de quelques-uns de ceux que j'ai apportés. Je le fis et je lui envoyai quelques jours après un conte persan. Peut-être seras-tu bien aise de le voir travesti. Она засыпала меня вопросами о нравах персиян и о нашем образе жизни. Мне показалось, что жизнь в серале не пришлась ей по вкусу и что ее покоробило то, что десять - двенадцать женщин делят между собою одного мужчину. Она позавидовала счастью такого мужа и пожалела его ясен. Она любит читать, особенно стихи и романы, и пожелала, чтобы я рассказал ей о наших писателях. Мой рассказ подстрекнул ее любопытство, и она попросила меня заказать для нее перевод какого-нибудь отрывка из книг, которые я привез с собою. Я исполнил ее желание и несколько дней спустя послал ей персидскую сказку. Может быть, тебе доставит удовольствие прочитать ее в переводе.
Du temps de Cheik-Ali-Khan, il y avait en Perse une femme nommée Zuléma ; elle savait par coeur tout le saint Alcoran; il n'y avait point de dervis qui entendît mieux qu'elle les traditions des saints prophètes; les docteurs arabes n'avaient rien de si mystérieux qu'elle n'en comprît tous les sens; et elle joignait à tant de connaissances un certain caractère d'esprit enjoué, qui laissait à peine deviner si elle voulait amuser ceux à qui elle parlait, ou les instruire. "Во времена Шейх-Али-хана{372} жила-была в Персии женщина по имени Зюлема. Она знала наизусть весь святой Алкоран; она лучше любого дервиша изучила предания о святых пророках; она в совершенстве понимала смысл самых загадочных слов арабских ученых, и со всеми этими знаниями сочетался у нее живой и веселый ум, так что, когда она говорила, нельзя было догадаться, хочет ли она позабавить слушателя, или научить его чему-нибудь.
Un jour qu'elle était avec ses compagnes dans une des salles du sérail, une d'elles lui demanda ce qu'elle pensait de l'autre vie, et si elle ajoutait foi à cette ancienne tradition de nos docteurs, que le paradis n'est fait que pour les hommes. Однажды, когда Зюлема находилась с подругами в зале сераля, одна из них спросила ее, что она думает о загробной жизни и верит ли старинному учению наших мудрецов о том, что рай предназначен только для мужчин.
"C'est le sentiment commun, leur dit-elle; il n'y a rien que l'on n'ait fait pour dégrader notre sexe. Il y a même une nation répandue par toute la Perse, qu'on appelle la nation juive , qui soutient, par l'autorité de ses livres sacrés, que nous n'avons point d'âme. "Это общее мнение, - ответила она. - Чего только не делали, чтобы унизить наш пол! Существует даже народ, распространенный по всей Персии и называемый еврейским, который утверждает на основании своих священных книг, что у нас и души-то нет.
"Ces opinions si injurieuses n'ont d'autre origine que l'orgueil des hommes, qui veulent porter leur supériorité au-delà même de leur vie, et ne pensent pas que, dans le grand jour, toutes les créatures paraîtront devant Dieu comme le néant, sans qu'il y ait entre elles de prérogatives que celles que la vertu y aura mises. Столь обидные мнения проистекают только из мужской гордыни: мужчинам хочется перенести свое превосходство даже за пределы земной жизни, и они не верят, что в день Страшного суда все создания предстанут перед богом во всем своем ничтожестве и у мужчин не будет никаких преимуществ, кроме тех, которые даст им их добродетель.
"Dieu ne se bornera point dans ses récompenses; et comme les hommes qui auront bien vécu et bien usé de l'empire qu'ils ont ici-bas sur nous, seront dans un paradis plein de beautés célestes et ravissantes, et telles que, si un mortel les avait vues, il se donnerait aussitôt la mort dans l'impatience d'en jouir, aussi les femmes vertueuses iront dans un lieu de délices, où elles seront enivrées d'un torrent de voluptés avec des hommes divins qui leur seront soumis: chacune d'elles aura un sérail dans lequel ils seront enfermés, et des eunuques, encore plus fidèles que les nôtres, pour les garder. Бог не будет ограничивать себя в наградах: мужчины, которые прожили жизнь хорошо и не злоупотребили властью, предоставленной им над нами в этой жизни, попадут в рай, полный восхитительных небесных красавиц, до того пленительных, что если бы какой-нибудь смертный их увидел, то, сгорая нетерпением насладиться ими, в тот же миг лишил бы себя жизни. Точно так же и добродетельные женщины попадут в обитель блаженства, где будут упиваться бурным потоком наслаждений в обществе божественных мужчин, которые им будут подчинены: у каждой будет свой сераль, населенный мужьями, а сторожить их будут евнухи, еще более верные, чем наши.
"J'ai lu, ajouta-t-elle, dans un livre arabe, qu'un homme nommé Ibrahim était d'une jalousie insupportable. Il avait douze femmes extrêmement belles, qu'il traitait d'une manière très dure: il ne se fiait plus à ses eunuques ni aux murs de son sérail; il les tenait presque toujours sous la clef, enfermées dans leur chambre, sans qu'elles pussent se voir ni se parler: car il était même jaloux d'une amitié innocente. Toutes ses actions prenaient la teinture de sa brutalité naturelle; jamais une douce parole ne sortit de sa bouche, et jamais il ne fit le moindre signe qui n'ajoutât quelque chose à la rigueur de leur esclavage. Я читала в одной арабской книге, - прибавила она, - что некто, по имени Ибрагим, отличался несносной ревностью. У него было двенадцать красавиц жен, с которыми он обращался крайне сурово; он не доверял ни стенам сераля, ни евнухам; он держал жен почти всегда под замком, запирал их в покоях, так что они не могли ни видеться, ни говорить друг с другом, ибо он ревновал даже к невинной дружбе. На всех его поступках лежала печать его природной грубости: никогда ласковое слово не срывалось с его уст, и он помышлял только о том, как бы усугубить их неволю.
"Un jour qu'il les avait toutes assemblées dans une salle de son sérail, une d'entre elles, plus hardie que les autres, lui reprocha son mauvais naturel. Quand on cherche si fort les moyens de se faire craindre, lui dit-elle, on trouve toujours auparavant ceux de se faire hair. Nous sommes si malheureuses que nous ne pouvons nous empêcher de désirer un changement. D'autres, à ma place, souhaiteraient votre mort; je ne souhaite que la mienne; et, ne pouvant espérer d'être séparée de vous que par là, il me sera encore bien doux d'en être séparée." Ce discours, qui aurait dû le toucher, le fit entrer dans une furieuse colère; il tira son poignard et le lui plongea dans le sein. "Mes chères compagnes, dit-elle d'une voix mourante, si le ciel a pitié de ma vertu, vous serez vengées." A ces mots, elle quitta cette vie infortunée pour aller dans le séjour des délices où les femmes qui ont bien vécu jouissent d'un bonheur qui se renouvelle toujours. Однажды, когда он собрал своих жен в зале сераля, одна из них, которая была посмелее, упрекнула его за дурной нрав. "Когда человек всячески выискивает средства внушить женам страх, - сказала она, - он прежде всего достигает того, что его начинают ненавидеть. Мы так несчастны, что поневоле жаждем перемены. Другие на моем месте пожелали бы тебе смерти, а я хочу смерти только себе; я не надеюсь освободиться от тебя иначе, как с помощью смерти, поэтому я умерла бы с наслаждением". Эти слова, вместо того чтобы растрогать его, привели его в ярость: он выхватил кинжал и вонзил его ей в грудь. "Милые подруги, - сказала она умирающим голосом, - если небо услышит голос моей добродетели, вы будете отомщены". С этими словами она покинула земную юдоль и перенеслась в обитель услад, где праведные женщины наслаждаются вечным блаженством.
"D'abord elle vit une prairie riante, dont la verdure était relevée par les peintures des fleurs les plus vives; un ruisseau, dont les eaux étaient plus pures que le cristal, y faisait un nombre infini de détours. Elle entra ensuite dans des bocages charmants, dont le silence n'était interrompu que par le doux chant des oiseaux. De magnifiques jardins se présentèrent ensuite: la nature les avait ornés avec sa simplicité et toute sa magnificence. Elle trouva enfin un palais superbe, préparé pour elle et rempli d'hommes célestes destinés à ses plaisirs. Сначала ей представился очаровательный зеленый луг, испещренный ярчайшими цветами; ручеек, прозрачнее хрусталя, извивался там бесконечной лентой. Потом она вошла в прелестную рощу, тишину которой нарушало только сладкое пение птиц. За рощею представились ее взору великолепные сады: природа украсила их со свойственной ей простотой и величием. Наконец, она нашла приготовленный для нее великолепный дворец, населенный небесными мужчинами, предназначенными для ее наслаждений.
"Deux d'entre eux se présentèrent aussitôt pour la déshabiller; d'autres la mirent dans le bain et la parfumèrent des plus délicieuses essences. On lui donna ensuite des habits infiniment plus riches que les siens. Après quoi, on la mena dans une grande salle, où elle trouva un feu fait avec des bois odoriférants, et une table couverte des mets les plus exquis. Tout semblait concourir au ravissement de ses sens: elle entendait, d'un côté, une musique d'autant plus divine qu'elle était plus tendre; de l'autre, elle ne voyait que des danses de ces hommes divins, uniquement occupés à lui plaire. Cependant tant de plaisirs ne devaient servir qu'à la conduire insensiblement à des plaisirs plus grands. On la mena dans sa chambre, et, après l'avoir encore une fois déshabillée, on la porta dans un lit superbe, où deux hommes d'une beauté charmante la reçurent dans leurs bras. C'est pour lors qu'elle fut enivrée, et que ses ravissements passèrent même ses désirs. "Je suis toute hors de moi, leur disait-elle; je croirais mourir, si je n'étais sûre de mon immortalité. C'est en trop, laissez-moi: je succombe sous la violence des plaisirs. Oui, vous rendez un peu le calme à mes sens, je commence à respirer et à revenir à moi-même. D'où vient que l'on a ôté les flambeaux? Que ne puis-je a présent considérer votre beauté divine? Que ne puis-je voir... Mais pourquoi voir? Vous me faites rentrer dans mes premiers transports. O dieux! que ces ténèbres sont aimables! Quoi! Je serai immortelle, et immortelle avec vous? Je serai... Двое из них принялись ее раздевать, другие отвели в ванну и умастили самыми тонкими благовониями. Потом ей предложили одежду, куда роскошнее ее собственной, после чего повели в большой зал, где она увидела очаг, на котором горели благоуханные ветки, и стол, уставленный самыми изысканными яствами. Все, казалось, соревновалось здесь в том, чтобы содействовать упоению ее чувств: с одной стороны, она слышала божественно-нежные напевы, с другой - видела пляски дивных мужчин, старавшихся лишь о том, чтобы понравиться ей. Однако все эти удовольствия служили только преддверием еще больших наслаждений. Ее отвели в опочивальню и, снова раздев, отнесли в роскошную постель, где двое пленительных мужчин приняли ее в свои объятия. Тут-то испытала она истинное упоение! Блаженство превзошло все ее желания! "Я вне себя, - говорила она, - я бы думала, что сейчас умру, если бы не была уверена в своем бессмертии. Это уж слишком! Оставьте меня: я изнемогаю от наслаждений! Да, вы утолили мою страсть, я начинаю свободно дышать и приходить в себя. Почему унесли светильники? Зачем не могу я теперь любоваться вашей божественной красотой? Зачем не могу видеть... Но зачем видеть? Вы снова погружаете меня в восторги. О боги! Как милы эти потемки! Неужели я буду бессмертна, и бессмертна с вами! Я буду...
Non, je vous demande grâce: car je vois bien que vous êtes gens à n'en demander jamais." Нет, пощадите меня; сами вы, как видно, никогда не запросите пощады!"
"Après plusieurs commandements réitérés, elle fut obéie; mais elle ne le fut que lorsqu'elle voulut l'être bien sérieusement. Elle se reposa languissamment, et s'endormir dans leurs bras. Deux moments de sommeil réparèrent sa lassitude; elle reçut deux baisers qui l'enflammèrent soudain et lui firent ouvrir les yeux. "Je suis inquiète, dit-elle: je crains que vous ne m'aimiez plus." C'était un doute dans lequel elle ne voulait pas rester longtemps: aussi eut-elle avec eux tous les éclaircissements qu'elle pouvait désirer. "Je suis désabusée, s'écria-t-elle. Pardon, pardon! Je suis sûre de vous. Vous ne me dites rien, mais vous prouvez mieux que tout ce que vous me pourriez dire. Oui, oui! Je vous le confesse, on n'a jamais tant aimé. Mais quoi! vous vous disputez tous deux l'honneur de me persuader! Ah! si vous vous disputez, si vous joignez l'ambition au plaisir de ma défaite, je suis perdue: vous serez tous deux vainqueurs, il n'y aura que moi de vaincue, mais je vous vendrai bien cher la victoire." После неоднократных приказаний они подчинились ей; но подчинились только тогда, когда она действительно этого захотела. Она томно предалась отдыху и заснула в их объятиях. Несколько мгновений сна рассеяли ее усталость: внезапно два поцелуя воспламенили ее, и она открыла глаза. "Я беспокоюсь, - сказала она, - я боюсь, что вы разлюбили меня". Ей не хотелось долго мучиться сомнениями, и она сейчас же получила все разъяснения, какие только могла желать. "Вы меня успокоили, - воскликнула она. - Простите! Простите! Теперь я уверена в вас. Вы ничего мне не говорите, зато доказываете мне все лучше всяких слов. Да, да, признаюсь вам: так меня никто не любил. Но что это? Вы оспариваете друг у друга честь убедить меня? Ах! Если вы станете соревноваться, если к удовольствию победы надо мною прибавите еще и честолюбие, то я погибла: вы оба будете победителями, а побежденной буду я одна; но я дорого продам вам победу".
"Tout ceci ne fut interrompu que par le jour. Ses fidèles et aimables domestiques entrèrent dans sa chambre, et firent lever ces deux jeunes hommes, que deux vieillards ramenèrent dans les lieux où ils étaient gardés pour ses plaisirs. Elle se leva ensuite, et parut d'abord à cette cour idolâtre dans les charmes d'un déshabillé simple, et ensuite couverte des plus somptueux ornements. Cette nuit l'avait embellie: elle avait donné de la vie à son teint et de l'expression à ses grâces. Ce ne fut pendant tout le jour que danses, que concerts, que festins, que jeux, que promenades, et l'on remarquait qu'Anais se dérobait de temps en temps et volait vers ses deux jeunes héros. Après quelques précieux instants d'entrevue, elle revenait vers la troupe qu'elle avait quittée, toujours avec un visage plus serein. Enfin, sur le soir, on la perdit tout à fait: elle alla s'enfermer dans le sérail, où elle voulait, disait-elle, faire connaissance avec ces captifs immortels qui devaient à jamais vivre avec elle. Elle visita donc les appartements de ces lieux les plus reculés et les plus charmants, où elle compta cinquante esclaves d'une beauté miraculeuse: elle erra toute la nuit de chambre en chambre, recevant partout des hommages toujours différents et toujours les mêmes. Все это прекратилось только с рассветом. Верные и заботливые слуги вошли в опочивальню и подняли с постели обоих юношей; два старика отвели их в то помещение, где они содержались для ее удовольствий. Затем встала и она и появилась перед боготворящей ее свитой сперва во всей прелести утреннего наряда, а потом в самом роскошном уборе. За эту ночь она похорошела: цвет лица у нее посвежел, все прелести приняли особую выразительность. День прошел в плясках, пении, пирах, играх, прогулках, и все заметили, что Анаис время от времени исчезает и устремляется к своим двум юным героям. После нескольких драгоценных минут свидания она возвращалась к покинутому обществу, и всякий раз лицо ее становилось светлее. Наконец, под вечер, она совсем пропала. Она заперлась в серале, где, по ее словам, хотела познакомиться с бессмертными пленниками, которым предстоит вечно жить подле нее. Она заглянула в самые отдаленные и самые очаровательные покои дворца и насчитала там пятьдесят рабов поразительной красоты; всю ночь пробродила она из комнаты в комнату, всюду встречая поклонение, всегда различное и в то же время одинаковое.
"Voilà comment l'immortelle Anais passait sa vie, tantôt dans des plaisirs éclatants, tantôt dans des plaisirs solitaires; admirée d'une troupe brillante, ou bien aimée d'un amant éperdu. Souvent elle quittait le palais enchanté pour aller dans une grotte champêtre; les fleurs semblaient naître sous ses pas, et les jeux se présentaient en foule au-devant d'elle. Так-то и проводила жизнь бессмертная Анаис, - то среди блистательных удовольствий, то в сокровенных наслаждениях, то ее встречало восторгами блестящее общество, то ласкал обезумевший от страсти любовник. Часто покидала она свой волшебный дворец и уходила в сельский грот; казалось, цветы вырастали у ее ног и всевозможные забавы во множестве устремлялись ей навстречу.
"Il y avait plus de huit jours qu'elle était dans cette demeure heureuse, que, toujours hors d'elle-même, elle n'avait pas fait une seule réflexion: elle avait joui de son bonheur sans le connaître, et sans avoir eu un seul de ces moments tranquilles où l'âme se rend, pour ainsi dire, compte à elle-même, et s'écoute dans le silence des passions. Прошло уже больше недели с тех пор, как она поселилась в этой блаженной обители, а она все еще была вне себя и ни о чем не думала. Она наслаждалась счастьем, сама того не сознавая, и ни разу ни на мгновение не ведала она того покоя, когда душа, так сказать, отдает себе отчет в пережитом и прислушивается к себе в молчании страстей.
"Les bienheureux ont des plaisirs si vifs qu'ils peuvent rarement jouir de cette liberté d'esprit. C'est pour cela qu'attachés invinciblement aux objets présents, ils perdent entièrement la mémoire des choses passées et n'ont plus aucun souci de ce qu'ils ont connu ou aimé dans l'autre vie. Блаженные упиваются удовольствиями столь живыми, что им редко приходится пользоваться этой свободой духа. Поэтому они совершенно забывают о прошлом, будучи непреодолимо прикованы к настоящему, и совсем перестают вспоминать о том, что знали или любили во время своего земного бытия.
"Mais Anais, dont l'esprit était vraiment philosophe, avait passé presque toute sa vie à méditer; elle avait poussé ses réflexions beaucoup plus loin qu'on n'aurait dû l'attendre d'une femme laissée à elle-même. La retraite austère que son mari lui avait fait garder ne lui avait laissé que cet avantage. C'est cette force d'esprit qui lui avait fait mépriser la crainte dont ses compagnes étaient frappées, et la mort, qui devait être la fin de ses peines et le commencement de sa félicité. Однако Анаис, обладавшая настоящим философским умом, почти всю жизнь провела в размышлениях: мысль ее заходила куда дальше, чем можно было бы ожидать от женщины, предоставленной самой себе. Строгое затворничество, на которое обрек ее муж, оставило ей одно только это преимущество. Именно благодаря своему сильному уму она презрела страх, коим охвачены были ее подруги, и не побоялась смерти, которая положила конец ее страданиям и начало блаженству.
"Ainsi elle sortit peu à peu de l'ivresse des plaisirs, et s'enferma seule dans un appartement de son palais. Elle se laissa aller à des réflexions bien douces sur sa condition passée et sur sa félicité présente; elle ne put s'empêcher de s'attendrir sur le malheur de ses compagnes: on est sensible à des tourments que l'on a partagés. Anais ne se tint pas dans les simples bornes de la compassion: plus tendre envers ces infortunées, elle se sentit portée à les secourir. Итак, она мало-помалу освободилась от хмеля наслаждений и уединилась в один из дальних покоев дворца. Она предалась сладким думам о своей прошлой жизни и о настоящем блаженстве, и не могла не растрогаться при мысли о горестной доле своих подруг: люди всегда чувствительны к мучениям, которые сами перенесли. Анаис не ограничилась простым сочувствием: она загорелась желанием помочь подругам.
"Elle donna ordre à un de ces jeunes hommes qui étaient auprès d'elle, de prendre la figure de son mari, d'aller dans son sérail, de s'en rendre maître, de l'en chasser, et d'y rester à sa place jusqu'à ce qu'elle le rappelât. Она приказала одному из состоявших при ней юношей принять облик ее мужа, отправиться в его сераль, захватить последний, выгнать оттуда хозяина и оставаться на его месте до тех пор, пока она его не отзовет обратно.
"L'exécution fut prompte: il fendit les airs, arriva à la porte du sérail d'Ibrahim, qui n'y était pas. Il frappe; tout lui est ouvert: les eunuques tombent à ses pieds; il vole vers les appartements où les femmes d'Ibrahim étaient enfermées: il avait, en passant, pris les clefs dans la poche de ce jaloux, à qui il s'était rendu invisible. Il entre, et les surprend d'abord par son air doux et affable; et, bientôt après, il les surprend davantage par ses empressements et par la rapidité de ses entreprises. Toutes eurent leur part de l'étonnement, et elles l'auraient pris pour un songe, s'il y eût eu moins de réalité. Исполнение не заставило себя ждать: юноша ринулся в воздушное пространство и прилетел к дверям сераля Ибрагима, которого в это время там не было. Посланец стучит: все двери перед ним раскрываются, евнухи падают к его ногам; он устремляется к покоям, где заперты жены Ибрагима; по дороге, став невидимым, он вынимает у ревнивца из кармана ключи. Он входит и прежде всего поражает женщин своим ласковым и приветливым видом, а вскоре затем удивляет их еще больше усердием, проворством и предприимчивостью. Всем им по очереди пришлось изумляться, и они сочли бы это за сон, если бы явь не была так очевидна.
"Pendant que ces nouvelles scènes se jouent dans le sérail, Ibrahim heurte, se nomme, tempête et crie. Après avoir essuyé bien des difficultés, il entre et jette les eunuques dans un désordre extrême. Il marche à grands pas; mais il recule en arrière et tombe comme des nues, quand il voit le faux Ibrahim, sa véritable image, dans toutes les libertés d'un maître. Il crie au secours: il veut que les eunuques lui aident à tuer cet imposteur; mais il n'est pas obéi. Il n'a plus qu'une bien faible ressource: c'est de s'en rapporter au jugement de ses femmes. Dans une heure, le faux Ibrahim avait séduit tous ses juges. L'autre est chassé et traîné indignement hors du sérail; et il aurait reçu la mort mille fois, si son rival n'avait ordonné qu'on lui sauvât la vie. Enfin le nouvel Ibrahim, resté maître du champ de bataille, se montra de plus en plus digne d'un tel choix, et se signala par des miracles jusqu'alors inconnus. В то время как эти непривычные события разыгрывались в серале, Ибрагим стучится, называет свое имя, бушует и кричит. Преодолев все препоны, он входит и повергает евнухов в крайнее замешательство. Он бросается дальше, но вдруг отступает и точно сваливается с облаков при виде Лже-Ибрагима, своей точной копии, пользующегося всеми правами хозяина. Он зовет на помощь, требует, чтобы евнухи помогли ему убить самозванца, но они не повинуются. У него остается только одно, весьма слабое средство: обратиться к суду своих жен. Но Лже-Ибрагим в один час ублажил всех его судей. Тогда настоящего Ибрагима прогоняют, с позором выталкивают из сераля; его непременно умертвили бы, если бы соперник не повелел сохранить ему жизнь. Оставшись победителем на поле битвы, новый Ибрагим все больше и больше доказывал, что вполне достоин выбора, и проявил себя неведомыми дотоле чудесами.
"Vous ne ressemblez pas à Ibrahim, disaient ces femmes. - Dites, dites plutôt que cet imposteur ne me ressemble pas, disait le triomphant Ibrahim. Comment faut-il faire pour être votre époux, si ce que je fais ne suffit pas? - Ah! nous n'avons garde de douter, dirent les femmes. Si vous n'êtes pas Ibrahim, il nous suffit que vous ayez si bien mérité de l'être; vous êtes plus Ibrahim en un jour qu'il ne l'a été dans le cours de dix années. - Vous me promettez donc, reprit-il, que vous vous déclarerez en ma faveur contre cet imposteur? - N'en doutez pas, dirent-elles d'une commune voix: nous vous jurons une fidélité éternelle; nous n'avons été que trop longtemps abusées: le traître ne soupçonnait point notre vertu; il ne soupçonnait que sa faiblesse. Nous voyons bien que les hommes ne sont point faits comme lui; c'est à vous sans doute qu'ils ressemblent. Si vous saviez combien vous nous le faites hair! - Ah! Je vous donnerai souvent de nouveaux sujets de haine, reprit le faux Ibrahim: vous ne connaissez point encore tout le tort qu'il vous a fait. - Nous jugeons de son injustice par la grandeur de votre vengeance, reprirent-elles. - Oui, vous avez raison, dit l'homme divin - j'ai mesuré l'expiation au crime; je suis bien aise que vous soyez contentes de ma manière de punir. - Mais, dirent ces femmes, si cet imposteur revient, que ferons-nous? - Il lui serait, je crois, difficile de vous tromper, répondit-il; dans la place que j'occupe auprès de vous, on ne se soutient guère par la ruse; et, d'ailleurs, je l'enverrai si loin, que vous n'entendrez plus parler de lui. Pour lors, je prendrai sur moi le soin de votre bonheur: je ne serai point jaloux; je saurai m'assurer de vous sans vous gêner; j'ai assez bonne opinion de mon mérite pour croire que vous me serez fidèles. Si vous n'étiez pas vertueuses avec moi, avec qui le seriez-vous?" "Ты не похож на Ибрагима", - говорили женщины. "Скажите лучше, что этот самозванец не похож на меня, - отвечал торжествующий Ибрагим. - Что же еще нужно делать, чтобы быть вашим супругом, если того, что делаю я, недостаточно?" - "Ах! Мы ничуть не сомневаемся, - сказали женщины. - Если ты и не Ибрагим, то с нас хватит того, что ты вполне заслуживаешь право быть им: ты за один день оказался больше Ибрагимом, чем он был им на протяжении десяти лет". - "Стало быть, вы обещаете, - подхватил юноша, - что предпочтете меня этому самозванцу?" - "Будь уверен, - ответили они в один голос, - клянемся тебе в вечной верности; нас слишком долго обманывали; негодяй и не подозревал наших достоинств, он только сознавал свою слабость. Мы теперь отлично видим, что мужчины вовсе не так созданы, как он; несомненно, они похожи именно на тебя. Если бы ты знал, как мы его теперь ненавидим благодаря тебе!" - "Ах! Я еще не раз дам вам повод ненавидеть его, - сказал Лже-Ибрагим, - вы еще не представляете себе, сколько он вам наделал вреда". - "Мы заключаем о его несправедливости по силе нашего мщения", - ответили они. "Да, вы правы, - сказал небесный человек, - я соразмерил искупление с виною и очень рад, что вы довольны тем, как я наказываю". - "Но что же нам делать, - спросили женщины, - если самозванец вернется?" - "Мне думается, что ему теперь трудно будет вас обмануть, - ответил он. - Место, которое я занимаю подле вас, хитростью не займешь, а кроме того, я прогоню его так далеко, что вы никогда о нем больше и не услышите. На будущее время заботу о вашем счастье я беру на себя; я не буду ревнив; я сумею охранять свою честь, не стесняя вас; я достаточно хорошего мнения о собственных достоинствах, чтобы верить, что вы будете мне верны. Уж если и со мною вы не станете добродетельны, то с кем же?"
"Cette conversation dura longtemps entre lui et ces femmes, qui, plus frappées de la différence des deux Ibrahim que de leur ressemblance, ne songeaient pas même à se faire éclaircir de tant de merveilles. Enfin le mari désespéré revint encore les troubler: il trouva toute sa maison dans la joie et ses femmes plus incrédules que jamais. La place n'était pas tenable pour un jaloux: il sortit furieux, et un instant après le faux Ibrahim le suivit, le prit, le transporta dans les airs, et le laissa à deux mille lieues de là. Долго продолжался такой разговор между ним и женщинами, которые больше дивились разнице между двумя Ибрагимами, чем их сходству; они были до того поражены, что даже не стремились уяснить себе такие чувства. Наконец, отчаявшийся муж вернулся и снова вызвал переполох. Он застал в своем доме безудержное ликование, а жен нашел еще недоверчивее, чем раньше. Этого ревнивец не мог выдержать, он в бешенстве ушел, а Лже-Ибрагим бросился ему вслед, схватил его и перенес по воздуху на расстояние в две тысячи миль.
"O dieux! dans quelle désolation se trouvèrent ces femmes dans l'absence de leur cher Ibrahim! Déjà leurs eunuques avaient repris leur sévérité naturelle; toute la maison était en larmes; elles s'imaginaient quelquefois que tout ce qui leur était arrivé n'était qu'un songe; elles se regardaient toutes les unes les autres, et se rappelaient les moindres circonstances de ces étranges aventures. Enfin le céleste Ibrahim revint, toujours plus aimable; il leur parut que son voyage n'avait pas été pénible. Le nouveau maître prit une conduite si opposée à celle de l'autre qu'elle surprit tous les voisins. Il congédia les eunuques, rendit sa maison accessible à tout le monde; il ne voulut pas même souffrir que ses femmes se voilassent. C'était une chose singulière de les voir dans les festins parmi des hommes, aussi libres qu'eux. Ibrahim crut avec raison que les coutumes du pays n'étaient pas faites pour des citoyens comme lui. Cependant il ne se refusait aucune dépense: il dissipa avec une immense profusion les biens du jaloux, qui, de retour trois ans après des pays lointains où il avait été transporté, ne trouva plus que ses femmes et trente-six enfants. О боги! В каком же отчаянии были жены, пока отсутствовал их дорогой Ибрагим! Евнухи уже снова вернулись к своей обычной строгости; весь дом был в слезах; женам казалось порою, что все случившееся - только сон; они глядели друг на друга и припоминали малейшие подробности этих странных приключений. Наконец, небесный Ибрагим возвратился, еще более любезный; они поняли, что путешествие ничуть не утомило его. Поведение нового господина настолько отличалось от поведения старого, что все соседи диву давались. Он прогнал всех евнухов, распахнул двери своего дома для всех, и даже не хотел, чтобы его жены носили покрывала. Странно было видеть, как они пируют среди мужчин и пользуются такой же свободой. Ибрагим правильно рассудил, что обычаи страны созданы не для таких граждан, как он. В то же время он не отказывал себе ни в каких прихотях; он с неимоверной щедростью расточал имущество ревнивца, и когда тот три года спустя вернулся из отдаленной местности, куда был перенесен, он нашел у себя дома только своих жен да тридцать шесть человек детей".
De Paris, le 26 de la lune de Gemmadi 1720. Из Парижа, месяца Джеммади 1, 26-го дня, 1720 года

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Lettre CXLII. Rica à Usbek, à***/Рика к Узбеку в ***

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Voici une lettre que je reçus hier d'un savant; elle te paraîtra singulière: Вот письмо, полученное мною вчера от одного ученого: оно позабавит тебя.
MONSIEUR, "Милостивый государь!
Il y a six mois que j'ai recueilli la succession d'un oncle très riche, qui m'a laissé cinq ou six cent mille livres et une maison superbement meublée. Il y a plaisir d'avoir du bien, lorsqu'on en sait faire un bon usage. Je n'ai point d'ambition, ni de goût pour les plaisirs: je suis presque toujours enfermé dans un cabinet, où je mène la vie d'un savant; c'est dans ce lieu que l'on trouve un curieux amateur de la vénérable antiquité. Полгода тому назад я получил в наследство от очень богатого дяди около шестисот тысяч ливров и превосходно обставленный дом. Приятно владеть состоянием, когда знаешь, как употребить его с пользой. Я не честолюбив и не склонен к развлечениям: я сижу взаперти в своем кабинете и веду жизнь ученого. Именно тут найдете вы любознательного ценителя почтенной древности.
Lorsque mon oncle eut fermé les yeux, j'aurais fort souhaité de le faire enterrer avec les cérémonies observées par les anciens Grecs et Romains; mais je n'avais pour lors ni lacrymatoires, ni urnes, ni lampes antiques. Когда мой дядя скончался, мне очень хотелось похоронить его по обрядам, принятым у древних греков и римлян, однако в то время у меня не было под рукой ни слезниц, ни урн, ни античных светильников.
Mais, depuis, je me suis bien pourvu de ces précieuses raretés. Il y a quelques jours que je vendis ma vaisselle d'argent pour acheter une lampe de terre qui avait servi à un philosophe stoicien. Je me suis défait de toutes les glaces dont mon oncle avait couvert presque tous les murs de ses appartements, pour avoir un petit miroir, un peu fêlé, qui fut autrefois à l'usage de Virgile: je suis charmé d'y voir ma figure représentée au lieu de celle du Cygne de Mantoue. Ce n'est pas tout: j'ai acheté cent louis d'or cinq ou six pièces d'une monnaie de cuivre qui avait cours il y a deux mille ans. Je ne sache pas avoir à présent dans ma maison un seul meuble qui n'ait été fait avant la décadence de l'empire. J'ai un petit cabinet de manuscrits fort précieux et fort chers. Quoique je me tue la vue à les lire, j'aime beaucoup mieux m'en servir que des exemplaires imprimés, qui ne sont pas si corrects, et que tout le monde a entre les mains. Quoique je ne sorte presque jamais, je ne laisse pas d'avoir une passion démesurée de connaître tous les anciens chemins qui étaient du temps des Romains. Il y en a un qui est près de chez moi, qu'un proconsul des Gaules fit faire, il y a environ douze cents ans; lorsque je vais à ma maison de campagne, je ne manque jamais d'y passer, quoiqu'il soit très incommode, et qu'il m'allonge de plus d'une lieue. Mais ce qui me fait enrager, c'est qu'on y a mis des poteaux de bois de distance en distance pour marquer l'éloignement des villes voisines: je suis désespéré de voir ces misérables indices, au lieu des colonnes milliaires qui y étaient autrefois; je ne doute pas que je ne les fasse rétablir par mes héritiers, et que je ne les engage à cette dépense par mon testament. Si vous avez, Monsieur, quelque manuscrit persan, vous me ferez plaisir de m'en accommoder; je vous le paierai tout ce que vous voudrez, et je vous donnerai par-dessus le marché quelques ouvrages de ma façon, par lesquels vous verrez que je ne suis point un membre inutile de la république des lettres. Но с тех пор я уже обзавелся этими драгоценными редкостями. Несколько дней тому назад я продал всю серебряную посуду, чтобы приобрести глиняную лампу, некогда служившую философу-стоику. Я расстался с зеркалами, которые мой дядя развесил по стенам всех своих покоев, и купил маленькое, надтреснутое зеркальце, служившее в древности Вергилию. Я прихожу в восторг, когда мое лицо отражается там, где некогда отражался лик мантуанского лебедя{378}. Это еще не все: я купил за сто луидоров пять-шесть медных монет, бывших в обращении две тысячи лет назад. Теперь в моем доме не найдется ни одного предмета обстановки, который бы не был сделан еще до падения Римской империи. У меня есть небольшое собрание редких и драгоценных рукописей. Я гублю свое зрение, читая их, но все же предпочитаю их печатным изданиям, которые далеко не так исправны и, кроме того, доступны всем и каждому. Я почти не выхожу из дому, и все же увлекаюсь изучением древних дорог, существовавших во времена римлян. Неподалеку от моего дома есть такая дорога; некий проконсул Галлии провел ее приблизительно тысячу двести лет тому назад; отправляясь к себе в деревню, я никогда не упускаю случая проехать по ней, хотя она очень неудобна и удлиняет путь больше чем на милю. Но меня прямо-таки приводит в бешенство, что на ней расставили, через известные промежутки, деревянные столбы с обозначением расстояния до соседних городов; я прихожу в отчаяние, когда вижу эти жалкие указатели вместо милиариев, стоявших там когда-то: я непременно поручу своим наследникам восстановить их и выделю в завещании соответствующую сумму. Если у вас, сударь, имеется какая-нибудь персидская рукопись, сделайте мне удовольствие и доставьте мне ее: я заплачу, сколько скажете, и сверх того предложу вам несколько произведений моего пера, благодаря которым вы убедитесь, что я отнюдь не бесполезный гражданин литературной республики.
Vous y remarquerez entre autres une dissertation où je fais voir que la couronne dont on se servait autrefois dans les triomphes était de chêne, et non pas de laurier. Vous en admirerez une autre où je prouve, par de doctes conjectures tirées des plus graves auteurs grecs, que Cambyse fut blessé à la jambe gauche, et non pas à la droite; une autre où je démontre qu'un petit front était une beauté très recherchée par les Romains. Je vous enverrai encore un volume in-quarto, en forme d'explication d'un vers du sixième livre de l'Enéide de Virgile. Vous ne recevrez tout ceci que dans quelques jours, et, quant à présent, je me contente de vous envoyer ce fragment d'un ancien mythologiste grec qui n'avait point paru jusques ici, et que j'ai découvert dans la poussière d'une bibliothèque. Среди них вы увидите трактат, где я доказываю, что венок, которым пользовались некогда во время триумфов, сплетался из веток дуба, а не лавра. Вы оцените и другой мой труд, в котором я доказываю путем ученых выкладок, извлеченных из сочинений наиболее почтенных греческих авторов, что Камбиз был ранен в левую, а не в правую ногу, и третье сочинение, где я привожу доказательства, что низкий лоб считался у римлян признаком изысканной красоты. Я пришлю вам также том in-quarto, содержащий объяснение одного стиха из шестой песни "Энеиды" Вергилия. Все это вы получите через несколько дней, а сейчас я ограничиваюсь посылкой неизданного отрывка из некоего древнегреческого мифолога, который я обнаружил в недрах старинной библиотеки.
Je vous quitte pour une affaire importante que j'ai sur les bras: il s'agit de restituer un beau passage de Pline le naturaliste, que les copistes du cinquième siècle ont étrangement défiguré. Оставляю вас для не терпящего отлагательства дела: мне нужно восстановить одно прекрасное место в сочинении Плиния-натуралиста, которое чудовищно исказили переписчики пятого века.
Je suis, etc. Имею честь быть, и проч.".
Fragment d'un ancien mythologiste Отрывок из сочинения древнегреческого мифолога
Dans une île près des Orcades, il naquit un enfant qui avait pour père Eole, dieu des vents, et pour mère une nymphe de Calédonie. On dit de lui qu'il apprit tout seul à compter avec ses doigts, et que, dès l'âge de quatre ans, il distinguait si parfaitement les métaux que, sa mère ayant voulu lui donner une bague de laiton au lieu d'une d'or, il reconnut la tromperie, et la jeta par terre. "На острове неподалеку от Оркад родился ребенок{379}, отцом которого был бог ветров Эол, а матерью каледонская нимфа. Рассказывают, что он совершенно самостоятельно научился считать по пальцам, а в возрасте четырех лет так превосходно различал металлы, что когда мать дала было ему вместо золотого латунное кольцо, он заметил обман и швырнул кольцо наземь.
Dès qu'il fut grand, son père lui apprit le secret d'enfermer les vents dans des outres, qu'il vendait ensuite à tous les voyageurs. Mais, comme la marchandise n'était pas fort prisée dans son pays, il le quitta et se mit à courir le monde en compagnie de l'aveugle dieu du hasard. Когда он подрос, отец обучил его секрету загонять ветры в бурдюки, и он стал продавать их путешественникам. Но на этот товар не было большого спроса у него на родине; поэтому он покинул ее и пустился по свету в сопровождении слепого бога Случая.
Il apprit dans ses voyages que, dans la Bétique, l'or reluisait de toutes parts; cela fit qu'il y précipita ses pas. Il y fut fort mal reçu de Saturne, qui régnait pour lors. Mais ce dieu ayant quitté la terre, il s'avisa d'aller dans tous les carrefours, où il criait sans cesse d'une voix rauque: "Peuples de Bétique, vous croyez être riches parce que vous avez de l'or et de l'argent. Votre erreur me fait pitié. Croyez-moi, quittez le pays des vils métaux; venez dans l'empire de l'imagination, et je vous promets des richesses qui vous étonneront vous-mêmes." Aussitôt il ouvrit une grande partie des outres qu'il avait apportées, et il distribua de sa marchandise à qui en voulut. Во время своих скитаний он узнал, что в Бетике{379} повсюду блестит золото, и устремился туда. Сатурн{379}, правивший в то время, оказал ему довольно сухой прием. Но когда этот бог покинул землю, молодой человек стал появляться на перекрестках и, не переставая, кричать хриплым голосом: "Народы Бетики! Вы считаете себя богачами, потому что у вас есть золото и серебро. Весьма скорблю о вашем заблуждении. Поверьте мне: покиньте страну презренных металлов, переселитесь в царство Воображения, и я обещаю вам такие сокровища, что вы придете в изумление". Тотчас же развязал он несколько принесенных с собою бурдюков и раздал свой товар желающим.
Le lendemain, il revint dans les mêmes carrefours, et il s'écria: "Peuples de Bétique, voulez-vous être riches? Imaginez-vous que je le suis beaucoup, et que vous l'êtes beaucoup aussi ; mettez-vous tous les matins dans l'esprit que votre fortune a doublé pendant la nuit; levez-vous ensuite; et, si vous avez des créanciers, allez les payer de ce que vous aurez imaginé, et dites-leur d'imaginer à leur tour." На другой день он появился у тех же перекрестков и стал кричать: "Народы Бетики! Хотите быть богатыми? Вообразите себе, что и я и вы очень богаты: каждое утро представляйте себе, что за ночь ваше богатство удвоилось; потом вставайте, и если у вас есть кредиторы, платите им, черпая из той сокровищницы, что вам вообразилась, и говорите им, чтобы и они ее себе вообразили".
Il reparut quelques jours après, et il parla ainsi: "Peuples de Bétique, je vois bien que votre imagination n'est pas si vive que les premiers jours. Laissez-vous conduire à la mienne. Je mettrai tous les matins devant vos yeux un écriteau qui sera pour vous la source des richesses; vous n'y verrez que quatre paroles, mais elles seront bien significatives: car elles régleront la dot de vos femmes, la légitime de vos enfants, le nombre de vos domestiques. Et quant à vous, dit-il à ceux de la troupe qui étaient le plus près de lui, quant à vous, mes chers enfants (Je puis vous appeler de ce nom: car vous avez reçu de moi une seconde naissance), mon écriteau décidera de la magnificence de vos équipages, de la somptuosité de vos festins, du nombre et de la pension de vos maîtresses." Через несколько дней он появился снова и заговорил так: "Народы Бетики! Я вижу, что ваше воображение уже не так живо, как в первые дни. Предоставьте же моему воображению руководить вами. Каждое утро я стану показывать вам объявление, которое будет служить для вас источником богатств. Объявление это будет содержать в себе только два слова, зато они будут полны глубокого значения, ибо умножат приданое ваших жен, наследство ваших детей, содержание ваших слуг. А что касается вас, - обратился он к тем из толпы, кто стоял подле него, - то, возлюбленные дети мои (я имею право называть вас так, потому что благодаря мне вы как бы вторично родились), мое объявление обеспечит великолепие ваших колесниц, роскошь ваших пиров, многочисленность и благосостояние любовниц".
A quelques jours de là, il arriva dans le carrefour tout essoufflé, et, transporté de colère, il s'écria: "Peuples de Bétique, je vous avais conseillé d'imaginer, et je vois que vous ne le faites pas. Eh bien! à présent, je vous l'ordonne." Là-dessus il les quitta brusquement; mais la réflexion le rappela sur ses pas. "J'apprends que quelques-uns de vous sont assez détestables pour conserver leur or et leur argent. Encore passe pour l'argent; mais pour de l'or... pour de l'or... Ah! cela me met dans une indignation... Je jure, par mes outres sacrées, que, s'ils ne viennent pas me l'apporter, je les punirai sévèrement." Puis il ajouta d'un air tout à fait persuasif: "Croyez-vous que ce soit pour garder ces misérables métaux que je vous les demande? Une marque de ma candeur, c'est que, lorsque vous me les apportâtes, il y a quelques jours, je vous en rendis sur-le-champ la moitié." Еще через несколько дней он прибежал, запыхавшись, к перекрестку и, вне себя от гнева, вскричал: "Народы Бетики! Я советовал вам воображать, но вижу, что вы этого не делаете. Хорошо же! Теперь я вам приказываю". Сказав это, он внезапно ушел, но одумался и вернулся. "Я узнал, что некоторые из вас настолько подлы, что припрятали свое золото и серебро. Серебро еще куда ни шло; но золото! Золото! Ах! Это возмущает меня до глубины души! Клянусь священными своими бурдюками, что если вы не принесете мне его, я строго вас накажу"{380}. Затем он прибавил весьма внушительно: "Может быть, вы думаете, что я прошу у вас эти презренные металлы, чтобы присвоить их себе? Свидетельством моей искренности является хотя бы то, что когда вы принесли их мне несколько дней тому назад, я тот час же вернул вам половину".
Le lendemain, on l'aperçut de loin, et on le vit s'insinuer avec une voix douce et flatteuse: "Peuples de Bétique, j'apprends que vous avez une partie de vos trésors dans les pays étrangers. Je vous prie, faites-les-moi venir: vous me ferez plaisir, et je vous en aurai une reconnaissance éternelle." На другой день его завидели еще издалека. Он заговорил тихо и вкрадчиво: "Народы Бетики! Я узнал, что часть своих сокровищ вы держите за границей. Прошу вас: доставьте их мне{380}. Вы сделаете мне этим большое удовольствие и обяжете меня вечной признательностью".
Le fils d'Eole parlait à des gens qui n'avaient pas grande envie de rire; ils ne purent pourtant s'en empêcher: ce qui fit qu'il s'en retourna bien confus. Mais, reprenant courage, il hasarda encore une petite prière: "Je sais que vous avez des pierres précieuses. Au nom de Jupiter, défaites-vous-en: rien ne vous appauvrit comme ces sortes de choses. Défaites-vous-en, vous dis-je. Si vous ne le pouvez pas par vous-mêmes, je vous donnerai des hommes d'affaires excellents. Que de richesses vont couler chez vous, si vous faites ce que je vous conseille! Oui, je vous promets tout ce qu'il y a de plus pur dans mes outres." Сын Эола говорил все это людям, которым было вовсе не до смеха; все-таки они не могли не рассмеяться, так что он отвернулся в большом смущении. Но, собравшись с духом, он отважился обратиться к ним с еще одной маленькой просьбой: "Я знаю, что у вас есть драгоценные камни{380}. Заклинаю вас Юпитером, расстаньтесь с ними. Ничто так не разоряет вас, как такого рода вещи. Расстаньтесь с ними, говорю вам! Если вы не можете сделать это сами, то я указку вам отличных дельцов. Какие богатства посыплются на вас, если вы последуете моему совету! Да, обещаю вам все наилучшее, что только есть в моих бурдюках".
Enfin, il monta sur un tréteau, et, prenant une voix assurée, il dit: "Peuples de Bétique, j'ai comparé l'heureux état dans lequel vous êtes, avec celui où je vous trouvai lorsque j'arrivai ici: je vous vois le plus riche peuple de la terre; mais, pour achever votre fortune, souffrez que je vous ôte la moitié de vos biens." A ces mots, d'une aile légère, le fils d'Eole disparut, et laissa ses auditeurs dans une consternation inexprimable; ce qui fit qu'il revint le lendemain, et parla ainsi: "Je m'aperçus hier que mon discours vous déplut extrêmement. Eh bien! prenez que je ne vous aie rien dit. Il est vrai, la moitié, c'est trop: il n'y a qu'à prendre d'autres expédients pour arriver au but que je me suis proposé: assemblons nos richesses dans un même endroit; nous le pouvons facilement: car elles ne tiennent pas un gros volume." Aussitôt il en disparut les trois quarts. Наконец, он взошел на подмостки и заговорил более уверенным голосом: "Народы Бетики! Я сравнил счастливое положение, в котором вы сейчас находитесь, с тем, в каком вы были, когда я явился сюда, и вижу, что вы богатейший народ на свете. Но для полноты вашего благополучия позвольте мне взять у вас половину ваших богатств"{380}. С этими словами сын Эола исчез, взмахнув крылами, и оставил слушателей в невыразимом смущении. На другой день он вернулся и сказал им: "Я заметил, что моя вчерашняя речь вам не особенно понравилась. Ну, хорошо: считайте, что я ничего вам не говорил{380}. Правда, половина богатств - маловато. Чтобы достичь поставленной мною цели, достаточно прибегнуть к другим средствам. Соберем все наши богатства в одно место: сделать это нетрудно, так как богатств немного". И тотчас три четверти их бесследно исчезло"{380}.
De Paris, le 9 de la lune de Chahban 1720. Из Парижа, месяца Шахбана 9-го дня, 1720 года

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Lettre CXLIII. Rica à Nathanaël Lévi, médecin juif à Livourne/Рика к Нафанаилу Леви, еврейскому врачу, в Ливорно

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Tu me demandes ce que je pense de la vertu des amulettes et de la puissance des talismans. Pourquoi t'adresses-tu à moi? Tu es juif, et je suis mahométan; c'est-à-dire que nous sommes tous deux bien crédules. Ты спрашиваешь меня, что я думаю о свойствах амулетов и о могуществе талисманов. Почему ты обращаешься ко мне? Ты еврей, а я магометанин: стало быть, мы оба достаточно легковерны.
Je porte toujours sur moi plus de deux mille passages du saint Alcoran; j'attache à mes bras un petit paquet où sont écrits les noms de plus de deux cents dervis; ceux d'Ali, de Fatmé et de tous les Purs, sont cachés en plus de vingt endroits de mes habits. Я всегда ношу при себе более двух тысяч изречений из святого Алкорана; я привязываю к рукам свиточек с именами более чем двухсот дервишей, а имена Али, Фатимы и всех праведников запрятаны в моей одежде в двадцати с лишним местах.
Cependant je ne désapprouve point ceux qui rejettent cette vertu que l'on attribue à de certaines paroles: il nous est bien plus difficile de répondre à leurs raisonnements qu'à eux de répondre à nos expériences. Однако я не осуждаю тех, кто отвергает значение, приписываемое известным словам: нам гораздо труднее возразить на их соображения, чем им - опровергнуть наш опыт.
Je porte tous ces chiffons sacrés par une longue habitude, pour me conformer à une pratique universelle; je crois que, s'ils n'ont pas plus de vertu que les bagues et les autres ornements dont on se pare, ils n'en ont pas moins. Mais, toi, tu mets toute ta confiance sur quelques lettres mystérieuses, et, sans cette sauvegarde, tu serais dans un effroi continuel. Я ношу при себе эти священные лоскутки бумаги по давней привычке и в соответствии с общепринятым обычаем: мне кажется, что если в них не больше ценности, чем в кольцах и в других украшениях, которыми обвешивают себя люди, то и не меньше. Но ты-то ведь целиком полагаешься на некоторые таинственные письмена и без их охраны пребывал бы в вечном страхе.
Les hommes sont bien malheureux! Ils flottent sans cesse entre de fausses espérances et des craintes ridicules; et, au lieu de s'appuyer sur la raison, ils se font des monstres qui les intimident, ou des fantômes qui les séduisent. Как несчастны люди! Беспрестанно колеблются они между ложными надеждами и нелепыми страхами и, вместо того чтобы опираться на разум, придумывают себе чудовища, которых сами же боятся, или призраки, которые их обольщают.
Quel effet veux-tu que produise l'arrangement de certaines lettres? Quel effet veux-tu que leur dérangement puisse troubler? Quelle relation ont-elles avec les vents, pour apaiser les tempêtes; avec la poudre à canon, pour en vaincre l'effort; avec ce que les médecins appellent l'humeur peccante et la cause morbifique des maladies, pour les guérir? Какого действия ожидаешь ты от расположения известных букв? Что, по-твоему, может произойти от нарушения их порядка? Разве эти буквы имеют какое-нибудь отношение к ветрам, чтобы утишать бури? Или к пороху, чтобы устранять его действие? Или к тому, что в медицине называется злокачественными соками и болезнетворными началами, чтобы излечивать от них?
Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que ceux qui fatiguent leur raison pour lui faire rapporter de certains événements à des vertus occultes, n'ont pas un moindre effort à faire pour s'empêcher d'en voir la véritable cause. Все удивительнее то, что людям, которые утруждают свой разум, принуждая его связывать те или иные события с действием оккультных свойств, приходится делать не меньше усилий, чтобы не видеть настоящую их причину.
Tu me diras que de certains prestiges ont fait gagner une bataille; et, moi, je te dirai qu'il faut que tu t'aveugles pour ne pas trouver dans la situation du terrain, dans le nombre ou dans le courage des soldats, dans l'expérience des capitaines, des causes suffisantes pour produire cet effet dont tu veux ignorer la cause. Ты возразишь мне, что не раз чудеса помогали выигрывать битвы, а я тебе отвечу, что надо быть слепым, чтобы в топографических условиях, в численности или в мужестве солдат, в опытности военачальников не увидеть достаточных оснований для той самой победы, истинных причин которой ты не хочешь признавать.
je te passe pour un moment qu'il y ait des prestiges. Passe-moi à mon tour, pour un moment, qu'il n'y en ait point: car cela n'est pas impossible. Ce que tu M'accordes n'empêche pas que les deux armées ne puissent se battre. Veux-tu que, dans ce cas-là, aucune des deux ne puisse remporter la victoire? Crois-tu que leur sort restera incertain jusques à ce qu'une puissance invisible vienne le déterminer; que tous les coups seront perdus, toute la prudence vaine, et tout le courage inutile? Penses-tu que la mort, dans ces occasions, rendue présente de mille manières, ne puisse pas produire dans les esprits ces terreurs paniques que tu as tant de peine à expliquer? Veux-tu que, dans une armée de cent mille hommes, il ne puisse pas y avoir un seul homme timide? Crois-tu que le découragement de celui-ci ne puisse pas produire le découragement d'un autre; que le second, qui quitte un troisième, ne lui fasse pas bientôt abandonner un quatrième? Il n'en faut pas davantage pour que le désespoir de vaincre saisisse soudain toute une armée et la saisisse d'autant plus facilement qu'elle se trouve plus nombreuse. Соглашусь с тобой на минуту, что чудеса действительно существуют. Согласись и ты на минуту, что их вовсе не бывает, - ведь это не невозможно. Твоя уступка не помешает двум армиям сразиться между собою: или ты полагаешь, что в таком случае ни одна из них не одержит победы? Думаешь ли ты, что до тех пор, пока не явится какая-то невидимая сила, судьба их останется нерешенной и все удары будут нанесены зря, вся предусмотрительность окажется тщетной, все мужество - бесполезным? Думаешь ли ты, что смерть, являющаяся во множестве видов, не может в таких обстоятельствах вызвать в умах тот панический ужас, который тебе так трудно объяснить? Или, по-твоему, в стотысячной армии не бывает ни одного малодушного? Думаешь ли ты, что паника, проявленная одним, не может вызвать паники у другого, и когда второй бросит на произвол судьбы третьего, то этот третий не бросит четвертого? А этого вполне достаточно, чтобы вся армия внезапно отчаялась в победе, и тут уж панический страх охватит ее тем легче, чем она многочисленнее.
Tout le monde sait et tout le monde sent que les hommes, comme toutes les créatures qui tendent à conserver leur être, aiment passionnément la vie. On sait cela en général, et on cherche pourquoi, dans une certaine occasion particulière, ils ont craint de la perdre! Все знают и все чувствуют, что люди, как и вообще все создания, стремящиеся к самосохранению, страстно любят жизнь. Это известно всем, а между тем доискиваются, почему это в данном частном случае люди побоялись ее потерять.
Quoique les livres sacrés de toutes les nations soient remplis de ces terreurs paniques ou surnaturelles, je n'imagine rien de si frivole, parce que, pour s'assurer qu'un effet, qui peut être produit par cent mille causes naturelles, est surnaturel, il faut avoir auparavant examiné si aucune de ces causes n'a agi; ce qui est impossible. Хотя священные книги всех народов переполнены этими паническими или сверхъестественными страхами, мне трудно представить себе что-либо более легкомысленное: ведь чтобы убедиться, что какое-нибудь действие, которое может быть произведено сотней тысяч естественных причин, на самом деле сверхъестественно, нужно предварительно исследовать, не действовала ли в данном случае одна из этих многих естественных причин, - а исследовать это невозможно.
Je ne t'en dirai pas davantage, Nathanaël; il me semble que la matière ne mérite pas d'être si sérieusement traitée. Больше я ничего тебе не скажу, Нафанаил: мне кажется, что предмет этот не заслуживает серьезного рассмотрения.
De Paris, le 20 de la lune de Chahban 1720. Из Парижа, месяца Шахбана 20-го дня, 1720 года
P.-S. - Comme je finissais, j'ai entendu crier dans la rue une lettre d'un médecin de province à un médecin de Paris (car ici toutes les bagatelles s'impriment, se publient, et s'achètent); j'ai cru que je ferais bien de te l'envoyer, parce qu'elle a du rapport à notre sujet. Il y a bien des choses que je n'entends pas: mais toi qui es médecin, tu dois entendre le langage de tes confrères. Р.S. Когда я заканчивал это письмо, до меня донесся с улицы крик коробейника: он предлагал письмо какого-то провинциального лекаря к парижскому (ибо здесь печатаются, выпускаются в свет и продаются всякие безделицы). Я решил, что хорошо будет послать его тебе, потому что оно имеет прямое отношение к нашему предмету.

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Lettre d'un médecin de province à un médecin de Paris/Письмо провинциального врача к врачу парижскому

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Il y avait dans notre ville un malade qui ne dormait point depuis trente-cinq jours. Son médecin lui ordonna l'opium; mais il ne pouvait se résoudre à le prendre, et il avait la coupe à la main qu'il était plus indéterminé que jamais. Enfin il dit à son médecin: "Monsieur, je vous demande seulement quartier jusqu'à demain: je connais un homme qui n'exerce pas la médecine, mais qui a chez lui un nombre innombrable de remèdes contre l'insomnie. Souffrez que je l'envoie quérir, et, si je ne dors pas cette nuit, je vous promets que je reviendrai à vous." Le médecin congédié, le malade fit fermer les rideaux, et dit à un petit laquais: "Tiens, va-t'en chez M. Anis ,et dis-lui qu'il vienne me parler." M. Anis arrive. "Mon cher monsieur Anis, je me meurs: je ne puis dormir. N'auriez-vous point dans votre boutique la C. du G. ou bien quelque livre de dévotion, composé par un R.P.J., que vous n'avez pas pu vendre? Car souvent les remèdes les plus gardés sont les meilleurs. - Monsieur, dit le libraire, j'ai chez moi La Cour sainte du père Caussin, en six volumes, à votre service; je vais vous l'envoyer; je souhaite que vous vous en trouviez bien. В нашем городе был больной, который не спал ни минуты целых тридцать пять суток. Врач прописал ему опиум, но больной не мог решиться принять его: возьмет в руки рюмку и опять сомневается. Наконец, он сказал врачу: "Сударь, прошу у вас отсрочки только до завтра: я знаю человека, который хоть и не занимается медициной, но держит у себя множество лекарств от бессонницы. Разрешите мне послать за ним, а если и в эту ночь я не засну, то обещаю вам вновь прибегнуть к вашей помощи". Когда врач уехал, больной приказал опустить занавески и сказал лакею: "Ступай-ка к господину Анису и попроси его зайти ко мне". Господин Анис является. "Дорогой господин Анис! Я умираю не могу уснуть. Нет ли у вас в лавке книги по М.Г.{383} или благочестивой книжки сочинения какого-нибудь С.О.И.{383}, которой вам не удалось продать? Ведь часто лекарства, которые долго настаиваются, оказываются наилучшими". - "Сударь, - ответил книгопродавец, - у меня есть к вашим услугам "Святой двор" отца Коссена{383}, в шести томах; я сейчас пришлю их вам; от души желаю, чтобы они вам помогли.
Si vous voulez les oeuvres du révérend père Rodriguez, jésuite espagnol, ne vous en faites faute. Mais, croyez-moi, tenons-nous-en au père Caussin: j'espère, avec l'aide de Dieu, qu'une période du père Caussin vous fera autant d'effet qu'un feuillet tout entier de La C. du G." Là-dessus M. Anis sortit et courut chercher le remède à sa boutique. La Cour sainte arrive; on en secoue la poudre; le fils du malade, jeune écolier, commence à la lire. Il en sentit le premier l'effet: à la seconde page, il ne prononçait plus que d'une voix mal articulée, et déjà toute la compagnie se sentait affaiblie. Un instant après, tout ronfla, excepté le malade, qui, après avoir été longtemps éprouvé, s'assoupit à la fin. Если вам угодно получить сочинения святого отца Родригеса{383}, испанского иезуита, то только скажите. Но, поверьте, остановимся на отце Коссене: я надеюсь, что с божьей помощью одна фраза отца Коссена произведет на вас такое же действие, как целая страница М.Г.". С этими словами господин Анис вышел и побежал в свою лавку за лекарством. "Святой двор" был принесен, с него стерли пыль; сын больного, мальчик-школяр, принялся читать его вслух. Он первый почувствовал на себе действие книги: уже со второй страницы мальчуган стал произносить слова невнятно, а вся остальная компания почувствовала какую-то расслабленность. Минуту спустя все храпели, за исключением больного, но и он после долгих попыток в конце концов тоже заснул.
Le médecin arrive de grand matin: "Eh bien! a-t-on pris mon opium?" On ne lui répond rien: la femme, la fille, le petit garçon, tous transportés de joie, lui montrent le père Caussin. Il demande ce que c'est. Рано утром явился врач. "Ну что, принял больной опиум?" Ему не отвечают. Жена, дочь, сын - все вне себя от радости, показывают ему отца Коссена. Он спрашивает, что это такое.
On lui dit: "Vive le père Caussin! Il faut l'envoyer relier. Qui l'eût dit? Qui l'eût cru? C'est un miracle! Tenez, Monsieur, voyez donc le père Caussin; c'est ce volume-là qui a fait dormir mon père." Et là-dessus on lui expliqua la chose comme elle s'était passée. Ему отвечают: "Да здравствует отец Коссен! Нужно отдать его в переплет. Ну, кто бы сказал? Кто бы поверил? Это просто чудо! Смотрите, сударь! Поглядите же на отца Коссена: этот том помог нашему отцу уснуть". И затем врачу рассказали, как все это произошло.
Le médecin était un homme subtil, rempli des mystères de la Cabale et de la puissance des paroles et des esprits. Cela le frappa, et, après plusieurs réflexions, il résolut de changer absolument sa pratique. "Voilà un fait bien singulier, dit-il. Je tiens une expérience; il faut la pousser plus loin. Et pourquoi un esprit ne pourrait-il pas transmettre à son ouvrage les mêmes qualités qu'il a lui-même? Ne le voyons-nous pas tous les jours? Au moins cela vaut-il bien la peine de l'essayer. Je suis las des apothicaires: leurs sirops, leurs juleps et toutes les drogues galéniques ruinent les malades et leur santé. Changeons de méthode; éprouvons la vertu des esprits." Sur cette idée, il dressa une nouvelle pharmacie, comme vous allez voir par la description que je vous vais faire des principaux remèdes qu'il mit en pratique:
Tisane purgative.
"Prenez trois feuilles de la Logique d'Aristote en grec, deux feuilles d'un traité de théologie scolastique le plus aigu (comme, par exemple, du subtil Scot), quatre de Paracelse, une d'Avicenne , six d'Averroès, trois de Porphyre, autant de Plotin, autant de Jamblique. Faites infuser le tout pendant vingt-quatre heures, et prenez-en quatre prises par jour."
Purgatif plus violent.
"Prenez dix A... du C... concernant la B... et la C... des I...; faites-les distiller au bain-marie; mortifiez une goutte de l'humeur âcre et piquante qui en viendra dans un verre d'eau commune; avalez le tout avec confiance."
Vomitif.
"Prenez, six harangues, une douzaine d'oraisons funèbres indifféremment, prenant garde pourtant de ne point se servir de celles de M. de N., un recueil de nouveaux opéras, cinquante romans, trente mémoires nouveaux; mettez le tout dans un matras, laissez-le en digestion pendant deux jours, Puis faites-le distiller au feu de sable.
"Et, si tout cela ne suffit pas:
Autre plus puissant.
"Prenez une feuille de papier marbré qui ait servi à couvrir un recueil de pièces des J. F.; faites-la infuser l'espace de trois minutes; faites chauffer une cuillerée de cette infusion; et avalez."
Remède très simple pour guérir de l'asthme.
"Lisez tous les ouvrages du révérend père Maimbourg, ci-devant jésuite, prenant garde de ne vous arrêter qu'à la fin de chaque période, et vous sentirez la faculté de respirer vous revenir peu à peu, sans qu'il soit besoin de réitérer le remède."
Pour préserver de la gale, grattelle, teigne, farcin des chevaux.
"Prenez trois catégories d'Aristote, deux degrés métaphysiques, une distinction, six vers de Chapelain, une phrase tirée des lettres de M. l'abbé de Saint-Cyran, écrivez le tout sur un morceau de papier, que vous plierez, attacherez à un ruban, et porterez au col."
Miraculum chymicum de violenta fermentatione
cum fumo, igne et flamma.
"Misce Quesnellianam infusionem, cum infusions Lallemaniana; fiat fermentatio cum magna vi, impetu et tonitru, acidis pugnantibus et invicem penetrantibus alcalines sales; fiet evaporatio ardentium spirituum. Pone liquorem fermentatum in alambico: nihil inde extrahes et nihil invenies, nisi caput mortuum."
Lenitivum.
"Recipe Molinae anodyni chartas duas; Escobatis relaxativi paginas sex; Vasquii emollientis folium unum; infunde in aquae communis lib. iiij. Ad consumptionem dimidiae partis colentur et exprimantur; et in expressions dissolve Bauni detersivi et Tamburini abluentis folia iij.
"Fiat clister."
In chlorosim, quam vulgus "pallidos colores"
aut "febrim amatoriam" appellat.
"Recipe Aretini figuras quatuor; R. Thomae Sanchii De Matrimonio folia ij. Infundantur in aquae communis libras quinque.
"Fiat ptisana aperiens."
Voilà les drogues que notre médecin mit en pratique avec un succès imaginable. Il ne voulait pas, disait-il, pour ne pas ruiner ses malades, employer des remèdes rares, et qui ne se trouvent presque point; comme, par exemple, une épître dédicatoire qui n'ait fait bâiller personne; une préface trop courte; un mandement fait par un évêque; et l'ouvrage d'un janséniste mérité par un janséniste ou bien admiré par un jésuite. Il disait que ces sortes de remèdes ne sont propres qu'à entretenir la charlatanerie, contre laquelle il avait une antipathie insurmontable.

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Lettre CXLIV. Rica à Usbek/Узбек к Рике

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Je trouvai, il y a quelques jours, dans une maison de campagne où j'étais allé, deux savants qui ont ici une grande célébrité. Leur caractère me parut admirable. La conversation du premier, bien appréciée, se réduisait à ceci: "Ce que j'ai dit est vrai, parce que je l'ai dit." La conversation du second portait sur autre chose: "Ce que je n'ai pas dit n'est pas vrai, parce que je ne l'ai pas dit." Несколько дней тому назад я побывал на даче и встретил там двух ученых, пользующихся здесь большою славой. Их повадки немало меня удивили. Речь первого в сущности сводилась к следующему: "То, что я сказал, - истина, потому что я сказал это". Речь его коллеги сводилась к другому: "То, чего я не говорил, не истина, потому что я не говорил этого".
J'aimais assez le premier: car qu'un homme soit opiniâtre, cela ne me fait absolument rien; mais qu'il soit impertinent, cela me fait beaucoup. Le premier défend ses opinions; c'est son bien. Le second attaque les opinions des autres, et c'est le bien de tout le monde. Мне больше понравился первый, ибо мне совершенно безразлично, если кто-нибудь упрям, а вот если он нахален, это уже имеет для меня большое значение. Первый защищает свои взгляды, они - его достояние. Второй нападает на мнения других, а это уж - достояние общее.
Oh! mon cher Usbek, que la vanité sert mal ceux qui en ont une dose plus forte que celle qui est nécessaire pour la conservation de la nature! Ces gens-là veulent être admirés à force de déplaire. Ils cherchent à être supérieurs, et ils ne sont pas seulement égaux. О любезный мой Рика, как плохо служит тщеславие тем, кто обладает им в большей мере, чем это необходимо для самосохранения: такие люди желают, чтобы ими восхищались на том основании, что они всем неприятны. Они притязают быть выше других, а между тем даже и не равны им.
Hommes modestes, venez, que je vous embrasse vous faites la douceur et le charme de la vie. Vous croyez que vous n'avez rien, et moi, je vous dis que vous avez tout. Vous pensez que vous n'humiliez personne, et vous humiliez tout le monde. Et, quand je vous compare dans mon idée avec ces hommes absolus que je vois partout, je les précipite de leur tribunal, et je les mets à vos pieds. Скромные люди! Придите ко мне, дайте мне обнять вас! Вы составляете усладу и привлекательность жизни. Вы думаете, что никого собою не пристыжаете, а на самом деле пристыжаете всех. И когда я мысленно сравниваю вас с теми совершенствами в человеческом образе, которых встречаю на каждом шагу, я сбрасываю их с пьедестала и повергаю к вашим ногам.
De Paris, le 22 de la lune de Chahban 1720. Из Парижа месяца Шахбана 22-го дня, 1720 года

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Lettre CXLV. Usbek à***/Узбек к ***

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Un homme d'esprit est ordinairement difficile dans les sociétés; il choisit peu de personnes; il s'ennuie avec tout ce grand nombre de gens qu'il lui plaît appeler mauvaise compagnie; il est impossible qu'il ne fasse un peu sentir son dégoût: autant d'ennemis. Умный человек обычно бывает разборчив в отношении общества; он избирает для себя немногих; ему скучно со всей той массой людей, которую он привык называть дурным обществом; поэтому невозможно, чтобы он так или иначе не выказал своего отвращения. А от этого у него множество врагов.
Sûr de plaire quand il voudra, il néglige très souvent de le faire. Будучи уверен, что он может понравиться всегда, стоит ему только захотеть, он этим часто пренебрегает.
Il est porté à la critique, parce qu'il voit plus de choses qu'un autre et les sent mieux. Он склонен к критике, потому что видит и чувствует многое лучше, чем кто-либо другой.
Il ruine presque toujours sa fortune, parce que son esprit lui fournit pour cela un plus grande nombre de moyens. Он почти всегда расточает свое имущество, потому что ум подсказывает ему для этого множество различных способов.
Il échoue dans ses entreprises, parce qu'il hasarde beaucoup. Sa vue, qui se porte toujours loin, lui fait voir des objets qui sont à de trop grandes distances. Sans compter que, dans la naissance d'un projet, il est moins frappé des difficultés, qui viennent de la chose, que des remèdes qui sont de lui, et qu'il tire de son propre fonds. Он терпит крах в своих предприятиях, потому что на многое отваживается. Его взор, заглядывающий всегда далеко, открывает ему предметы, находящиеся на слишком большом расстоянии, не говоря уже о том, что, когда у него возникает какой-нибудь замысел, его меньше поражают трудности, заключающиеся в самой природе данного дела, чем заботят средства, которые зависят от него и которые он извлекает от своих собственных запасов.
Il néglige les menus détails, dont dépend cependant la réussite de presque toutes les grandes affaires. Он пренебрегает мелкими подробностями, от которых, однако, зависит успех почти всех больших предприятий.
L'homme médiocre, au contraire, cherche à tirer parti de tout: il sent bien qu'il n'a rien à perdre en négligences. Напротив, человек посредственный старается из всего извлечь пользу, он сознает, что не может позволить себе пренебрегать чем бы то ни было.
L'approbation universelle est plus ordinairement pour l'homme médiocre. On est charmé de donner à celui-ci, on est enchanté d'ôter à celui-là. Pendant que l'envie fond sur l'un, et qu'on ne lui pardonne rien, on supplée tout en faveur de l'autre: la vanité se déclare pour lui. Всеобщее одобрение бывает обыкновенно на стороне такого среднего человека. Ему всякий рад дать, и всякого же восхищает возможность отнять что-нибудь у человека выдающегося. Над одним тяготеет зависть, и ему ничего не прощают, тогда как в пользу другого делается все: тщеславие становится на его сторону.
Mais, si un homme d'esprit a tant de désavantages, que dirons-nous de la dure condition des savants? Но если просто умному человеку приходится переносить столько невзгод, то что же сказать о тяжелом положении ученых?
Je n'y pense jamais que je ne me rappelle une lettre d'un d'eux à un de ses amis. La voici: Всякий раз, как я задумываюсь над этим, мне вспоминается письмо, написанное одним из них к своему другу. Вот оно:
MONSIEUR, "Милостивый государь!
Je suis un homme qui m'occupe, toutes les nuits, à regarder, avec des lunettes de trente pieds, ces grands corps qui roulent sur nos têtes; et, quand je veux me délasser, je prends mes petits microscopes, et j'observe un ciron ou une mite. Я занимаюсь целые ночи тем, что наблюдаю с помощью тридцатифутовой зрительной трубы те огромные тела, которые вращаются у нас над головой, а когда мне хочется отдохнуть, беру микроскоп и рассматриваю какого-нибудь клеща или моль.
Je ne suis point riche, et je n'ai qu'une seule chambre; je n'ose même y faire du feu, parce que j'y tiens mon thermomètre, et que la chaleur étrangère le ferait hausser. L'hiver dernier, je pensai mourir de froid, et, quoique mon thermomètre, qui était au plus bas degré, m'avertît que mes mains allaient se geler, je ne me dérangeai point, et j'ai la consolation d'être instruit exactement des changements de temps les plus insensibles de toute l'année passée. Я небогат, и у меня только одна комната, которую я даже не решаюсь отапливать, ибо в ней помещается мой термометр, а посторонняя теплота повлияла бы на его показания. В прошлую зиму я чуть было не умер от холода, и хотя мой термометр, стоявший на самом нижнем делении, предупреждал меня, что руки у меня сейчас замерзнут, я нисколько не смущался. Зато я утешаюсь тем, что точно изучил малейшие изменения погоды за весь прошлый год.
Je me communique fort peu, et, de tous les gens que je vois, je n'en connais aucun. Mais il y a un homme à Stockholm, un autre à Leipsick, un autre à Londres, que je n'ai jamais vus, et que je ne verrai sans doute jamais, avec lesquels j'entretiens une correspondance si exacte, que je ne laisse pas passer un courrier sans leur écrire. Я мало с кем общаюсь и незнаком ни с кем из людей, которых вижу. Но есть один человек в Стокгольме, другой в Лейпциге, третий в Лондоне, которых я никогда не видел и несомненно никогда не увижу, но с которыми я поддерживаю такую деятельную переписку, что не пропускаю ни одного курьера, чтобы не послать с ним письма.
Mais, quoique je ne connaisse personne dans mon quartier, j'y suis dans une si mauvaise réputation, que je serai, à la fin, obligé de le quitter. Il y a cinq ans que je fus rudement insulté par une de mes voisines pour avoir fait la dissection d'un chien qu'elle prétendait lui appartenir. La femme d'un boucher, qui se trouva là, se mit de la partie, et, pendant que celle-là m'accablait d'injures, celle-ci m'assommait à coups de pierres, conjointement avec le docteur, qui était avec moi, et qui reçut un coup terrible sur l'os frontal et occipital, dont le siège de sa raison fut très ébranlé. Но хотя я никого и не знаю в своем околотке, за мною упрочилась такая дурная слава, что я вынужден буду уехать отсюда. Лет пять тому назад меня грубо оскорбила соседка за то, что я анатомировал собаку, которая, по ее словам, принадлежала ей. Жена мясника, слышавшая ее обвинения, стала на ее сторону, и в то время как первая осыпала меня отборной бранью, другая начала швырять камнями в меня и в бывшего со мною доктора Л., причем он получил ужасный удар в лобную и затылочную кости, отчего вместилище его разума было сильно потрясено.
Depuis ce temps-là, dès qu'il s'écarte quelque chien au bout de la rue, il est aussitôt décidé qu'il a passé par mes mains. Une bonne bourgeoise, qui en avait perdu un petit, qu'elle aimait, disait-elle, plus que ses enfants, vint l'autre jour s'évanouir dans ma chambre; et, ne le trouvant pas, elle me cita devant le magistrat. Je crois que je ne serai jamais délivré de la malice importune de ces femmes, qui, avec leurs voix glapissantes, m'étourdissent sans cesse de l'oraison funèbre de tous les automates qui sont morts depuis dix ans. С тех пор, как только исчезнет какая-нибудь собака, сейчас же решают, что она попала ко мне в руки. На днях некая добросердечная мещанка, где-то потерявшая свою собачонку, которую, по ее словам, она любила больше собственных детей, явилась ко мне и упала в обморок; не обнаружив у меня собаки, она притянула меня к суду. Я, кажется, никогда не избавлюсь от докучливой злобы этих женщин, они беспрестанно оглушают меня своими визгливыми голосами, своими надгробными речами над всеми собаками, умершими за последние десять лет.
Je suis, etc. Имею честь быть, и т.д.".
Tous les savants étaient autrefois accusés de magie. Je n'en suis point étonné. Chacun disait en lui même: "J'ai porté les talents naturels aussi loin qu'ils peuvent aller; cependant un certain savant a des avantages sur moi: il faut bien qu'il y ait là quelque diablerie." Некогда всех ученых обвиняли в колдовстве. Меня это нисколько не удивляет. Каждый рассуждал про себя: "Я развил свои природные дарования насколько это было возможно, а между тем такой-то ученый имеет преимущества предо мною: очевидно, тут вмешалась какая-то чертовщина".
A présent que ces sortes d'accusation sont tombées dans le décri, on a pris un autre tour, et un savant ne saurait guère éviter le reproche d'irréligion ou d'hérésie. Il a beau être absous par le peuple: la plaie est faite; elle ne se fermera jamais bien. C'est toujours pour lui un endroit malade. Un adversaire viendra, trente ans après, lui dire modestement: "A Dieu ne plaise que je dise que ce dont on vous accuse soit vrai! Mais vous avez été obligé de vous défendre." C'est ainsi qu'on tourne contre lui sa justification même. В наше время, когда подобные обвинения потеряли убедительность, принялись за другое: ученому никак не удается избежать упреков в безбожии или ереси. И даже если народ даст ему полное отпущение грехов, все равно рана нанесена: она никогда не закроется и навсегда останется его больным местом. Лет тридцать спустя какой-нибудь соперник скажет ему со смиренным видом: "Взведенное на вас обвинение не было справедливо, - боже избави! - но все же вам пришлось оправдываться..." Так обращают против него даже его оправдание!
S'il écrit quelque histoire et qu'il ait de la noblesse dans l'esprit et quelque droiture dans le coeur, on lui suscite mille persécutions. On ira contre lui soulever le magistrat sur un fait qui s'est passé il y a mille ans, et on voudra que sa plume soit captive, si elle n'est pas vénale. Если он пишет какую-нибудь историю и притом наделен благородством ума и прямотою сердца, то против него возбуждают всяческие преследования. На него натравят власть предержащую за какой-нибудь факт, случившийся тысячу лет назад, и постараются наложить оковы на его перо, если оно не продажно.
Plus heureux cependant que ces hommes lâches qui abandonnent leur foi pour une médiocre pension; qui, à prendre toutes leurs impostures en détail, ne les vendent pas seulement une obole; qui renversent la constitution de l'empire, diminuent les droits d'une puissance, augmentent ceux d'une autre, donnent aux princes, ôtent aux peuples, font revivre des droits surannés, flattent les passions qui sont en crédit de leur temps, et les vices qui sont sur le trône; imposant à la postérité d'autant plus indignement qu'elle a moins de moyens de détruire leur témoignage. Однако он все же счастливее тех подлых людей, которые отрекаются от своих убеждений ради ничтожной пенсии, причем за каждый из своих обманов в отдельности не выручают и полушки; которые ниспровергают государственное устройство, умаляют права одной власти и увеличивают права другой; дают государям, отнимают у народов; воскрешают устарелые права; льстят страстям, распространенным в их время, и порокам, пробравшимся на трон, и обманывают потомство тем более недостойным образом, что оно располагает меньшими возможностями опровергнуть их свидетельства.
Mais ce n'est point assez pour un auteur d'avoir essuyé toutes ces insultes; ce n'est point assez pour lui d'avoir été dans une inquiétude continuelle sur le succès de son ouvrage. Il voit le jour enfin, cet ouvrage qui lui a tant coûté: il lui attire des querelles de toutes parts. Et comment les éviter? Il avait un sentiment; il l'a soutenu par ses écrits; il ne savait pas qu'un homme, à deux cents lieues de lui, avait dit tout le contraire. Voilà cependant la guerre qui se déclare. Но мало того, что ученый испытывает все эти оскорбления, мало того, что он находится в состоянии постоянного беспокойства по поводу успеха своего произведения: когда, наконец, в один прекрасный день это сочинение, так дорого ему обошедшееся, выходит из печати, на него со всех сторон начинают сыпаться нападки. А как их избежать? У человека сложилось известное мнение, он выразил его в своем сочинении, не зная, что в двухстах милях оттуда другой ученый высказал взгляды, совершенно противоположные. И вот между ними начинается война.
Encore s'il pouvait espérer d'obtenir quelque considération! Non. Il n'est tout au plus estimé que de ceux qui se sont appliqués au même genre de science que lui. Un philosophe a un mépris souverain pour un homme qui a la tête chargée de faits, et il est, à son tour, regardé comme un visionnaire par celui qui a une bonne mémoire. Если бы он еще мог надеяться заслужить некоторое уважение! Нет: в лучшем случае его уважают только те, кто занят той же отраслью науки, что и он. Философ свысока глядит на человека, у которого голова набита фактами, а на него, в свою очередь, смотрит как на фантазера тот, кто обладает хорошей памятью.
Quant à ceux qui font profession d'une orgueilleuse ignorance, ils voudraient que tout le genre humain fût enseveli dans l'oubli où ils seront eux-mêmes. Что касается людей, сделавших своим ремеслом спесивое невежество, то им бы хотелось, чтобы весь род людской был погружен в полное забвение, какое постигнет их самих.
Un homme à qui il manque un talent se dédommage en le méprisant: il ôte cet obstacle qu'il rencontrait entre le mérite et lui, et, par là, se trouve au niveau de celui dont il redoute les travaux. Человек, лишенный всякого таланта, вознаграждает себя тем, что презирает его: этим он устраняет препятствие, стоящее между ним и заслуженным уважением, и таким образом оказывается на одном уровне с теми, чьи труды его раздражают.
Enfin, il faut joindre à une réputation équivoque la privation des plaisirs et la perte de la santé. Наконец, к нелестной репутации ученых нужно прибавить еще и другие неприятности: отказ от удовольствий и потерю здоровья.
De Paris, le 26 de la lune de Chahban 1720. Из Парижа, месяца Шахбана 20-го дня, 1720 года

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Lettre CXLVI. Usbek à Rhédi, à Venise/Узбек к Реди в Венецию

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Il y a longtemps que l'on a dit que la bonne foi était l'âme d'un grand ministère. Давно уже было сказано, что добросовестность - душа хорошего министра.
Un particulier peut jouir de l'obscurité où il se trouve: il ne se décrédite que devant quelques gens; il se tient couvert devant les autres; mais un ministre qui manque à la probité a autant de témoins, autant de juges, qu'il y a de gens qu'il gouverne. Частные лица могут наслаждаться своим незаметным положением: они роняют себя во мнении только нескольких людей, от других же они укрыты. Но у министра, погрешившего против честности, столько же свидетелей, столько же судей, сколько людей состоит под его управлением.
Oserai-je le dire? Le plus grand mal que fait un ministre sans probité n'est pas de desservir son prince et de ruiner son peuple; il y en a un autre, à mon avis, mille fois plus dangereux: c'est le mauvais exemple qu'il donne. Осмелюсь ли сказать? Величайшее зло, причиняемое нечестным министром, состоит не в том, что он дурно служит своему государю и разоряет народ, а в том, что он подает дурной пример, - а это, полагаю я, в тысячу раз опаснее.
Tu sais que j'ai longtemps voyagé dans les Indes. J'y ai vu une nation, naturellement généreuse, pervertie en un instant, depuis le dernier de ses sujets jusqu'aux plus grands, par le mauvais exemple d'un ministre. J'y ai vu tout un peuple, chez qui la générosité, la probité, la candeur et la bonne foi ont passé de tous temps pour les qualités naturelles, devenir tout à coup le dernier des peuples; le mal se communiquer et n'épargner pas même les membres les plus sains; les hommes les plus vertueux faire des choses indignes et violer les premiers principes de la justice, sur ce vain prétexte qu'on la leur avait violée. Ты знаешь, что я долго путешествовал по Индии. Я видел там народ, великодушный от природы, но быстро развратившийся, от самого последнего из подданных до самого высокопоставленного, благодаря дурному примеру, подданному одним министром. Я видел там, как целый народ, испокон веков отличавшийся великодушием, честностью, душевной чистотой и добросовестностью, внезапно сделался последним из народов; как зло распространялось, не щадя даже наиболее здоровых членов; как самые добродетельные люди совершали недостойные поступки и попирали самые основные начала справедливости под тем пустым предлогом, что они были попраны в отношении их самих.
Ils appelaient des lois odieuses en garantie des actions les plus lâches, et nommaient nécessité l'injustice et la perfidie. Они ссылались на отвратительные законы в оправдание самых подлых действий и называли необходимостью несправедливость и вероломство.
J'ai vu la foi des contrats bannie, les plus saintes conventions anéanties, toutes les lois des familles renversées. J'ai vu des débiteurs avares, fiers d'une insolente pauvreté, instruments indignes de la fureur des lois et de la rigueur des temps, feindre un paiement au lieu de le faire, et porter le couteau dans le sein de leurs bienfaiteurs. Я видел, как подорвана была вера в нерушимость договоров, как попраны были священнейшие соглашения, как нарушены были все семейные законы. Я видел, как алчные должники, - эти недостойные орудия свирепых законов и сурового времени, - гордясь своей наглой нищетой, притворялись, будто платят долг, а на самом деле вонзали нож в грудь своих благодетелей.
J'en ai vu d'autres, plus indignes encore, acheter presque pour rien, ou plutôt ramasser de terre des feuilles de chêne, pour les mettre à la place de la substance des veuves et des orphelins. Я видел, как другие, еще более недостойные, покупали почти даром или, вернее, попросту подбирали с земли дубовые листья и подменяли ими пропитание вдов и сирот.
J'ai vu naître soudain, dans tous les coeurs, une soif insatiable des richesses. J'ai vu se former en un moment une détestable conjuration de s'enrichir, non par un honnête travail et une généreuse industrie, mais par la ruine du prince, de l'Etat et des concitoyens. Я видел, как внезапно во всех сердцах зародилась неутолимая жажда богатства. Я видел, как в одно мгновение создался отвратительный заговор с целью разбогатеть не при помощи честного труда и благородной изобретательности, но путем разорения монарха, государства и сограждан.
J'ai vu un honnête citoyen, dans ces temps malheureux, ne se coucher qu'en disant: "J'ai ruiné une famille aujourd'hui; j'en ruinerai une autre demain." В это лихое время я видел, как честный гражданин не ложился спать иначе, как со словами: "Сегодня я разорил одно семейство, завтра пущу по миру другое".
"Je vais, disait un autre, avec un homme noir qui porte une écritoire à la main et un fer pointu à l'oreille, assassiner tous ceux à qui j'ai de l'obligation." "Я хожу, - говорил другой, - с черным человеком, несущим чернильницу в руке и отточенную железку за ухом, чтобы убивать всех, кому я чем-либо обязан".
Un autre disait: "Je vois que j'accommode mes affaires. Il est vrai que, lorsque j'allai, il y a trois jours, faire un certain paiement, je laissai toute une famille en larmes, que je dissipai la dot de deux honnêtes filles, que j'ôtai l'éducation à un petit garçon. Le père en mourra de douleur, la mère périt de tristesse; mais je n'ai fait que ce qui est permis par la loi." Третий говорил: "Дела мои идут на лад. Правда, когда три дня тому назад я расплатился с кредитором, я оставил там целую семью в слезах, обратил в ничто приданое двух честных девушек, лишил образования сынишку. Отец их умрет с горя, мать изнывает с тоски; но я не сделал ничего такого, что не было бы дозволено законом".
Quel plus grand crime que celui que commet un ministre lorsqu'il corrompt les moeurs de toute une nation, dégrade les âmes les plus généreuses, ternit l'éclat des dignités, obscurcit la vertu même, et confond la plus haute naissance dans le mépris universel? Может ли быть преступление больше того, какое совершает министр, когда он развращает нравы целого народа, оскверняет самые благородные души, лишает блеска человеческие достоинства, помрачает самую добродетель и подвергает общему презрению даже наиболее прославленные имена?
Que dira la postérité lorsqu'il lui faudra rougir de la honte de ses pères? Que dira le peuple naissant lorsqu'il comparera le fer de ses aieux avec l'or de ceux à qui il doit immédiatement le jour? Je ne doute pas que les nobles ne retranchent de leurs quartiers un indigne degré de noblesse, qui les déshonore, et ne laissent la génération présente dans l'affreux néant où elle s'est mise. Что скажет потомство, когда ему придется краснеть от стыда за своих отцов? Что скажет молодое поколение, когда сравнит железо своих предков с золотом тех, кому оно непосредственно обязано жизнью? Я не сомневаюсь, что дворяне вычеркнут из своих родословных это недостойное, позорящее их звено и оставят нынешнее поколение в том ужасающем ничтожестве, в которое оно впало по собственной вине.
De Paris, le 11 de la lune de Rhamazan 1720. Из Парижа, месяца Рамазана 11-го дня, 1720 года.

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Lettre CXLVII. Le grand eunuque à Usbek, à Paris/Главный евнух к Узбеку в Париж

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Les choses sont venues à un état qui ne se peut plus soutenir: tes femmes se sont imaginé que ton départ leur laissait une impunité entière; il se passe ici des choses horribles. Je tremble moi-même au cruel récit que je vais te faire. Положение у нас стало совершенно невозможным: твои жены вообразили, будто в твое отсутствие им предоставлена полная безнаказанность. Здесь происходят ужаснейшие вещи. Я содрогаюсь при мысли о жестоком отчете, который собираюсь представить тебе.
Zélis, allant il y a quelques jours à la mosquée, laissa tomber son voile et parut presque à visage découvert devant tout le peuple. Несколько дней тому назад Зели, отправляясь в мечеть, откинула покрывало и появилась перед всем народом почти что с открытым лицом.
J'ai trouvé Zachi couchée avec une de ses esclaves, chose si défendue par les lois du sérail. Я застал Заши в постели с одной из ее рабынь, - она позволила себе нарушить строжайший закон сераля.
J'ai surpris, par le plus grand hasard du monde, une lettre que je t'envoie; je n'ai jamais pu découvrir à qui elle était adressée. Благодаря исключительному случаю я перехватил прилагаемое при сем письмо: мне так и не удалось установить, кому оно было предназначено.
Hier au soir, un jeune garçon fut trouvé dans le jardin du sérail, et il se sauva par-dessus les murailles. Вчера вечером в саду сераля был обнаружен какой-то юноша, но он перелез через стену и убежал.
Ajoute à cela ce qui n'est pas parvenu à ma connaissance; car sûrement tu es trahi. J'attends tes ordres, et jusques à l'heureux moment que je les recevrai, je vais être dans une situation mortelle. Mais, si tu ne mets toutes ces femmes à ma discrétion, je ne te réponds d'aucune d'elles, et j'aurai tous les jours des nouvelles aussi tristes à te mander. Прибавь к этому еще и все то, что могло остаться мне неизвестным; ибо нет сомнений, что тебе изменяют. Жду твоих приказаний, а впредь до счастливого часа, когда я их получу, я буду жить в смертельной тревоге. Но если ты не предоставишь мне поступать с этими женщинами по моему усмотрению, я не отвечаю ни за одну из них, и мне каждодневно придется сообщать тебе такие же печальные новости, как сегодня.
Du sérail d'Ispahan, le premier de la lune de Rhégeb 1717. Из испаганского сераля, месяца Реджеба 1-го дня, 1717 года.

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Lettre CXLVIII. Usbek au premier eunuque, au sérail d'Ispahan/Узбек к главному евнуху в испаганский сераль

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Recevez par cette lettre un pouvoir sans bornes sur tout le sérail: commandez avec autant d'autorité que moi-même. Que la crainte et la terreur marchent avec vous; courez d'appartements en appartements porter les punitions et les châtiments. Que tout vive dans la consternation; que tout fonde en larmes devant vous. Interrogez tout le sérail; commencez par les esclaves. N'épargnez pas mon amour: que tout subisse votre tribunal redoutable. Mettez au jour les secrets les plus cachés. Purifiez ce lieu infâme, et faites-y rentrer la vertu bannie: car, dès ce moment, je mets sur votre tête les moindres fautes qui se commettront. Je soupçonne Zélis d'être celle à qui la lettre que vous avez surprise s'adressait. Examinez cela avec des yeux de lynx. Настоящим письмом вручаю тебе безграничную власть над всем сералем; распоряжайся так же полновластно, как делал бы я сам. Пусть страх и трепет сопутствуют тебе; поспешай из покоя в покой, наказывая и карая. Пусть все пребывают в ужасе; пусть все исходят слезами перед тобой. Допроси весь сераль; начни с рабынь. Не считайся с моей любовью; пусть все без исключения пройдут перед твоим грозным судом. Раскрой самые сокровенные тайны. Очисти это нечестивое место и верни в него изгнанную добродетель; с этой минуты на твою голову падут малейшие проступки, которые будут там совершены. Я подозреваю, что перехваченное тобою письмо предназначалось Зели. Рассмотри все это глазами рыси.
De***, le 11 de la lune de Zilhagé 1718. Из ***, месяца Зильхаже 11-го дня, 1718 года.

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Lettre CXLIX. Narsit à Usbek, à Paris/Нарсит к Узбеку в Париж

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Le grand eunuque vient de mourir, magnifique Seigneur. Comme je suis le plus vieux de tes esclaves, j'ai pris sa place jusques à ce que tu aies fait connaître sur qui tu veux jeter les yeux. Блистательный повелитель! Главный евнух умер. Как старейший из твоих рабов, я заступил его место до тех пор, пока ты не соблаговолишь сообщить, на кого пал твой выбор.
Deux jours après sa mort, on m'apporta une de tes lettres qui lui était adressée; je me suis bien gardé de l'ouvrir: je l'ai enveloppée avec respect, et l'ai serrée jusques à ce que tu m'aies fait connaître tes sacrées volontés. Два дня спустя после его смерти мне подали твое письмо, присланное на его имя. Я не осмелился вскрыть его; я его благоговейно завернул и запер в ожидании, когда ты сообщишь мне свою священную волю.
Hier, un esclave vint, au milieu de la nuit, me dire qu'il avait trouvé un jeune homme dans le sérail. Je me levai, j'examinai la chose, et je trouvai que c'était une vision. Вчера, посреди ночи, меня разбудил раб и сказал, что обнаружил в серале какого-то юношу. Я встал, разобрался в деле и пришел к выводу, что ему просто померещилось.
Je te baise les pieds, sublime Seigneur, et je te prie de compter sur mon zèle, mon expérience et ma vieillesse. Лобзаю твои стопы, высокий повелитель, и прошу тебя положиться на мое усердие, опытность и старость.
Du sérail d'Ispahan, le 5 de la lune de Gemmadi 1, 1718. Из испаганского сераля, месяца Джеммади 1, 5-го дня, 1718 года.

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Lettre CL. Usbek à Narsit, au sérail d'Ispahan/Узбек к Нарситу в испаганский сераль

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Malheureux que vous êtes! vous avez dans vos mains des lettres qui contiennent des ordres prompts et violents; le moindre retardement peut me désespérer, et vous demeurez tranquille sous un vain prétexte! Несчастный! В твоих руках письма, содержащие срочные и строжайшие распоряжения: малейшая проволочка может ввергнуть меня в отчаяние, а ты под пустым предлогом бездействуешь!
Il se passe des choses horribles: j'ai peut-être la moitié de mes esclaves qui méritent la mort. Je vous envoie la lettre que le premier eunuque m'écrivit là-dessus avant de mourir. Si vous aviez ouvert le paquet qui lui est adressé, vous y auriez trouvé des ordres sanglants. Lisez-les donc, ces ordres, et vous périrez si vous ne les exécutez pas. Происходят страшные вещи: быть может, половина моих рабов заслуживает смерти. Пересылаю тебе письмо, которое написал мне об этом перед смертью евнух. Если бы ты вскрыл мое послание к нему, то нашел бы там кровавые приказания. Прочти же их и знай, что тебе несдобровать, если не выполнишь все в точности.
De***, le 25 de la lune de Chalval 1718. Из ***, месяца Шальвала 25-го дня, 1718 года.

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Lettre CLI. Solim à Usbek, à Paris/Солим к Узбеку в Париж

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Si je gardais plus longtemps le silence, je serais aussi coupable que tous ces criminels que tu as dans le sérail. Если бы я дольше хранил молчание, я был бы так же виновен, как преступники, которые завелись у тебя в серале.
J'étais le confident du grand eunuque, le plus fidèle de tes esclaves. Lorsqu'il se vit près de sa fin, il me fit appeler et me dit ces paroles: "Je me meurs; mais le seul chagrin que j'ai en quittant la vie, c'est que mes derniers regards ont trouvé les femmes de mon maître criminelles. Le ciel puisse le garantir de tous les malheurs que je prévois! Puisse, après ma mort, mon ombre menaçante venir avertir ces perfides de leur devoir et les intimider encore Voilà les clefs de ces redoutables lieux. Va les porter au plus vieux des noirs. Mais si, après ma mort, il manque de vigilance, songe à en avertir ton maître." En achevant ces mots, il expira dans mes bras. Я был поверенным главного евнуха, преданнейшего из твоих рабов. Когда он понял, что приходит ему конец, он послал за мною и сказал мне следующие слова: "Я умираю; но, покидая жизнь, я скорблю лишь о том, что в последние минуты мне довелось стать свидетелем преступного поведения жен моего господина. Да упасет его небо от тех несчастий, которые я предвижу! Пусть грозная тень моя после смерти явится и напомнит этим вероломным об их долге и устрашит их еще раз! Вот ключи от запретных покоев. Отнеси их самому старому из черных евнухов. Но если после моей смерти окажется, что он проявляет мало бдительности, немедленно доложи об этом нашему повелителю". С этими словами он испустил дух у меня на руках.
Je sais ce qu'il t'écrivit, quelque temps avant sa mort, sur la conduite de tes femmes: il y a dans le sérail une lettre qui aurait porté la terreur avec elle, si elle avait été ouverte. Celle que tu as écrite depuis a été surprise à trois lieues d'ici. Je ne sais ce que c'est: tout se tourne malheureusement. Я знаю, что незадолго до смерти он написал тебе о поведении твоих жен. В серале хранится твое письмо, которое привело бы всех в ужас, будь оно распечатано. Другое же, написанное тобою позже, было перехвачено за три мили отсюда. Не знаю, в чем тут дело: невзгоды преследуют нас.
Cependant tes femmes ne gardent plus aucune retenue: depuis la mort du grand eunuque, il semble que tout leur soit permis. La seule Roxane est restée dans le devoir, et conserve de la modestie. On voit les moeurs se corrompre tous les jours. On ne trouve plus sur le visage de tes femmes cette vertu mâle et sévère qui y régnait autrefois: une joie nouvelle, répandue dans ces lieux, est un témoignage infaillible, selon moi, de quelque satisfaction nouvelle; dans les plus petites choses, je remarque des libertés jusqu'alors inconnues. Il règne même parmi tes esclaves une certaine indolence pour leur devoir et pour l'observation des règles, qui me surprend: ils n'ont plus ce zèle ardent pour ton service qui semblait animer tout le sérail. Между тем твои жены совершенно распустились: с того дня, как умер главный евнух, им как будто все стало позволено. Одна только Роксана осталась верна долгу и по-прежнему скромна. Добронравие забывается с каждым днем. На лицах твоих жен не видна уже былая добродетель, дышавшая силой и строгостью; в серале заметно какое-то небывалое ликование, свидетельствующее об утрате этой добродетели и происходящее, по-моему, от недавно полученного удовлетворения. Даже в мелочах замечаю я неведомые доселе вольности. Даже среди рабов воцарилось явное пренебрежение к своим обязанностям и к соблюдению правил, что меня очень удивляет: у них уже не видно того пылкого усердия к твоей службе, которое раньше, казалось, одушевляло весь сераль.
Tes femmes ont été huit jours à la campagnes à une de tes maisons les plus abandonnées. On dit que l'esclave qui en a soin a été gagné, et qu'un jour avant qu'elles arrivassent, il avait fait cacher deux hommes dans un réduit de pierre qui est dans la muraille de la principale chambre, d'où ils sortaient le soir, lorsque nous étions retirés. Le vieux eunuque qui est à présent à notre tête est un imbécile, à qui l'on fait croire tout ce qu'on veut. Твои жены провели неделю в деревне на одной из самых уединенных твоих дач. Говорят, смотритель дачи был подкуплен и за день до их приезда спрятал двоих мужчин в каменном чулане, устроенном в стене главного покоя, и что эти мужчины выходили оттуда по вечерам, когда мы удалялись. Старый евнух, возглавляющий нас в настоящее время, - дурак, которого можно уверить в чем угодно.
Je suis agité d'une colère vengeresse contre tant de perfidies, et, si le ciel voulait, pour le bien de ton service, que tu me jugeasses capable de gouverner, je te promets que, si tes femmes n'étaient pas vertueuses, au moins elles seraient fidèles. Я охвачен гневом и жаждой мести за такое вероломство, и если бы небу угодно было, для пользы твоей службы, чтобы ты почел меня способным управлять сералем, обещаю тебе, что если твои жены и не станут добродетельными, то станут по крайней мере верными.
Du sérail d'Ispahan, le 6 de la lune de Rébiab 1, 1719. Из испаганского сераля, месяца Ребиаба 1, 6-го дня, 1719 года

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Lettre CLII. Narsit à Usbek, à Paris/Нарсит к Узбеку в Париж

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Roxane et Zélis ont souhaité d'aller à la campagne; je n'ai pas cru devoir le leur refuser. Heureux Usbek! tu as des femmes fidèles et des esclaves vigilants: je commande en des lieux où la vertu semble s'être choisi un asile. Compte qu'il ne s'y passera rien que tes yeux ne puissent soutenir. Роксана и Зели пожелали поехать на дачу: я не нашел целесообразным им отказать. Счастливый Узбек! У тебя верные жены и бдительные рабы; я начальствую над местами, которые добродетель как будто избрала себе убежищем. Будь уверен: здесь не случится ничего, что могло бы оскорбить твой взор.
Il est arrivé un malheur qui me met en grande peine. Quelques marchands arméniens, nouvellement arrivés à Ispahan, avaient apporté une de tes lettres pour moi; j'ai envoyé un esclave pour la chercher; il a été volé à son retour, et la lettre est perdue. Ecris-moi donc promptement: car je m'imagine que, dans ce changement, tu dois avoir des choses de conséquence à me mander. У нас случилась беда, которою я очень удручен. Армянские купцы, приехавшие недавно в Испагань, привезли мне письмо от тебя; я послал за ним раба; на обратном пути его ограбили, и письмо пропало. Напиши мне поскорее, ибо, думаю, ввиду наступивших перемен у тебя должны быть для меня важные приказания.
Du sérail de Fatmé, le de la lune de Rébiab 1719. Из сераля Фатимы, месяца Ребиаба 1, 6-го дня, 1719 года

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Lettre CLIII. Usbek à Solim, au sérail d'Ispahan/Узбек к Солиму в испаганский сераль

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Je te mets le fer à la main. Je te confie ce que j'ai à présent dans le monde de plus cher, qui est ma vengeance. Entre dans ce nouvel emploi; mais n'y porte ni coeur ni pitié. J'écris à mes femmes de t'obéir aveuglément. Dans la confusion de tant de crimes, elles tomberont devant tes regards. Il faut que je te doive mon bonheur et mon repos. Rends-moi mon sérail comme je l'ai laissé; mais commence par l'expier. Extermine les coupables, et fais trembler ceux qui se proposaient de le devenir. Que ne peux-tu pas espérer de ton maître pour des services si signalés? Il ne tiendra qu'à toi de te mettre au-dessus de ta condition même, et de toutes les récompenses que tu as jamais désirées. Влагаю в твои руки меч. Я доверяю тебе то, что для меня в настоящее время дороже всего на свете: месть. Вступи в новую должность и не знай при этом ни жалости, ни сострадания. Я пишу к своим женам, чтобы они слепо тебе повиновались. Устыдясь стольких преступлений, они склонятся перед твоим взором. Пусть буду я тебе обязан своим счастьем и покоем. Приведи мой сераль в то же состояние, в каком я его оставил; но начни с возмездия: уничтожь виновных и приведи в содрогание тех, кто уже готов был провиниться. За такие заслуги можешь надеяться на любую награду! От тебя одного зависит возвыситься над своим настоящим положением и получить такие награды, о которых ты и не мечтал.
De Paris, le 4 de la lune de Chahban 1719. Из Парижа, месяца Шахбана 4-го дня, 1719 года

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Lettre CLIV. Usbek à ses femmes, au sérail d'Ispahan/Узбек к своим женам в испаганский сераль

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Puisse cette lettre être comme la foudre qui tombe au milieu des éclairs et des tempêtes! Solim est votre premier eunuque, non pas pour vous garder, mais pour vous punir. Que tout le sérail s'abaisse devant lui. Il doit juger vos actions passées, et, pour l'avenir, il vous fera vivre sous un joug si rigoureux que vous regretterez votre liberté, si vous ne regrettez pas votre vertu. Пусть это письмо разразится над вами, как гром среди молний и бури! Солим назначен вашим главным евнухом не для того, чтобы стеречь вас, но чтобы вас наказывать. Пусть весь сераль преклонится перед ним! Он должен судить вас за ваши прошлые поступки, а в будущем станет держать вас под таким суровым ярмом, что вы пожалеете о прежней своей свободе, раз уж не жалеете о своей добродетели.
De Paris, le de la lune de Chahban 1719. Из Парижа, месяца Шахбана 4-го дня, 1719 года

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Lettre CLV. Usbek à Nessir, à Ispahan/Узбек к Нессиру в Испагань

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Heureux celui qui, connaissant le prix d'une vie douce et tranquille, repose son coeur au milieu de sa famille et ne connaît d'autre terre que celle qui lui a donné le jour! Счастлив тот, кто, зная всю цену приятной и спокойной жизни, отдыхает сердцем в лоне своей семьи и не знает иной страны, кроме той, которая дала ему жизнь.
Je vis dans un climat barbare, présent à tout ce qui m'importune, absent de tout ce qui m'intéresse. Une tristesse sombre me saisit; je tombe dans un accablement affreux: il me semble que je m'anéantis, et je ne me retrouve moi-même que lorsqu'une sombre jalousie vient s'allumer et enfanter dans mon âme la crainte, les soupçons, la haine et les regrets. Я живу в варварской стране, общаясь со всем, что мне несносно, лишенный всего, что мне дорого. Безысходная тоска охватывает меня; я впадаю в страшное уныние: мне кажется, будто я умер, и я прихожу в себя лишь тогда, когда мрачная ревность разгорается во мне и порождает в душе моей страх, подозрения, ненависть и сожаление.
Tu me connais, Nessir; tu as toujours vu dans mon coeur comme dans le tien. Je te ferais pitié si tu savais mon état déplorable. J'attends quelquefois six mois entiers des nouvelles du sérail; je compte tous les instants qui s'écoulent; mon impatience me les allonge toujours; et, lorsque celui qui a été tant attendu est prêt d'arriver, il se fait dans mon coeur une révolution soudaine: ma main tremble d'ouvrir une lettre fatale. Cette inquiétude qui me désespérait, je la trouve l'état le plus heureux où je puisse être, et je crains d'en sortir par un coup plus cruel pour moi que mille morts. Ты знаешь меня, Нессир: ты всегда читал в моем сердце, как в своем собственном. Ты пожалел бы меня, если бы знал, в каком плачевном состоянии я нахожусь. Иногда по целых полгода ожидаю я вестей из сераля: я считаю бегущие мгновения; нетерпение еще больше удлиняет их, а когда долгожданный миг приближается, в моем сердце совершается внезапная перемена: рука дрожит, распечатывая роковое письмо. Терзавшее меня беспокойство я начинаю считать самым для себя счастливым состоянием и боюсь, что меня выведет из него удар, более жестокий, нежели тысяча смертей.
Mais, quelque raison que j'aie eue de sortir de ma patrie, quoique je doive ma vie à ma retraite, je ne puis plus, Nessir, rester dans cet affreux exil. Eh! ne mourrais-je pas tout de même, en proie à mes chagrins? J'ai pressé mille fois Rica de quitter cette terre étrangère; mais il s'oppose à toutes mes résolutions: il m'attache ici par mille prétextes; il semble qu'il ait oublié sa patrie, ou plutôt il semble qu'il m'ait oublié moi-même, tant il est insensible à mes déplaisirs. Но как бы ни были основательны причины, заставившие меня покинуть родину, как ни обязан я этому отъезду самою жизнью, я не могу больше, Нессир, терпеть это ужасное изгнание. Здесь я все равно умру от тоски. Я тысячу раз убеждал Рику уехать из этой чужой земли, но он противится всем моим доводам; он удерживает меня здесь под всяческими предлогами; он как будто забыл отчизну или скорее забыл обо мне: до такой степени он равнодушен к моим страданиям.
Malheureux que je suis! Je souhaite de revoir ma patrie, peut-être pour devenir plus malheureux encore! Eh! qu'y ferai-je? Je vais rapporter ma tête à mes ennemis. Ce n'est pas tout: j'entrerai dans le sérail; il faut que j'y demande compte du temps funeste de mon absence. Et si j'y trouve des coupables, que deviendrai-je? Et si la seule idée m'accable de si loin, que sera-ce, lorsque ma présence la rendra plus vive? Que sera-ce, s'il faut que je voie, s'il faut que j'entende ce que je n'ose imaginer sans frémir? Que sera-ce, enfin, s'il faut que des châtiments que je prononcerai moi-même soient des marques éternelles de ma confusion et de mon désespoir? О, я несчастный! Я жажду вновь увидеть родину, может быть для того только, чтобы стать еще несчастнее! Да и что мне там делать? Я головою выдам себя моим врагам. Это еще не все: я войду в сераль, и мне придется потребовать отчет за печальное время моего отсутствия. А что будет со мною, если в серале найдутся провинившиеся? Если одна только мысль об этом удручает меня, когда я так далеко, то что же будет, когда в моем присутствии она обратится в действительность? Что будет, если я увижу, если услышу то, чего и вообразить себе не могу без содрогания? Что будет, наконец, если приговор, который я сам же и произнесу, останется вечным свидетельством моего позора и отчаяния?
J'irai m'enfermer dans des murs plus terribles pour moi que pour les femmes qui y sont gardées. J'y porterai tous mes soupçons; leurs empressements ne m'en déroberont rien; dans mon lit, dans leurs bras, je ne jouirai que de mes inquiétudes; dans un temps si peu propre aux réflexions, ma jalousie trouvera à en faire. Rebut indigne de la nature humaine, esclaves vils dont le coeur a été fermé pour jamais à tous les sentiments de l'amour, vous ne gémiriez plus sur votre condition si vous connaissiez le malheur de la mienne. Я затворюсь в стенах сераля, еще более страшных для меня, чем для охраняемых за ними женщин. Я принесу туда все мои подозрения; ласки жен меня не разуверят; в постели, в их объятиях я буду испытывать только тревогу; мой ревнивый ум будет предаваться размышлениям в мгновения, столь мало для них подходящие. Недостойное отребье человеческой природы, подлые рабы, сердца которых навеки замкнулись для любви, вы бы не жаловались так на свое положение, если бы знали, что я переживаю!
De Paris, le 4 de la lune de Chahban 1719. Из Парижа, месяца Шахбана 4-го дня, 1719 года

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Lettre CLVI. Roxane à Usbek, à Paris/Роксана к Узбеку в Париж

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L'horreur, la nuit et l'épouvante règnent dans le sérail: un deuil affreux l'environne. Un tigre y exerce à chaque instant toute sa rage: il a mis dans les supplices deux eunuques blancs qui n'ont avoué que leur innocence; il a vendu une partie de nos esclaves, et nous a obligées de changer entre nous celles qui nous restaient. Zachi et Zélis ont reçu dans leur chambre, dans l'obscurité de la nuit, un traitement indigne: le sacrilège n'a pas craint de porter sur elles ses viles mains. Il nous tient enfermées chacune dans notre appartement, et quoique nous y soyons seules, il nous y fait vivre sous le voile. Il ne nous est plus permis de nous parler; ce serait un crime de nous écrire; nous n'avons plus rien de libre que les pleurs. Ужас, мрак и отчаяние царят в серале; он погружен в страшное отчаяние. Тигр каждую минуту проявляет здесь свою ярость: он подверг пыткам двух белых евнухов, которым не в чем было признаваться, кроме своей невиновности; он продал часть наших рабынь и заставил нас поменяться оставшимися. Заши и Зели подверглись в своей комнате, под покровом ночи, унизительному наказанию: гнусный нечестивец не побоялся поднять на них свою подлую руку. Он держит нас взаперти в наших комнатах и, хотя мы там одни, принуждает нас носить покрывала. Нам запрещено разговаривать друг с другом; переписываться было бы целым преступлением; нам предоставлено только одно: плакать.
Une troupe de nouveaux eunuques est entrée dans le sérail, où ils nous assiègent nuit et jour: notre sommeil est sans cesse interrompu par leurs méfiances feintes ou véritables. Ce qui me console, c'est que tout ceci ne durera pas longtemps, et que ces peines finiront avec ma vie. Elle ne sera pas longue, cruel Usbek: je ne te donnerai pas le temps de faire cesser tous ces outrages. В серале появилось много новых евнухов; они досаждают нам ночью и днем; они беспрестанно прерывают наш сон из-за притворной или действительной тревоги. Меня утешает только то, что все это продлится недолго, что страдания эти окончатся вместе с моей жизнью. А жить мне осталось немного, жестокий Узбек. Я не стану дожидаться, пока ты прекратишь все эти оскорбления.
Du sérail d'Ispahan, le 4 de la lune de Maharram 1720. Из испаганского сераля, месяца Махаррама 2-го дня, 1720 года

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Lettre CLVII. Zachi à Usbek, à Paris/Заши к Узбеку в Париж

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O Ciel! un barbare m'a outragée jusque dans la manière de me punir! Il m'a infligé ce châtiment qui commence par alarmer la pudeur; ce châtiment qui met dans l'humiliation extrême; ce châtiment qui ramène, pour ainsi dire, à l'enfance. О небо! Варвар жестоко оскорбил меня даже самым способом наказания. Он подверг меня тому истязанию, которое вызывает в нас чувство стыда и повергает нас в крайнее унижение, - истязанию, которое возвращает нас, так сказать, к детству.
Mon âme, d'abord anéantie sous la honte, reprenait le sentiment d'elle-même et commençait à s'indigner, lorsque mes cris firent retentir les voûtes de mes appartements. On m'entendit demander grâce au plus vil de tous les humains, et tenter sa pitié, à mesure qu'il était plus inexorable. Сначала я совсем растерялась от стыда, но затем овладела собою и начала было возмущаться, но тут своды покоев огласились моими воплями. Тот, до кого они доносились, слышал, как я просила пощады у подлейшего из людей и взывала о снисхождении, между тем как он становился все неумолимее.
Depuis ce temps, son âme insolente et servile s'est élevée sur la mienne. Sa présence, ses regards, ses paroles, tous les malheurs viennent m'accabler. Quand je suis seule, j'ai du moins la consolation de verser des larmes; mais, lorsqu'il s'offre à ma vue, la fureur me saisit, je la trouve impuissante, et je tombe dans le désespoir. С того времени его наглая и рабская душа подчинила себе мою. Его присутствие, взоры, слова, всевозможные притеснения угнетают меня. Когда я бываю одна, я утешаюсь хоть тем, что проливаю слезы, но стоит мне увидеть его, как я прихожу в ярость, чувствую все ее бессилие и впадаю в отчаяние.
Le tigre ose me dire que tu es l'auteur de toutes ces barbaries. Il voudrait m'ôter mon amour et profaner jusques aux sentiments de mon coeur. Quand il me prononce le nom de celui que j'aime, je ne sais plus me plaindre, et je ne puis plus que mourir. Тигр осмеливается говорить мне, что все эти жестокости исходят от тебя. Ему бы хотелось отнять у меня мою любовь и до самой глубины осквернить мое сердце. Когда он произносит имя того, кого я люблю, мне нечего уже больше жаловаться, остается только умереть.
J'ai soutenu ton absence, et j'ai conservé mon amour par la force de mon amour. Les nuits, les jours, les moments, tout a été pour toi. J'étais superbe de mon amour même, et le tien me faisait respecter ici. Mais à présent... Non, je ne puis plus soutenir l'humiliation où je suis descendue. Si je suis innocente, reviens pour m'aimer. Reviens, si je suis coupable, pour que j'expire à tes pieds. Я переносила твое отсутствие и сохраняла любовь к тебе с помощью ее самой. Все мои ночи, дни, самые мгновения - все принадлежало тебе. Я гордилась своею любовью, а твоя любовь окружала меня здесь уважением. Но теперь... Нет, я не могу больше выносить унижения, до которого меня довели! Если я невинна, вернись, чтобы любить меня. Если я виновна, вернись, чтобы я умерла у ног твоих.
Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram 1720. Из испаганского сераля, месяца Махаррама 2-го дня, 1720 года

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Lettre CLVIII. Zélis à Usbek, à Paris/Зели к Узбеку в Париж

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A mille lieues de moi, vous me jugez coupable; à mille lieues de moi, vous me punissez. Находясь за тысячу миль от меня, ты решаешь, что я виновна; находясь за тысячу миль, ты наказываешь меня.
Qu'un eunuque barbare porte sur moi ses viles mains, il agit par votre ordre. C'est le tyran qui m'outrage, et non pas celui qui exerce la tyrannie. Когда варвар евнух поднимает на меня свою подлую руку, он действует по твоему приказанию. Не тот, кто выполняет приказания тирана, а сам тиран оскорбляет меня.
Vous pouvez, à votre fantaisie, redoubler vos mauvais traitements. Mon coeur est tranquille depuis qu'il ne peut plus vous aimer. Ты можешь, если тебе вздумается, еще хуже обращаться со мной. Сердце мое спокойно с тех пор, как оно не может больше любить тебя.
Votre âme se dégrade, et vous devenez cruel. Soyez sûr que vous n'êtes point heureux. Душа твоя низко пала, и ты становишься жестоким. Будь же уверен, что нет тебе больше счастья!
Adieu. Прощай.
Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram 1720. Из испаганского сераля, месяца Махаррама 2-го дня, 1720 года.

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Lettre CLIX. Solim à Usbek, à Paris/Солим к Узбеку в Париж

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Je me plains, magnifique Seigneur, et je te plains: jamais serviteur fidèle n'est descendu dans l'affreux désespoir où je suis. Voici tes malheurs et les miens. Je ne t'en écris qu'en tremblant. Жалею себя, блистательный повелитель, и жалею тебя: никогда еще ни один верный слуга не доходил до такого жестокого отчаяния, до какого дошел я. Вот в чем твои и мои несчастья. Пишу тебе о них содрогаясь.
Je jure, par tous les prophètes du ciel, que, depuis que tu m'as confié tes femmes, j'ai veillé nuit et jour sur elles; que je n'ai jamais suspendu un moment le cours de mes inquiétudes. J'ai commencé mon ministère par les châtiments, et je les ai suspendus sans sortir de mon austérité naturelle. Клянусь всеми небесными пророками, что с тех пор, как ты доверил мне своих жен, я бодрствовал над ними ночи и дни, ни на мгновение не успокаивался. Я начал свое управление с наказаний, но, и прекратив их, не отрешился от своей природной суровости.
Mais que te dis-je? Pourquoi te vanter ici une fidélité qui t'a été inutile? Oublie tous mes services passés; regarde-moi comme un traître; et punis-moi de tous les crimes que je n'ai pas pu empêcher. Да стоит ли говорить об этом? Зачем хвалиться верностью, которая оказалась бесполезной? Забудь все мои прошлые заслуги; считай меня изменником и накажи за все преступления, которых я не в силах был предотвратить.
Roxane, la superbe Roxane, ô ciel! à qui se fier désormais? Tu soupçonnais Zélis, et tu avais pour Roxane une sécurité entière. Mais sa vertu farouche était une cruelle imposture: c'était le voile de sa perfidie. Je l'ai surprise dans les bras d'un jeune homme, qui, dès qu'il s'est vu découvert, est venu sur moi. Il m'a donné deux coups de poignard. Les eunuques, accourus au bruit, l'ont entouré. Il s'est défendu longtemps, en a blessé plusieurs; il voulait même rentrer dans la chambre, pour mourir, disait-il, aux yeux de Roxane. Mais enfin, il a cédé au nombre, et il est tombé à nos pieds. Роксана, надменная Роксана... О небо! Кому же доверять отныне? Ты подозревал Зели и питал полнейшее доверие к Роксане. Но ее суровая добродетель оказалась коварным притворством: то было лишь покрывало ее вероломства. Я застал ее в объятиях юноши; поняв, что попался, он бросился на меня и нанес мне два удара кинжалом. Сбежавшиеся на шум евнухи окружили его. Он долго защищался, ранил несколько человек и порывался даже вернуться в комнату Роксаны, чтобы, как он говорил, умереть на ее глазах. Но в конце концов не выдержал нашего численного превосходства и пал к нашим ногам.
Je ne sais si j'attendrai, sublime Seigneur, tes ordres sévères: tu as mis ta vengeance en mes mains; je ne dois pas la faire languir. Я, вероятно, не буду дожидаться твоих строгих приказаний, высокий повелитель: ты передал мщение в мои руки. Я не должен откладывать его.
Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rébiab 1, 1720. Из испаганского сераля, месяца Ребиаба 1, 8-го дня, 1720 года

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Lettre CLX. Solim à Usbek, à Paris/Солим к Узбеку в Париж

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J'ai pris mon parti: tous tes malheurs vont disparaître; je vais punir. Я принял решение: твои горести скоро прекратятся, я накажу виновницу.
Je sens déjà une joie secrète; mon âme et la tienne vont s'apaiser: nous allons exterminer le crime, et l'innocence va pâlir. Я уже чувствую тайную радость; наши с тобою души умиротворятся: мы искореним преступление, а невинность устрашится.
O vous qui semblez n'être faites que pour ignorer tous vos sens, et être indignées de vos désirs mêmes, éternelles victimes de la honte et de la pudeur, que ne puis-je vous faire entrer à grands flots dans ce sérail malheureux, pour vous voir étonnées de tout le sang que j'y vais répandre! О вы, для того только, кажется, и созданные, чтобы не познавать собственных своих чувств и возмущаться даже собственными своими желаниями, вы, вечные жертвы позора и стыдливости, почему не могу я загнать вас целыми толпами в этот несчастный сераль, чтобы удивить вас потоками крови, которую я тут пролью!
Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rébiab 1, 1720. Из испаганского сераля, месяца Ребиаба 1, 8-го дня, 1720 года

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Lettre CLXI. Roxane à Usbek, à Paris/Роксана к Узбеку в Париж

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Oui, je t'ai trompé; j'ai séduit tes eunuques; je me suis jouée de ta jalousie; et j'ai su, de ton affreux sérail, faire un lieu de délices et de plaisirs. Да, я изменила тебе: я подкупила твоих евнухов, я насмеялась над твоею ревностью и сумела обратить твой отвратительный сераль в место наслаждений и ликования.
Je vais mourir; le poison va couler dans mes veines. Я скоро умру; скоро яд разольется по моим жилам.
Car que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n'est plus? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges qui ont répandu le plus beau sang du monde. Что мне вообще здесь делать, раз не стало единственного человека, который привязывал меня к жизни? Я умираю, но тень моя отлетает с целою свитой: я только что выслала вперед нечестивых рабов, проливших чистейшую в мире кровь.
Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule pour m'imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs? Как мог ты считать меня настолько легковерной, чтобы думать, будто единственное назначение мое в мире - преклоняться перед твоими прихотями, будто ты имеешь право подавлять все мои желания, в то время как ты все себе позволяешь?
Non: j'ai pu vivre dans la servitude, mais j'ai toujours été libre: j'ai réformé tes lois sur celles de la nature, et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance. Нет! Я жила в неволе, но всегда была свободна: я заменила твои законы законами природы, и ум мой всегда был независим.
Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait; de ce que je me suis abaissée jusqu'à te paraître fidèle; de ce que j'ai lâchement gardé dans mon coeur ce que j'aurais dû faire paraître à toute la terre; enfin, de ce que j'ai profané la vertu, en souffrant qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies. Ты должен бы быть мне благодарным за жертву, которую я тебе приносила: за то, что я унижалась, притворяясь верной тебе, что трусливо скрывала в своем сердце то, что должна была бы открыть всему миру, и, наконец, за то, что я оскверняла добродетель, допуская, чтобы этим именем называли мою покорность твоим причудам.
Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour. Si tu m'avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine. Ты удивлялся, что не находил во мне упоения любовью. Если бы ты знал меня лучше, ты бы догадался по этому о силе моей ненависти к тебе.
Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un coeur comme le mien t'était soumis. Nous étions tous deux heureux: tu me croyais trompée, et je te trompais. Но ты долгое время мог обольщаться приятным сознанием, что сердце, подобное моему, тебе покорно. Мы оба были счастливы: ты думал, что обманываешь меня, а я тебя обманывала.
Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage? Mais c'en est fait: le poison me consume; ma force m'abandonne; la plume me tombe des mains; je sens affaiblir jusqu'à ma haine; je me meurs. Такая речь несомненно удивит тебя. Возможно ли, чтобы, причинив тебе горе, я вдобавок принудила тебя восхищаться моим мужеством? Но все кончено: яд меня пожирает, силы оставляют, перо выпадает из рук; чувствую, что слабею, слабеет даже моя ненависть; я умираю.
Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rébiab 1, 1720. Из испаганского сераля, месяца Ребиаба 1, 8-го дня, 1720 года.

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